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  • : Le blog de Benyounès Bellagnech
  • : Analyse institutionnelle : Théorie et pratique au sein des institutions politiques, éducatives et de recherche. L'implication des individus et des groupes dans la vie politique et sociale.
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24 juin 2018 7 24 /06 /juin /2018 22:01

Lecture de Père et Fils

Ahmed Lamihi, Rive éditions

 

La lecture d'un ouvrage est l'occasion d'un questionnement du dispositif habituel ou nouvellement créé, afin d'en saisir, soit le sens, soit le message, soit les conséquences de cette lecture sur sa propre conscience psychologique, sociale et intellectuelle. Lorsque Ahmed Lamihi m'envoie son ouvrage, je le lis dès le lendemain rapidement, sans avoir l'intention au départ d'écrire quelque chose sur son contenu. Cependant, l'auteur me demande de lui dire ce que je pense du livre. Je lui réponds que j'aime bien ce qu'il écrit et que je vais prendre le temps de faire une lecture plus approfondie de cet ouvrage. Je fais partie des lecteurs qui dévorent beaucoup de livres mais j'ai la mauvaise habitude de ne pas décrire toutes mes lectures. Cette fois-ci, l'insistance de l'auteur, que je considère comme une commande amicale, m'incite à décliner mon point de vue sur ce petit bijou Père et Fils

 

Bien que Ahmed Lamihi fasse partie de ma communauté de référence - que l'on réduit souvent au courant de l'analyse institutionnelle -, il reste pour moi un précurseur. Pour quelles raisons ? Je me souviens de nos premières rencontres il y a une vingtaine d'années à Paris 8. Il était déjà en poste au Maroc et moi, je débutais ma recherche en analyse institutionnelle, fier et heureux d'adhérer à ce courant ouvert en France. Ma joie se confirma davantage lorsque je rencontrai l'institutionnaliste marocain qu'il était. J'y voyais une perspective de recherche et de travail collectif ouvert sur d'autres horizons que ceux enfermés sur le centre de Paris 8. Ainsi a débuté une collaboration, certes entrecoupée dans l'espace-temps, mais dont la permanence ne souffre d'aucun doute. J'ai partagé avec Ahmed Lamihi quelques activités : séminaire sur Korczak organisé par le professeur Lamihi à Paris 8, quelques séminaires avec René Lourau, des rencontres avec Georges Lapassade, Raymond Fonvieille, Michel Lobrot, Remi Hess, Antoine Savoye et bien d'autres. Débuteront aussi à cette époque mes lectures de l'oeuvre d'Ahmed Lamihi et ma connaissance de son aventure éditoriale autogestionnaire. J'ai eu parfois quelques reproches à lui faire. Avec le recul, je me donne raison de ne pas l'avoir fait, car dans l'action nous risquons tous de commettre des erreurs et d'avoir des comportements qui nous trahissent. C'est pour toutes ces raisons et bien d'autres que je considère Ahmed Lamihi comme précurseur.

 

Ahmed Lamihi trace son chemin dans ce qui me paraît vu de France comme une aventure solitaire dans un environnement plus ou moins hostile sur le plan intellectuel. A côté de son travail de pédagogue, il poursuit ses travaux de recherche, il s'arrange pour publier ses travaux ainsi que ceux de ses collègues -avec ténacité-, en parallèle, il a gardé et développé son travail d'écriture et c'est cela qui me plait énormément chez lui. Père et Fils, - l'objet de cette lecture-, est la démonstration par le texte que l'écriture demeure l'activité principale de Ahmed Lamihi.

 

Contrairement à ce que l'on pourrait penser, l'exercice de l'écriture autobiographique est laborieux . Ce procédé concerne souvent des célébrités dans différents domaines qui déploient beaucoup de moyens pour que l'histoire ne retienne que leurs noms. En effet, la culture scriptuelle des classes dominantes, à travers les biographies de ses représentants, exclut de fait tout un pan de la société de l'histoire. A titre d'exemple, les biographies enseignées dans les écoles ne concernent que les célébrités, les stars comme on dit de nos jours. Toutefois, bien que la culture du livre ne soit pas très présente au Maroc et que les bibliothèques ne fassent pas partie des meubles de la majorité des foyers marocains, la demande en matière de bibliographie y est bien présente. J'en cite pour preuve le succès du roman de Mohamed Choukri, Le pain nu (1980). Par le biais de l'ouvrage Père et Fils de Ahmed Lamihi, le lecteur aura un outil qui lui permettra de s'interroger sur sa propre vie et sur l'éventualité ou non d'écrire son propre récit de vie.

 

Ma propre lecture de cet ouvrage ne peut être isolée du champ biographique. L'auteur se réfère à ce dernier dans son texte lorsqu'il cite les difficultés de la manœuvre observée par Georges Lapassade. J'y ajouterais les travaux de Christine Delory Momberger, de Remi Hess, de Michel Lobrot, de Lucia Ozorio entre autres, en matière de biographie.

 

Ahmed Lamihi décrit une tranche de vie où un adolescent, du même âge de l'auteur (à l'époque) retrouve une ambiance de fin des années soixante-dix au Maroc, ses premiers liens avec sa bibliothèque personnelle, avec la langue arabe et française, ainsi qu'avec la culture populaire, laquelle s'exprime lors d'une fête inhabituelle à l'époque : l'anniversaire de l'auteur.

 

Le lecteur, comme moi d'ailleurs, ne peut pas rester objectif en lisant cet ouvrage. Bien au contraire, la subjectivité est pour moi salutaire car elle me permet aussi de me projeter dans mon passé ou dans ma propre biographie. Loin de l'ambiance marocaine, l'étudiant, qui vient en France pour s'instruire, découvre d'autres facettes méconnues par les Marocains restés au pays qui croient que tout est facile en France et que les difficultés et les échecs rencontrés dans le parcours ne sont que des échecs personnels. Le jugement français n'en n'est pas moins injuste car il impute toutes les difficultés à l'absence de volonté de réussir qui serait due à la culture de la fainéantise. L'ouvrage de Lamihi tord le coup à ces deux conceptions à la fois en décrivant concrètement et parfois dans les détails la vie de l'étudiant qui immigre pour poursuivre ses études et se former. Les milliers d'étudiants marocains en France se retrouveront dans le tableau peint par l'auteur, en particulier dans le vécu à Paris. Ce fut mon cas aussi.

 

Ahmed Lamihi, par cet ouvrage, démontre que l'écriture biographique, bien qu'elle soit centrée sur l'auteur, traite des questions sociales et existentielles qui concernent aussi les vies des autres dans des rapports mouvants et compliqués. L'adversité et parfois la complexité du parcours peuvent être une source de créativité, ce que confirme Ahmed Lamihi par cet ouvrage.

 

Tout en étant lecteur ordinaire et non pas critique littéraire, je dois malgré tout m'exprimer sur le style d'écriture d'Ahmed Lamihi, style qui me convient et que je défends sans hésitation. La simplicité dans le texte nous renvoie à une marque de fabrique qui est la notre, - je parle ici des institutionalistes -, et ce pour une raison simple, ce qui « nous » intéresse en premier lieu, c'est la description du réel tel qu'il nous est donné. Je voudrais rappeler qu'il y a dans notre formation arabe initiale une tendance à sacraliser l'écriture en la présentant comme tâche complexe et presque impossible : Une écriture qui s'enferme dans les formes par le recours au maquillage ou au coloriage excessif, formes qui rendent le texte indéchiffrable et incompréhensible pour le commun des mortels et des lecteurs. Ceci est sans doute l'une des explications de la rareté de l'écriture et de la publication dans notre culture marocaine. Je ne suis pas le seul à faire cette remarque : les Français disent aussi que lorsqu'ils recoivent un courrier de chez nous, ils ont l'impression de lire une lettre destinée à un ministre. Ahmed Lamihi casse à sa manière cette habitude ou tradition en ayant recours à un style simple, facile et accessible à tout lecteur. Cette simplicité, que j'aime beaucoup par ailleurs, n'est pas due au hasard, elle est le fruit d'un travail acharné et quotidien de l'écriture. C'est une tradition des institutionnalistes qui insistent dans la formation sur l'écriture au jour le jour notamment celle du journal.

 

Par delà sa présentation comme ouvrage de récit d'une tranche de vie, Père et Fils est un ouvrage qui mérite des approches diverses : historique, sociopsychologique et interculturelle. Une première lecture ou même une deuxième ne suffisent pas pour mener à bien ce travail. Le livre est riche d'informations sur les espaces fréquentés, les personnes réelles - et non pas fictives- rencontrées, soumises à des descriptions parfois bien détaillées, tout en gardant la simplicité dans la description. Ce livre m'a beaucoup apporté et je suis heureux de partager cette lecture avec les lecteurs de mon blog.

 

Un dernier point, qui n'est pas un reproche, mais plutôt une question, concerne le début et la fin de l'ouvrage. Le lecteur sensible au drame humain, lorsqu'il débute la lecture se voit confronté à la mort dramatique du père et termine la lecture sur la mort de la mère. Pourquoi ce choix ? Je suppose qu'Ahmed Lamihi garde dans ses tiroirs la réponse à cette question et la suite de cette biographie.

 

Benyounès Bellagnech

Père et Fils de Ahmed Lamihi

Père et Fils de Ahmed Lamihi

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25 février 2009 3 25 /02 /février /2009 17:51

Remi Hess,

Voyage à Rio

Sur les traces de René Lourau

Préface de Pascal Dibie, Ed. Téraèdre, Coll. « L’écriture de la vie », 2003.

 

 

Dans la préface de l’ouvrage, Pascal Dibie souligne que l’auteur tente de se rapprocher de la vérité, au sens où René Lourau l’entendait, par l’implication totale du chercheur, en ajoutant plus loin que l’écriture de la vie est comprise comme vérité fondamentale de la construction de la science. En effet, tout au long des 160 pages que compte le livre, Remi Hess tente de mettre en œuvre cette vérité multiple, multidimensionnelle, multiréférencielle et transversale, en revisitant les concepts fondamentaux de l’analyse institutionnelle. C’est une vérité qui veille en permanence sur l’articulation dialectique et nécessaire entre la théorie et la pratique. « L’AI est un engagement. Les idées d’autogestion, d’analyse d’implication, de socialisation de l’analyse sont structurantes d’un certain type de pratique à l’opposé de l’idéologie du fonctionnaire » (p25).

 

D’entrée de jeu, l’auteur tente de penser au lecteur éventuel de l’ouvrage, qui pourrait être « un lecteur contingent, c’est à dire qui découvre un texte, et, par ce texte, son auteur. Le lecteur contingent se distingue du lecteur nécessaire qui lui, connaît déjà l’œuvre de l’auteur ; il inscrit le texte dans un ensemble. Le lecteur nécessaire a les moyens de dialoguer avec le créateur » (p17). Que l’on se situe dans la catégorie des lecteurs contingents ou dans celle des lecteurs nécessaires, on participe à ce voyage à Rio dès les préparatifs, en rentrant par le biais de la lecture dans la transversalité théorique, y compris par la lourdeur des bagages qui ne sont entre autres que des ouvrages récents ou réédités de Georges Lapassade, René Lourau, Henri Lefebvre, Remi Hess, Raymond Fonvielle… La préparation du voyage plonge l’auteur, et nous avec, dans l’altérité, cette présence à l’esprit de l’autre et des autres, qui sont en l’occurrence les Brésiliens qu’il rencontrera à Rio. L’auteur ne fait pas seulement preuve de générosité et de partage avec l’autre en transportant dans ses bagages tant de livres, mais il a également en tête l’engagement des institutionnalistes dans l’effort collectif, certes parfois conflictuel, de développement de l’analyse institutionnelle, au centre comme à la périphérie.

 

Une fois arrivé à Rio, l’auteur nous décrit ses rencontres, ses retrouvailles avec certains institutionnalistes brésiliens, lesquels abordent avec lui le programme de son séjour qui consiste à donner ici et là des conférences à un public varié et divers en fonction du type de rencontre supervisée ou improvisée. En attendant ces rencontres, Remi Hess tente de faire de l’intervention en écrivant le journal ! et ce avant d’entamer les conférences prévues dans le cadre du colloque organisé par l’université d’Etat de Rio. Ainsi le lecteur rentre dans la vie au jour le jour de l’invité au colloque, dans un univers qu’il découvre et du coup l’auteur le partage avec le et ou les lecteurs éventuels du journal.

 

Les références historiques de l’analyse institutionnelle dont la psychothérapie institutionnelle et la pédagogie institutionnelle ainsi que l’œuvre d’Henri Lefebvre font l’objet d’un long exposé dans le chapitre suivant. Remi Hess ne se contente pas de rappeler l’histoire, il tente de nouvelles pistes de recherche historique, notamment en ce qui concerne les conditions historiques de l’émergence de la psychothérapie institutionnelle en France pendant la Seconde Guerre mondiale.

 

Entre une conférence préparée à l’avance et l’improvisation, il arrive parfois à l’auteur d’opter pour l’improvisation sans omettre l’explication de cette démarche. Car et contrairement à l’idée reçue sur l’improvisation, consistant à dire que celle-ci serait banale et facile à mettre en place, Remi Hess nous met en garde contre les errements, en expliquant les bases nécessaires de la création sur lesquelles s’appuient toute improvisation, improvisation qui tient compte de l’auditoire et de la particularité de celui-ci. En somme, on peut parler de l’improvisation préconçue comme pratique orale, visant à susciter l’échange en évitant l’ennui qu’engendre très souvent la parole sans rythme qui caractérise les conférences classiques. L’auteur rappelle que l’oral demeure primordial dans le dispositif de la socioanalyse, mais que l’écrit, sous forme de journal, de compte rendu ou autre, permet une certaine construction, en vue d’une restitution ou d’une publication. Cela participe à l’institutionnalisation du sujet. Ainsi toute vérité annoncée et/ou écrite est sans cesse questionnée.

 

Lors de la conférence sur René Lourau, Remi Hess fait un rappel de certaines notions travaillées par Lourau et notamment le transfert, le contre-transfert, l’implication et l’autogestion. Il évoque également son rôle dans la fondation du journal comme outil de la recherche, pratique devenue presque courante dans l’analyse institutionnelle. Il rappelle enfin que la transduction fût le concept sur lequel travaillait René Lourau avant sa mort. « Il y a un lien logique dans l’œuvre de René Lourau entre sa théorisation du journal et son évolution finale vers la transduction » (p73).

 

Aller à la rencontre de l’autre, c’est aussi se confronter à sa langue, notamment lorsque celle-ci nous est inconnue. En évoquant ce dilemme, l’auteur raconte qu’il avait eu l’envie d’apprendre les langues latines, mais qu’une sorte de distribution de tâches s’était instaurée du vivant de René Lourau. Celui-ci se consacrait à l’Amérique latine tandis que Remi Hess s’occupait du Nord et particulièrement de l’Allemagne. Toutefois, invité par les Brésiliens pour parler de Lourau, l’auteur ne peut pas s’empêcher de se mettre au brésilien. Les interférences s’imposent par la vitalité de l’AI au Brésil. C’est un moment de rencontres où l’on raconte des histoires, des anecdotes, des souvenirs de la vie collective, en ayant à l’esprit le passage de René Lourau, toujours présent par ses écrits traduits et largement diffusés chez les institutionnalistes brésiliens.

 

Pour Remi Hess, la conférence représente aussi l’occasion de développer sa réflexion théorique. La théorie des moments, inspirée par Henri Lefebvre, est largement expliquée dans cet ouvrage. Il y évoque l’effet Meslier et le cryptisme, la construction du moment face à l’enfant en citant Françoise Dolto, l’apprentissage de la langue comme moment et non pas comme apprentissage didactique dans l’absolu. « On voit donc que l’éducation aurait intérêt à s’approprier la théorie des moments. Et la psychologie aussi. Et pas seulement la psychologie individuelle, mais aussi la psychosociologie, la psychologie des groupes, le travail social. Car ce que j’ai développé sur le terrain de la construction du sujet individuel pourrait fonctionner au niveau des groupes et des organisations » (p115). La théorie des moments est aussi politique puisqu’elle permet une distinction entre la situation et le moment. Celui-ci peut être interculturel et aide à se confronter à d’autres cultures dans différentes situations. Sans oublier la dimension clinique des moments et la superposition des moments… On voit bien que ce chapitre consacré à la théorie des moments confirme le fait que le voyage et les conférences, bien qu’ils devraient à priori être consacrés à la mémoire de René Lourau, se transforment en moment de création et développement d’une théorie ou d’un ouvrage entamé par ailleurs. René Lourau serait probablement fier de voir l’AI s’ouvrir et ouvrir d’autres pistes de réflexions théoriques.

 

Dans le même ordre d’idées, l’auteur distingue dans la socioanalyse entre les niveaux de l’intervention, du mode d’action institutionnelle, de la lutte contre l’institution et de la position anti-institutionnelle. Il souligne par ailleurs l’importance de l’assemblée générale, de l’autogestion et des analyseurs dans la compréhension de la situation socioanalytique, avant de conclure par une définition de l’implication qui serait l’ensemble des appartenances institutionnelles, autrement dit le reflet de la transversalité institutionnelle. Devant le blocage des institutions et pour l’efficacité de l’analyse, il prône la méthode régressive-progressive pour en sortir.

Le mouvement de l’écriture, tel qu’il se déploie dans cet ouvrage, n’explique pas seulement comment se forgent les concepts, mais aussi comment ils intègrent le mouvement opératoire.

Ce Voyage à Rio, effectué en 2000 dans des circonstances difficiles et complexes marquées par la disparition de René Lourau, par une lutte à mort au sein de l’institution d’appartenance et par un moment qualifié de clinique par Remi Hess lui-même et qui a donné lieu par la suite à l’écriture de l’ouvrage Le sens de l’histoire, n’en demeure pas moins productif, car il lui a permis de représenter l’AI française à Rio et d’envisager tout un programme d’édition en sciences de l’éducation au Brésil.

La relecture quelques mois plus tard de ce journal par l’auteur lui-même lui fait dire que « Le Voyage à Rio m’apparaît ainsi comme participant d’un triptyque, dans lequel le journal d’enquête et le livre théorique ont aussi leur place. Le Voyage à Rio est donc un moment de la recherche. Ce moment est intense » (p 151-152).

Le lecteur nécessaire ne peut s’empêcher de se dire, après avoir lu le livre qu’il faudrait le reprendre à chaque fois que le besoin d’approfondir tel ou tel concept de l’AI s’impose. L’ouvrage est désormais classé dans un moment de l’histoire de l’analyse institutionnelle. Le lecteur contingent découvrira moult histoires, anecdotes et détails, comme une fenêtre pour visiter un courant de pensée mondiale.  

 

Benyounès Bellagnech

http://lesanalyseurs.over-blog.org/

Publié sous le nom de Benyounès

in Les IrrAIductibles n°5

 

                

     

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10 février 2009 2 10 /02 /février /2009 17:40

L’Analyse Institutionnelle au Brésil

Ouvrage collectif coordonné par Lucia Ozorio

Paris, Editions AISF, coll. Transductions, 2005, 202p.


 

           Ce livre a sa genèse dans le Colloque Georges Lapassade, lorsqu’en janvier 2002, l’Université de Paris 8 s’est intéressée à son histoire et a demandé à Remi Hess d’organiser une rencontre autour de l’œuvre de G. Lapassade. Ce dernier a exprimé, à son tour, son désir d’évaluer le mouvement qu’il a contribué à créer. Lucia Ozorio a été invitée à parler des séjours de Georges Lapassade au Brésil.
         Dans son introduction, elle reprend des éléments de l’histoire de l’analyse institutionnelle au Brésil : « Ce livre fait partie de cette histoire. Il s’agit d’une manière de faire histoire, une histoire avec les historiens. Je m’explique. Il s’agit d’une histoire où les historiens s’impliquent dans son écriture. L’écriture, dans une perspective institutionnaliste, est une écriture autobiographique, d’après R. Hess (Delory-Momberger et Hess, 2001).  L’écriture comporte l’acte de la restitution d’une recherche. Nous sommes toujours chercheurs si nous sommes des désireux connaisseurs de la réalité. L’écriture parle directement de l’implication du chercheur dans la recherche et de son implication dans l’acte de l’écriture ».
          Elle ajoute : « Ce livre raconte une histoire où les historiens – chercheurs participent avec les autres acteurs, à une certaine production de vérités, multiples qui connaissent la transduction ».
          Elle précise : « Au Brésil, le terme analyse institutionnelle est souvent employé d’une façon générique, essayant de rendre compte d’un paradigme « institutionnaliste ». (…)
         
           « Pouvons-nous parler d’une analyse institutionnelle en dispersion au Brésil ? Si on prend en compte sa complexité historique, nous pouvons la comprendre dans ses mouvements « sur/vers un objet virtuel pour le construire et le réaliser. Ce serait une logique de l’objet possible et/ou impossible ».
(Lefebvre, 1969 : p. XXIII). Il ne s’agit pas de slogans, ni d’un Sujet, ni d’un Discours homogène. Dans ce sens, l’analyse institutionnelle au Brésil est une praxis. Elle est toujours en train de se faire,  transductivement, dans plusieurs moments (Lefebvre, 1962). Le moment ouvre une perspective du dépassement de l’histoire. En même temps, il donne une version positive de la transversalité. Un moment est la négation d’autres moments qui existent en même temps et peuvent donner une compréhension plus vaste des interférences dans un processus.

L’histoire de l’analyse institutionnelle nous autorise à parler des moments théoriques et pratiques. S’il y a des moments où l’on ne sent plus le poids du contrôle étatique, il y en a d’autres où les reliquats du système capitaliste sont plus présents et forgent poiétiquement dans la praxis des rassemblements. C’est là que se joue vraiment quelque chose pour inscrire l’analyse institutionnelle dans la minoritaire histoire. C’est là que se joue vraiment quelque chose pour affirmer la genèse sociale de la production de la connaissance.

 

Par  la suite, différents auteurs brésiliens nous proposent leurs terrains à la manière de Georges Lapassade.

 

Tout d’abord, dans un entretien, Lucia Ozorio interroge Georges Lapassade sur son rôle dans l’introduction de l’AI au Brésil. G. Lapassade raconte son parcours et ses souvenirs. Les deux personnes se trouvent confrontées à leurs implications différentes vis-à-vis de l’histoire du mouvement.

 

Sônia Maria Pellegrini de Azeredo y relate sa recherche-intervention et son expérience en tant qu’Enseignant Orientateur de Stage pour les Licences de Psychologie de l’Education. Elle analyse les demandes des élèves-futurs maîtres en Psychologie de l’Education, les comportements des stagiaires en classe, - participant le moins possible et faisant preuve de peu d’initiatives, alors que le stage est une occasion de participer et d’apporter des connaissances-, ainsi que les dispositifs de restitution que sont les rapports de stage.

Pourtant, « nous pensons qu’à partir du moment où le stagiaire commence son année en élaborant son projet, il est déjà en train de s’approprier de ce territoire dans le domaine social de l’institution éducative.

Elle essaie de voir ce qui contribue à l’immobilisme de tant de jeunes pendant leur formation et de réfléchir sur les mécanismes de reproduction qui se logent dans l’univers des institutions éducatives.

La recherche-action de Lucia Ozorio porte sur des Politiques Participatives de Santé, processus de construction collective de la santé au Parque Royal, communauté, -terme préféré à celui de favela -, située dans le quartier d’Ilha du Governador, à Rio de Janeiro,

Lucia Ozorio s’est efforcée de restituer la parole des habitants, de montrer leurs logiques de réflexivité, de conserver le vécu, et de prendre en compte l’historicité qui traverse leurs pratiques, afin d’avoir accès à la santé. 

Pour comprendre les luttes de la population dans la construction de ces politiques, il faut considérer « leur potentiel instituant, créateur face aux problèmes qu’elles doivent affronter, autant que les vicissitudes des médiations qui caractérisent leurs relations avec l’Etat, mais aussi avec d’autres acteurs, dévoilant, soit le caractère ambigu, soit le caractère institutionnalisé qu’elles adoptent en certaines conjonctures ».

« Sur le terrain, ces politiques participatives de santé se constituent comme un travail socianalytique de longue durée, en profondeur, proposant dans leur problématique la collectivisation de la santé. Leur contingence et leur immanence, qui les lient au terrain, sont des traces indispensables qui sont prises en compte. La santé à Rio a une histoire pleine d’autoritarismes qui insistent à considérer le savoir populaire comme mineur ». 

La communauté-processus se manifeste, alors, dans plusieurs moments (Lefebvre,1962).

« Plutôt que de se situer dans le contrepoint intervenir versus partager, nous préférions relever les interférences relatives à cette rencontre dans le domaine des propositions de l’éducation populaire et santé, contribuant ainsi à la compréhension de la santé qui processuellement se fonde dans l’histoire. L’acte éducatif y compris dans la santé explicite des contradictions. Les modes de faire santé auxquels les politiques participatives s’intéressent sont des expérimentations de vie d’une communauté qui vit la communauté. Celle-ci favorise le partage des expérimentations de vie, en commun…. »

 

La recherche-intervention de Marisa Lopes Da Rocha est centrée sur une école publique qui se trouve à côté d’une communauté pauvre de la ville de Rio de Janeiro,

Dans ce travail, l’équipe de travail est composée de chercheurs et de stagiaires rattachés au département de Psychologie Sociale et Institutionnelle et au Service de Psychologie Appliquée s’interroge « sur les facteurs prépondérants qui, à l’école, agissent sur la formation des élèves de classe populaire, car c’est l’organisation qui, dans notre société, actualise les institutions essentielles à la construction de la subjectivité. C’est dans le quotidien de l’école que l’équipe cherche à soulever les questions issues des conflits qui s’établissent entre la pratique de l’éducateur et la réalité des élèves, en ayant comme objectif la construction collective de projets de changement de la réalité ».

La recherche-intervention, menée dans des établissements d’enseignement scolaire, met l’accent sur les équipes qui s’occupent des élèves et des familles dans leur quotidien. Diverses questions se sont révélées être des impasses difficiles à surmonter : la question économique qui induit un important turn-over dans le système d’enseignement, la qualification professionnelle nécessaire à la diversification du travail avec une population toujours hétérogène ; les relations verticales qui engendrent, à l’intérieur de l’école, une forme de paternalisme qui aboutit à une désappropriation en chaîne des initiatives et des luttes du collectif ; la dure routine où le désir de connaître ne se traduit pas par l’intérêt d’apprendre - difficulté qui concerne non seulement les élèves, mais également les professeurs

« Modifier la réalité, créer de nouveaux projets qui puissent mobiliser les conflits qui existent dans les modèles, cela signifie ouvrir la voie à des changements significatifs dans les institutions actualisées, dans les pratiques éducationnelles, dans les critères qui justifient la norme scolaire ».

« Cette perspective implique la rupture avec la bureaucratisation, forme naturelle d’organisation qui prescrit le quotidien à travers l’actualisation de modèles, d’évaluations permanentes et de sanctions qui disposent-classent par séries et rectifient, mécanisant les sujets dans les habitudes »

« Analyser constamment le quotidien, c’est travailler à partir de pratiques comme sources productrices de connaissances »

« En ce qui concerne l’enseignement public brésilien, - qui subit de fréquents changements issus des bureaux, dans le but de surmonter les questions qui mènent au non-apprentissage- , le défi serait de rendre aux éducateurs des conditions d’analyse, d’évaluation et de propositions de différents chemins pour la vie scolaire, en articulant les mouvements les plus larges, afin d’améliorer les conditions d’enseignement, avec les mouvements singuliers qui révèlent le quotidien des relations scolaires. Cela ne signifie pas une individualisation des problèmes de l’éducation, mais, au contraire, une analyse des implications des questions les plus générales dans les actions de chacun des groupes liés à l’école ».

« C’est dans le quotidien de ce travail que nous cherchons à soulever les questions issues des conflits qui s’établissent entre la pratique de l’éducateur et la réalité des élèves, avec pour objectif la construction collective de projets de changement de la réalité ».

 

Alfredo Martín nous montre à travers des exemples comment l’Etat insconcient fait son chemin en nous.

Il évoque tout d’abord l’exclusion et les exclus ce génocide invisible et quotidien en train de se/nous consommer. « Ce processus de culpabilisation massive, par lequel (implicitement ou explicitement), on attribue la faute à la victime, aux porteurs des symptômes, est l’un des premiers mécanismes excluants de l’Etat inconscient, dont nous essaierons, dans cet article, d’analyser quelques dimensions de sa logique ».

« On attribue la causalité du phénomène à celui qui porte les symptômes et subit les conséquences de cette stigmatisation. C’est la logique de la terreur d’Etat, de l’Etat terroriste, la logique même des tortionnaires (si je te torture, c’est de ta faute, disaient les geôliers argentins), des bureaucrates (ce n’est pas de ma faute, je n’ai fait qu’obéir aux ordres), des complices (je ne savais rien, je n’ai rien vu) et des commanditaires (je ne regrette rien, je l’ai fait pour une cause supérieure) ».

 

Il décrit ensuite plusieurs interventions socianalytiques menées au Brésil et en France :

- une expérience de sociodrame institutionnel avec une trentaine de militants d’une importante section syndicale à Rio, secteur, durement éprouvé pendant des années de dictature,

- une deuxième expérience sur le même thème avec un groupe très hétérogène d’une vingtaine de professionnels de la santé, réunissant psychologues, assistantes sociales, psychanalystes, artistes, coordinateurs de groupes de formation, journalistes, éducateurs, etc. Beaucoup d’entre eux avaient une large expérience de travail dans ce domaine, ayant été confrontés aux graves problèmes de la santé publique brésilienne et voulant y répondre par la création de structures coopératives populaires autogérées.

- un premier séminaire intensif d’initiation à l’économie solidaire et à l’autogestion, organisé par un des sept centres de formation syndicale au Brésil

- la proposition à l’université à l’extrême sud du Brésil d’une conférence sur l’analyse des implications du chercheur dans sa recherche, dans le cadre d’un séminaire intensif sur les méthodologies qualitatives, en tenant compte de la presque totale ignorance des travaux institutionnalistes sur ces thèmes

- son travail « comme psychologue en France avec des survivants des camps de concentration bosniaques, asiatiques, espagnols, etc., avec des rescapés de la torture au Kurdistan, des familles de disparus latino-américains ou avec des jeunes « difficiles » des banlieues ou chômeurs de longue durée et comme socianalyste avec des communautés, des bidonvilles, des Indiens, des ouvriers et paysans, des syndicats, etc. au Brésil et en Uruguay, j’ai été confronté, pendant plus de quinze années, au quotidien avec cette perte des droits, cette invisibilité sociale des victimes et cette impunité des responsables qui dénoncent les génocides ».

« On est poussé en permanence à se laisser prendre par les mécanismes de cette gigantesque machine-à–exclure de l’Etat inconscient et à devenir dans ces Temps Modernes, les charlots de la Pensée Unique, infimes et indispensables gouttes d’huile, dont les engrenages néolibéraux ont besoin pour répéter sans fin la cadence infernale des génocides à la chaîne ».

Il s’interroge : « C’est ici que d’autres processus peuvent voir la lumière. Dire non à l’engrenage, faire le geste inattendu qui ouvre un chemin de traverse, questionner sans cesse notre action, notre implication : ce que je fais là, avec telle ou telle personne ou groupe ou mouvement, est-ce une goutte d’huile ou un grain de sable dans la machine ? »

 

La recherche de Jacyara Carrijo Rochael-Nasciutti concerne le coopérativisme. En effet, « la prolifération de coopératives au Brésil ces 10 dernières années, se présentant comme une solution alternative au chômage récent et aux changements dans le système de production économique, éveille des questionnements et suscite des études dans les différents domaines du savoir scientifique concernés par ce thème, notamment dans l’économie et l’administration. (…) Cependant, peu d’études ont été effectuées dans le sens de réfléchir à la re-signification du lieu du sujet social dans la structure coopérativiste. Celle-ci s’oriente vers le redimensionnement du sens subjectif du travail et vers des relations sociales, institutionnelles, dont la notion de travail diffère de celles des structures cristallisées du modèle traditionnel des entreprises ».

Elle porte son intérêt « prioritairement sur l’étude des coopératives populaires, en raison de l’importance grandissante qu’elles occupent dans le contexte socio-politique actuel du Brésil qui se reflète dans leur augmentation expressive et quantitative. Le rapport de conformité de leurs objectifs primordiaux avec la doctrine fondatrice du coopérativisme nous intéresse également. Les contradictions et conflits entre l’application de la doctrine coopérativiste et la tendance actuelle d’incorporation des coopératives au modèle de mondialisation économique se répercutent de manière incisive dans leur dynamique fonctionnelle et se diffusent chez leurs adhérents au niveau personnel. C’est à travers les coopératives que nous pourrons appréhender, de façon plus nette, les aspects psychosociaux attachés à leurs objectifs facilitateurs de l’exercice de la citoyenneté. Nous tenons aussi compte du pouvoir croissant des acteurs sociaux ».

Le biais institutionnel lui a semblé adéquat à l’étude des coopératives populaires. « La relation individuelle avec l’institution s’enracine dans l’identité sociale, culturelle et politique, qui se « produit » dans la pratique quotidienne avec la mobilisation d’investissements et de représentations chez les acteurs sociaux qui peuvent ainsi s’identifier à la société en général ».

« La doctrine coopérativiste ne se restreint pas à une forme d’organisation des relations de travail. Il ne semble pas que cette doctrine ait été engendrée pour servir ou obéir aux divers régimes politico-économiques auxquels elle s’insère, même si l’on essaie de l’adapter. Elle peut donc exister dans n’importe quel régime. Mais, elle apporte dans son essence un point conceptuel qui rompt avec l’individualisme, avec la hiérarchie du pouvoir. Cette doctrine pose comme postulat des formes alternatives de sociabilité qui existent à un niveau micro-politique ».

 

Sônia Altoé : « Tout en retraçant les chemins que j’ai parcourus pendant la construction de mes choix professionnels et en analysant la manière dont je m’y suis impliquée, j’envisage d’aborder quelques caractéristiques qui approchent et distinguent l’analyse institutionnelle de la psychothérapie institutionnelle – la première agissant plutôt dans la sphère éducationnelle,  bien qu’elle ne soit pas spécifique de ce domaine et permette une action plus diversifiée, et la seconde agissant dans le domaine de la santé mentale.

Son parcours en analyse institutionnelle croise le  mouvement français.

Elle nous expose ses expériences en tant que psychologue dans des internats-prisons situés dans la périphérie de Rio de Janeiro, ainsi qu’à l’intérieur de l’Etat. Cela concernait une population de deux mille enfants de tranches d’âge différentes, allant des nouveaux-nés aux adolescents de 18 ans. Dans ces établissements, « deux questions surgissaient simultanément : celle de l’éducation et celle de la santé que l’institution se devait de promouvoir ».

« Face à la demande de promouvoir « un changement de mentalité » chez les fonctionnaires qui travaillaient directement avec les enfants internes – de manière à ce que ceux-ci deviennent « des  éducateurs » au lieu de simples surveillants, responsables de l’ordre et de la discipline – et étant donné mon intention de rendre la prestation de service institutionnelle plus adéquate aux nouveaux questionnements qui apparaissaient, j’ai proposé un travail fondé sur l’analyse institutionnelle, et ce sans pour autant cesser de répondre aux demandes d’appui psychologique de l’enfant interne et sans cesser d’offrir aux professeurs de l’orientation en développement infantile ou sur d’autres thèmes sollicités par eux ».

Elle relate son intervention la plus difficile dans l’école Santos Dumont, à Ilha do Governador, qui abritait des jeunes filles considérées comme « délinquantes », puis analyse son travail dans un ensemble d’établissements éparpillés dans la ville de Rio de Janeiro, à l’intérieur de l’Etat, ayant un fonctionnement semblable à celui d’une institution totale, ségréguant des enfants et adolescents, les séparant de leurs familles, leur offrant un logement, de la nourriture et une école formelle de mauvaise qualité, créant d’innombrables problèmes d’ordre émotionnel, social et éducationnel.

 

 

Heliana de Barros Conde Rodrigues présente sa contribution de la manière suivante : « Cet article fait partie d’un petit ensemble d’études à partir desquelles j’ai essayé de reconstruire les liens entre la genèse théorique et la genèse sociale des concepts de l’Analyse Institutionnelle (…)

Ici, nous parlerons surtout de la deuxième moitié des années 1970, où commence (ou du moins quand devient plus évident) ce que l’on a coutume de désigner comme « fin du Welfare State », « économie post-fordienne », « globalisation neo-libérale » et autres expressions analogues. Nous donnerons la priorité à des processus et des événements en France, ce qui ne signifie pas que la dispersion dont nous parlerons s’interrompra aux frontières de ce pays : la genèse sociale abordée implique un kaléidoscope mondialisé (…)

Cette période a une importance spéciale pour notre présent : l’intellectualité d’alors entreprend une sorte de bilan dont nous sommes encore tributaires, aussi bien en raison de ses échecs et abandons que de son éventuelle puissance ».

Cette étude croise l’histoire de l’AI  au paragraphe « L’Analyse Institutionnelle à l’Université: capitulation ou résistance ? » et revisite notre histoire d’une manière bien différente de celle abordée dans nos livres d’histoire.

 

Lucia Ozorio dans son introduction nous dit : « Je m’intéresse à ce que Edson amène, une sorte de rencontre entre le désir et la praxis. Comme il le dit, cela n’implique pas une réduction des désirs et de l’imagination ».  


           Le texte d’Edson Luiz André de Sousa porte sur le concept d'utopie. Il montre la fonction critique de celui-ci dans l'histoire de la culture. Il essaie d'apporter des éléments d'analyse qui nous aident à comprendre pourquoi l'utopie est entrée en déclin dans notre contemporanéité. A partir de l’œuvre de quelques artistes (Evgen Bavcar et Christo) et surtout à partir d'une réflexion sur l'expérience de création, il démontre que tout acte de création est un acte utopique.

 

Edson Luiz André de Sousa s’interroge : « Un jour, j’ai entendu une personne qui disait la phrase suivante : « Ce qui sépare la fiction de la réalité, c’est un simple geste ». Comment donc un geste, un mouvement qui, à la limite, est celui du désir, peut-il avoir ce pouvoir transformateur de la réalité ? »

Pour lui, « Expérience et utopie nous renvoient directement au désir.

Mais comment faire pour être un peu plus en phase avec ce que nous désirons, et ce aussi bien au niveau individuel que collectif ? »

Pourquoi l’Utopie est-elle si discréditée de nos jours ? Pourquoi le fait de parler d’utopie est-il une manière de déqualifier l’expérience de la réflexion ?

            Nous pouvons penser l’utopie comme l’introduction d’un étranger, qui nous permet de jeter un autre regard sur le paysage que nous avons devant nos yeux. L’utopie vient donc s’opposer à la tendance à la répétition. Il prend l’exemple d’Evgen Bavcar, photographe aveugle.

            « Les utopies fonctionnent donc comme des ancres symboliques. Créer implique instaurer une existence. Toute création s’inscrivant dans la culture comme œuvre de l’esprit cherche à fonder une façon de regarder et une forme singulière de partager une expérience ».

              Il associe l’utopie au droit de rêver.

             Il s’attaque aux fausses utopies qui ont engendré des dogmatismes et des dictatures dominatrices. « Notre temps a créé un nouveau type d’anesthésie des sens par excès de stimuli et, plus que cela, par l’impératif qui impose une consommation à tout prix ». « Nous vivons une profonde confusion entre l’ordre du singulier et l’ordre de l’individuel ».

            « Il est de plus en plus nécessaire d’avoir une utopie qui remplisse la fonction de réveil et qui puisse combattre les multiples visages de la violence à laquelle nous nous confrontons : la violence du dogmatisme, la violence de l’hégémonie des formes du sens commun qui empêchent l’apparition du nouveau, en anesthésiant les singularités, la violence des discussions politiques vides d’attitudes ».


 

            Cette fiche de lecture abordant succinctement les contributions de chaque auteur ne rend pas compte de la richesse de chaque texte, qui à chaque fois, nous ouvre les yeux sur une réalité différente.

 

              Bernadette Bellagnech
http://lesanalyseurs.over-blog.org/

Publié in Les IrrAIductibles n°10

 

 

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