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  • : Le blog de Benyounès Bellagnech
  • : Analyse institutionnelle : Théorie et pratique au sein des institutions politiques, éducatives et de recherche. L'implication des individus et des groupes dans la vie politique et sociale.
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3 janvier 2014 5 03 /01 /janvier /2014 13:09

 

Régis Malet, pré-rapporteur, prend à son tour la parole. Il tient d'abord à féliciter M. Valentin Schaepelynck pour cette thèse de doctorat qui prend la forme d'un volume unique, comprenant une table des matières, un texte principal de 445 pages, une bibliographie des auteurs cités de 21 pages.

 


La thèse est particulièrement bien écrite, même si elle est très dense et exigeante sur le plan du travail conceptuel ; elle prend appui sur de très nombreuses ressources, parfaitement maîtrisées : près de 500 références sont recensées dans la bibliographie, en fin d'ouvrage, relevant de différentes disciplines. La thèse s'intéresse à la genèse du courant de l'analyse institutionnelle et elle est organisée en une dizaine de chapitres. M. Valentin Schaepelynck, érudit sur le sujet, retrace dans l'introduction de sa thèse les origines du projet et des impulsions théoriques qui l'ont conduit, d'abord dans le cadre de ses études de philosophie, puis en sciences de l'éducation, à partir de rencontres et d'un intérêt croissant pour la psychothérapie institutionnelle et les rapports entre institutions et politique, à entreprendre une généalogie de ce courant de l'analyse institutionnelle et de ses «  clivages internes  » (p. 15).

 

 

 

C'est donc à ce travail génésique et généalogique à la fois original et utile que s'attelle M. Valentin Schaepelynck, avec un double objectif  assumé d'emblée: montrer, d'une part, que « l'émergence de l'analyse institutionnelle ne peut se comprendre qu'à partir du croisement entre les problématiques de la folie, de la jeunesse, de l'éducation et de l'émancipation politique » et, d’autre part, « que la critique institutionnelle  se double d'une critique en acte, qui démontre que cette clôture des institutions sur les individus n'est pas plus une fatalité que leur adaptation automatique à la norme » (p. 17). 

 


La thèse s'appuie principalement sur un matériau documentaire, composé d'archives, de textes théoriques et de « témoignages », mobilisés continûment mais de façon un peu aléatoire, et sans quand on ait trace les modalités de collecte et de traitement de ce corpus. Une annexe, qui aurait proposé un recensement précis et exhaustif de ces sources, aurait été appréciable, a fortiori dans le cadre d'un projet de connaissance qui s'intéresse aux traces d'un courant de pensée des institutions qui s'est grandement exprimé en actes ; tout comme l'eût été la mise à disposition du lecteur de l'ensemble des témoignages annoncés, collectés pour l'enquête auprès des acteurs de l'histoire de ce courant, et qui constituent un autre matériau précieux sur lequel s'appuie la thèse, mais qui sont un peu dilués dans le texte. Les chapitres s'enchaînent ensuite sans qu'un plan d'exposé soit très clairement annoncé, au-delà de l'ambition généalogique annoncée. Le lecteur cheminera ainsi selon une trame qui se dessine au fil de la lecture, mais on peut regretter ponctuellement ce déficit d'accompagnement, qui rend la lecture parfois difficile, tout autant que le déficit de scansion des enseignements de chaque chapitre, lesquels auraient d'ailleurs pu être rassemblés dans des parties manifestant un souci de structuration qui semble faire un peu défaut.

 


 

Le chapitre 1 retrace l'émergence du courant de la critique institutionnelle dans le contexte des divisions et des fissures du marxisme, et s'intéresse à son apparition dans les années 1960 comme type d'intervention sociale et comme tentative d'invention de nouvelles formes et pratiques institutionnelles porteuses de conceptions alternatives de la relation éducative, du travail social, ou du soin. Le chapitre 2 s'intéresse ensuite à la critique à l'œuvre dans le courant étudié de deux institutions : l'institution scolaire et l'institution asilaire. Ces « mondes fermés » partagent dans leur fonctionnement un même caractère antidémocratique et autoritaire. La psychothérapie institutionnelle va questionner les cadres de la relation thérapeutique dans l'hôpital, en référence à l'aliénation psychique et sociale du sujet, mais en référence aussi à la figure de l'institué, promue pour prévenir d'une réduction de l'institution à une univers contraignant et aliénant. Sur le versant de l'institution scolaire, et entendu comme une traduction de la psychothérapie institutionnelle sur le terrain scolaire (p. 90), c'est la pédagogie institutionnelle qui est ensuite étudiée, émanant au carrefour de la psychiatrie et de l'école. Un peu rapidement eu égard à la spécificité de la thèse, qui s'inscrit dans le champ des sciences de l'éducation, la pédagogie institutionnelle y est décrite comme une critique de l'institution scolaire entreprise à l'intérieur de celle-ci (p. 94). Cette spécification ne tient peut-être pas toutes ses promesses, d'une part du fait d'une entreprise critique qui se signale plus par sa transversalité que par sa spécificité, lorsqu'elle est appliquée à l'institution scolaire ; d'autre part parce que certaines affirmations auraient mérité plus de précision, d'approfondissement et de mise en perspective (p. 93, par exemple, sur la référence allusive aux «  interprétations diverses  » de l'institution scolaire, ou sur la revendication pérenne, selon l'auteur et sans aucun étayage, de la pédagogie institutionnelle...), faute de quoi elles ne permettent pas au lecteur de savoir s'il s'agit d'éléments qui font débat ou bien s'il s'agit seulement de la position de l'auteur énoncée en nom propre.   Dans le troisième chapitre, l'auteur s'intéresse à la critique de la relation pédagogique qui se développera dès le début des années 1960, et en particulier de la pédagogie universitaire. A travers cette critique, ce sont les finalités et les savoirs à l'œuvre dans l'éducation scolaire et supérieure qui sont interrogés, dans leurs qualités aliénantes et de domination sociale. L'université apparaît aussi comme le théâtre d'un rapprochement fécond entre la psychothérapie et la pédagogie institutionnelles, au cours des années 1960, l'analyse institutionnelle devenant l'embrayeur conceptuel et analytique permettant de rapprocher ce qui, dans l'espace social, s'expose de façon séparée (p. 121).

 


Les chapitres suivants (4, 5 et 6) isolent la question des conflits du clinique et du politique, du « dedans » et du « dehors » puis l'œuvre de Guattari, qui favorise le passage de la transversalité à l'analyse institutionnelle, puis celle de Lapassade (dont les apports pour le courant feront ensuite l'objet d'un investissement spécifique - Chapitre 8), avec le processus de diffusion et de réappropriation de la psychologie. Le chapitre 9, final, s'intéresse à la norme adulte et à ses critiques et, en conclusion, l'auteur ramasse enfin « ce qu'il reste » de l'analyse institutionnelle, investissement un peu tardif de l'examen des résidus, entendus en somme comme traces d'émergence. Régis Malet propose à M. Valentin Schaepelynck de préciser certains aspects méthodologiques de son travail – le choix, l'usage, le traitement et la mise à disposition de ces traces de la genèse du courant de l'AI –, et de s'exprimer sur ses « résidus » et sur « ce qu'il reste  » de l'analyse institutionnelle lorsque qu'elle ne se prend pas elle-même pour objet, et, notamment, lorsqu'elle met au travail son entreprise critique dans l'institution scolaire.

 

 


M. Valentin Schaepelynck prend en charge avec beaucoup de rigueur et réagit de façon très éclairante aux remarques et questions qui lui sont proposées. Il révèle une vraie envergure intellectuelle et une capacité très louable à mettre en perspective et à défendre son travail de façon claire et constructive. Témoignant en actes de ce que l'activité de chercheur est appelée à déployer à la fois de fermeté et de disposition à la dispute scientifique. Régis Malet dit sa satisfaction et son grand intérêt à la lecture de cette thèse et à la rencontre avec son auteur  – pour un travail important, original et utile de mobilisation, de capitalisation et de passation dédié à la genèse du courant de l'analyse institutionnelle.

 

 

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2 janvier 2014 4 02 /01 /janvier /2014 10:25

 

Prenant ensuite la parole en tant que directeur de recherche, Remi Hess dit sa satisfaction de voir arriver à soutenance cette thèse de Valentin Schaepelynck. En effet, ce moment de soutenance s’inscrit dans un mouvement de recherche de l’impétrant sur l’analyse institutionnelle qui remonte à loin. R. Hess dit connaître Valentin Schaepelynck depuis plus de quinze années, celui-ci ayant partagé les années de lycée et d’études de philosophie de Charlotte Hess, sa fille. L’amitié de Valentin et Charlotte a d’ailleurs été, très tôt, singulièrement productive. Ensemble, ils ont animé Zones d’attraction, une émission de philosophie régulière sur Radio libertaire, émission dans laquelle R. Hess fut invité à la suite d’Alain Badiou, Jacques Rancière et beaucoup d’autres philosophes ou penseurs critiques contemporains français ou étrangers comme Toni Negri ou Judith Butler. Ensemble, ils ont travaillé à l’organisation des « évadés du bocal », un festival alternatif sur les conditions de la folie. Dans ce cadre, ils ont exploré la psychothérapie institutionnelle, mais aussi la pédagogie institutionnelle, invitant des praticiens à se confronter aux théoriciens de ces mouvements. Ensemble, ils ont aussi produit sur ce thème pour France-Culture…

 

Les échanges intellectuels entre Remi Hess et Valentin Schaepelynck furent donc d’abord informels. R. Hess appréciait que Valentin soit germaniste, et qu’à l’occasion de son DEA de philosophie, il ait traduit Ernst Cassirer. S’il a été étudiant à Nanterre, Valentin Schaepelynck étudiait principalement à Paris 8. On lui proposa de se faire recruter comme BIATOS à Paris 8 et d’assurer le secrétariat du conseil scientifique à l’époque du début de la vice-présidence d’Elisabeth Bautier. Ensuite, il travailla comme correcteur aux Presses universitaires de Vincennes, où il a laissé une image de grande efficacité.

 

Depuis le début des années 2000, Valentin était un lecteur assidu de G. Deleuze et F. Guattari, mais aussi de nombreux autres auteurs, notamment nord-américains. Parallèlement, il participait à de nombreuses activités du département des sciences de l’éducation de Paris 8. Il communiqua dans des colloques sur Henri Lefebvre, participa au colloque sur « Groupe, organisation, institution » en 2005, ou aux colloques sur G. Lapassade en 2008 et 2009. Il  a connu G. Althabe, compagnon de route des institutionnalistes vincennois ; de 2000 à 2008, il fréquentait G. Lapassade. Il suivait le travail de la revue d’AI : les IrrAIductibles.

 

En 2008, à la mort de G. Lapassade, se posait la question de l’après de l’analyse institutionnelle sur le terrain de l’université. Ce mouvement mondialement connu et qui avait tant stimulé de recherches aussi bien théoriques que pratiques en Europe, en Afrique, en Amérique latine, voire en Asie… aurait-il encore une place dans les sciences de l’éducation françaises ? C’est dans ce contexte que R. Hess proposa à Valentin de s’inscrire en thèse sous sa direction, pour explorer les relations entre le courant psychothérapique et le courant d’autogestion pédagogique universitaire de l’analyse institutionnelle qui avaient été à l’origine d’une dynamique productive, notamment à Paris 8 avec l’école de Vincennes. Ce dernier courant, avec sa composante sociologique d’intervention, était solidement implanté depuis 1973 en sciences de l’éducation. Après la thèse passionnante, mais très locale de Benouynès Bellagnech, il était nécessaire de produire un travail philosophique plus distancé sur ce courant de pensée. La formation transversale de Valentin Schaepelynck, son ancrage à la fois dans le groupe de la revue Chimères et celui des irrAIductibles (dont il devint rédacteur en chef à la suite de R. Hess) l’impliquaient d’une manière originale pour revisiter cette mouvance institutionnaliste. Refusant la ritournelle – comme aurait dit G. Lapassade (la ritournelle est le fait de répéter sans cesse la même histoire de notre mouvement) –,  Valentin Schaepelynck décida de revisiter, en érudit, les années fondatrices de ce courant. Le mémoire que présente aujourd’hui Valentin Schaepelynck, une fois édité, fera autorité dans notre école de pensée. Par ce travail, l’impétrant s’inscrit comme celui qui va reprendre le flambeau, après G. Lapassade, R. Lourau et aujourd’hui R. Hess lui-même.

 

Ce que R. Hess veut encore souligner, c’est que pendant les deux années où Valentin a été ATER dans le département, il a assuré des cours très appréciés des étudiants, dans lesquels il mettait à leur portée les résultats de son enquête qui ne fut pas seulement livresque, mais très concrète, allant sur différents terrains (la clinique de La Borde, par exemple), où il rassemblait des éléments d’information qu’il savait faire dialoguer avec ses lectures et son travail d’archives.

 

Pour R. Hess, ce chantier ouvert par Valentin Schaepelynck est un work in progress. Quand on a vécu les années 1960 comme acteur, on est stupéfait qu’un jeune né en 1978 puisse avoir acquis une telle maîtrise du contexte des débats de l’époque par l’érudition et l’enquête auprès des acteurs. Après cette thèse portant sur les années 1960, et donc sur la première génération d’institutionnalistes, il conviendra, pense R. Hess, de continuer avec les années 1970, qui correspondent au moment de l’internationalisation (traductions et interventions) du mouvement.

 

Durant tout le temps de l’écriture de sa thèse, Valentin Schaepelynck a été associé au programme de recherche franco-allemand sur « le moment interculturel dans les biographies », piloté par les universités de Francfort, Karlsruhe et Paris 8, dont les résultats ont été publiés en allemand et en français et présentés à Cologne cette année. Stefan Hessel, Alfred Grosser et la maire de Cologne ont participé à ce groupe de recherche… Valentin Schaepelynck est aussi branché sur le Portugal et est invité à participer au congrès mondial sur les groupes opératifs (Chili, août 2014) pour y représenter le courant français de l’analyse institutionnelle…

 

Le travail sur l’histoire des années 1970 sera facilité par le chantier de rangement et de classement des archives (14 m3) léguées par G. Lapassade à R. Hess et qui ont été déposées à Sainte Gemme, ferme champenoise dont la rénovation a permis l’accueil de groupes, travaillant dans une bibliothèque de 12 000 livres, et rassemblant les bibliothèques et archives de plusieurs pionniers de l’analyse institutionnelle. Avec Luca Paltrinieri et quelques autres, Valentin Schaepelynck a souvent été, aux beaux jours, un animateur de ce lieu. C’est lui qui va coordonner le dépouillement des archives Lapassade, avec un groupe de doctorants volontaires. Ces archives uniques permettront aussi de revisiter le moment de la création du centre expérimental de Vincennes, puis l’institutionnalisation de Paris 8 à Saint-Denis. La compétence de Valentin en matière d’édition permettra d’accélérer le programme de publication des inédits de G. Lapassade et de nombreux institutionnalistes.

 

Valentin Schaepelynck a la vocation de publier ce travail de thèse sous une forme ou sous une autre. Son rôle fédérateur entre plusieurs générations, entre plusieurs mouvances, entre plusieurs sensibilités intellectuelles et plusieurs disciplines, lui permet d’être chez lui en sciences de l’éducation, mais aussi de pouvoir intervenir en interface avec plusieurs disciplines. Cette riche transversalité apparaît d’ailleurs bien dans ce moment de soutenance, puisque parmi les 80 personnes qui assistent à la soutenance de cette thèse, on peut identifier les nombreuses communautés de référence de Valentin Schaepelynck : deux participants appartiennent à la génération des pionniers de l’analyse institutionnelle (Michel Lobrot et Anne Querrien), d’autres à la seconde génération comme Patrice Ville, Lucette Colin, Christiane Gillon, Catherine Sarrail (dans cette génération, Michel Blondeau a écrit pour dire qu’il aurait voulu être là, mais que son état de santé lui a interdit le voyage). Sont aussi présents de très nombreux représentants des nouvelles générations de l’analyse institutionnelle (Salvatore Panu, Sandrine Deulceux, Saädia Hatif, Déborah Gentès, Philippe Lenice, Camille Rabineau)… Il y a aussi le laboratoire Experice, représenté par des enseignants (Didier Moreau, Jean-Louis Le Grand, Nicole Blondeau, Martine Bodineau), mais aussi des doctorants ou post-doctorants (Katia Mendez, Anne Olivier, Laurence Gourdon, Léocadie Ngo Mbous)  ; des membres de l’équipe pédagogique de sciences de l’éducation de l’Institut d’enseignement à distance où a enseigné Valentin Schaepelynck (Swan Bellele, Anne-Claire Cormery, Bertrand Crépeau), plusieurs membres du séminaire d’épistémologie de Luca Paltrinieri à l’ENS où Valentin a présenté ses recherches sur Lapassade et Althusser… Le service de la recherche est représenté par Annick Clain qui fut la directrice administrative de Valentin. L’association Mordida est représentée par Véronique Dupont (elle précéda Valentin Schaepelynck au secrétariat du conseil scientifique de Paris 8)… Il y a aussi les membres de sa famille, ses amis… R. Hess sent, dans cette salle, le même climat de vie intellectuelle que le jour de la soutenance de thèse de Louis Althusser à Amiens, où il assistait en compagnie de G. Lapassade et Joseph Gabel…

 

R. Hess souhaite que Valentin Schapelynck puisse porter plus avant l’héritage de ces quarante années d’implication dans la recherche, d’intervention sociale et de pédagogie autogérée à Paris 8.

 

 

En conclusion, R. Hess dit son bonheur d’avoir pu partager avec Valentin ces cinq années intenses de recherche.

 

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1 janvier 2014 3 01 /01 /janvier /2014 15:10

 

Rapport de soutenance de la thèse de

Doctorat en Sciences de l'Éducation

de Monsieur Valentin Schaepelynck

 

 

 

Une critique en actes des institutions : émergence et résidus
de l’analyse institutionnelle dans les années 1960

 


Université Paris VIII Saint-Denis, mercredi 11 décembre 2013

(Laboratoire Experice, ED : Sciences sociales)

 

 

devant un jury composé de :

 

- M. Remi Hess, Professeur, Université Paris 8, directeur de recherche

- M. Régis Malet, Professeur, Université Bordeaux IV Montesquieu, rapporteur

- Mme Barbara Michel, Professeur, Université Pierre Mendès-France Grenoble 3

- M. Pascal Nicolas-le-Strat, MCF HDR, Université Montpellier III

- M. Jean-Yves Rochex, Professeur, Université Paris 8, Président du jury.

 

 

NB : Mme Gabrielle Weigand, Professeur, Université de Karlsruhe, rapporteur, souffrante, n’a pu participer à la soutenance, mais a envoyé un texte qui a été lu par le Président du jury et a été intégré au présent rapport.

 

Monsieur Valentin Schaepelynck présente son travail en un exposé synthétique, clair et précis. Cette thèse vise à saisir l’émergence de l’analyse institutionnelle (AI) dans les années 1960, non seulement en tant que courant ou mouvement de pensée, avec ses auteurs, ses concepts et ses ouvrages fondateurs, mais aussi et surtout en tant qu’elle se propose comme un mode particulier de problématisation critique des institutions. En effet, quand bien même elle est effectuée à l’aide d’intervenants extérieurs, l’analyse institutionnelle vise en réalité à favoriser la réappropriation de l’analyse de l’institution par ses protagonistes. De ce point de vue, on peut dire qu’elle vise une dé-spécialisation de l’analyse sociale, et parie sur l’intelligence et sur la disposition critique des acteurs sociaux. Comme indiqué dans le titre de ce travail, le type de critique institutionnel dans l’AI est une « critique en acte ». Cette expression implique notamment que la critique en question ne se déploie pas seulement dans la modalité d’une théorie critique des institutions, au sens d’une déconstruction informée et rationnelle des formes sociales établies ou des mécanismes de domination, mais d’une pensée qui ambitionnerait plutôt pour elle-même une performativité particulière, d’une pensée agissante, qui en quelque sorte relie l’intelligibilité des phénomènes sociaux à leur dérangement, à la déstabilisation de leurs routines instituées. Mais du coup, s’il y a critique en acte, saisir son projet suppose d’aller à la rencontre de toute une série de trames, de narrations, d’événements, qui relèvent  pour une part davantage du spectacle vivant et des scènes du social que du livre et du silence de la bibliothèque.

 


Le caractère toujours ouvert de l’AI a conduit le candidat à s’inscrire dans la continuité du questionnement posé par G. Weigand s’interrogeant, à la fin des années 1980, sur l’existence ou non d’un paradigme de l’AI. Il a donc décidé de donner à voir et d’analyser l’émergence d’une problématisation particulière et critique des institutions, dont la pluralité d’approches était présente dès le début, dans les années 60. Il a donc choisi dans son titre, de souligner la pluralité de ces émergences, entre psychothérapie et pédagogie institutionnelles. Visant à dégager une approche conceptuelle de l’institution ou une contribution à une élaboration du concept d’institution, il fallait restituer ce moment des années 1960 comme un moment de croisement tout à fait singulier. Il s’agissait d’entrer plus précisément, et d’une manière socio-historique, dans la fabrique de l’analyse institutionnelle, dans celle de concepts comme ceux de goupe-sujet, d’analyseur ou d’instituant, qui semblent réfracter toujours non seulement une certaine logique et une dialectique des concepts mais aussi une certaine dialectique de la pratique. Dans une certaine mesure, le candidat a cherché à appliquer à l’AI ce que Dietrich Heiner, pour interpréter la première phase de l’idéalisme allemand, appelle une constellation philosophique, à savoir « un ensemble dense de personnes, idées, théories, problèmes ou documents en interaction les uns avec les autres », qui implique que seule « l’analyse de cet ensemble, et non celle de ses composantes isolées, rend possible la compréhension des effets philosophiques et du devenir philosophique de ces personnes, idées et théories ». En se concentrant sur les figures, en quelque sorte fondatrices, de F. Guattari et de G. Lapassade, il ne s’agissait pas de proposer une sorte de monographie de ces auteurs, mais de montrer de quelle manière ils ont été eux-mêmes les noms d’une interaction avec un certain contexte socio-historique dans lequel ils se trouvent inscrits et fortement impliqués.

 


 

C’est donc une interaction particulière entre théorie et pratique, entre concept et intervention clinique et entre clinique et implication politique, qu’il s’est agi de saisir. Cela signifie que dans cette traversée, les témoignages ont du être traités à égalité avec les écrits conceptuels, et que, du point de vue de l’analyse du corpus, il ne pouvait être traité de certains développements conceptuels sans en référer au récit d’une expérience, ce qui n’impliquait évidemment pas de prendre pour argent comptant les multiples narrations produites sur elle-même par l’AI et par ses protagonistes.

 

 

 

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6 novembre 2012 2 06 /11 /novembre /2012 19:09

Bonjour, 

 

Ci-dessous l'annonce de ma soutenance de thèse et les informations utiles à ce sujet, pour préciser dans le même temps que toute personne intéressée est la bienvenue !

 

Cordialement

 

 

Steven Prigent



L’émancipation des galopins.

Une ethnologie du développement de l’enfant dans un village de riziculteurs cambodgien (2007-2012)

 

 

Sous la direction d’Yves Goudineau (EFEO, EHESS-CASE)

 



Sera soutenue publiquement le lundi 12 novembre 2012 à 14h

EHESS, Bâtiment Le France, 190 Avenue de France - 75013  Paris, salle 638 (6ème étage)

 

 

Composition du jury :


Julie Delalande, Professeure, Université de Caen



Yves Goudineau, Directeur d’études, EFEO, EHESS-CASE


Anne Guillou, Chargée de recherche, CNRS


Odile Journet-Diallo, Directeur d’études, EPHE


Richard Pottier, Professeur émérite, Paris Descartes, SHS-Sorbonne


Richard Rechtman, Directeur d’études, EHESS

 



Résumé :


A partir d’une ethnographie menée durant trois années passées au Cambodge, ce travail étudie les expériences socialisantes de l’âge enfantin dans un village de riziculteurs situé au Sud-Est du Cambodge. A Cheung Kok, comment peut-on définir le statut d’enfant, cette position de l’âge dans l’organisation sociale ? Comment les enfants sont-ils pris en charge ? Comment les parents interprètent certains de leurs comportements? Plus largement, quelles sont les valeurs et les pratiques éducatives exprimées dans ce village ? Quel est l’emploi du temps quotidien et saisonnier d’un garçon et d’une fille ? Que font et que racontent les enfants lorsqu’ils sont entre eux ? A quoi jouent-ils et comment jouent-ils ?

 


Cette ethnologie du développement de l’enfant menée en milieu rural cambodgien cherche à traduire le «sentiment de l’enfance » (Ariès, 1973) qui y est véhiculé, tout en s’enracinant dans le socle théorique et méthodologique de ce champ de la recherche qu’est l’anthropologie de l’enfance.

 


Néanmoins, l’ethnographie permet aussi de remarquer que depuis la fin des années 1990, un certain «sentiment de l’enfance » libéral et démocratique est impulsé dans l’organisation sociale locale. Celui-ci peut être identifié à partir de quatre vecteurs : la société de consommation, la Convention internationale des droits de l’enfant, la cour de récréation, la pédagogie dite « child centered ».

 


Cette étude témoigne d’un processus de changement social, provoqué par la confrontation de ces deux sentiments de l’enfance, l’un local, l’autre global.

 

 

Nous essayons de comprendre en quoi l’importation du second participe d’une émancipation enfantine du statut de cadet, et permet peut-être par là une plus grande possibilité d’expression de l’« horizontalité » de l’âge enfantin dans l’organisation sociale locale contemporaine.

 

 

Mots-clefs :

 

Cambodge rural, enfance, socialisation, jeux, changement social

 

Laboratoire de rattachement : Centre Asie du Sud-Est, CNRS-EHESS


 

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11 décembre 2011 7 11 /12 /décembre /2011 15:43

Compte-rendu de réunion : le 6 décembre 2011 (6ème réunion)

 

 

Personnes présentes à la réunion : Remi HESS, Malika NEGADI, Ghania LASSOUANI, Faouzi MAZOUZ, Christine CAILLE, Katia MENDEZ, Vasiliki KONTOGIORGI, Sahila EL MANNANY, Daniel ROBIN, Florence ALLOUCHE, Sarah CHARBIT, Hugues AGOINON, Djaafar IKDOUMI, Camille RABINEAU.

 

Objectifs de la réunion :

 

- Lecture, commentaires et corrections des textes d’autoprésentation des étudiants, pour le n°15.

 - Discussion autour du thème de la crise de l’université (numéro suivant celui sur L’autoprésentation d’Experice).

 

Organisation des prochaines réunions :

 

Un point sur cette organisation est nécessaire. En effet, de nombreux étudiants ont produit des textes mais n’ont pas eu de retour, et ce, pour la raison suivante :

- Pour l’instant, le comité de rédaction va se concentrer sur ces deux numéros en préparation (autoprésentation et crise de l’université).

- Les étudiants qui souhaitent travailler sur les autres numéros peuvent donc continuer leurs recherches et leurs articles mais pour l’instant, nous préférons nous fixer sur ces deux numéros.

 

La semaine dernière, il n’y a pas eu de compte-rendu car la réunion fut assez courte, notamment parce qu’il y a eu l’intervention d’Ornéla, artiste institutionnaliste italienne, chorégraphe et danseuse, amie de Lapassade.

 

 

AUTOPRESENTATION du Laboratoire Experice

 

Texte de Malika :

 

- Modification de la dernière partie car le projet de recherche a évolué.

- Suppression de quelques passages pour recentrer sur le choix d’être venue à Experice.

 

Texte de Philippe : n’étant pas présent, le texte a été survolé :

 

- Pas assez centré sur le projet à Experice.

- Texte trop long.

 

Texte de Camille :

 

- Changement du titre : «Le désir de penser l’institution »

- Intercaler des intertitres pour aérer le texte

 

Texte de Ghania :

 

- Citations des articles : respecter les règles de citation (L’actualité éducative)

- Bonne longueur mais rajouter des intertitres

- Les trois changements de projet de recherche doivent apparaitre dans le texte (c’est intéressant de voir que le master fait bouleverser les itinéraires)

 

Texte de Malik : étudiant en ligne

 

- Bonne idée de reprendre les différents textes de présentation qui ont déjà été produits.

- Quelques répétitions que l’on peut éviter.

- Remi Hess va se charger de restructurer le texte.

 

Texte de Yann Strauss :

 

- Bon texte qui montre le mouvement de l’ETLV.

- Texte intéressant car il situe le contexte et la problématique de recherche

- Réflexion sur la vie et la mort très intéressante.

- Critique faite : il faudrait aérer le texte en ajoutant des intertitres notamment + supprimer quelques passages pour que le texte ait une longueur de 4-5 pages environ.

 

Texte de Djaafar :

 

- Texte trop long qui n’est pas assez centré (certains passages sur l’enfance sont hors-sujet)

- On sent bien les différents moments de conscientisation.

- Idée géniale de « La recherche pour thérapie ».

- Recentrer sur la dernière partie du texte : l’université comme espace d’accompagnement pédagogique.

 

Christine CAILLE (coordinatrice du numéro avec Philippe WALQUEMANE) a reçu d’autres autoprésentations qui seront prochainement envoyées en version numérique à chacun.

 

- Nous arrivons donc à un total de 13 autoprésentations.

 

Lucette Colin est en train de faire un bilan de l’Axe C d’Experice. Les enseignants de l’Axe A et B sont également d’accord pour présenter leur travail.

Patrice Ville s’est proposé pour faire un texte sur son intervention au Brésil.

Valentin Schaepelynck va mener un entretien avec Remi Hess et Gilles Brougère sur la présentation d’Experice.

 

LA CRISE DE L’UNIVERSITE

Remi Hess nous a fait part de deux réunions des enseignants Experice (Paris 8 / Paris 13). On s’est mis d’accord sur le fait que ce numéro doit être traité après celui de l’autoprésentation.

Les enseignants sont enthousiastes à l’idée d’un numéro sur ce thème.

La crise de l’université = problème de structure.

 

- La gouvernance de l’université voudrait qu’il n’y ait qu’un labo de sciences de l’éducation à Paris 8. La gouvernance refuse que l’on travaille avec Paris 13, car le président de Paris 8 n’aime pas le président de Paris 13. Experice doit tenir compte de ce point de vue (condition pour qu’un des postes de professeur qui doit être remplacé suite à un départ en retraite ne soit pas supprimé). Donc, il ne faudrait plus de partenariat Paris 8 / Paris 13. Ce caprice du président remet en cause une collaboration étroite entre 20 enseignants. C’est absurde.

 

- Plusieurs autres départements sont en crise avec cette gouvernance : philosophie, sciences politiques = ce serait peut-être intéressant d’aller à leur rencontre, de faire des enquêtes systématiques sur tous les départements marginalisés par la présidence actuelle ?

 

Présentation du numéro :

- 1ère partie : monographie sur les problèmes de l’université = pourquoi ça ne marche pas à Paris 8 ?

- 2ème partie : les problèmes de l’université en général qui est victime de la technocratie.

- On propose que Valentin Schaepelynck soit coordinateur du numéro s’il est d’accord.

 

QUESTIONS DIVERSES :

Il faudrait que l’on réfléchisse aux autres rubriques que les dossiers. Ainsi, il faudrait que quelqu’un prenne en charge les comptes-rendus de livres.

Il y a aussi une rubrique « Colloques » à gérer. 3 M1 vont passer la fin de semaine au colloque de Liaison sociale, organisé à Marseille. Elles ont promis d’en faire un compte-rendu.

PRESENTATION DU FORUM

Blanche Petersen a fait un travail remarquable en créant un nouveau forum des irrAIductibles. J’encourage donc toutes les personnes qui ont reçu une inscription d’aller y faire un tour. Je vais d’ici peu y mettre en ligne les comptes rendus qui ont déjà été faits.

En revanche, il serait peut-être intéressant de récupérer les adresses mails des étudiants en ligne qui souhaiteraient s’investir dans les irrAIductibles. L’utilisation du forum pourrait leur permettre de se sentir moins isolés d’où l’importance de s’en saisir !

Objectif de la prochaine réunion :

Les étudiants présents aux réunions sont invités à lire les différents textes d’autoprésentation qui n’ont pas encore été discutés en réunion. Christine Caille va envoyer les différents textes qu’elle a reçus depuis. Ainsi, cela permettra d’être plus efficace à la prochaine réunion.

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8 décembre 2011 4 08 /12 /décembre /2011 10:16

Avis de soutenance de Joël XAVIER 


Voici un résumé court de thèse :


La Télévision, une médiamorphose de la réalité

Images et construction d'un regard critique de la monstration télévisuelle

"Si la télévision est une « montreuse d’images », celles-ci sont souvent assimilées à la réalité. Que devient alors cette dernière une fois transformée en images de télévision ? Cela implique-t-il que la réalité se réduit au visible ? Et d’abord, de quelle réalité parle-t-on ? « Le médium, c’est le message » disait Mac LUHAN. Peut-être sera-t-il opportun, avant de répondre à ces questions qui semblent, de prime abord, uniquement liées aux contenus télévisuels, de se pencher sur le médium lui-même. Car les effets avérés du petit écran sur le cerveau humain ne sont pas négligeables. Notamment quand il s’agit de jeunes enfants placés très précocement face à l’écran. Mais la télévision et l’image, de manière générale, peuvent se révéler des atouts éducatifs (sans doute encore trop inexplorés) si l’on sait tenir compte des différents paramètres.

C’est pourquoi, s’ouvrir sur la diversité des discours sur la télévision permet d’en saisir les mécanismes et les effets. Et pour prendre la mesure du pouvoir de l’image mouvante dans l’hétérogénéité des genres télévisuels d’aujourd’hui, il est impératif de se référer à l’Histoire de l’Art pour comprendre, dans le temps, notre rapport à l’image dans son sens le plus large. Car dorénavant, d’un côté, la technologie nous permet d’accéder à plus d’informations ; de l’autre, certaines de ces informations sont à l’origine de stéréotypes qui, par le biais du réalisme télévisuel dépassent une réalité. Mais la réception n’en demeure pas moins hétérogène et ce fait doit attirer notre attention."


Bonne soirée.


Joël Xavier

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8 octobre 2011 6 08 /10 /octobre /2011 14:25

Implication et dispositifs pédagogiques

 

Le passage de la légitimation à l’autorisation permet la construction du projet de vie, où l’être se manifeste comme porteur d’un projet implié (1), comme le nomme René Barbier. S’autoriser suppose un degré d’autonomie permettant la formation, dans le sens de se donner sa propre forme et d’en avoir conscience. L’autonomie émancipatoire, conçue et âprement vécue par le sujet, est celle qui prend en charge le problème de l’autorité, comme l’a bien expliqué dans ses analyses J. Ardoino. Donc autonomie et autorisation comme piliers d’une éducation qui vise à l’épanouissement conscient de l’être.

L’élaboration de l’autorisation noétique, comme l’a bien exposé dans sa thèse Joëlle Macrez, prend tout son sens lorsqu'on la place dans le cadre de l’éducation. « L'éducation c'est permettre au processus interne de la fonction noétique de progresser sans cesse vers une ouverture de la conscience afin que l'être humain puisse atteindre son plus haut degré de réalisation » (2).

Le sens donné par Jacques Ardoino au concept d’autorisation met au centre la conscience humaine. L’autorisation suppose un sujet autonome, on ne peut s’autoriser qu’en pleine autonomie. Mais elle suppose aussi le dépassement du conflit avec l’autorité.

« Autoriser c'est proprement donner autorité, c'est à dire reconnaître à quelqu'un la faculté, le droit, le pouvoir de faire légitimement quelque chose et lui permettre, ainsi, de l'accomplir» (3).

 

L’autobiographie, le récit de soi, les histoires de vie, sont conçus comme interface entre l’individu et le social et nous aident à saisir les moyens d’intervention dans la visée d’une éducation spirituelle. L’approche autobiographique traverse, structure et investit les dynamiques de formation et d’apprentissage.

Il s’agit une catégorie de l’expérience qui permet à l’individu, dans les conditions de son inscription socio-historique, d’intégrer, de structurer, d’interpréter les situations et les événements de son vécu. Par ce dispositif pédagogique, l’homme écrit sa vie dans un cadre de structuration et de signification de l’expérience par lequel l’individu se donne une figure dans le temps, c’est-à-dire une histoire qu’il rapporte à un soi-même. Le récit concerne la parole de soi comme procès d’individualisation. On est dans l’ordre d’une philosophie de l’humanité, la Bildung (4) : pratique de l’éducation de soi, où un souci de développement intérieur, qui désigne toute situation, tout événement comme l’occasion d’une expérience de soi et d’un retour réflexif sur soi-même, dans la visée d’un perfectionnement et d’une complétude de l’être.

On tente l’individualisation des approches éducatives les plus cohérentes avec la visée de l’exploration et la découverte de soi.

Dans la théorie des moments de H. Lefebvre, élaboré par Remi Hess, le sujet opère un détachement nécessaire de l’objet, s’en distançant dans un aller-retour régressif/progressif.

Le journal est sûrement l’instrument le plus proche à la réalisation d’un parcours à la portée de tout éducateur. C’est un petit et précieux moyen de compréhension de l’action, développé et construit dans le processus du quotidien. C’est au journal que j’ai demandé de raconter la pratique de recherche dans l’école et à mon contre-journal de témoigner du non-dit des problématiques existentielles émergeantes pendant les interventions.

Parmi les dispositifs aptes à déclencher des véritables changements dans l’approche éducative, l’improvisation est celle qui permet de troubler l'ordre inconscient des systèmes socio-mentaux qui nous régissent, notamment les structures liées réciproquement dans ce que Max Pages nomme un système socio-mental. « L’improvisation est liée au concept d’autorisation : improviser c'est commencer à être son propre auteur (5) ».

J’ai voulu approfondir les relations existantes entre la pratique de l’improvisation en éducation, les effets de réalisation du potentiel humain et la dimension spirituelle de la relation pédagogique. J’ai questionné un praticien de l’improvisation : Salvatore Panu, musicien et éducateur qui pratique l’autogestion pédagogique dont moi-même j’ai pu faire l’expérience. Par le biais de l’éducation musicale, qui représente un champ d’action pratique où les éléments de l’écoute et de l’attention se fondent, on a essayé d’éclaircir la place de spiritualité au sein de la pratique éducative et de la relation maître-élève. Ce chemin pédagogique induit la liberté réelle dont parle Krishnamurti, concept clé d’une « pédagogie de la libération ». L’improvisation y est comprise. Surgit de cette conversation l’élément de l’empathie comme un moment de vibration en commun, de bonne résonance entre maître et élève L’improvisation est donc un dispositif d’apprentissage qui peut réussir à engendrer l’empathie entre maître et élèves dans une posture d’écoute sensible réciproque.

Approches plurielles en éducation

La voie transdisciplinaire a été ouverte par Edgar Morin, qui a perçu l'origine de l'erreur dans l'absence de la dimension complexe (6) dans la pensée pédagogique dominante. Ce n'est qu'en tenant compte du fait qu’un système éducatif est un système complexe que l'on retrouve l'Homme en tant que sujet pensant ; et, comme l'Homme est à son tour un système complexe, on ne peut en tenir compte qu'en considérant aussi la dimension éthique et esthétique de l'Homme (7). L'éducation transdisciplinaire prend en compte la complexité d'un rapport aux savoirs, aux savoirs-faire et aux savoirs-être. Elle nous permet d’imaginer une posture libérée des modèles de références et des préjugés, dans la vie comme dans la relation maître-élève. En éducation, elle est le dispositif parmi lequel on saisit le véritable sens de la relation d’où l’acte créatif surgit tout seul.

Dans l’ "Approche transversale et l'écoute sensible en sciences humaines" (8), René Barbier revendique le droit à l'émotion et à l'affectivité en éducation. L’éducation à la spiritualité laïque trouve ici des retombées pratiques, car il inclut dans cette approche, les dimensions spirituelles, méditatives de l'être humain, tout en acceptant le regard des disciplines scientifiques comme des réflexions philosophiques et artistiques. L’approche transversale est interdisciplinaire, pluridimensionnelle et multiréférentielle.

Dans cette perspective critique et compréhensive, l'éducation est le processus qui exprime la dynamique de la vie intérieure en contact avec le monde extérieur.

Dans l’éducation occidentale, la conscience que le sujet a de lui-même est limitée car construite à partir de processus cognitifs et de perceptions qui séparent, analysent, abstraient. L’approche intellectuelle crée des discriminations, des distinctions et des catégories ; l’éducateur peut aider à ce déconditionnement et peut accompagner l’autre dans une nouvelle représentation de soi comme illimité et relié.

Une approche holistique est lieu de ressources et de renforcement de la personnalité qui construit une représentation unifiée de soi dans l’éloignement d’un monde dont l’évolution s’inscrit davantage dans la séparation et l’atomisation.

Pour présenter la pédagogie d’Orient face à la pédagogie occidentale, il faut souligner la différence radicale de leur démarche : la première dans la pratique et la seconde dans de la théorie. Pour l’oriental, c’est le vécu d’une expérience qui fonde l’approche de la connaissance, c’est lui qui nourrit le véritable travail d’assimilation. En conséquence, il n’y a point de programmation toute faite, d’étiquettes, de systèmes contraignants pour conduire l’apprentissage qui n’est assujetti à aucun préalable, ni exigence de perfection abstraite et théorique. La pédagogie occidentale se fonde par contre sur l’acte d’apprendre, sur la possession d’un bagage intellectuel, souvent verbal et livresque. Cette comparaison est utile pour élargir l’action de connaissance.

L’engagement spirituel se fait dans une implication totale du corps, par un travail sur l’énergie, la respiration et l’alimentation (9) qui constituent la praxis d’une recherche personnelle. Cette énergie volontaire permet de se débarrasser de la culpabilité, des inerties, des craintes, des dépendances, pour parvenir à un sentiment de globalité. Cette orientation se fonde sur une responsabilité individuelle dans la conduite de sa vie. Chacun est entièrement responsable du développement de sa liberté qui passe par la conquête d’une libération intérieure et qui invite à l’action.

Pour ne pas entrer dans l’ordre de la violence symbolique, il faut acquérir le sens du non-agir et du non-attachement, reconnaître le « lâcher-prise » (10) et apprendre à recueillir les événements du monde. Cette orientation n’est pas légitimée et elle est encore marginalisée dans les sphères des sciences de l’éducation.

Le yoga est l’aptitude à diriger le mental exclusivement vers un objet et à soutenir cette direction sans aucune distraction (11). Alors naît la capacité de comprendre l’objet pleinement et de façon correcte. Dans l’état de yoga, les idées préconçues et les produits de l’imagination qui pourraient empêcher ou déformer la compréhension sont maitrisés, réduits ou éliminés.

Si éduquer signifie acquérir le sens de la totalité, il s’agit alors de sortir du système d’opposés de la pensée aristotélicienne : (Dieu ou l’athéisme, le catholicisme ou le bouddhisme, l’hindouisme ou l’hébraïsme) sans recréer des catégories dichotomiques, en apprenant à distinguer la fonction symbolique et mythique inscrite dans le sacré. C’est une sortie du temps linéaire de notre personnalité sociale, et cependant il faut continuer à se manifester à travers elle. C’est une contradiction apparente devant laquelle on est mise.

Il faut partir du présupposé que l’indépendance d’esprit, la créativité, la confiance en soi sont facilitées lorsque l’autocritique et l’auto-évaluation sont considérées comme fondamentales et que l’évaluation par autrui est vue comme secondaire, pour tracer un chemin possible vers l’éducation à la spiritualité laïque. L’apprentissage le plus utile socialement, c’est l’apprentissage des processus d’apprentissage, c’est aussi d’apprendre à rester toujours ouvert à sa propre expérience et à intégrer en soi le processus même du changement.

 

(1) R. Barbier, Formation et projet implié, Lettre à Lara n°1 (Éducation et formation), mardi 14 janvier 2003, http://barbier-rd.nom.fr/journal/article.php3?id_article=54, (11/3/2010)

(2) Joëlle Macrez, L’autorisation noetique "Par quels cheminements peut-on entrer dans un processus d'évolution conduisant vers un plus être ? "

http://www.europsy.org/aft/pg223.html, (13/1/2009)

(3) J. Ardoino, Education et politique. Propos actuels sur l'éducation II, Paris, Gauthier-Villars, 1977.

(4) Christine Delory-Momberger, Biographie et éducation. Figures de l’individu –projet, Paris, Anthropos, 133p.

(5) M. Pages, Systèmes socio-mentaux, Bulletin de Psychologie, Tome XXXIV, 1981 - N~ à 50, p. 589 à 601

(6) M. Ceruti, E. Morin (cur.) : Simplicité et Complexité (suppl. 3/1988 à "50, rue de Varenne"). (Milan: Mondadori 1988) ; pour une revue des aspects pédagogiques v. Basarab Nicolescu : La transdisciplinarité (Paris : Éditions du Rocher, 1996).

(7) M. E. Bergamaschini, G. Del Re, M.C. Speciani, Initiatives transdisciplinaires dans le système éducatif italien,

 http://basarab.nicolescu.perso.sfr.fr/ciret/bulletin/b18/b18c14.htm, (23/3/2011)

(8) René Barbier, L'approche transversale. L'écoute sensible en sciences humaines, Paris, Anthropos, coll. Exploration interculturelle et Sciences sociales, 1997, 322 p.

(9) F. Just Desprairies, D’une inscription occidentale à une approche orientale : un changement dans la représentation de soi, histoire d’un parcours, Pratiques de Formation/Analyses, Université Paris 8, Formation Permanente.

(10) R. Barbier, Introduction, Pratiques de Formation/Analyses, université Paris 8, Formation Permanente

(11) Patañjali, Yoga-Sutras (IIe s. av. J.-C. ?), traduction de Françoise Mazet, « Spiritualités vivantes », Albin Michel, Paris, 1991.

 

Geppina (Guisi) Lumare

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7 octobre 2011 5 07 /10 /octobre /2011 12:27

3 Quelle education pour une spiritualité laïque ?

 

Quelle pédagogie a-t-on adopté en Occident, notamment en Italie, pour faire que les générations qui grandissent bénéficient d’une pleine conscience de soi dans le monde ? Ne risque-t-on pas de confondre la plénitude du terme éducation avec les approches tout à fait scolaires des pédagogies reconnues et certifiées par les modèles institutionnels nationaux  auxquels les programmes académiques se conforment pour former des enseignants réduits au rôle d’instructeurs ?

On essaye dans cette dernière partie de la recherche, de saisir les approches, les méthodologies et les dispositifs éducatifs, que les Sciences de l’Education et la sociologie, notamment la microsociologie scolaire (1), nous mettent à disposition, par l’observation des dynamiques collectives et l’expérimentation pédagogique.

 

Je pars de la conviction qu’on ne peut pas parler d’éducation à la spiritualité si on n’éclaircit pas l’ambiguïté où l’on retombe chaque fois qu’on associe l’éducation à l’enseignement scolaire. De la même manière, on ne peut pas parler d’éducation à la spiritualité chaque fois qu’on associe la spiritualité à la religion, en entendant «enseigner la religion» pour «éduquer à la spiritualité». C’est de cette confusion primaire que je vais mesurer la distance de fond qui sépare une démarche laïque de prise de conscience, de l’acquisition dogmatique des principes d’un credo religieux.

Réfléchir à l’utilité de l’actuel système éducatif occidental nous ramène aux questionnements de Hanna Arendt pour laquelle il faudrait bien comprendre que le rôle de l'école est d'apprendre aux enfants ce qu'est le monde, et non pas leur inculquer l'art de vivre (2).

Peut-on imaginer la mise en place dans le système scolaire, d’un enseignement alternatif à celui religieux, qui ne soit pas de nature didactique comme l’l’histoire des religions ou l’introduction aux religions, mais qui ait pour cible un changement et une véritable prise de conscience des élèves ?

Pour réaliser l’utopie de l’accomplissement d’une éducation laïque et spirituelle, il faut penser à des approches différentes dans la relation éducative, c’est de là que la motivation à l’apprentissage surgit et c’est dans ce contexte relationnel que la connaissance permet un changement individuel, c’est dans un partage communautaire que cela devient un changement générationnel.

Ivan Illich (3) a su saisir clairement les pièges de l’institution éducative dans le monde occidental en nous mettant en garde contre ce système de contrôle de consciences et d’enfermement des jeunes dans des voies sans issues, qui leur nient la possibilité d’aboutir à une vraie connaissance. Ainsi, Krishnamurti est également extrême par rapport à l’utilité de l’instruction qui ne valorise pas la vraie intelligence. Dans le système éducatif, il considère l’intuition comme l’intelligence hautement éveillée qui accompagne la connaissance de soi, la perception aiguë des pensées et des sentiments.

 

Savoir, connaissance et compréhension

 

Un discours sur l’éducation à la spiritualité laïque en Sciences de l’Education suppose deux questions de fond. Qu’est ce que c’est le savoir ? Qu’est ce que c’est un individu ? Il serait utile à la compréhension des moyens de connaissance en éducation d’adopter la vision de Krishnamurti pour distinguer l’image qu’on a de l’autre et l’autre en soi en tant qu’être humain, apprenant, élève, enfant ou adulte.

On ne peut pas réduire l’éducation, qui est compréhensible par plusieurs implications psychologiques, anthropologiques, relationnelles, à son acte de transmission : on est obligé de s’arrêter sur le concept de savoir, comme système de notions, en le distinguant de la connaissance qui comporte la compréhension dans le sens élargi de compréhension totale, dont l’entend Krishnamurti.

La spiritualité est de l’ordre du non-explicable, de ce qu’on n’arrive pas à décrire par les mots, mais qui peut en tous les cas être comprise, à travers une posture différente dans la relation maître-élève, qui tient compte de l’écoute, de l’attention lucide, de la conscience de soi. Les outils de l’éducateur, dans ce cas, ne sont pas les mêmes que pour d’autres enseignements plus techniques.

La question du « sujet » est une question éminemment pédagogique et politique. Elle est dans une société démocratique, au cœur de l’éducation, car on suppose de s’émanciper, à la fois de l’assujettissement théocratique et de l’individualisme marchand pour permettre à chacun d’accéder à la capacité de penser par lui-même, s’associer aux autres.

La réflexion qui surgit le plus naturellement des observations sur le terrain scolaire, est que l’on relève un besoin de formation des enseignants de l’école publique par rapport à des méthodologies d’ouverture à l’écoute. Ils ressentent ce manque mais en même temps ils n’arrivent pas à utiliser pleinement les instruments d’autoformation disponibles par la recherche-action.

 

Inachèvement, autonomie et autorisation

 

On considère le système de l’autogestion pédagogique apte à mettre fin à la séparation entre les dirigeants et les exécutants, entre les gouvernants et les gouvernés, mais comme l’a bien observé G. Lapassade  «  Nous avons été habitués dès l’enfance à considérer ces relations comme des données naturelles, et éternelles, de l’existence sociale. Le rôle de l’école est essentiel pour préparer les hommes à accepter cette organisation de la séparation » (4).

On comprend, dès lors, qu’il faut changer l’école si l’on veut véritablement changer la société.

Jacques Rancière nous permet de remonter à la pensée libertaire de l’éducation de Jacotot qui depuis des siècles reste encore actuelle dans sa conception de la pédagogie. Pour Jacotot, le mythe pédagogique divise l’intelligence en deux : une intelligence supérieure et une intelligence inférieure. Tel sera pour lui le principe de l’abrutissement.

L’abrutisseur pour Jacotot est le savant, éclairé et de bonne foi. Plus il est savant, plus évidente lui apparaît la distance de son savoir à l’ignorance des ignorants (5).

On ne peut pas enseigner la spiritualité parce qu’elle échappe à l’encadrement des programmes scolaires et se révèle dans l’inattendu, elle est de l’ordre d’une connaissance qui amène à la compréhension (com-prendre : prendre avec) et non de l’enseignement et de l’apprentissage. On peut enseigner ce qu’on ignore si l’on émancipe l’élève (6).

L’acte émancipatoire provient de la compréhension, dans un espace laissé libre à l’intuition. L’autonomie de l’intelligence joue son potentiel, et ce processus de connaissance ne connaît pas de fin, il est continuel si l’individu permet à soi-même de s’épanouir en s’élargissant. Georges Lapassade nous a ouvert les portes d’une conception nouvelle par rapport à l’éducation et à l’inachèvement de l’Homme : comment peut-on encore considérer le fait éducatif dans la perspective de la construction, du bâtiment de l’homme adulte ?

Un être inachevé est un être enfin libre d’apprendre sa vie et de construire son histoire un peu plus chaque jour. L’inachèvement c’est la voie de tous les possibles.

La situation pédagogique est un fait complexe, plusieurs dimensions se croisent : l’identité de la personne, celle de l’élève, la dimension groupale de la classe qui fait émerger des dynamiques propres difficilement contrôlables à priori, la dimension organisationnelle et celle institutionnelle.

« La base de l’éducation est le rapport personnel entre un adulte et un être en devenir, qui parvient par lui-même à sa vie et à sa forme » (7). Cette démarche en devenir fait que l’accompagnement pédagogique vise au changement.

Le changement est aussi le but de la méthode de la recherche-action, un changement individuel se produit au cœur de la pratique collective qui déplace le moyen d’affronter le quotidien scolaire.

En pédagogie, le changement est une expérience temporelle, on en ressort avec différentes perceptions de soi. C’est un laboratoire où le sujet se découvre capable d’agir dans l’intérêt personnel comme de la communauté. D’après Piaget (8), le changement est vu dans le moment où le sujet s’aperçoit de son passage de récepteur passif à acteur de la formation de son propre savoir, et il s’aperçoit de s’apercevoir. Cela provoque un choc de foi intolérable, qui engendre plusieurs résistances à ce changement, comme l’analyse la psychanalyse freudienne. Mais du côté phénoménologique, qui représente toujours l’interprétation la plus proche de notre démarche de compréhension, Rogers (9) analyse le changement comme un processus où le sujet tend vers l’autoréalisation parmi une recombinaison continuelle des éléments du soi. L’acceptation de soi-même est le début du changement et si on n’obtient pas, par le monde externe, la confirmation de la perception que l’on a de soi, alors la psychopathologie surgit. De même, selon K.Lewin (10), l’acceptation et la réaction de l’environnement sont les fonctions les plus importantes de la personnalité totale et la névrose intervient quand le sujet est incapable de modifier ses modalités interactives envers l’environnement.

Une approche laïque considère le droit individuel du jeune au développement et à l’autoréalisation contre d’autres prétentions et injonctions sociales qui ne seraient pas justifiées. La relation éducative ne peut pas être le produit de la force ou de la manipulation, dans cette optique elle soigne l’autonomie de l’individu et la met à l’abri de toute imposition idéologique.

Il y a un rapport d’interaction entre l’éducateur et le jeune éduqué, la relation est interchangeable, l’éduqué est objet et sujet de la relation pédagogique et leur rapport est défini par la confiance éducative (11).

Une éducation spirituelle suppose une liberté préalable au raisonnement, c’est la liberté naturelle des valeurs héritées qui s’imposent du passé et qui pour Rousseau, doit se confronter avec l’institution en soi limitative et interdictrice. Cette éducation se base sur le principe d’intuition élaboré par Pestalozzi qui veut que l’on montre à l’enfant les choses avant les mots, que l’on cultive ses sens avant de songer à former son intelligence. La tâche de l’éducation, dans cette optique, est de conduire chaque être humain à se prendre en charge lui-même.

Depuis Freinet, dont la pédagogie est d'essence autogestionnaire et qui, par la conception d’une éducation populaire fondée sur l’observation de la réalité sociale, retrouve le but de rendre l’enfant sujet de son éducation - le maître perd son attitude didactique au profit d’une posture d’intervenant (12) et une profonde modification de la relation maître-élève se produit. Paulo Freire, dans la Pédagogie des opprimés, vise à l’humanisation de l’éducation par une action libératoire : la recherche sur la thématique la plus significative. « Educateur et éduqué devraient réunir leurs recherches en fonction de la connaissance sur le même objet. Cette recherche devrait se fonder sur la réciprocité de l’action » (13).

Les outils méthodologiques les plus pertinents à une éducation spirituelle se retracent dans le travail autogestionnaire, comme nous suggère Fonvieille (14) qui, à travers une sorte d’analyse implicationnelle avec les élèves, leur offre les instruments pour prendre conscience de la transversalité du groupe, lequel devient tout doucement groupe sujet, et institue l’autogestion. Le passage de groupe assujetti à groupe sujet marque l’émancipation collective qui entraîne celle individuelle et vice et versa.

Dans sa morale de l’intérieure, Herbart (15) exprime le problème fondamental de la pédagogie : il est impossible de faire de l’homme de l’extérieur un être moral, il est possible tout au plus de soutenir ses efforts pour devenir « de l'intérieur » homme moral. Ce qui se traduit en termes d’efficacité des valeurs formatives dans un bon rapport de soi au monde.

L’élément préalable d’une éducation, qui soit intégrale et intégrant la réflexion existentielle, qui permet le plongement dans la réalité de l’attention à soi-même, est sans doute l’autonomie. L’acquisition d’une conscience personnelle qui produit une énergie dynamisant l’action. L’autonomie au sens où l’entend Castoriadis est le contrôle des hommes sur leur propre vie dans tous les domaines. L’autonomie serait à concevoir comme un processus, puisque c’est par le biais de l’activité elle-même, et non d’un savoir préalable, qu’elle se développe.

 

(1) G. Lapassade, Microsociologie de la vie scolaire, Anthropos, Paris, 1998.

(2) H. Arendt, La crise de l’éducation, La crise de la culture, Texte n° 4, Folio, Paris, 1991.

(3) Ivan Illich, Une société sans école  Paris, Ed. du Seuil, 1971 (titre original: Deschooling Society), p.22.

(4) G. Lapassade, Sidi Bou Saïd, le 10 juillet 1966, introduction de Groupes, Organisations, Institutions, Paris, Anthropos, 5 édition.

(5) J. Rancière, Le Maître ignorant, Cinq leçons sur l’émancipation intellectuelle, Fayard 1987 - 10/18 Poche, 2004, p.17.

(6) J. Rancière, Ibidem.

(7) J. Rancière, Le Maître ignorant, Cinq leçons sur l’émancipation intellectuelle, Fayard 1987 - 10/18 Poche, p.6.

(8) J.Piaget, L’éducation morale à l’école, Paris, Anthropos, 1998.

(9) C. Rogers , Liberté pour apprendre, Ed. Dunod, Paris, 1999.

(10) K. Lewin, Principles of topological psychology, 1936.

(11) G. Weigand, Remi Hess, La relation pédagogique, Anthropos, Paris, 2007, p.8.

(12) G. Weigand, Remi Hess, ibidem, p.34.

(13)  Paulo Freire, La pedagogia degli oppressi, EGA edizioni, Torino, 2002, pag. 101.

(14) Fonvieille René, Naissance de la pédagogie autogestionnaire, Paris, Anthropos, 1998.

(15) J.F. Herbart, Tact, autorité, expérience et sympathie en pédagogie, édité par Johan Tilman, préface de G. Weigand, Paris, Anthropos, 2007, 200 p.

 

Geppina (Guisi) Lumare

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6 octobre 2011 4 06 /10 /octobre /2011 09:52

2          La théorie interroge le champ éducatif :

            la recherche sur le terrain scolaire

 

Une question s’est imposée au cours de la recherche dès que je me plongeais dans l’étude des diverses interprétations de la spiritualité humaine : comment peut-on relier la réalité concrète du terrain éducatif exploré au cours de ces années, porteur d’une problématique interne à l’organisation scolaire, avec l’élaboration théorique développée jusqu’ici ?

Il s’agissait de concilier une vision élaborée dans le continuum de l’expérience individuelle, mais aussi dans les études en Sciences Humaines, avec la pratique de la vie et l’observation du champ de recherche, dans ce cas du milieu scolaire. Le questionnement initial, si une éducation à la spiritualité laïque est concevable dans notre système éducatif occidental, est surgi de l’expérience du manque et des contraintes dans la relation pédagogique et de l’injustice sociale et morale observée. Cela a produit un imaginaire du changement qui a pris forme par la découverte des diverses approches possibles en Sciences Humaines qui permettent la construction de cette utopie réalisable d’une autre éducation.

Le terrain, pour sa part, a interrogé la théorie pour la construction d’un changement possible. Le milieu scolaire avec ses contradictions inéluctables, dues au système politique typique de l’Etat italien, gravé par l’ingérence de l’Eglise dans les choix ministériels, est le point de départ, mais aussi le point d’arrivée de la recherche, qui se plonge en lui pour trouver des réponses concrètes à la problématique relevée : l’absence d’une pratique éducative qui prend en charge l’individu dans son intégralité compréhensive d’une pluralité de dimensions existentielles (intellectuelle, mais aussi psychologique, spirituelle et physique).

La recherche aborde un premier champ de connaissance pour la compréhension de la réalité scolaire italienne par rapport à la religion et à la laïcité en éducation, celui de la réglementation législative, où le système politique italien et le pouvoir de l’appareil religieux d’Etat avec le Vatican jouent un rôle dominant. A partir de là, des incohérences qui m’étaient déjà apparues évidentes avant, se sont révélées sur le terrain. Le droit de choisir l’option de l’enseignement alternatif, reconnu aux élèves par les lois sur l’enseignement religieux, ne correspondait pas à la pratique diffusée de l’inapplication des mesures prévues pour garantir ce droit.

Approfondir la connaissance de cette pratique dans l’organisation scolaire a permis de se questionner sur une éducation laïque et mieux comprendre la réalité de l’inapplication des normes sur l’heure alternative prévue pour tous ceux qui demandent une dispense de cet enseignement.

Si l’école publique par sa laïcité, et avec elle toutes les réalités d’agrégation sociale sur le territoire, en dehors des enjeux religieux, réussissait à réveiller l’attitude spirituelle de chacune, elle ne serait plus responsable d’engendrer de conflits inter religieux au sein de notre société. Eduquer à une spiritualité laïque sert à sortir cette jeunesse de la peur ainsi que les termes mêmes dans lesquels le débat sur la politique de l’éducation enferme notre réflexion.

De même, l’approche herméneutique qui a caractérisé cette recherche peut être assimilée à ce que G. Durand (1) a défini comme l'herméneutique "instaurative", qu'il différencie de l'herméneutique "réductrice". L'herméneutique "réductrice" fait appel aux compétences exégétiques, l'herméneutique "instaurative" s'enrichit de l'imaginaire pour générer des modélisations originales et innovantes du quotidien de l'éducation (2).

J’ai considéré avant tout le milieu de l’éducation, telle qu’il est conçu au niveau institutionnel. Je suis partie du terrain proche de ma vie sociale et urbaine pour comprendre plus en profondeur les pratiques institutionnelles relatives à l’enseignement de la religion catholique et leurs alternatives : la ville de Bologne et les instituts scolaires secondaires.

L’école, comme lieu où l’éducation à la spiritualité est prévue dans sa signification primaire par la loi (une heure d’enseignement catholique par semaine), est aussi le lieu où cette formation, dans sa pratique, change de connotation et de sens. Cet enseignement se réduit, dans la majorité des cas, à une heure scolaire vide de signification, soit pour les étudiants qui ont choisi de suivre l’enseignement religieux, soit pour ceux qui ont opté pour l’alternative que la loi prévoit pour tous ceux qui s’abstiennent.

En partant du vide didactique créé par le manque d’alternatives à l’enseignement de la religion catholique, est surgie l’idée d’y trouver la place pour une possibilité d’intégration d’une éducation à la spiritualité laïque.

La loi italienne prévoit, pour les élèves qui ne veulent pas suivre l’enseignement de la religion catholique, la possibilité de suivre un enseignement alternatif. Mais, l’activation de cette possibilité donnée par la loi, étant remise, dans son application, aux instituts scolaires, qui reçoivent toujours moins de soutiens économiques de l’Etat, ne se traduit pas en actions concrètes et finit par constituer la négation d’un droit reconnu par la Constitution. La négation de ce droit concerne la majorité des étudiants des écoles supérieures et notamment 70% des élèves de l’Institut où la recherche se déroule.

Quelle conscience existe-t-il parmi les enseignants, de l’urgence à donner du sens à ce moment scolaire légitime qui devrait valoriser le libre arbitre et l’autodétermination des élèves ?

Quelle valeur attribuent les élèves de l’école supérieure à ce moment de la semaine où ils sont abandonnés à leurs intérêts privés, où toutes activités formatives de l’école sont suspendues dans une exception devenue la règle ?

Et surtout n’ont-ils jamais réfléchi sur l’importance pour eux-mêmes d’une éducation intégrale, compréhensive de l’aspect spirituel, comme de la dimension intellectuelle et physique? Comment peut-elle être garantie à tous ceux qui ont choisi de ne pas suivre l’enseignement religieux catholique ? De là, la considération que cette heure d’enseignement alternatif, refusé dans la pratique scolaire à la plupart des étudiants, pourrait devenir, à mon avis, l’occasion pour imaginer dans la démarche scolaire hebdomadaire, un moment d’éducation à la spiritualité laïque.

L’exploration du terrain scolaire a été accompagnée par la conviction que l’implication des élèves et des enseignants, comme des autres opérateurs dans l’école, dans ce but de changement, était indispensable. Pour cette raison, l’organisation de moments de rencontres collectives a été le premier objectif de mes interventions dans l’Institut.

Dans un effort de l’imaginaire du possible et dans l’aspiration peut-être utopique d’une retombée concrète sur terrain, j’ai expérimenté par les rencontres avec les jeunes dans les classes, et par la recherche-action avec les enseignants, la mise en pratique de l’idée d’une éducation spirituelle, entendue comme moment de recherche pour la compréhension réelle de questions existentielles. J’ai voulu concevoir avec ceux qui ont adhéré à mes propositions, l’heure alternative comme une heure de réflexion sur la sagesse et la conscience d’une sacralité de la vie.

L’ouverture à une dimension autre et insaisissable, amenant vers une croissance intérieure, par la compréhension due à l’intelligence dont on est tous porteurs, est de l’ordre de la philosophie de l’éducation. Conduire quelqu’un à voir mieux dans lui- même et à percevoir la réalité en pleine lucidité d’esprit et d’attention, n’est peut-être pas un travail prévu par les fonctions d’un enseignement scolaire, mais il peut devenir un but primaire de chaque éducateur.

 

L’itinéraire sur le terrain a été tracé à petits pas au fur et à mesure que j’avançais à l’intérieur de la vie scolaire et elle s’ouvrait à mes yeux de manière imprévisible, voire étonnante. La valeur scientifique de la recherche, en fait, relève de l’analyse du chemin parcouru.

De la microsociologie scolaire, j’ai toujours dû passer à l’analyse du macro-système dans lequel l’institution scolaire est immergée pour en relever une cohérence de fond entre les stratégies du consensus social et l’organisation de l’appareil éducatif de l’Etat. Cet aller-retour du particulier, caractéristique de mon terrain, à la compréhension des lignes politiques et culturelles directrices d’une conscience collective sur l’éducation, m’a conduite à utiliser des instruments méthodologiques comme l’observation participante et l’analyse institutionnelle. Dans la recherche sur l’éducation laïque dans l’école, le groupe de recherche-action a été l’analyste collectif  et à son tour il a été analysé par l’école et par les institutions éducatives.

J’ai été toujours accompagnée par la conviction qu’un autre regard est possible sur le terrain, un regard qui se traduirait en action sans être ni institutionnel, ni anti-institutionnel, mais plutôt un mode d’action contre-institutionnel.

La recherche doit être individuelle et collective, dans un passage continuel de la vision du groupe au regard intérieur, transfert et contre-transfert, mis en acte par valorisation de la pensée transductive (passage d’un état de conscience à un autre état de conscience) plutôt que hypothético-déductive, par la théorie des moments, par la conscience qu’on est plusieurs. Comme au niveau de l’analyse intérieure, se libérer des conditionnements permet de s’interroger sur l’origine de la nature humaine ; ainsi par l’analyse institutionnelle sont libérés ceux qui se rappellent de l’origine de leur existence. 

 

Approches et  dynamiques de groupe

 

Les interventions dans l’école se sont déroulées pendant quatre ans : de l'année scolaire 2006/07 à l’année scolaire 2009/2010. J’ai animé des rencontres-débats dans les classes avec les élèves et avec les enseignants, nous avons mis en place un parcours de recherche-action sur la laïcité dans l’école.

En rentrant dans le milieu scolaire se sont éclaircis tout au long des interventions, les enjeux de l’institution scolaire et les dynamiques relationnelles des élèves avec les enseignants et des enseignants entre eux.

L’implication des sujets dans la problématique, élément fondant une vraie présence visant au changement, a été ardue à atteindre ; malgré tout, elle s’est révélée souvent de manière inattendue.

Les élèves des classes où je suis intervenue en créant des moments de pédagogie implicationnelle, pendant les débats, ont démontré un intérêt réel animé d’un engagement personnel, direct, encore instinctif et non pas réprimé par des blocages sovrastructurels d’un ego cristallisé dans les cages de la rationalité des jugements.

Grâce à leur poussée créatrice, les adolescents ont souvent réagi face à ces questionnements existentiels (la peur, la mort, l’autorité) avec un surplus d’implication qui les a laissés avec une plus ample ouverture, presque un étonnement, face à l’existence, dans sa globalité.

Par des dispositifs comme le journal de bord, les débats horizontaux et les entretiens, on a essayé d’aller vers le fond des questionnements.

Par contre dans la recherche-action, le refus inconscient des enseignants, de se plonger dans une réflexion sur la spiritualité, directe et désenchantée, les a portés à aborder plutôt le côté sociopolitique de la question en éclairant les diverses implications de la laïcité dans l’enseignement scolaire, mais leur a empêché de parvenir à la révélation des nœuds et du non dit qui pourrait allumer la flamme d’une transformation. Ces résistances s’exprimaient par la déviation continuelle du discours collectif de la dimension philosophique existentielle à la problématique sociopolitique, voir didactique-organisationnelle.

Face à des malaises évidents vécus par les enseignants dans leur rôle d’éducateurs, la recherche s’est penchée vers l’analyse des problématiques de fond qui émergeaient dans le processus.

L’effet d’autoformation est fondamental dans la recherche-action. Le travail avec les enseignants de l’Institut Aldrovandi Rubbiani portait sur leur autoformation. Les enseignants chercheurs ont pour but de changer la situation par leur action collective, mais l’action autoformative imprègne l’implication de chacun par rapport au cheminement d’apprentissage. Le chercheur collectif s’oppose au groupe-objet ou assujetti.

C’est un sujet transindividuel. « Le chercheur collectif représente une entité qui ne saurait être réduite à la somme de ses membres» (3).

Dans la recherche-action existentielle, on conçoit le groupe comme un ensemble producteur de sens qui est support dynamique des transformations individuelles internes. Le groupe devient un espace commun de créativité et d’évolution authentique.

Pendant la recherche-action, plusieurs thématiques ont émergé autour de la laïcité ; elles ont concerné l’éducation, la morale, l’éthique, la politique et les droits humains. La laïcité a été le thème de fond qui nous a amenés à centrer l’action de la recherche dans une proposition opérante ; au terme du parcours, le conseil des enseignants de l’institut a été investi par le groupe de recherche, par la requête de programmation et d’organisation des activités didactiques et formatives alternatives pendant le cours de religion catholique.

A été évident l’indifférence des institutions par rapport à une formation substantielle du sujet apprenant : on a relevé le besoin et la requête des élèves de l’école de recevoir cette formation, de l’intérêt, de la curiosité, mais aussi la méfiance des enseignants à l’aborder.

Dans ce chemin de recherche qualitative et de production de savoirs j’ai été plutôt une chercheuse itinérante, dont D. Jeffrey met en évidence l’éthique de la rencontre (4)  et les critères de validation de sa production scientifique.

 

(1) G. Durand, Les Structures anthropologiques de l'imaginaire, Paris, Dunod,1re édition Paris, P.U.F., 1960.

(2) D. Violet, Ontologie, phénoménologie, épistémologie de la recherche en sciences de l'éducation, Printemps 2007 - Vol.09. No.01,

http://www.espritcritique.fr/Dossiers/article.asp?t03code=44&varticle=esp0901article03&vrep=0901,(10/3/09).

(3) M. Bataille, Le concept de "chercheur collectif" dans la recherche-action, Les Sciences de l'Education, n°2-3, avril-septembre 1981, p. 33.

(4) D. Jeffrey, Recherche qualitative et production de savoirs. Le chercheur itinérant, son éthique de la rencontre, et les critères de validation de sa production scientifique, Recherches Qualitatives – Hors-Série – Numéro 1, Actes du colloque Recherche qualitative et production de savoir, UQAM, 12 mai 2004.

 

Geppina (Guisi) Lumare

http://lesanalyseurs.over-blog.org

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5 octobre 2011 3 05 /10 /octobre /2011 15:15

L’insaisissable du sacré dans les sciences humaines

 

Cornelius Castoriadis, le philosophe défenseur du concept d'«autonomie politique», écrit dans « Le carrefour du Labyrinthe » (1) que la religion, le sacré institué, n'est qu'une formation de compromis qui réalise et satisfait à la fois l'expérience de l'Abîme et le refus de l'accepter : la religion va apparaître, non comme une idéologie, réflexion appauvrie d'une complexité bien supérieure, mais comme une instance de présentation/occultation de l'Abîme/du Chaos/de Sans-Fond. Cornelius Castoriadis trace le sens de cette entité indéfinie, de cet inconnu, et affirme que la Chaos/L'abîme/ le Sans-Fond est radicalement indéterminé et indéterminable. Ce qui ne veut pas dire que ces manifestations, notamment socio-historiques, ne soient pas déterminables. L'homme, lui-même, "est un puits sans fond, et ce sans-fond est, de toute évidence, ouvert sur le sans-fond du monde" (2).

Mircea Eliade dégage l’idée clé que le sacré n’est pas un stade de l’évolution de la conscience mais un élément structurel de celle-ci. René Barbier développe cette figuration de Mircea Eliade, dans la distinction entre imaginaire pulsionnel, social et sacral, dans son œuvre « L’Approche Transversale » (3).

Il retrace dans les diverses approches : sociologique, phénoménologique, herméneutique, une vision du sacré proche de l’individu, qui représente une source originaire de la connaissance. 

L’esprit humain comme porteur de la faculté d’éveil est l’idée de Rudolph Otto, qui considère le sacré comme une catégorie à priori de la psyché, où l’homme jouit de la révélation intérieure du Tout autre.

L’interrogation sur l’inconnu porte la recherche vers les interprétations du mot Dieu, surchargé de connotations contradictoires et compromis avec la dogmatique religieuse.

C’est le principe éternel et immuable, le Brahman ou âtmâ (ātmā, «soi») du brahmanisme. 

Brahman contient à la fois un aspect non-changeant, éternel de l'Être et la puissance du changement du Devenir. L'Englobant est à la fois statique et dynamique. C'est ce qui le rend insaisissable pour l'intellect

Dans la pensée taoïste on évoque surtout le caractère inconnaissable et indicible du Tao (4).

Le Tao n'est pas à comprendre comme un principe créationniste classique, mais plutôt comme un principe créationniste des concepts, des possibles. Le Tao est hors du temps, et le temps fait partie du Tao. Il englobe tout au sens le plus large du terme.

Jiddu Krishnamurti l’appelle l’Otherness. C’est un état de conscience perçu comme un fait, au-delà de tout concept ou image qui apparaît d'une manière imprévue à l'issue d'un état de méditation.

Michel Henry (5) définit le Soi comme présence de l’Absolu en soi-même. Le Soi désigne l’ultime intériorité dans sa philosophie : dans la réalité le phénomène n’est pas ce qui apparaît, mais l'acte même d'apparaître. Sa réflexion le conduit au renversement de la phénoménologie de Husserl, qui ne connaît comme phénomène que l'apparaître du monde, c'est-à-dire l'extériorité. M. Henry oppose à cette conception de la phénoménalité une phénoménologie radicale de la vie.

Un moyen de résurgence du sacré (6) est donné par la reliance proposée par Marcel Bolle de Bal et réélaborée par René Barbier pour qui il faut souligner toute la force symbolique et quasi-religieuse de ce concept, afin de comprendre sa signification incarnée dans la vie, et notamment la vie communautaire (7).

Pour Bol de Bal relier est : "créer ou recréer des liens, établir ou rétablir une liaison soit entre une personne et un système dont elle fait partie, soit l'un de ses sous-systèmes" (8).

Edgar Morin a bien confirmé son idée que la reliance fait partie d’un courant épistémologique issu des sciences contemporaines qui bouleverse notre vision du monde (9). Il sauve l’idée de religion, et le sentiment religieux, tout en rejetant les anciens paradigmes de la religion. Dans Terre-Patrie (10) il soutient qu’on a besoin de la religion pour poursuivre l’hominisation et civiliser la Terre, son idée de religion est celle d’une force communicante et communiante.

Les confins entre ce sens de la religion et le concept de spiritualité ne sont pas bien définis. Ce serait une religion sans Dieu, où l’absence de Dieu révélerait l’omniprésence du mystère.

L’être humain, en étant avant tout un être relié, en étroite interdépendance et interactions avec son environnement proche et lointain, évolue dans un système hautement organisé dans lequel une action, même infime, sur un point, influence l’ensemble des relations. Entrer dans la reliance comme phénomène social total nous éclaire sur la nature écologique de toutes les sciences humaines. La science n’est pas toujours contradictoire à cette perception, elle a évolué dans des champs extrêmes de recherche, pour atteindre cette dimension d’humanité, cette attitude spirituelle. Elle s’est étendue jusqu’à la limite de l’irrationnel pour expliquer l’insondable. La spiritualité est un champ d'expérimentation très vaste ; elle rejoint, en de nombreux points la physique quantique en essayant de révéler des conceptions immatérielles, mais elle fait aussi l’objet de réflexions dans la psychologie humaniste et transpersonnelle.

Les sciences psychologiques modernes qui ont exploré les potentialités et les attitudes humaines à cette sorte de compréhension totale que l’homme démontre face à la découverte de soi, ont été fortement marquées  par la recherche des études jungiennes, par la psychologie transpersonnelle et par l’importante contribution de la partie de la psychosynthèse.

Jung, comme le confirment les recherches des psychologues transpersonnels, a montré comment la non-reconnaissance de la dimension intrinsèquement spirituelle de la psyché conduit à des psychopathologies évidentes chez certains sujets. Selon lui, l'inconscient contient des forces vives qui permettent un processus dynamique de transformation de la personnalité.

Il existe chez l'Homme une aspiration profonde à retourner dans la matrice de l'inconscient pour y vivre une sorte de renaissance intérieure. Cette aspiration comporte une dimension spirituelle. Jung insiste donc sur un dynamisme de transformation et de création présent dans la psyché humaine.

La Psychosynthèse propose comme modèle d'évolution un mouvement de synthèse dynamique vers un espace plus grand de liberté : la syntropie qui inclut à la fois la déstructuration des croyances figées et la re-centration autour des valeurs éthiques réelles.

On peut ranger ces vécus particuliers de l’homme et le spirituel dans la vaste catégorie des expériences dites transpersonnelles, comme l’ont fait, entre autres, S. Grof et P. Weil (11). Comme son nom l'indique, le trans-personnel concerne ce qui existe au-delà de la personnalité, de son conditionnement et de son petit monde.

En tant que pratique, cette psychologie a pour objet la pleine réalisation de la personne qui cherche à devenir « le dieu qu'elle est au plus profond d'elle-même.» Par conséquent, elle se préoccupe aussi des perturbations résultantes de l'enfermement des potentiels illimités de la conscience dans les structures limitées de l'ego - comme cela peut se manifester au moment de crises existentielles ou de ce que l'on appelle des crises d'émergence spirituelle.

Abraham Maslow, figure de proue de la psychologie transpersonnelle les appelait peak experiences ou expériences paroxystiques (12). Ces expériences sont destinées à faire éclater les limitations mentales ou émotives et à donner accès à une conscience beaucoup plus vaste de la réalité.

Dans cette traversée des expériences du sacré, on doit considérer que S.Grof a largement contribué à relier le domaine psychologique aux domaines de la métaphysique, de la philosophie et de la tradition. A. Maslow a raffiné ce dernier niveau pour y incorporer des notions de «dépassement de soi» ou de «transcendance» (13)

Dans le champ psychiatrique, Wulliemier s’est occupé des caractéristiques de l’attitude de la spiritualité : il y voit une absence d'idéation, de vagabondage de l'esprit, de fantasmatisation.

Les sens fonctionnent mais ils sont transcendés par quelque chose de plus global et de plus pénétrant, permettant une sorte de résonance directe avec la situation. Wulliemier considère que de telles expériences ont un caractère universel, même si certaines populations et certaines époques semblent plus favorables que d'autres à leur survenue. On peut aussi les mettre en relation avec des expériences archétypiques et mythiques comme l'ont fait C-G Jung (14) et J. Campbell (15), chacun à sa manière.

Wulliemier envisage la méditation d’une manière très proche de celle que l’on retrouve dans les écrits de Jiddu Krishnamurti. Il parle d’observation par laquelle le mouvement des pensées peut être vu et observé, elle est décrite comme un art de l'observation libre et de l'interprétation. 

René Barbier introduit l’idée de "flash existentiel" qui renvoie à un éclair photographique qui illumine, en un clin d’œil. Il souligne l'intérêt d'être au quotidien. Dans cette partie d’élaboration et de construction d’un sens de spiritualité laïque, on aborde l’expérience de sortie en dehors du corps de Jeanne Guesné. La spiritualité de ce vécu est laïque et immanente parce que provenant de l’être, elle est bien exprimée dans ses écrits témoins du vécu d’une existence capable de dépasser les limites ordinaires de la perception sensible. 

A côté de la pensée dialectique et de la synthèse hégélienne, on peut proposer d’autres visions du réel comme celle de Proudhon pour lequel toute synthèse des antinomies est artificielle ou mortelle et en tout cas négation de la liberté. Il est significatif que Jean Bancal constate que « la théorie de la particule et de l’antiparticule constitue une confirmation de la théorie proudhonienne de l’organisation antinomique du monde» (16).

L’œuvre de Gilbert Durand (17) systématise les recherches sur les éléments et la connaissance poétique de Gaston Bachelard, maître de Durand. L’imaginaire, explique l’auteur, surgit contre l’étreinte du temps, né comme exorcisme contre le piège du temps qu’amène à la mort.

Le physicien Stephane Lupasco énonce une théorie de potentialisation et d’actualisation de l’énergie. Du vide des constructions mentales (le silence intérieur) où toutes les potentialités d’énergie sont présentes, émane la force qui les concrétisera en manifestations physiques et psychologiques. Lupasco nomme la potentialisation conscience élémentaire (18) qui est une conscience qui n'a pas conscience d'elle-même. Le Tiers inclus est la résultante de l'annihilation réciproque des contraires. Il n'est ainsi aucune réalité observable. Les physiciens l'appellent le vide quantique ou l'énergie du vide ou encore le hasard pur.

Il est intéressant d’observer comment les théories jungiennes sur l’inconscient collectif et celles de la psychologie transpersonnelle se trouvent validées par certaines études, relevant de la physique quantique et de la biologie, en rapport surtout à l’intérêt relatif à l’interprétation d’un évolutionnisme comprenant la transmission de la mémoire collective dans laquelle puise la vie humaine

La théorie de la causalité formative considère un univers non mécanistique, gouverné par des lois qui sont elles-mêmes sujets à des changements et représente le processus grâce auquel les choses assument leur propre forme ou organisation (19). Le cosmos apparaît plus comme un organisme en pleine croissance et en pleine évolution que comme une machine éternelle.

En revenant sur notre pensée inspirateur, Krishnamurti dialogue avec David Bohm et dans Le temps aboli  (20) ouvre la réflexion sur cette conscience cosmique.

Le cerveau humain peut-il briser cette illusion d’une individualité créée par le temps ? Ce qui est étonnant en suivant leur discours éclairant, c’est que le lieu spirituel par excellence, là où l’activité cérébrale arrête son mouvement, est en effet un lieu de totale rationalité, elle ne devient irrationnelle que quand elle est suscitée par la pensée.

Dans cette crise anthropologique où il n’y a pas une idée d’humanité partagée, la confrontation Chomsky - Foucault sur la nature humaine (21) est aujourd’hui pleinement actuel. Il nous interroge sur « l’entité homme », en tenant compte du fait que notre savoir et le pouvoir sur cette entité sont toujours plus en conflit avec les symboles et l’imaginaire de la tradition humaniste-chrétienne. C’est la techno-science qui fonde quotidiennement les horizons de l’anthropologie.

Qu’est ce que veut dire à notre époque se poser la question du spirituel pour l’homme contemporain ?

Patrice Van Eersel (22) se pose la question du retour du spirituel dans les catégories fondamentales des hommes et il considère qu’il s’agit d’un événement qu’il convient de saluer et d’observer avec attention car il y va du sort du monde. Il observe un regain de l’intérêt pour la transcendance. Il ne s’agit pas vraiment d’un intérêt pour la religion puisqu’on parle ici de spiritualité laïque, de besoin de spiritualité avec ou sans Dieu. Aujourd’hui, selon Van Eersel, toutes ces oppositions s’avèrent brusquement obsolètes et nous nous retrouvons face à une ouverture vertigineuse où tout devient possible.

Les questionnements sur le sens de la vie se multiplient lorsqu’il y a une perturbation importante dans l’organisation du système de valeurs dominant qui structure la morale et la culture d’une collectivité. Ainsi, la thématique de la quête de sens redevient une priorité essentielle lorsque les individus perdent les repères qui leur servaient de guide dans la prise de décisions importantes et dans l’orientation de leur projet de vie. 

La réflexion sur la problématique de la quête du sens amène à développer le questionnement engendré par la spirale individualiste moderne. La perte du sens religieux, qui est affirmée par le rejet de toutes les références mythiques au profit de la dictature de la raison, ce désenchantement du monde,  a sapé toute la richesse et la puissance de l’imaginaire. Marcel Gauchet, depuis son livre «Le désenchantement du monde - Une histoire politique de la religion» (23) a une lecture de la religion et du phénomène de la laïcité au niveau des dynamiques sociales et politiques, il retient que l'enjeu n'est nullement dans le fait de la croyance, mais dans le statut des religions, dans l'organisation de la société et de ses pouvoirs.  Il vise à l'avènement d'une configuration politique et sociale où les hommes se seraient libérés des puissances tutélaires du sacré. Le problème est bien celui de l'autonomie et de l'indépendance politique et sociale des sociétés modernes.

Etre debout devant l'abîme (24) est le seuil à partir duquel tout devient possible. Michel Maffesoli définit une sorte de spiritualité laïque de l’homme contemporain. Il interprète cette possibilité comme « la reconquête du présent et de la liberté responsable, la solidarité sans garants métasociaux, l'échange du don et du contre-don dans la réciprocité des savoirs. Mais plus encore, il s'agit d'une redécouverte du sacré sous le religieux en lambeaux, éclaté de toutes parts dans les hoquets de la société du spectacle » (25).

Une spiritualité laïque s’adresse à ceux qui ont l’intuition d’une dimension sacrée de la vie et qui cherchent à vivre en accord avec cette intuition par une démarche consciente. 

Le philosophe André Comte-Sponville se définit comme un philosophe athée. En même temps, il se revendique spirituel. Il conçoit un athéisme bien vivant, une sorte de "foi" raisonnable et raisonnée faite de sagesse, pour ici et maintenant, et sans rien renier de la civilisation judéo-chrétienne. Il définit très bien dans son œuvre L’esprit de l’athéisme (26), la spiritualité de l’athée, du non croyant, et souligne la différence entre la religion et la spiritualité.

On a cru pendant longtemps en Occident, la spiritualité ayant été chrétienne pendant vingt siècles, que ces deux mots, spiritualité et religion, étaient synonymes, ainsi ceux qui n'avaient pas de religion, devaient renoncer à toute vie spirituelle. A. Compte-Sponville voit que ce siècle va vivre la réfutation de cette idée fausse. Ceux qui ont une foi religieuse vivront leur spiritualité dans la foi, mais ceux qui ne croient pas en Dieu, vivront un autre type de spiritualité sans Dieu, il l’appelle la spiritualité laïque.

Luc Ferry est celui qu’a analysé bien à fond les implications historiques et éthiques de cette transformation paradigmatique. Son intérêt pour ce qu’il appelle la sagesse des modernes s’exprime par l’analyse de la crise de l’idée cartésienne d’un sujet libre et transparent à lui-même, d’un citoyen fait de raison et de volonté, qui va conquérir le reste du monde.

Dans La révolution de l’amour (27), il trace la ligne qui conduit la civilité contemporaine vers une conception de la philosophie à laquelle on assigne essentiellement pour tache de réfléchir à la question de la vie bonne sans passer par un dieu ni par la foi mais avec les moyens du bord, ceux d’un être humain qui se sait mortel, livré à lui-même et aux seules exigences de sa lucidité

L. Ferry répond à la question : vivons-nous vraiment, le désenchantement du monde et l’ère du vide, la fin de tous les principes de sens, de toutes les figures du sacré, de tous les attachements éthiques forts ?

Non pas la fin du sacré, pour Ferry il s’agit plutôt de la sacralisation d’autrui, non pas la disparition de toute spiritualité, « mais comme on dit dans l’histoire des sciences, un changement radical de paradigme, qui fait émerger des nouvelles aspirations à une sagesse de l’amour » (28).

Il y voit la naissance d’un deuxième humanisme, d’un humanisme qui s’écarte de celui des Lumières, « un humanisme postcolonial et post métaphysique » (29)

Le concept de spiritualité laïque pour Luc Ferry, est non seulement parfaitement compréhensible, cohérent et consistant, mais il est tout simplement irremplaçable : « il exprime mieux qu’aucun autre ce que la philosophie fut depuis toujours et qu’elle doit continuer d’être : un apprentissage de la vie bonne, voire, avec Epicure, une « médicine de l’âme » (30).

La crise culturelle et religieuse qui a éclaté ces dernières décennies est loin de s’être résorbée ; cette crise douloureuse où tout semble basculer est le signe de la fin d’un monde et de l’enfantement d’un homme nouveau, que certains qualifient noeticus (31).

Pour Gregory Baum, cette nouvelle conscience de l’humanité qui émerge des pressions historiques et des influences spirituelles dans le monde occidental, engendre un vif sentiment de solidarité avec les autres, spécialement les moins privilégiés et une forte conscience d’être destiné à une vie supérieure (32).

 

(1) C. Castoriadis, Domaines de l'Homme, carrefours du labyrinthe II, Paris, Seuil, 1986.

(2) C. Castoriadis, ibidem.

(3) R. Barbier, L'approche transversale, l'écoute sensible en sciences humaines, Paris, Anthropos, coll. Exploration interculturelle et sciences sociales, 1997, p. 112.

(4) Lao Tsu, Tao Te King, Il libro della via e della virtù, a cura di J.J.L. Duyvendak, Milano, Adelphi,1994.

(5) M. Henry, Philosophie et Phénoménologie du corps, Paris, P.U.F., 1965.

(6) R. Barbier, ibidem, p.147.

(7) R. Barbier, Pratiques de Formation/Analyses, le devenir du sujet en formation: l’influence des cultures “autres” qu’occidentales, Paris, Université de Paris VIII, Formation Permanente, n° 21-22, juin 1991, 232p.

(8) M. Bolle de Bal, La reliance. Voyage au cœur des sciences humaines, Paris L'Harmattan, 1996.

(9) M. Bolle de Bal, Vers une théorie généralisée de la reliance, Voyages au cœur des sciences humaines, Paris L'Harmattan, 1996.

(10) E. Morin, Terre-Patrie, Paris, Seuil, 1993, p. 216.

(11) P. Weil, L'homme sans frontière; les états de la connaissance, Paris, Espace bleu, 1988

(12) A. Maslow, Vers une psychologie de l'être. Paris, Fayard, 1989.

(13) A. Maslow, Vers une psychologie de l'être. Paris, Fayard, 1989.

(14) C. G Jung, L’homme et ses symboles, Paris, R. Laffont, 1964.

(15) J. Campbell, The Hero with a Thousand Faces, Bollington Series/Princeton, 1972.

(16) Jean Bancal in Proudhon, pluralisme et autogestion, Parigi, Aubier, 1970, I 106 p., II 170, p. 118.

(17) G. Durand, Les Structures anthropologiques de l'imaginaire, Paris, Dunod (1re édition Paris, P.U.F., 1960).

(18) M. Chabal, La logique du contradictoire de Stéphane Lupasco, http://mireille.chabal.free.fr/lupasco.htm, (20/5/2010).

(19) Eaco Cogliani, Il pensiero di Rupert Sheldrake sull’evoluzione. Energia, Vita e Coscienza, Alba Magica n.4/2002, http://www.olotropica.it/RupertSheldrake.htm, 13/4/2010.

(20) J. Krishnamurti - D. Bohm, Le Temps aboli. Dialogues, Monaco, éditions Le Rocher, 1987

(21) N. Chomsky, M. Foucault, Della natura umana. Invariante biologica e potere politico, Bologna, Deriveapprodi, 2005.

(22) Rédacteur en chef du magazine Nouvelles Clés.

(23) M. Gauchet, Le désenchantement du monde - Une histoire politique de la religion, Paris, Gallimard, 1985.

(24) C. Castoriadis, Les carrefours du labyrinthe, Paris Seuil, 1986.

(25) M. Maffesoli., Eloge de la raison sensible, Paris, Grasset, 1996, p. 23.

(26) A. Comte-Sponville, L’esprit de l’athéisme. Introduction à une spiritualité sans Dieu, Albin Michel, Paris, 2006.

(27) L. Ferry, La révolution de l’amour, pour une spiritualité laïque, Paris, Plon, 2010, 471 p.

(28) L. Ferry, ibidem, p. 24.

(29) L. Ferry, ibidem, p. 26.

(30) L. Ferry, ibidem, p.303.

(31) R. Bergeron, Pour une spiritualité du troisième millénaire, Religiologiques 20, automne 1999, 231-246,

http://www.religiologiques.uqam.ca/20/Religiologiques20PDF/20%28231-246%29Bergeron.pdf, (11/2/2009)

(32) G. Baum, La pérennité du sacré, Concilium, 81, 1973, p. 21 et 22, cité par R. Bergeron, Pour une spiritualité du troisième millénaire, Religiologique, 20, automne 1999, 231-246,

http://www.religiologiques.uqam.ca/20/Religiologiques20PDF/20%28231-246%29Bergeron.pdf

 

Geppina (Guisi) Lumare

http://lesanalyseurs.over-blog.org

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