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  • : Le blog de Benyounès Bellagnech
  • : Analyse institutionnelle : Théorie et pratique au sein des institutions politiques, éducatives et de recherche. L'implication des individus et des groupes dans la vie politique et sociale.
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7 mars 2011 1 07 /03 /mars /2011 09:23

Bonjour,

 

Ancien étudiant en philosophie, je rejoins le groupe d’analyse institutionnelle à Paris en 2000. J’y découvre la place importante qu’occupe l’écriture du journal de recherche dans la démarche institutionnaliste et l’intérêt consacré au diarisme au sein de ce groupe. Je participe activement au développement de l’écriture notamment par le biais des publications de la revue Les irrAIductibles et de la collection « Transductions ». Dans ma thèse soutenue en 2008, je défends l’idée selon laquelle l’écriture du journal devrait être une discipline à part entière dans la relation pédagogique et ce dans le cadre de la pédagogie du possible.

 

C’est à ce titre qu’Augustin Mutuale me propose pour la troisième année consécutive d’intervenir dans ce forum de diaristes. Mes écrits sont mis en ligne sur le blog que je tiens depuis 2009, dans la rubrique pédagogie virtuelle.

 

Je vous invite à visiter le blog afin de bénéficier d’une part du travail collectif des étudiants des années passées et d’autre part de développer notre réflexion collective sur la théorie et la pratique du journal.

 

Dans ce forum des diaristes, mon rôle consiste à lire au jour le jour les contributions et à intervenir de temps à autre, soit pour répondre aux questions qui sont posées ou pour exprimer un point de vue en lien avec mes préoccupations en lien avec la théorie et la pratique du journal.

 

Au plaisir de vous lire et de contribuer au travail collectif sur le diarisme.

 

Benyounès Bellagnech

http://lesanalyseurs.over-blog.org  (rubrique : pédagogie virtuelle)

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29 mars 2010 1 29 /03 /mars /2010 09:15

Chemin écrivant


Mercredi 24 mars 2010


Après une longue hésitation, je vais me lancer dans l’écriture pour le forum des diaristes. La semaine passée, je voulais intituler cette intervention hebdomadaire : les diaristes enquêteurs en développant l’idée que le journal est un outil d’enquête au jour le jour. Je ne renonce pas complètement à cette idée, mais je suis obligé de la suspendre pour un temps. Pourquoi ?


Jeudi 18 mars, Catherine poste son texte Sur l’écrire et après l’avoir lu et relu je me suis demandé s’il ne fallait pas écrire sur les diaristes « jouisseurs » en pensant à Lourau qui a dit : « la sociologie me fait bander ». Remi rappelle souvent cette anecdote en disant que le propos est excessif, ce que je peux comprendre. Catherine dit que l’écriture du journal est à la fois jouissive et douloureuse, deux sentiments en apparence contradictoires, mais bien liés et l’un ne va pas sans l’autre.


L’intervention de Catherine fait suite aux textes de Laure et Maryna qui expliquent qu’elles commencent à orienter leurs journaux vers une éventuelle recherche : pour la première sur la petite enfance et la seconde dans le cadre d’une équipe professionnelle. Loin de moi l’envie d’isoler ces textes de leur contexte plus large, mais il s’agit de suivre une piste pour pouvoir exprimer mon point de vue sur ce que j’ai lu.


Je m’associe aux remerciements de tous les intervenants à Catherine, laquelle a réussi à enclencher un rythme soutenu pour le forum, confirmant ainsi notre approche de l’auto formation dans laquelle le groupe joue un rôle majeur. En effet, une alchimie est en train de se constituer entre les membres du groupe participant à ce forum sur la pratique du journal.


Vendredi 19 mars, je devais recevoir chez moi Armando Zambrano, professeur à l’université Santiago de Cali (Colombie), lequel avait choisi avec raison d’assister à la soutenance de thèse d’Assane Diakhate, thèse qui porte sur la pédagogie des grands groupes au Sénégal. Armando est finalement venu le lendemain. Nous avons, avec lui et Pierre un ami, discuté toute l’après-midi de la thèse d’Assane, de l’éducation en France et en Colombie. Nous avons également évoqué la situation politique en Colombie et ses répercussions sur le champ éducatif dans ce pays. Armando m’a dédicacé le livre qu’il vient de publier en espagnol [Armando Zambrano Leal, Philippe Meirieu, Pedagogo, Aprendizaje, filisofia y politica, Ed. Maestria en Educacion superior, USC Universidad Santiago de Cali, Coleccion conceptos, Saberes y Educacion Superior, Cali, 2010]. Ce livre est la traduction espagnole de la thèse d’Armando, soutenue sous la direction de Remi Hess en 2008.     


Philippe Meirieu fait l’actualité suite au score réalisé par la liste Europe écologie qu’il a conduite dans le Rhône. Cette actualité remet sur la table la relation entre la politique et la pédagogie. Avant de se quitter, nous avons convenu de davantage de collaboration, notamment à travers le blog «lesanalyseurs.over-blog.org » et la revue en ligne que dirige Armando et qui en est à son troisième numéro. Elle est accessible en passant par le blog (colonne Liens). Revista Colombiana de educacion superior, pour ceux qui peuvent lire en espagnol.


Il faut remarquer que je fais allusion aux travaux des amis étrangers, c’est une manière de s’ouvrir sur ce que font les autres, car l’universalité de la recherche en Sciences de l’éducation est une donnée qui ne doit pas être à mon sens négligée, afin d’éviter un tant soit peu l’égocentrisme qui guette et menace toute approche unidimensionnelle et monolingue.


Dimanche et lundi, je me suis contenté de suivre l’actualité et les élections régionales dans le cadre de la recherche-action dans ma ville.


J’essaie d’être à jour par rapport au forum des diaristes. Sa lecture quotidienne me conduit à m’intéresser aux autres forums pour essayer de comprendre ce qui est demandé aux étudiants de licence en ligne et d’évaluer leur capacité de réaction, compte tenu, et du travail universitaire exigé, et de leur préoccupation de la vie quotidienne. Ce dernier point traverse les journaux et les questions posées dans les contributions. Cela donne lieu à plusieurs interrogations qui méritent des réponses. J’ai une confiance sans limite dans la capacité de chacun des membres de ce groupe à apporter des réponses aux différentes questions posées.


Ma relecture du mercredi 24 mars me pousse à noter dans mon cahier pédagogique : Laure fait le choix de travailler sur la petite enfance. Maryna tient un journal de bord personnel sur le travail d’équipe dans son domaine professionnel. Lucia revient sur la notion de l’en commun. Catherine explique qu’écrire le journal est douloureux et jouissif à la fois. Elle distingue entre l’écriture du journal dans l’intimité et l’écriture du journal avec une certaine liberté. Noémie souligne que le message de Catherine donne envie d’écrire. Sabrina parle de l’écriture reliance en faisant allusion à René Barbier. Emilie évoque l’écriture des moments. Elisa écrit le journal destiné à un prof virtuel. Malika pointe la dispersion. Il existe le terme de dissociation qui éclaire davantage cette situation. En effet, nous sommes tous dissociés, mais le fait de prendre conscience de la dissociation permet d’en faire un avantage ou un départ positif. Laure tente de rassurer Malika. Il faut ajouter la multidisciplinarité. Malika évoque le renoncement et Catherine l’encourage à être elle-même et à adopter la démarche qui s’impose. Après réflexion, Malika se remet à l’écriture. Théano dit à Malika : « écris, écris ! ». Estelle dit qu’elle lit le forum depuis le début et estime que le journal est un mode de questionnement sur le journal de recherche. Yann prend la bonne décision face aux demandes diverses des enseignants et évoque par ailleurs des difficultés surmontables à travers l’écriture d’un seul journal ou de journaux différents.


Loin de résumer toutes les interventions, ces notes démontrent la dynamique et la rapidité avec laquelle les membres réagissent aux différentes questions posées par les uns et les autres. Je n’ai pas grand-chose à ajouter pour l’instant.


J’ai conclu l’intervention précédente par des indications bibliographiques ; j’imagine que dans tous les cours on propose une bibliographie. Je précise qu’il ne s’agit que d’indication, ce qui veut dire libre à chacun de choisir sa lecture en fonction de ses choix et de ses goûts ou préoccupations. Je suis adepte de la multiplicité des références et j’apprécie les intervenants qui donnent des indications sur ce qu’ils lisent. Cela aide à nous situer dans un champ de référence et facilite les échanges d’informations entre les participants au forum.


A propos du sujet initié par Noèmie : journal de recherche : question « pratique » je vous invite à consulter l’article : Du journal de lecture au journal de recherche, que je mets en ligne sur le blog : lesanalyseurs.over-blog.org (en trois parties).


Merci à tous pour cet extraordinaire travail de groupe


Benyounès Bellagnech
http://lesanalyseurs.over-blog.org
 

 

 

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14 mars 2010 7 14 /03 /mars /2010 11:34

Les diaristes explorateurs

 


Chacune de mes interventions porte un titre pour des raisons que je me dois d’expliquer. Tout d’abord, lorsque j’écris pour le blog, je suis tenu de donner un titre à mon texte car il s’agit d’une règle de référencement et de classement des textes selon certaines catégories. Cela m’oblige à réfléchir à un titre court et en lien avec le contenu du texte. Lorsque j’ai choisi «L’en commun des diaristes», j’ai pensé à Lucia Ozorio qui a défendu le terme de l’en commun qui correspond, selon elle, à une situation de recherche sur le terrain qu’elle a menée dans les favelas à Rio de Janeiro avec les habitants des quartiers qui se réunissaient pour raconter leurs histoires de vie dans le cadre des groupes. Ce dispositif ouvert est très différent de ce que l’on connaît sous le nom de groupe de parole, du fait de la spontanéité et de l’improvisation des participants; les récits de vie ne se trouvent pas isolés ou enfermés dans des boites individuelles, mais circulent entre les participants d’une manière permettant cette trouvaille de l’en commun mis en évidence par Lucia Ozorio dans ses travaux. J’emprunte la formule pour désigner ce qui lie les diaristes par delà leurs statuts, c’est-à-dire la mise en commun de certaines problématiques liées à l’évolution de chacun et de tous à la fois dans l’écriture du journal.

 


Dans «Les diaristes arpenteurs» allusion est faite à un ouvrage de Georges Lapassade rédigé à la suite d’une intervention au Québec. Bien que l’on ait souvent parlé de Lapassade après sa mort, rares sont ceux qui peuvent décrire comment il procédait et il est encore plus difficile de le faire par le biais de cours via Internet. Toutefois, on retiendra que le chercheur pour Georges est celui qui découvre des choses au jour le jour en suivant des traces et en arpentant des chemins inattendus et plus souvent surprenants. De ses quelques mois passés au Québec, G.Lapassade écrit L’arpenteur et Le livre fou, deux titres qui en disent long sur le caractère interrogatif et incertain du travail de recherche sur le terrain.

 


Après avoir lu «Les diaristes arpenteurs» sur le blog, Ruben Bag, qui connaît bien Georges Lapassade, m’écrit un message disant que l’article est intéressant. J’ai immédiatement établi le lien entre L’arpenteur de Georges, Ruben et l’écriture du journal, que l’un comme l’autre pratiquent, ne concevant pas une recherche sans journal.

 


Les interrogations des étudiants engagés dans l’écriture du journal, les hésitations, les rapprochements entre les lectures, les pratiques professionnelles, les questions théoriques, sont des caractéristiques des arpenteurs dans la recherche.

 


Le titre de ce texte ne déroge pas à la règle. En effet, nous avons tous plus ou moins une idée sur les explorateurs, voyageurs, anthropologues…par le biais des médias ou de lectures, mais ce qui nous rapproche davantage des explorateurs, c’est bel et bien l’écriture du journal, car si l’expédition n’est ni filmée ni enregistrée, elle peut donner lieu à un récit rédigé sous forme de journal. Les exemples de journaux de voyages ou d’expéditions ne manquent pas (Michel Leiris, Malinowski, Ibn Battouta…pour ne citer que les plus connus). Lorsque nous entamons l’écriture du journal, nous nous trouvons dans la posture d’explorateur, car nous n’avons pas d’idée précise sur ce que nous allons écrire dans la durée, mais uniquement à l’instant où nous écrivons. La suite est déterminée par les lectures, les trouvailles, les réponses aux questions, les rencontres, les actions, les événements…


En écrivant à l’instant pour le forum, je tente de réagir à ce que j’ai lu tout au long de la semaine: les extraits de journaux de Theano et d’Ali me renvoient à un type d’exploration ethnologique, décrivant pour l’une les personnes accueillies dans le cadre de son travail sur la dyslexie, et pour l’autre certains aspects de la vie scolaire et des relations hiérarchiques entre professeurs et inspecteurs, ainsi qu’à des méthodes et relations pédagogiques différentes entre les profs. Cela me renvoie, en ce qui concerne le journal d’Ali, au Lycée au jour le jour de Remi Hess, journal ethnographique sur la vie du lycée décrite par un prof diariste, chercheur, et enseignant décrivant au jour le jour le lycée dans lequel il exerce. Il s’agit en effet d’une exploration originale d’un milieu que l’on croit connaître du fait que l’on y exerce, mais lorsqu’un tel travail est publié, il crée une situation nouvelle susceptible de devenir à son tour un objet de recherche. Quant à Theano, en décrivant les élèves qu’elle reçoit, elle me fait penser aux journaux de Korczak, qui était médecin et pédagogue, mais aussi diariste. Freud aussi était médecin, psychanalyste et utilisait le journal comme outil d’exploration.

 


Les questions posées par Emilie et Radia sur les difficultés du passage d’un journal total à des journaux thématiques ou encore du passage de l’oral à l’écrit, peuvent être considérées comme un début d’exploration, car nous commençons souvent par nous poser des questions. Le fait de partager cela avec les diaristes sur le forum constitue un début d’élaboration du journal.

 


Je peux par exemple écrire :

 


[Dimanche 14 mars,

Ce matin, je suis allé sur le forum des diaristes et après avoir lu le message de Radia, je me suis interrogé sur le lien avec mes préoccupations actuelles quant au passage de l’oral à l’écrit. Je constate, comme elle le décrit si bien, que certaines personnes éprouvent des difficultés à passer à l’écrit, notamment lorsqu’il s’agit de résoudre les problèmes auxquelles elles sont confrontées dans la vie quotidienne.

 


Il y a quelques temps, quelqu’un est venu me voir pour me demander si je pouvais l’aider à écrire une lettre à son avocat. C’est le travail de l’écrivain public, ce que je ne suis pas, mais puisque la personne que je connais m’a été envoyée par quelqu’un d’autre qui a estimé que je pouvais lui venir en aide, je me suis exécuté. Après l’avoir rencontré et en l’écoutant raconter ce qu’il voulait mettre dans la lettre, j’ai compris la complexité des difficultés auxquelles il avait à faire face. Ceci m’a tellement marqué que je me suis trouvé dans une situation d’explorateur ayant envie de comprendre cette situation précise, situation qui me renvoie à des problématiques de natures différentes dont la difficulté à écrire n’est qu’un révélateur ou un analyseur, comme on dit en analyse institutionnelle.

 


Cet exemple me rappelle le travail de Saida Zoghlami qui a fait sa thèse sur l’illettrisme, travail dans lequel elle rappelle que 10% de la population française souffre d’illettrisme, situation qui renvoie aussi au chômage, au racisme, à l’exploitation des sans papiers, à la pédagogie de l’impossible qui domine dans le cadre de l’Education nationale…

 


En tant que chercheur, quelles sont les pistes
à poursuivre pour tenter d’une part de comprendre le phénomène et d’autre part de l’exposer dans le cadre d’une recherche? Si je décide à partir de ce jour de tenir un journal dans lequel je vais essayer de décrire tout ce que je fais en lien avec cette question: rencontrer la personne, l’interroger davantage, faire son histoire de vie, faire des comparaisons avec des cas similaires, partager mes trouvailles avec les diaristes en diffusant des extraits de mon journal, j’aurai ainsi franchi un pas important dans le passage à l’écriture du journal de recherche.]

 


Je donne cet exemple pour montrer qu’il est possible d’entamer le journal en tant qu’outil de recherche.

 


En guise de conclusion provisoire, je précise que vos contributions avec vos remarques, vos extraits de journaux participent de ce travail en commun vers une utilisation efficace de cet outil de recherche qu’est le journal. N’hésitez pas à intervenir sur la forme comme sur les contenus, les vôtres et celles des autres. Cela est stimulant pour nous diaristes et participants à ce forum.

 

 


Indications bibliographiques :

 


- Georges Lapassade, L’arpenteur, Paris, Epi, 1971 ; Le livre fou, Paris, Epi, 1971.

- Michel Leiris, L’Afrique fantôme, Paris, rééd. Gallimard, 1988, 660p.

- Bronislaw Malinowski, Le journal d’ethnographe, Trad. Par Tina Jolas, Seuil, Recherches anthropologiques, 1985, 305p.

- Ibn Batouta ou Ibn Battuta, fût l’un des plus grands explorateurs de tous les temps. http://www.monsieur-biographie.com/celebrite/biographie/ibn_battuta-5896.php vu ce dimanche 14 mars 2010

- Hess Remi, La pratique du journal, l’enquête au quotidien, Paris, Anthropos, 1998 ; Le lycée au jour le jour, ethnographie d’un établissement d’éducation, Paris, Méridiens klincksieck, Coll. «Analyse institutionnelle», 1989.

- Mohamed Daoud et G. Weigand (sous la direction de) Quelle éducation pour l’homme total? Remi Hess et la théorie des moments, Coll. «Les grandes figures de l’éducation», Dar El-Houda, Ain M’lila Algérie, 2007. Note : la contribution de Nour Din El Hammoutti intitulée Remi Hess et le journal institutionnel : analyse interne, ethnosociologie d’intervention et projet d’établissement, est très intéressante et peut éclairer certains des propos tenus dans le texte ci-dessus.

- A propos de Ruben Bag et Lucia Ozorio, je renvoie aux différents numéros de la revue Les irrAIductibles.

- Vous les trouverez également sur lesanalyseurs.over-blog.org ainsi que des extraits de journaux de Michel Lobrot, Remi Hess et Benyounès Bellagnech. 

 


Benyounès Bellagnech

http://lesanalyseurs.over-blog.org    

   

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7 mars 2010 7 07 /03 /mars /2010 10:35

Les diaristes arpenteurs

 

 

Dans le texte précédent, l’accent est mis sur la liberté dans l’écriture du journal et sur le passage du journal tout court, du journal intime, du journal fourre tout, au journal de recherche. Il faut préciser que cela ne doit pas être compris comme une demande pressante susceptible d’être interprétée comme un devoir scolaire au sens classique du terme. Il ne s’agit que d’une suggestion dans la perspective de la recherche, suggestion soumise à la discussion.

 


Partant du constat que les étudiants qui participent à ce forum des diaristes sont acquis à «la cause» de l’écriture du journal, et qu’ils sont amenés, soit dans leur travail, soit dans la suite des études, à mener des recherches théoriques ou pratiques, j’ai souhaité ouvrir le débat sur comment passer de l’écriture du journal en général à l’écriture d’un journal orienté vers une recherche. Mon propos ne verse pas dans le vague, mais émane d’une pratique concrète de ce que j’appelle la discipline du journal. J’ai fait l’expérience du passage de l’écriture du journal total (5 volumes) au journal de recherche. J’avoue que cela n’a pas été simple car j’étais confronté à la problématique du tri et de la sélection: qu’est-ce qui relève de ma recherche délimitée dans un champ par des frontières réelles et imaginaires. J’ai fini par ne pas choisir en poursuivant l’écriture de plusieurs journaux à la fois en fonction des thèmes et de mes préoccupations au jour le jour. Le journal de recherche m’a servi et me sert toujours de repère, d’appui, d’accompagnement du développement d’un travail sur un sujet, un thème, une problématique ou encore à trouver une réponse à une question précise.


Il m’arrive de comparer l’écriture du journal au travail d’un artisan, qui par des petites touches au quotidien, crée des œuvres. Cela peut paraître paradoxal de citer cet exemple alors que le contexte de notre temps plaide plutôt pour la vitesse, la course et la concurrence…Pourtant, l’écriture du journal au jour le jour, ce qui ne veut pas dire nécessairement tous les jours, permet d’avoir de la distance par rapport au temps qui court; elle permet de le suspendre, voire même d’en faire un sujet de méditation au lieu de vivre le temps comme une aliénation.

Je prends l’exemple du journal de lecture qui est un support qui permet d’établir un type de rapport avec la lecture en interrogeant le texte lu, l’auteur, le style, les idées exprimées dans le texte, l’analyse du texte, le sentiment éprouvé à la suite de la lecture, la position à avoir vis-à-vis des idées ou des propos exprimés dans le livre. Il reste toutefois une question de discernement ou de choix de lecture. Qu’est-ce que je dois lire et pourquoi? Eh bien lorsque j’ai en vue une recherche, une question, une hypothèse, un problème à résoudre, j’oriente mon choix de lecture en fonction de ce type de préoccupation.


Anne-Valérie pose la question de savoir pourquoi on ne demande presque jamais aux élèves leur avis lorsqu’il s’agit de réformer l’école ? Pour tenter de répondre à la question, elle envisage une méthodologie : questions écrites, entretiens, décryptage… Son journal de lecture prendra désormais une direction dans le sens de la recherche envisagée. Le choix de textes à lire se fera en fonction de cette recherche en priorité, mais le journal de lecture peut être maintenu et même poursuivi car il contient des traces de toutes les lectures possibles et imaginables, tandis que le journal de recherche sera centré presque exclusivement sur le domaine de recherche choisi. Je peux dire la même chose à propos du thème choisi par Theano : La dyslexie. Ses observations, ses analyses et ses lectures seront orientées par et vers ce sujet et son journal de recherche en sera le support principal, support qui lui permettra plus tard d’avoir les matériaux à exposer dans sa rédaction du mémoire de recherche en M1.


La recherche est un processus évolutif et complexe dans le parcours de formation. La conception dominante et tranchée de la recherche consiste à décréter que le début de la recherche se fait le premier jour du cours de M1 et se termine par une thèse pour la majorité, sauf pour quelques chanceux qui poursuivent la recherche. Cette conception relève d’une certaine philosophie de l’homme : enfant jusqu’à 18 ans et adulte à partir de cet âge, en somme la vie de l’homme est découpée en tranches : enfance, jeunesse, vieillesse et son rôle est enfermé dans ces schémas. A l’opposé de cette philosophie, nous adoptons une autre conception de l’homme inachevé, théorie développée par Georges Lapassade entre autres. Globalement, la relation pédagogique s’inscrit dans la perspective de l’inachèvement et notre approche de la recherche s’inscrit dans cette même perspective. Cette dimension est à prendre en considération lorsqu’il s’agit, et d’éducation, et de recherche. Anne-Valérie aura sans doute à faire face à cette question lorsqu’il s’agira de répondre à la question de savoir pourquoi l’avis des enfants n’est pas pris en compte lorsqu’il s’agit de traiter de l’école qui est supposée faite pour eux.


Avant de conclure, je rappelle que ce forum, bien qu’il soit dédié aux diaristes, reste néanmoins ouvert aux critiques, notamment aux critiques de ceux qui ont du mal à écrire le journal et aussi de ceux qui s’opposent à cette pratique et qui estiment que l’on peut entrer dans la recherche sans écrire de journal.


Quant aux questions concernant le blog, les irrAIductibles, vous pouvez m’écrire directement à:

benyounes3@wanadoo.fr


Benyounès Bellagnech
http://lesanalyseurs.over-blog.org 

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1 mars 2010 1 01 /03 /mars /2010 09:52

L’en commun des diaristes

 

 

Augustin me demande d’intervenir dans ce forum des diaristes pour la deuxième année. L’expérience de l’année dernière a été riche en échanges entre les intervenants sur une multitude de thèmes et sujets suscités par la pratique du journal chez les uns et les autres. Le forum s’est transformé en cours autogéré par les étudiants bien que l’objectif fût de parvenir à rédiger un journal introductif à la recherche. L’objectif cette année reste le même, c’est-à-dire que les diaristes ont d’ores et déjà entamé l’écriture de journal au sens large du terme ; ils ont acquis un certain savoir en la matière et sont prêts à s’orienter vers la recherche.


L’une des caractéristiques de la pratique du journal est la liberté. En effet, lorsqu’on se met à écrire le journal, on prend le maximum de liberté pour rédiger tout ce qui nous passe par la tête, vécu, vu, entendu, ressenti, lu, conçu, observé, constaté, etc. Cette liberté est indispensable car elle permet à l’écrivant de franchir, même virtuellement, les obstacles qui risquent de bloquer l’élan de l’écriture. Les Surréalistes ont tracé la voie de cette écriture libre qui a eu une influence incontestable sur l’analyse institutionnelle en la personne de l’un de ses théoriciens René Lourau, lequel a par ailleurs écrit [Le journal de recherche, matériaux pour une théorie de l’implication, Paris, Méridiens Klincksieck, 1988]. Moi-même, j’ai commencé l’écriture du journal par ce que j’ai appelé le journal total, journal dans lequel je notais absolument tout ce qui me traversait l’esprit avec une liberté sans limite ne respectant aucune règle si ce n’est celle d’écrire ici et maintenant ce qui me vient à l’instant. C’est un exercice intéressant du moment où il permet de se lancer d’abord dans l’écriture du journal.


Le diarisme est à la fois une pratique et une théorie. Dans sa pratique du journal, Remi Hess développe en parallèle la théorie des moments, ce qui lui a permis dans le même temps de passer du journal tout court au journal des moments. Je vous invite à lire les journaux publiés dans la collection «Journal des moments et moments du journal». Ainsi, l’histoire du diarisme a connu par cet apport un développement de l’écriture du journal permettant une clarification épistémologique, un ancrage du diarisme dans la relation pédagogique et dans le rapport au savoir. Nos échanges peuvent s’appuyer sur ces acquis, afin de permettre à chacun de tracer son propre chemin vers la recherche.


En master 2, il est demandé aux étudiants de rédiger un mémoire de recherche. Le fait de commencer dès le master 1 à envisager cette recherche, à tracer des pistes, à se confronter aux travaux des autres chercheurs sur le thème choisi, peut faciliter la préparation et la rédaction du mémoire.


Ma position en tant qu’intervenant dans ce forum consiste à participer au débat sur la thématique de l’entrée dans la recherche, sachant que cette entrée reste inachevée et donc ouverte à la discussion en permanence. Je vous invite donc si vous le souhaitez à vous inscrire à la newsletter du blog «lesanalyseurs.over-blog.org », sachant d’une part que j’y publie aussi mes interventions dans la catégorie pédagogie virtuelle, et d’autre part, que ce blog a été créé, afin de poursuivre les débats sur la recherche, le diarisme et l’analyse institutionnelle. C’est un travail collectif qui s’y déploie au jour le jour. On y trouve des journaux, des extraits et des articles. N’hésitez pas à y déposer vos commentaires ou vos questions auxquels les auteurs seront invités à répondre.


Ma démarche consiste à lire chaque jour le forum et à réagir de temps en temps aux contributions dans le cadre de l’en commun qui est l’écriture du journal orienté vers la recherche.


A la lecture d’Anne-Valérie, d’Ali, de Theano et de Sabrina, je constate qu’un pas est franchi pour chacun dans l’écriture du journal ainsi que dans la réflexion sur la pratique du journal. Quelques thèmes surgissent qui méritent probablement davantage de développement. Je me contenterai de les rappeler pour l’instant et d’inviter à la discussion.


Le moment : il serait judicieux de revoir à l’occasion la théorie des moments développée par Remi Hess.

L’histoire ou le récit de vie : choix de lecture par Sabrina et qui peut donner lieu à une discussion entre nous. Je reste un peu dubitatif sur la question de l’identité que je traite par ailleurs dans une série d’articles intitulée «L’identité : question métaphysique» (publié sur le blog Lesanalyseurs.over-blog.org catégorie société).


Anne-Valerie et Ali se lancent dans la discussion sur le journal en s’appuyant sur des connaissances en la matière et nous invitent au débat sur le journal de recherche, thème lancé par Theano.


Ainsi la discussion est bien entamée pour ceux et celles qui veulent se joindre au forum.

 


Benyounès Bellagnech

http://lesanalyseurs.over-blog.org        

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4 mai 2009 1 04 /05 /mai /2009 11:20

Introduire la dialectique dans l’écriture du Journal



«La tête vide» c’est le titre que je voulais donner au départ à cette intervention. En effet dans ce forum des diaristes, il a été dit que le pédagogue ne se contente pas de transmettre les savoirs, mais transmet aussi ce qu’il est, consciemment ou non. Certes, la relation virtuelle par le biais des mots, des signes et des représentations de soi et des autres, cache bien cette donnée fondamentale de l’être présent physiquement. Le pédagogue est invité à réfléchir sur cette question dès à présent : comment être virtuellement tout en croyant être dans la mission de la relation pédagogique même virtuelle ?


Dans les échanges, certains diaristes transmettent ce qu’ils font, ce qui leur arrive, leurs projets et exploits, mais rarement les déceptions, les échecs, les découragements. En ce qui me concerne, cette fois-ci j’ai envie de raconter ce qui ne fonctionne pas. Le pire qui puisse arriver à un diariste est de ne pas écrire son journal. Tout au long de ce mois d’avril, je n’ai pas écrit de journal et je continue à me demander comment faire pour débloquer la situation. Comme beaucoup d’entre nous, membres de la communauté réelle ou virtuelle de diaristes, nous avons adopté l’écriture de plusieurs journaux à la fois, d’une part pour éviter la dissociation, et d’autre part, pour tenter d’organiser l’écriture du journal en fonction d’une certaine orientation de la recherche. Eh bien, malgré cette avancée dans l’écriture, il peut arriver que tout se bloque et on ne sait plus où on en est avec le journal.


Prétextant l’arrivée des vacances de Pâques, je suspends pendant deux semaines l’écriture pour le forum. Par la même occasion, l’ordinateur lâche et il faut du temps pour s’en procurer un autre, sans compter la difficulté de récupérer les données utiles pour poursuivre les travaux en cours. Tout cela demande du temps et de la patience. Si l’on n’a pas les deux, on tombe dans la panique et la tête commence à se vider petit à petit dans la douleur. Les jours passent, les choses commencent à s’arranger, mais tant que le devoir d’écrire n’est pas accompli, ce sentiment de la tête vide s’installe, jusqu’au moment où la machine de l’écriture repart.


La panique, l’attente, ne m’empêchent pas d’agir sur un autre terrain où je discute, je propose, je participe à l’écriture de documents, de brochures, de journaux diffusés par quelques milliers d’exemplaires dans la cité. Là aussi, tout ne marche pas à merveille; la satisfaction se conjugue avec la déception du travail imparfait. Pourtant, ce ver dans le fruit manque, l’écriture de journal pour tenir le coup en formalisant les doutes et les incertitudes, manque cruellement au diariste que j’essaie d’être.


Partager ces instants difficiles et insupportables avec la communauté des diaristes me permet de développer aussi le côté négatif, celui de la «non» écriture quotidienne comme négation de l’écriture et l’impression d’oublier une tranche du vécu.


Le négatif est-il utile ou formateur ? Je crois que oui à condition qu’il ne soit pas considéré comme absolu, comme c’est le cas à l’école - fondée sur l’échec de la majorité et la réussite d’une petite minorité, par le biais de la sélection-. Le négatif serait un moyen de reconsidérer la situation, d’y introduire le doute et l’incertitude, en vue de rectifier le tir et d’agir différemment. Dans mon cas, une question revient, question que je me suis posée à plusieurs reprises: La panne d’ordinateur est un problème qui peut se résoudre d’une manière ou d’une autre, mais les conséquences de ce type de problème, et notamment notre rapport à la technique, ne remettent-elles pas sur la table la question du TIC en particulier et de la technique en général. Heidegger s’est penché sur la question et après lui, des gens comme Bernard Steigler et bien d’autres, continuent à travailler sur la question en tant que philosophes. Faut-il prendre du temps pour se pencher sur la question ?


Je n’ai pas écrit, mais j’ai entamé quelques chantiers qui sont encore en friche. Il me faut déblayer tout cela pour pouvoir en parler. Toutefois, j’ai lu par petits bouts : Nietzsche et la scène philosophique, Sarah Kofman, UGE, 10/18, 1979. Je n’ai rien écrit sur ce livre et pourtant, il fait partie de mon programme du Journal philosophique que je mets sur le blog ! Je suis en train de lire aussi : Dans les prisons du Roi, Abraham Serfaty, Messidor/Editions sociales, 1992. La lecture de ce livre me plonge dans l’univers des gens qui ont beaucoup donné pour notre liberté. Serfaty a passé 17 ans en prison pour ses opinions politiques.


Marilyne traite de la question de l’intérêt dans la recherche et la manière de la cibler. Souligne qu’il faut essayer de se retrouver au milieu de la masse infinie d’informations qui nous arrivent de partout comme un fléau qui empêche la concentration. Enfin, elle souhaite donner à lire le Journal à quelqu’un qui peut lui faire un retour.


Laurence pointe la congruence et la spontanéité, deux postures qui parfois rentrent en contradiction. Pourquoi pas, du moment où l’on peut se réclamer dialecticien, car parfois la dialectique vient à nous et il suffit de la constater et de la décrire. Eleonore est d’accord avec Marilyne, moi aussi!


Arielle trouve des pistes d’orientation et se dit également en accord avec Marilyne sur la relation entre l’hygiène de vie et l’écriture du journal.


Catherine nous offre un extrait du journal de lecture du livre La relation pédagogique, ouvrage faisant partie de la bibliographie et méritant notre reconnaissance.


Stéphanie est d’accord avec Eleonore et se pose encore la question de savoir à qui donner à lire le Journal. Peut être faut-il faire comme Catherine et proposer des extraits à la communauté des diaristes.


Ariane rejoint Stéphanie dans sa vision du journal. Ce rapprochement peut favoriser les échanges sur certaines pratiques du Journal.


Catherine, encore une fois, met le doigt sur les vertus instituantes du journal.


Claire plonge dans la lecture de l’entretien avec Remi Hess et apporte des éléments nouveaux à travers sa lecture, ce qui mérite des encouragements. Toute lecture est singulière. Un texte prend vie lorsqu’il est décortiqué par le lecteur.


Nadir évoque le point constitutif du diarisme et Julien trouve sa voie dans l’écriture du Journal.


Une petite parenthèse sur les fautes évoquées par un intervenant. Loin de moi l’idée de faire partie des chercheurs de fautes chez les autres, mon expérience me montre que parfois il faut rester vigilant à l’égard des fautes dans des situations précises et lorsqu’il s’agit de s’adresser à certaines institutions. Afin d’éviter de donner un texte déformé par des fautes, en général involontaires, on peut prendre du temps pour relire le texte ou le faire lire par quelqu’un qui aime corriger. J’ai recours régulièrement à cette dernière méthode.


Nadine évoque la question des sous-groupes.


Yahya nous fait part de son expérience d’écriture du Journal, ce qui est un plus pour tout diariste curieux de savoir comment s’écrit un journal.

J’apprécie ce que Catherine écrit sur le Journal en le définissant comme «outil de théorisation». Elle introduit le doute et l’incertitude, qui sont un peu l’objet de mon intervention. J’irai sur son blog dès que je peux. Je me permets de conclure par sa citation : «Ecrire quotidiennement me demande de la volonté, perdre ce rythme c’est me mettre en difficulté» Catherine. La deuxième partie de la phrase est à l’origine de l’idée d’introduire la dialectique dans l’écriture du Journal.


Merci et à bientôt

Benyounès Bellagnech

http://lesanalyseurs.over-blog.org 

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6 avril 2009 1 06 /04 /avril /2009 17:20

La lecture du journal, analyseur

 

Et si l’on considérait la lecture du journal comme analyseur.  Avant de développer ce postulat, je tiens à répondre à la question posée par Nadir, question qui se distingue par le sujet de transmission de la pratique du journal : « Une question qui m'anime en ce moment et qui est destinée à Augustin et Benyounès : Comment transposer cette pratique diaire aux élèves de bas niveaux et qui seront leurs lecteurs potentiels ? » Pour répondre, je vais raconter une histoire vécue dans un cours de Georges Lapassade : Dans son cours de DESS en ethnométhodologie et informatique, Lapassade demande à ses étudiants d’écrire le Journal, et ce après avoir consacré deux séances à la pratique du journal. Les étudiants se sont tous mis rapidement à l’écriture de leurs journaux, sauf un étudiant qui conteste le Journal. De formation scientifique, cet étudiant ne voit aucun intérêt à écrire le journal et à raconter ce qu’il fait au jour le jour. Georges Lapassade, au lieu de se dire comme font en général les profs, en laissant tomber celui qui ne suit pas les consignes et qui sera sanctionné à la fin de l’année, prend l’opposition de cet étudiant au sérieux et met le problème en débat dans le cours. En d’autres termes et en tant qu’institutionnaliste, Lapassade considère la position de cet étudiant comme analyseur, celui-ci une fois révélé, déclenche l’analyse. Le groupe d’étudiants traite la question du refus, dans la discussion, les échanges, L’objectif n’est plus de convaincre l’étudiant d’écrire son journal, mais se transforme en travail de recherche sur les motivations de ce refus qui peuvent être interculturelles, psychologiques, pédagogiques, sociologiques ou ethnométhodologiques, etc. L’étudiant concerné participe activement à cette analyse. Le résultat de cette démarche aboutit à la publication dans la revue Les irrAIductibles d’un entretien effectué par deux étudiants avec l’étudiant en question qui explique les raisons de son refus d’écrire le Journal.

 

Je rapporte cette histoire qui explique comment une attitude de refus ou d’opposition peut être transformée en situation pédagogique passionnante et productive. Nous avons un collègue qui travaille en ce moment sur le journal de compétences, journal qui consiste d’abord à considérer que tout le monde est doté de compétences et qu’il s’agit tout simplement de les formaliser, de leur donner forme dans un journal. C’est un outil qui peut être utile dans tout type de formation. Le journal peut être présenté comme outil utile. Les différentes expériences de pédagogie du possible, de Freinet, Fonvieille, Lobrot, Oury, montrent bien qu’il est possible de faire écrire les journaux à tout type de public et que les résistances de l’institué reculent, doucement mais sûrement, devant le caractère opérationnel de l’écriture de journal. Bref, la question de Nadir peut être abordée comme un problème concret qui pourrait être traité dans une situation pédagogique concrète et spécifique.

 

La réflexion, que mène notre groupe qui intervient sur le forum des diaristes, est à la fois individuelle et collective. Individuelle par le fait que l’on écrit chacun son journal singulier - qui ne peut en aucun cas être un journal de quelqu’un d’autre -, mais dans le même temps ce que l’on écrit individuellement touche nécessairement les autres, profs, collègues, famille, société, auteurs, etc. Ce qui en fait un produit partagé par au moins deux personnes : l’auteur du journal et celui ou celle qui le valide. Le groupe se définit à partir de deux individus.

 

Tout au long de la semaine dernière, je me suis permis de lire tous les jours le forum et parfois je me disais : ne serait-il pas mieux d’intervenir tous les jours et de donner mon avis sur les questions et les problèmes soulevés ? Je n’ai pas réussi à le faire, mais cela m’a servi à prolonger la discussion dans un cadre global en posant le postulat de la lecture comme analyseur du fait que le problème est posé par tout le groupe. Les échanges sont instructifs parce qu’ils reflètent le niveau de réflexion de chacun d’entre nous, et l’ensemble de ces réflexions devient une problématique de la communauté des diaristes. Si l’on retournait la question autrement : quel type de Journal souhaiterions-nous lire ? Nous écrivons le Journal, les autres aussi écrivent le Journal, sommes-nous prêts à lire tous les journaux ? Ce type d’interrogations peut aider à traiter ce problème de lecture de journal d’une autre manière.

La semaine précédente, j’ai soulevé le problème dans le cadre de la pédagogie du possible, dans le sens où cela permet de progresser avec les pédagogues et j’ai souhaité partager les expériences d’erreur et d’échec, considérant qu’il existe une tendance parfois narcissique chez le diariste, ce qui n’est pas anormal, mais risque parfois de nous faire oublier les autres, autres avec lesquels on est contraint parfois de traiter, d’échanger avec une incertitude sur la suite.

 

J’ai vécu il y a quelques mois l’exemple suivant : Lors d’un stage de groupe, il a été décidé de faire un compte- rendu des séances à la fin du stage. J’ai l’habitude d’écrire le Journal, notamment dans ce type de rencontre. La personne qui devait rédiger le CR m’a demandé le Journal pour s’en servir dans la rédaction. Je n’hésite pas une seconde. Je lui donne le Journal. Elle rédige le CR, l’envoie à certains et pas à tous les membres du groupe, dont moi-même. En conséquence, non seulement je me suis senti exclu du groupe par le fait de ne pas recevoir le CR, mais le plus grave, c’est que je n’ai plus de nouvelles de mon Journal. La personne à qui je l’ai confié n’a pas pris la peine de me contacter pour me rendre mon Journal. Cela me fait penser à Freud dans La psychopathologie de la vie quotidienne, ouvrage dans lequel il cite l’exemple de gens qui sont toujours là en lieu et en heure pour encaisser les chèques et qui ne sont jamais là, soit pour rembourser ou pour donner des chèques. C’est un comportement certes individuel, mais il a des conséquences sur les groupes.

 

Autre exemple, plus dramatique celui-là. Lorsque Georges Lapassade était à l’hôpital, peu de temps avant sa mort, Remi Hess a eu l’idée de laisser à portée de main un journal, afin de permettre aux visiteurs d’écrire un mot sur leur visite à Georges. C’est une idée pratique pour la coordination entre les amis de Georges et en même temps inédite car ce journal aurait pu être un document intéressant sur les dernières pensées de Georges. Le drame, c’est que le journal a très vite disparu de la circulation. Qui avait intérêt à faire disparaître ce journal ? A ce jour, nous n’avons pas de réponse !

 

Un jour, on m’a dérobé mon cartable dans le RER, j’ai perdu par la même occasion l’unique journal que j’écrivais à l’époque. Ce journal non retrouvé m’a beaucoup manqué car il contenait des informations très importantes pour moi du fait qu’elles traitaient de mes débuts au contact du courant de l’Analyse institutionnelle.

 

Augustin a eu plus de chance que moi. Il a perdu son Journal, mais celui qui l’a retrouvé a remarqué le nom et l’adresse de l’auteur et l’a renvoyé à Augustin.

 

Visiblement, que nous soyons favorables ou non au fait de donner son Journal à lire à quelqu’un, le risque fait partie du diarisme qui reste une aventure. Si personne ne lit le Journal, la question de savoir à quoi sert d’écrire un Journal reste posée. Si nous donnons à lire le Journal, nous pouvons avoir des retours positifs mais aussi des surprises désagréables. Si nous situons notre débat dans le cadre de la recherche, nous sommes obligés de tenir compte de plusieurs paramètres de la problématique de l’écriture diaire, d’où mon postulat de considérer la lecture de journal comme analyseur.

 

Bruno : Tu as raison, non seulement de souhaiter le feedback, mais de l’exiger. Lorsque l’on demande à quelqu’un d’écrire un journal pour la validation, la moindre des choses c’est de lui reconnaître l’effort fourni en donnant les impressions sur le travail effectué et cela est très important dans la formation de l’apprenant.

 

Elisabeth : Ton souci sur le devenir du journal une fois lu par le prof doit être pris en compte. La moindre des choses est que l’enseignant doit renseigner l’étudiant sur le sort réservé à son journal. Le problème se pose moins en ligne que lorsque l’on donne un journal écrit sur papier, car parfois le journal peut se retrouver à la poubelle de la fac. J’ai déjà vu cela et c’est scandaleux. Je n’affirme pas que c’est fait exprès, mais cela peut être évité par le biais d’un arrangement entre prof et étudiant. Continue d’insister sur le retour.

 

Pauline : Bravo pour le saut. C’est ainsi que l’on arrive à franchir des barrières qui paraissent parfois infranchissables.

 

Laurence : Merci de confirmer que parmi les lecteurs on peut trouver des personnes qui encouragent la démarche de l’écriture du journal.

 

Marion : Ton intérêt pour la Pédagogie du Possible me conforte un peu dans la démarche de la recherche. En effet, le concept est en gestation et mérite d’être travaillé collectivement. Dans la perspective de ta recherche, cela pourrait t’être utile. D’ailleurs tu le confirmes en soulignant ton intérêt pour la lecture du Journal. Ta démarche rejoint celle de Maia et cela se présente bien.

 

Arielle : Courage et continue ainsi.

 

Patrick : Je suis d’accord avec toi sur les questions. En philosophie, j’ai appris à distinguer entre la question et le problème. Celui-ci une fois posé génère des solutions. L’humanité ne pose que des problèmes auxquels elle finit par trouver des solutions (Marx). Quant aux questions, elles peuvent trouver des réponses qui génèrent d’autres questions ou qui reproduisent les mêmes questions. L’exemple des questions philosophiques est évident, car maintes questions posées par les Grecs par exemple restent posées à nos jours ; ce qui fait que nous avons encore besoin de philosophie pour poser des questions.

 

Maia : Je sais que cette licence a pour option de poursuivre la recherche. J’ai évoqué la dernière fois la question des entretiens collectifs. C’est un travail que nous menons avec Saida Zoghlami et Augustin Mutuale. Il serait bien de le partager avec celles et ceux qui s’y intéressent. Il se peut que nous puissions produire quelque chose pendant les vacances et à ce moment là nous le diffuserons en vue de partager la suite de la recherche. Un autre exemple d’entretien collectif est mis en ligne en ce moment avec Georges Lapassade et il y en a d’autres qui suivront. Je t’invite, ainsi que tous ceux qui le souhaitent de mettre vos commentaires et vos idées sur le blog, notamment pendant les vacances.

 

Le printemps tient ses promesses timidement avec des aléas.

 

Bonnes vacances et à la prochaine séance.

 

Benyounès Bellagnech
http://lesanalyseurs.over-blog.org/                              

 

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30 mars 2009 1 30 /03 /mars /2009 10:02

Attitudes vis-à-vis du Journal

 

 

Le thème qui revient, tout au long de la semaine, consiste à s’interroger sur l’accueil du Journal par des lecteurs éventuels. Faut-il oui ou non donner à lire son journal ? Faut-il choisir ses lecteurs ? Les avis sur ces questions divergent entre les diaristes. Pour tenter de répondre à ces questions, le mieux serait de commencer par expérimenter la lecture des autres avant d’arrêter une décision qui demeure toujours provisoire.


Lorsque l’on est convaincu que l’écriture du Journal a un quelconque intérêt, on est tenté de donner à lire le produit, à la recherche d’une reconnaissance, d’un encouragement ou de félicitation et dans le même temps on appréhende la réaction du lecteur, avec la peur au ventre que ce dernier ne dise que « c’est nul ce que vous avez écrit » ! Afin d’éviter une possible confusion, le mieux serait de choisir son lecteur avec discernement, afin d’éviter des surprises malheureuses.


Me concernant, je garde toujours un souvenir de fierté lorsque je me suis mis à écrire au jour le jour. J’en parlais de temps en temps autour de moi, sans franchir le pas de donner à lire. Mais rien que d’en parler, je constatais les réactions de l’entourage : Beaucoup de curiosité et un peu de crainte en cas de tension dans les relations. Mon premier choix de lecteur fut très bénéfique. En effet après avoir terminé le deuxième volume du Journal total, je l’ai donné à Remi Hess. Celui-ci l’a lu d’un trait et y est revenu la semaine suivante pour en faire un cours qui a duré toute la journée. J’étais agréablement surpris, car je ne m’attendais pas à ce que mon Journal soit si intéressant pour faire l’objet d’un séminaire. Je suis reparti très encouragé à poursuivre l’écriture du journal avec l’acquis qu’il existe de bonnes volontés pour soutenir la démarche.


Au moment de la préparation d’un numéro de revue Les irrAIductibles sur le Journal, Remi m’a proposé de publier quelques extraits dans ce numéro. J’ai eu du mal à choisir ce qu’il fallait donner pour la publication. J’ai profité de cette difficulté pour élargir le cercle de mes lecteurs de journaux prétextant la commande de publication passée par Remi. Une lectrice se propose de lire les deux volumes et de proposer quelques extraits. J’en suis reconnaissant. Toutefois, sa réaction est très froide, bien qu’elle fasse le travail de lecture et de choix de textes. Il faut rappeler qu’à l’époque cette lectrice n’écrivait pas de journal, n’étant pas convaincue de son utilité « scientifique et littéraire ». Elle changera d’avis plus tard. Sa réaction négative au journal est décevante car elle m’a repoussé dans mes retranchements et mis un coup de frein à mon enthousiasme à poursuivre l’écriture du journal et à en parler autour de moi.


De cette expérience, je tire quelques conclusions en lien avec la pédagogie du possible : La posture de Remi Hess, en tant que pédagogue du possible, repose sur le positif, l’encouragement et l’accompagnement de l’apprenant en évitant de l’accabler et d’insister sur les points faibles et les difficultés. Bien au contraire, c’est l’effort, la volonté, le passage à l’acte d’écrire qui sont mis en valeur. C’est l’attitude qui correspond à la définition du pédagogue du possible.


L’autre attitude vis-à-vis du Journal relève de la pédagogie de l’impossible. Cette posture est malheureusement très répandue dans notre champ éducatif. La tendance dominante est celle de la correction, de la loi, de l’établi, du dominant qui n’a pas envie de voir venir les autres et qui n’est pas ouvert à la création. Dans l’AI, on appelle cela l’institué qui est dans une lutte à mort contre l’instituant. La centralité du pouvoir se décline à travers les pédagogues de l’impossible. Ce sont leurs petits soldats auxquels chacun de nous est confronté au jour le jour.


Ma conclusion provisoire : avant de décider de donner ou pas à lire son Journal, il serait souhaitable de choisir son interlocuteur en fonction de critères pédagogiques que je résume dans la pédagogie du possible : le positif, l’encouragement, la sécurisation, l’aide, la manière noble de traiter certains problèmes de forme et de fond, etc.


A éviter une catégorie de personnes qui trouvent du plaisir à détruire les autres, à nuire aux personnes et à leurs proches, à saboter tout ce qui peut être développé autrement, à casser les relations avec les individus et les groupes, etc.


Donner son journal à lire oui, mais pas à n’importe qui. Je mets en ligne en ce moment sur le blog Le Journal philosophique. Ma décision a été prise après avoir donné le manuscrit à lire à Augustin Mutuale. Je l’ai choisi comme premier lecteur parce qu’il est philosophe. Je le lui ai donné en septembre 2008. Il le lit et me dit qu’il est intéressant et qu’il faut le mettre en ligne. Le lecteur dans ce cas est choisi en fonction de critères positifs cités ci-dessus. Son rôle en tant que lecteur et pédagogue est déterminant pour la suite de ma pratique du Journal.


Merci Maia pour tes encouragements concernant l’entretien avec Remi Hess. Je vais essayer de revenir sur notre recherche portant sur les entretiens collectifs.


Bon printemps

A bientôt

Benyounès Bellagnech              

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23 mars 2009 1 23 /03 /mars /2009 14:06

Le point fixe en ligne

 


Le point fixe est un rituel qui consiste à organiser des rencontres réelles d’un groupe dans un même lieu. Ce type de rencontre offre une possibilité de parler, de se lâcher et d’éprouver du plaisir à être pour un temps avec des personnes que l’on aime voir et écouter. Les institutionnalistes ont pratiqué les points fixes pendant longtemps. J’ai vécu cette expérience aussi et je ressens cela comme une nostalgie, un manque quelque part dans l’éducation tout au long de la vie. Les rencontres se tenaient au Khédive, un bistrot situé au centre de St-Denis et parfois dans d’autres bars. Une autre expérience du même type - qui a duré moins longtemps - a donné lieu à l’écriture du Journal de bistrot.

 

En évoquant l’écriture du journal, j’ai dit que c’est une pratique individuelle sauf cas rare, et le Journal de bistrot en fut un, car tous ceux qui fréquentaient le groupe ont écrit dans ce journal. En somme, c’est un journal collectif écrit à plusieurs mains. ( Cf. Aziz Kharouni, Les irrAIductibles n°3)

 

Mon intervention dans ce forum de diaristes me pousse à réfléchir à sa temporalité et au dispositif et c’est ainsi qu’un parallèle s’impose à moi entre le point fixe réel, physique et le point fixe virtuel sur ce forum. L’un des points communs entre les deux réside dans la temporalité, hormis le cas exceptionnel du Journal du bistrot. Autrement-dit, le dimanche ou le lundi ressemblent fictivement au mardi et au vendredi d’avant. Dans les rencontres réelles, on parlait de tout : des infos, de la recherche, de la politique, de la musique, de l’art, de la vie des uns et des autres et on se racontait aussi des histoires. Ce n’était pas académique, mais c’était très vivant avec de la chaleur humaine et du plaisir en plus.

 

Peut-on dire la même chose du point fixe virtuel, celui-ci par exemple, qui nous met concrètement devant un ordinateur - ni chaud, ni froid – à regarder des formes - des textes – et à tenter d’y répondre. On se force en quelque sorte de trouver des idées à faire passer tout en imaginant, d’après les quelques signes que l’on a, l’accueil que pourrait avoir notre discours. Il faut admettre que ce dispositif nous met dans une situation d’incertitude ou de préjugé pas assez confortable.

 

Pourtant, tout au long de la semaine, je me suis permis d’aller sur le forum et de lire les communications ; et à chaque fois, cette semaine davantage que les semaines d’avant, une conclusion s’est imposée à moi après chaque lecture : les participants à ce forum sont formidables. Ils ont des choses à dire, à écrire et à raconter. C’est donc avec la contrainte du point fixe que je vais dire quelque chose pour partager ce plaisir virtuel. J’ajoute que j’ai commencé à regarder les autres forums et c’est par là que je vais entamer mon propos.

 

Faire du forum « Au carrefour des diaristes », un espace transversal par lequel on peut aborder des sujets traités dans les autres forums d’une manière ou d’une autre serait quelque chose de complémentaire à nos échanges. Je dis cela, parce que la semaine précédente, j’ai évoqué avec vous l’auto–orientation par le journal. Il me semble que la référence aux travaux de Christian Verrier s’impose dans l’autoformation et l’autodidactie. Donc, un lien peut être établi entre les deux notions, bien que notre sujet de discussion porte d’abord sur le journal.

 

Remi Hess propose une réflexion sur le moment dialectique. Pour ma part, j’ai posé la question sur l’introduction de la dialectique dans la méthode. Mais la question du moment dialectique mérite toute mon attention et je souhaite partager avec tous ceux qui souhaitent travailler sur cette question fondamentale.

Je rappelle que je mets en ligne un Journal philosophique sur le blog http://lesanalyseurs.over-blog.org  Mais du fait que je le transcris au jour le jour sur ordinateur pour le diffuser, je ne cesse de m’interroger sur l’intérêt, l’utilité et la finalité de cette affaire. En quoi la philosophie peut être formatrice ou participe à la formation ou à l’éducation tout au long de la vie ?  Vaste question ! On goûte à la philosophie l’année avant le bac et après qu’en fait-on de ce que l’on a appris de la philosophie ?

 

Inutile de compter le temps passé à rédiger cette chronique interrogative, je tiens quand même à encourager les diaristes dans leur élan.

 

Je remercie Patrick d’avoir évoqué la traduction. J’ai été traducteur de presse pendant cinq ans, je traduisais tous les matins des articles portant sur la stratégie et la Défense pour un organisme de presse chargé de fournir une revue de presse européenne quotidienne au chef d’état-major de l’armée française. Je confirme ce que dit Patrick sur la rigueur exigée dans ce type de travail. D’un côté formel, j’entends, c’est très formateur sur le plan de l’écriture. De l’autre côté, on peut s’interroger au pourquoi d’une telle exigence dans ce domaine et non pas dans les autres domaines. Qu’est-ce qui fait que la forme, l’écriture, prennent de l’importance en matière de Défense et non pas dans les autres secteurs de la vie ? J’ai écrit Le journal de traduction au cours de cette période. Et si l’occasion se représentait, je reprendrais le débat sur la traduction.

 

Deux autres points évoqués par les uns et les autres, -je m’excuse de ne pas pouvoir citer les noms, faute de temps- l’un porte sur l’écriture en tant que forme. C’est un sujet qui mérite que l’on s’y arrête. Je n’ai pas pour l’instant de questions précises à poser à ce sujet, je n’ai que des considérations vagues, relevant de la sémiotique, la grammaire, la logique, etc. mais j’y reviendrai avec des questions précises.

 

Le second point est lié à l’écriture ou non du journal tous les jours. Je souligne qu’à l’école et ailleurs, on nous apprend rarement à dire non à quelque chose que l’on n’a pas envie de faire. A mon sens, il est temps d’introduire le négatif, la négation, le refus, parfois la subversion et la transgression dans la pédagogie. Si l’on considère de temps en temps que l’on n’a pas envie de faire quelque chose, comme c’est le cas de l’écriture du journal au jour le jour, on ne le fait pas.

 

« La chronophagie », terme employé par Marie-Pierre, doit être prise en compte. Les diaristes savent écrire par exemple « hier, je n’ai rien écrit », ou encore « j’arrête pour un temps d’écrire le journal ». Il est difficile d’écrire son journal lors d’une cérémonie d’enterrement ou de mariage ou de je ne sais quel événement festif ou non, alors que la situation exige une présence physique et mentale entière. Il n’y a alors pas de place pour le dispositif d’écriture du journal.

 

Il peut nous arriver tout simplement de vouloir ne rien faire et notamment de ne pas écrire de journal. Cela pourrait être aussi une bonne chose salutaire.

 

Bonne continuation et à bientôt

 

Benyounès Bellagnech
http://lesanalyseurs.over-blog.org/

 

 

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16 mars 2009 1 16 /03 /mars /2009 17:56

Le diarisme en ligne

 

 

« Mille respects pour vos opinions !
Mais de petites actions non-conformistes valent mieux »
Nietzsche

 

Intervenir dans ce forum prend la forme d’une chronique hebdomadaire dans un contexte diariste qui suppose l’écriture au jour le jour. Nous sommes supposés écrire chaque fois que cela est possible, mais le fait de choisir tel ou tel support ne va pas de soi, idem pour les sujets traités. Je me demande parfois s’il ne faut pas transformer cette tribune en journal hebdomadaire, c’est-à-dire en un support comme un journal où je décris ce que j’aurais fait la semaine qui vient de s’écouler.


Certes, il est plus facile comme le prône Marc-Antoine Jullien, de se donner un peu de temps avant d’aller se coucher, pour écrire le vécu de la journée, mais il faut noter que le mode de vie entre le 19ème et le 21ème siècle a beaucoup changé. Que l’on soit en poste ou non, notre contexte de vie quotidienne, de relations sociales, culturelles et techniques, est complètement transformé. En une journée, nous voyons et entendons tellement de choses que nous n’arrivons plus à suivre. Nous sommes gagnés par la dissociation, concept auquel Georges Lapassade a consacré beaucoup de temps et à présent nous savons pourquoi.


Par quoi vais-je commencer ? La semaine passée, après avoir rédigé et mis en ligne ma contribution dans ce forum, j’ai eu des réactions encourageantes vis-à-vis de la démarche qui consiste à mettre en ligne des journaux et à participer aux débats théoriques sur le diarisme. Michel Lobrot commence par rappeler qu’il est diariste depuis longtemps. Sa réaction me renvoie à l’une de ses interventions lors du colloque de l’AI, intervention que j’ai commenté par ailleurs. Dans son discours théorique sur le journal, il a mis l’accent sur les Surréalistes comme précurseurs du diarisme. Il a expliqué qu’à la différence du journal intime, les Surréalistes s’amusaient en écrivant et écrivaient en s’amusant pour casser la sacralisation de l’écriture des formes et des genres. C’est l’écriture libérée de toute contrainte.


Ce que les Surréalistes ont tenté volontairement, nous, nous le vivons lorsque nous nous mettons à écrire librement. Nous devons cela aussi aux diaristes qui nous ont précédés : René Lourau très influencé par les Surréalistes, Michel Lobrot, Georges Lapassade et Remi Hess. J’avance cette idée en vue de participer à la discussion sur la place du surréalisme dans les références institutionnalistes et diaristes.


Un échange avec Augustin Mutuale m’a conduit à commencer à mettre en ligne mon Journal philosophique ; il en a lu le premier volume et m’a suggéré de le mettre à la disposition des internautes. Je tente le coup sans pour autant me débarrasser des questions relatives à la publication ou non des journaux. Mais l’histoire de ce Journal mérite d’être contée. En effet, j’ai commencé à l’écrire par hasard. Sachant que pendant les vacances, je ne suis pas très sollicité, pas obligé de me déplacer ; s’y ajoute le caractère anarchique du Journal de lecture, je me décide d’écrire le Journal philosophique en m’imposant un programme et une rigueur, impossible à tenir en temps normal. C’est ainsi que ce Journal a vu le jour.


Je rappelle cela, car dans ce forum, nous avons évoqué la difficulté que nous rencontrons lorsque nous écrivons plusieurs journaux. Remi Hess, s’appuyant sur la théorie des moments, crée le moment du journal et le journal du moment, qui restent valables et vérifiables dans la pratique du journal, encore faut-il y introduire la dialectique des moments car le passage d’un moment à l’autre ne peut se faire d’une manière absolue. La complexité de la posture reste ouverte.


Pour rester dans la semaine passée, en lien avec ce que j’ai annoncé auparavant sur mon implication dans les affaires de la cité, j’assiste à une soirée débat organisée par l’Association Quartiers du Monde. C’est une association locale qui intervient dans des pays pauvres ou en guerre. Les membres sont des jeunes des quartiers de la commune où je réside. Ils présentent deux documentaires : l’un sur leur travail dans une école d’un quartier dans les territoires palestiniens occupés et l’autre sur les bombardements de Gaza. Ce qui a attiré mon attention au cours de cette soirée bien organisée, c’est la participation des jeunes à toutes les tâches d’organisation, ce qui a fait de la soirée une réussite. Des membres de l’association présentent leurs chantiers en cours et à venir, expliquent comment récolter l’argent, comment faire pour aller en Palestine en passant soit par Israël ou par un pays arabe limitrophe : leur but étant d’aller sur le terrain avec des projets à réaliser sur place auprès des enfants,  et dans le même temps de voir et d’expliquer ce qui s’y passe concrètement.


La première leçon que je retiens de cette soirée consiste à tordre le coup à une idée très répandue sur les jeunes de banlieue, selon laquelle ces jeunes ne s’intéressent à rien, car ils désertent les activités culturelles et politiques. Pour ceux qui cherchent à comprendre, l’engagement des jeunes dépend du type de cause qu’il faut défendre et notamment des causes humaines. Leur action est une démonstration.


Comprendre la ville pour moi, c’est observer ce qui s’y passe en réalité. Je n’ai pas écrit cela ailleurs, et c’est pour cette raison que je le livre dans cette intervention qui tend à prendre la forme du journal.


Autre manifestation de femmes qui s’est déroulée la même journée et à laquelle j’ai assisté, mu par la même curiosité. Il s’agit d’une association, intitulée Femmes solidaires, qui milite pour les droits des femmes. Je connais les animatrices de l’association, mais c’est la première fois que j’assiste à l’une de leurs actions. L’une des caractéristiques de cette association est la présence de ses militantes sur plusieurs terrains de lutte : école, enfance, logement, Réseau éducation sans frontière, etc. Visiblement, ce type d’activité n’est pas permanent, ne relève pas de la vie quotidienne dans la cité, mais la multiplication d’interventions de ces femmes sur plusieurs fronts fait que dans leur vie quotidienne à elles, l’action est une constance.


Au cours de la même semaine, j’assiste à une assemblée générale d’enseignants et parents d’élèves, où il a été question de débattre sur les modes d’action au niveau des communes relevant de la circonscription et également au niveau national avec la préparation de la mobilisation de la journée du 19 mars. Cette fois-ci, j’ai pris des notes dans le Journal du militant.


Par ailleurs, des états généraux sur l’école dans le Val de Marne ont lieu samedi. J’avais prévu d’y participer, mais j’ai été empêché par une action décidée à la dernière minute sur la ville. Je vais essayer d’obtenir des documents sur cette journée.


Ce lundi je vais assister toujours à Orly à un forum débat sur l’articulation entre les mouvements sociaux et la perspective politique. Y participeront : un représentant du LKP en France, un universitaire syndicaliste, un représentant des parents d’élèves et la sénatrice du Val de Marne.


En écrivant sur la ville, je m’interroge sur ma position. Si je me situe en tant que chercheur, il s’agirait de l’observation participante, mais dans quel but ? S’il s’agit de la position du militant, il faudrait réfléchir presque d’une manière quantitative sur les résultats obtenus par ce type d’action, ou encore s’agit-il du mélange des deux et c’est la synthèse qui manquerait. En tout cas, l’écriture du journal permet ce type de question. La perspective de l’écriture et de l’action se dessine dans la pratique. Ceci étant, il y a un sujet qui m’intéresse et sur lequel je compte travailler c’est celui de l’articulation entre le local et le global : autrement-dit, le lien entre ce qui se passe sur le plan local dans la commune et ce qui se passe au niveau global. Pour ce faire, j’ai recours aux méthodes acquises dans la formation en analyse institutionnelle, mais pas exclusivement : l’observation participante, l’immersion, l’écriture du journal, les entretiens non directifs, les histoires de vie…Mon laboratoire de recherche est le terrain : la ville.


Par ailleurs, je lis attentivement les textes mis sur ce forum de diaristes.

Pour cette semaine, je dois d’abord saluer Claire qui est dans une démarche semblable à la mienne, montrant par écrit le potentiel offert à l’écriture du journal.

Nadine fait un effort pour comprendre ce qui se passe en Guadeloupe et j’avoue que je suis comme elle, j’ai essayé cette semaine de me renseigner sur la plateforme du LKP et leurs modalités d’action unitaire qui ont conduit à la victoire.

Stef, ton journal touche à l’essentiel. Car en décrivant comment tu vis la situation actuelle à partir de ton travail et de tes activités, tu donnes à ton journal la dimension que souhaite tout diariste. C’est un journal institutionnel et cela est très intéressant.

Marie, tu poses de vraies questions auxquelles nous devons répondre ensemble en théorie et dans la pratique.

Je suis d’accord avec Catherine lorsqu’elle dit qu’il faut analyser la période actuelle avec des outils de l’analyse institutionnelle, ainsi qu’avec Florence qui propose d’étudier et de comprendre le contexte dans lequel nous sommes.


Un dernier mot sur l’orientation de l’écriture diaristique. J’estime que ce type d’écriture ne se soumet pas à l’orientation, car il est par nature une aventure. Bien que je puisse me dire que je vais écrire demain ou après-demain sur tel événement, lors de l’écriture je me rends compte que j’écris des phrases ou des paragraphes imprévus, ce qui donne une dimension au texte du journal toute autre que celle prévue initialement. Ce fait est à mettre en relation avec la pédagogie ; on parle beaucoup d’orientation qui suppose un orientateur : prof, animateur, guide… En revanche, on ne parle pas d’auto-orientation. Il me semble qu’en pratiquant l’écriture du journal, on se dirige vers l’orientation de soi-même. La question reste posée.

 

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A bientôt

Benyounès Bellagnech

                                   

 

 

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