Vendredi 16 octobre, 16 h
Je corrige les épreuves de notre H. Lefebvre, sa vie, ses œuvres, ses concepts avec Sandrine Deulceux… Nous allons ensuite déjeuner au Nord-Sud. Sandrine me raconte ses aventures à Annecy… et son retour dans son appartement ravagé par les mouches. Quel avenir avec Sandrine ? Je me pose la question. Sa réponse :
- La méthode régressive-progressive.
Très bonne réponse. Il nous faut trouver un éditeur pour installer cet ouvrage.
- Ce n’est pas facile de pratiquer cette méthode, ajoute Sandrine…
- Non. Ce n’est pas facile !
Partir du présent, remonter dans le passé, concevoir les possibles… l’horizon… Le Nord-Sud, Sainte Gemme cet été, La méthode régressive progressive…
Il me faudrait boire un peu d’eau avant d’aller danser le tango…
Pendant que nous écrivons une page sur La pensée marxiste et la ville, nous avons entendu le monstre de la fourrière venue enlever la voiture de Sandrine, stationnée dans l’impasse à un endroit interdit, mais qui ne dérangeait vraiment personne. Sandrine a récupéré sa voiture pour 160 euros… Je lui ai payé cette somme ! Passer une journée avec elle est vraiment ruineux. Heureusement que nous avons rendu un nouveau livre, aujourd’hui, que j’aime énormément…
Charlotte téléphone. Elle pleure comme une petite fille… Je lui dis d’écrire son journal :
-Je l’ai déjà écrit…
Bon :
-Alors, bois de l’eau et va faire pipi !
Mon maternage a de l’effet. Ma fille de trente ans retrouve son calme… Qu’est-ce qui la fait pleurer ? Luca termine sa thèse. Elle vend son appartement. Elle cherche donc quelque chose d’autre… C’est dur de changer, de bouleverser sa vie quotidienne… La critique du quotidien suppose le dérangement des routines, mais les routines nous sécurisent. Décider d’en changer produit un malaise, un mal être. Charlotte a de la fièvre… Moi, je dors mal depuis plusieurs jours : nous souffrons d’un remodelage de nos moments…
Ce matin, Bernard Cassen m’a envoyé un mail pour me dire que telle et telle personnes allaient recevoir le titre de docteur honoris de la Catho… Il s’agissait d’un évêque conservateur et d’un financier… Il ne trouvait pas cette cérémonie très judicieuse… Il me faut trouver des arguments pour partir travailler à la Catho. Ce n’est pas Bernard Cassen qui me les forge…
A Sandrine, j’ai parlé de l’archaïsme de Paris 8 qui refuse la mise en ligne de la formation doctorale pour justifier de partir à la Catho, davantage branchée sur ce qui bouge… C’était une bonne idée, un bon argument. Mais il faut en trouver d’autres… Ce n’est pas suffisant, d’autant plus que le coût d’inscription est prohibitif, notamment pour nos étudiants étrangers. 800 euros représentent 3 mois de salaire d’un enseignant algérien. Or, la première année d’inscription en doctorat à la Catho coûte plus de 2000 euros ! C’est un vrai problème !
Il y a une crise.
Si je demandais demain à Sandrine de prendre ce carnet et de le taper, cela la mettrait au courant de ce que j’ai vécu pendant ses vacances alpestres…
Pour cela, il me faudrait avancer ce carnet, le terminer. Comment faire pour avoir assez d’idées d’ici demain, pour aller jusqu’au bout de ce carnet ? Je vais commencer par numéroter les pages qui restent à remplir, pour me rendre compte de la quantité à noircir par heure d’ici demain…Le regroupement des M2 peut être une bonne occasion d’écriture. D’ici là, sur quoi écrire ?
Ce matin, Sandrine a pointé quelques points faibles de notre livre, notamment sur le plan formel. Elle a remarqué que de temps en temps nous mettions des références sous formes de notes en bas de page, à d’autres endroits sous forme de parenthèses à l’intérieur du texte. Cela manque d’harmonisation.
Ce livre est un collage. J’introduis des citations de Lefebvre que j’avais en réserve, parce que je les trouvais importantes. La collection propose un cadre très autoritaire :
- introduction
- la vie
- les œuvres
- les concepts
- conclusion
- glossaire spécifique
- chronologie
- bibliographie
J’ai joué à fond sur le plan pour introduire des fragments, des « briques » déjà écrites. Sandrine, de son côté, a produit des briques, ainsi la chronologie : son tableau est vraiment bien fait. En mettant en commun nos briques, on remplit le cadre… Ensuite, on passe une journée ou deux à relire l’ensemble. Des « trous » apparaissent. On les comble… Certains fragments ont été écrits il y a 20 ans. La concordance des temps ne fonctionne plus. Alors, on remplace la formule :
- Aujourd’hui, Antoine Savoye dit que…
- A la suite d’AS, on peut encore dire que…
Et ce travail d’ajustement produit du neuf. On fait du neuf avec du vieux ! Plus on relit le texte fait au départ d’agencements variés, plus on travaille les transitions, plus on travaille à gommer les échafaudages… Une technique intéressante : les intertitres. Nous avons modifié des morceaux de texte en coupant un paragraphe en deux et en introduisant des intertitres… C’est très efficace pour brouiller les lignes.
On aurait pu améliorer les choses en harmonisant les notes…
Il y a aussi deux ou trois répétitions… Ce n’est pas important, mais on aurait pu faire le choix d’expliciter l’implicite. Le rapport Krouchtchev n’est plus connu de tous les lycéens, etc.
Sandrine aurait souhaité relire l’ensemble pour travailler à une explicitation de l’implicite. Cela aurait été valable, mais à condition de faire cela avant de rendre le texte… Ce moment de relecture (à deux) en vue d’expliciter l’implicite serait vraiment important si l’on décidait de refaire un livre ensemble.
Je trouve encore qu’il y a des tons très différents selon les passages. La biographie est narrative. Le paragraphe sur Le manifeste différentialiste très abstrait. C’est une paraphrase du texte d’Henri…
Malgré toutes ces limites, le livre rend bien. Il est vraiment bon (de mon point de vue). J’en suis (très) fier. Sandrine a produit 20% de l’ouvrage, mais ce qu’elle apporte modifie en profondeur ce que je puis dire d’ordinaire… Surtout, notre coopération ouvre des possibles… Ainsi, notre relecture du passage sur l’inachèvement dans la fin de l’histoire… Cela me fait découvrir que Marx a un horizon de l’achèvement, alors qu’Henri est nettement installé dans un horizon de l’inachèvement… Cela pourrait faire l’objet d’un livre : Marx, Lefebvre, Lapassade ou le marxisme inachevé.
Il y a encore quelque chose à développer : une lecture de De l’Etat (Lefebvre, Lourau : la question de l’Etat). En effet, ne pas parler de cet ouvrage dans notre livre est vraiment une lacune grave… Manque de temps, urgence de rendre notre livre… Comment faire pour produire sans la pression du rendu de texte ?
Une brique urgente à constituer : « la question de l’équivalence ». La lecture de R. Lourau par H. Lefebvre… La non réponse de René.
Plus Sandrine lira et écrira sur Marx, sur Lefebvre, et plus je serai poussé à produire des textes solides sur les thèmes de mes idées en réserve.
Quand j’ai parlé d’une suite à Sandrine, elle m’a dit : «La méthode régressive-progressive». En fait, dans ma tête, je pensais : quels autres titres proposer à Alain Bruno dans cette collection ?
Remi Hess
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