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  • : Le blog de Benyounès Bellagnech
  • : Analyse institutionnelle : Théorie et pratique au sein des institutions politiques, éducatives et de recherche. L'implication des individus et des groupes dans la vie politique et sociale.
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11 mars 2014 2 11 /03 /mars /2014 14:32

 

Dans un de mes journaux de voyage à Paris 8, j´ai enregistré une conversation avec Georges. Il me dit :

 

 

Maintenant je pense que je suis sorti de cette impasse. Je pense qu’on peut faire l’analyse institutionnelle en faisant l’observation participante et pas seulement la recherche-action. » (Ozório, mimeo).

 

 

Dans la dissociation vécue dans les terreiros brésiliens, Georges donne des éléments pour qu´on puisse penser à l´observation participante. Entrer en contact avec une autre culture est une sorte d´immersion dans cette culture. L’observation participante est qualifiée par Georges Lapassade d’immersion (1), cela veut dire qu’il s´agit d’une participation de l’intérieur à l’événement. En réfléchissant sur l’observation participante, sur la méthode ethnographique, il ajoute : « ...   ma façon de travailler n’est pas la transmission de connaissances » (Ozório, mimeo). Il présente le filtre de l’ethnologue comme un dispositif important pour l’enseignant et la richesse interculturelle des différents champs dans l'éducation. 

 

 

Georges  alors, nous invite : pourquoi pas les chemins dé-routés ?

 

 

 

 

BIBLIOGRAPHIE

 

 

BASAGLIA, F.et F.Les criminels de la paix. Ouvrage collectif. Paris : PUF, 1980.

BELLAGNECH, B. Dialectique et pédagogie du possible. Métanalyse. Sainte – Gemme : Presses Universitaires de Sainte-Gemme, 2008. V.1 e V. 2.

CHAUÍ, M. Cultura e Democracia: o discurso competente e outras falas. São Paulo: Cortez, 1990. 

FREIRE, P. Educação Como Prática de Liberdade. Rio de Janeiro : Editora Paz e Terra, 1974, 5eme. édition. 

FREIRE, P. Pedagogia do Oprimido. Rio de Janeiro : Editora Paz e Terra , 1975,

GARFINKEL, H. Studies in Ethnomethodology, USA Printice Hall, New Jersey, 1967.

LAPASSADE, G., La découverte de la dissociation. Paris: Loris Talmart, 1998.

LAPASSADE, G., L’entrée dans la vie, Essai sur l’inachèvement de l’homme, Paris, Ed. Anthropos, Coll. « Exploration interculturelle et science sociale », réed.1997.

LAPASSADE, G., Guerre et paix dans la classe la déviance scolaire, Armand Colin, Paris 1993.

LAPASSADE, G., La transe, Paris, PUF, 1989

LAPASSADE, G., L’université en transe (en collaboration avec P. Boumard et R. Hess), Paris, Syros, 1987

LAPASSADE, G., Socianálisis y potencial humano. Barcelona, España: Gedisa, S.A., 1980. 

LAPASSADE G. , Essai sur la transe, Paris, éditions universitaires, 1976.

LAPASSADE G. -Les chevaux du diable. Paris: Jean-Pierre Delarge, 1974

LAPASSADE G. , Le bordel andalou, Paris, L’herne, 1971.

LAPASSADE G., L’arpenteur, une intervention sociologique, Paris, Ed EPI, 1971.

LAPASSADE, G., L´institutionnalisation universitaire de l´analyse institutionnelle socianalytique (AIS) Fragments. Revue Les IrAIductibles. Revue Interculturelle et planétaire d´analyse institutionnelle. France- Saint-Denis: Université Paris 8, Département des Sciences de l´Éducation- v.2 p. 7-22, décembre 2002. 

LAPASSADE, G.& LUZ, M. A. O segredo da macumba. Rio de Janeiro : Graal, 1972.

OZORIO, L. (org.) L´Analyse Institutionnelle au Brésil.  Collection Transduction. Saint Denis, França, v. 5,  junho 2005.

OZORIO, L. Journaux de voyages à Paris 8 – 2003, 2004, 2005, 2006, 2007, 2008. Mimeo.

OZORIO, L. Les Politiques Participatives de Santé: une analyse institutionnelle du Parque Royal. Doctorat en  Sciences de l´Education. Université Paris 8, Saint Denis, France. 2001.

OZORIO, L - Institucionalismo Carioca : Uma Novela Familiar. (Institutionnalisme Carioca: Une feuilleton familier). Thèse de « Mestrado, Master », Instituto de Medicina Social (IMS), Universidade do Estado do Rio de Janeiro (UERJ), 1994.

 

Revues

 

Revista Cultura Vozes. Petrópolis, maio, 1973

(1) Georges Lapassade, Observation participante, in Vocabulaire de psychosociologie, Ed. Erès.

 

 

 

Transmis par Lucia Ozorio

 

 

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10 mars 2014 1 10 /03 /mars /2014 10:14

 

 

Georges – L’ethnologie n’était pas intégrée à notre courant de l’analyse institutionnelle. J’ai vécu ça comme une sorte de dissociation pénible. (Ozório, 2005 :31)

 

 

Dans l´interview à laquelle je me réfère dans cet article, Georges Lapassade raconte sa souffrance dans les états dissociatifs qu´il a vécu sur des terreiros brésiliens. En tant qu´intellectuel, il parle d´une sorte de dissociation pénible, entre les références de l´analyse institutionnelle et celles de l’ethnologie. Il témoigne la difficulté de l´exercice d´un régime transdisciplinaire de savoirs-pratiques en sciences sociales. Il me semble qu'il s´agit d´une analyse de l´implication du chercheur qui peut approfondir la problématique de la complexité de la transdisciplinarité. Il était ardu le poids des disciplines et ses appareils théoriques - pratiques qu´il sentait comme disciplinaires.

 

 

« Je ne voyais pas de liens théoriques entre l’analyse institutionnelle et l’ethnologie. Mon intérêt d’une part pour la transe, pour la possession, pour le rituel…, pour les rites marocains, brésiliens et d’autre part pour l’analyse institutionnelle. L’ethnologie apparaissait comme une activité autre, différente. Donc, j’étais dédoublé intellectuellement, théoriquement, et même pratiquement, puisque à certains moments, je faisais du travail de terrain ethnographique et dans d’autres moments je faisais de l’analyse institutionnelle comme l’intervention. Je ne voyais pas en quoi l’observation participante, c’est-à-dire le dispositif central de l’ethnographie, pouvait faire partie de l’analyse institutionnelle qui n’était pas une observation participante. C’était une recherche-action. C’était une intervention. (Ozório, 2005 : 31)

 

 

Cette dissociation pénible explicite un peu comment Lapassade vit sa vie d’éducateur libertaire, dans l’ici et le maintenant (Bellagnech, 2008 : 376). Il était prêt à abandonner ses certitudes, d´expérimenter deux approches qui lui semblaient différentes, de vivre la différence comme intensité. Il était ouvert aux idées différentes, soit à leur confrontation – pour lui il était possible de «...défendre l´idée contre laquelle il se bat aujourd´hui... » (Remi Hess in Lapassade,  1980 : 26) – soit à leur dissociation – l´existence de tous les deux, une sorte d´entre différences, d´un champ d’(in)cohérences qui travaillaient. Ces tensions pénibles, vécues par ce pédagogue libertaire intensément en 1970-1972 au Brésil, sont encore vécues en France, à Paris 8, en 1984.  

 

 

« ... je ne voyais pas de rapport entre la recherche – action et l´ethnographie. En 1984, j’étais le responsable du Département des Sciences de l’Education et j’ai eu la possibilité de faire que je voulais pour renforcer l’enseignement de l’analyse institutionnelle. Je pensais que les étudiants devraient passer par ce rite d’initiation : l’intervention socianalytique. Un jour, je suis invité à faire une conférence dans une Maison de jeunes, et j’ai transformé cette demande en une commande d´intervention. Je pense aujourd´hui que je suis sorti de cette impasse. Je pense qu’on peut pratiquer l’analyse institutionnelle par l’observation participante et pas seulement par  la recherche-action » (Ozório, 2005 :31-32).

 

 

Mais il ajoute : « La frontière entre l’intervention socianalytique et l’observation participante est trop rigide.   J’ai souligné récemment  qu´on avait l’intérêt à pratiquer tous les deux ensemble.». (Ozório, 2005 : 32).

 

 

L’approche ethnologique prend chaque fois plus sa place dans l’œuvre de Lapassade et dans le mouvement institutionnaliste. Pourtant Georges montre que le processus des différences en jeux n´est pas toujours tranquille. Ses analyses dans La découverte de la dissociation, où il affirme que « ... la dissociation peut être aussi une ressource » (Lapassade, 1998 : 98), m´a fait réfléchir sur les ressources, y compris pour la production d´une connaissance qui fait un compromis avec la transformation sociale. La ressource au lieu de contribuer à l´homogénéité met en évidence l´existence paradoxale, un équilibre métastable qui la traverse, l'inquiétude, l´incertitude. La dissociation en tant que ressource est l´hétérogénéité en révolte. Ce sont des voix, des corps, des subjectivités, des cultures qui clament pour un passage. 

 

 

(…)

 

 

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9 mars 2014 7 09 /03 /mars /2014 11:29

 

 

À ce moment-là, Georges s´impose comme l'interviewer  – ce n’était pas moi - celui qui vit son interview à la fois comme une contribution possible à l’histoire mais aussi comme la praxis particulière d’un individu défini par son aventure historique et personnelle au sein d’une histoire qu´il insiste à faire.

 

Georges raconte que ces activités ethnologiques sont sur le terrain de la macumba. Son séjour à Rio est décrit dans le livre Les Chevaux du Diable (Lapassade, 1974). En 1970, il écrit avec le sociologue Marco Aurélio Luz, O segredo da macumba. C´était de l'ethnographie des rites de possession.

 

 

Au Brésil, à ce moment, un travail en cours indiquait déjà les grandes lignes de la cartographie institutionnaliste. Je me réfère aux travaux de Célio Garcia, de Belo Horizonte, de Chaim Katz et de Marco Aurélio Luz, de Rio de Janeiro.

 

 

A cette époque-là nous étions au Brésil au moment de la dictature. Dans la décennie 70, au Brésil, on trouvait aussi bien des mouvements qui essayaient d’institutionnaliser la violence institutionnelle, par la torture et les exécutions, que des mouvements instituants, avec l’entrée en scène, comme le dit Eder Sader, de personnages qui s`efforçaient de forger de nouveaux espaces de liberté. Parmi ces forces de la non-conformité, je cite la Théologie de la Libération et la pédagogie libertaire de Paulo Freire (1974 ; 1976), ainsi que les mouvements des favelas contre une idéologie ségrégationniste qui cherche jusqu’à nos jours à criminaliser la pauvreté  (L.Ozorio, 2001). 

 

 

Georges savait qu’il y avait une dictature. Mais, comme il a dit « ... je ne me contrôlais pas du tout. À Bahia,  il y avait Guy Palmade et Jacqueline Palmade qui sont des psychosociologues français.  À Bahia, ils étaient là avec moi. Je me souviens d’un rituel d’une femme en transe. Elle avait plumé vivant un pigeon et elle l’a dévoré cru et vivant. Palmade a été dégoûté par ce spectacle. Je savais qu’il y avait la torture, mais je n’avais pas peur. Il y avait beaucoup de crimes. Des journaux grand public rapportaient notamment l’assassinat d’un homosexuel. Il y avait un rapport avec la mort. J’ai écrit un journal de mon rapport un peu terrorisé à la société en général, à l’ambivalence de l’époque. Je me croyais, moi-même, envoûté de quelque chose comme ça. J’avais des maladies bizarres. Je ne pouvais pas m’en sortir. J’avais l’impression d’être fiévreux» (Ozório, 2005 :29). 

 

 

Une grande partie de son cauchemar, comme il définit ces expériences, font partie, de son livre-roman Le Bordel Andalou (Lapassade, 1971). Il regrette de l´avoir publié comme un journal d’ethnologue. Comme il explique «  Le Bordel Andalou était au départ une histoire maghrébine. Mais comme la partie Maghreb ne suffisait pas pour constituer un volume entier, j’ai ajouté la partie la plus importante qui était mon journal de Rio, en 1970, avec la transcription de mon exclusion à ce moment-là, vers octobre, du Living Théâtre. Ils m’ont accusé d’être un psychosociologue, voyeur, qui n’était pas vraiment intégré au groupe, et qui était là seulement pour l’observer. À mon avis, cela n’a pas été le cas. (Ozório, 2005 : 29).

 

 

Georges parle de la douleur de cette exclusion, de sa solitude à Rio. Il a continué à fréquenter les « terreiros » où il consommait la maconha-marijuana et aussi la cachaça. « Je me souviens d’un jour, dans une favela, où je suis allé dans un centre d’umbanda, animé par quelqu’un qui se présentait comme Exu Mangueira, le « pai de santo » local. Je suis tombé, j’ai perdu pied, je me suis effondré, j’ai eu un évanouissement très bref, dû aussi à la consommation de maconha et de cachaça ». (Ozório, 2005 :30)

 

 

Georges se réfère à une « maladie » dont il a souffert à Rio, en rapport avec son expérience de la macumba. D’ailleurs, les titres des différentes parties du journal qui figurent dans le Bordel Andalou sont Exu, Abaluaê. Abaluaê est une entité religieuse du panthéon de l’umbanda qui a un rapport avec le cimetière …Il raconte que le jour des morts, on sentait une odeur de cimetière dans les « terreiros » de l´umbanda qu´il fréquentait. Cela il l’a écrit dans ce journal.

 

 

Ces états étranges qu´il a expérimenté, étaient la manière radicale de faire l´expérience de plusieurs mondes qui le traversaient. Ce funambule, comme l'appelait René Lourau, était en équilibre toujours provisoire. Ces approches ethnologiques au Brésil montraient que s’impliquer sur un terrain, c’est aussi se dissocier. Un monde transite (la transe) par une multiplicité des mondes qui se présente transductivement devant nos yeux, ceux qui nous habitent et ceux qui habitent le monde. Devant la perte des repères et des références, de la fin de certitudes, le moment dissociatif vécu montre d´une manière frappante le mystère de la diversité de mondes (Lapassade, 1998 ; Garfinkel, 1967).

 

 

(...)

 

 

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8 mars 2014 6 08 /03 /mars /2014 13:11

 

 

Dans la volonté de Georges de parler de ses pratiques ethnographiques, il y avait quelque chose de provocateur. En écrivant ce texte, je comprends qu´il y avait un lien avec nos rapports avec Les IrrAIductibles. Georges est un soutien de ce mouvement. Dans un travail, de 2002, d'une clarté didactique « L’institutionnalisation universitaire de l’analyse institutionnelle socianalytique (AIS) fragments » il écrit :

 

 

« Entre 2001 et 2002 à Paris 8, le nouveau courant institutionnaliste des IrrAIductibles a émergé (...) dans un climat d’opposition par rapport au groupe du Labo d’AI ... » dont l'orientation  « ... est de type « normalisateur » quant à la validation des travaux d’étudiants et aussi retour au cours magistral parfois. (On s’éloigne à cet égard des pratiques de Lourau, resté insoumis en matière de validation et de « non directif » dans ses cours) ( ...). (Lapassade : 2002) 

 

 

Les IrrAIductibles, d´une  orientation opposée « ... qui se veut plus souple et plus ouverte dans l’évaluation des travaux des étudiants et qui, de plus, utilise des dispositifs de formation des étudiants inspirés des pratiques de dynamique de groupe et si nécessaire de la tradition des Assemblées générales (tradition à laquelle R. Lourau consacra l’un de ses derniers travaux) (Lapassade, 2002).

 

 

Georges retrouve davantage chez Les IrrAIductibles l’esprit libertaire, non conformiste et pour tout dire « soixante-huitard ». Comme il dit, s´il y a la problématique de l’institutionnalisation (double) de l’AI à Paris 8, on est aussi en présence d’un processus micro-social. Donc, il faut engager comme il dit «  ... d’autres recherches concernant les processus de micro-institutionnalisation dans d’autres secteurs de la vie sociale et qui utiliseraient des dispositifs d’observation plus proches de la psychosociologie et de l’ethnographie (observation participante notamment) que de l’enquête socio-politique comme cela a été la norme jusqu’à ce jour ». (Les passages soulignés sont de moi)

 

 

Georges fait encore mention à un texte de René Lourau dans Cahiers de l’implication consacré à l’intervention où celui-ci, « ... répondait que finalement la socianalyse était loin de constituer pour lui l’essentiel de l’AI… »

 

 

 

«  Dans ma façon de faire, j’étais toujours au bord du gouffre, je pourrais tomber, je devrais me tenir en équilibre difficile sur cette corde qui traverse le cirque » Georges Lapassade (1)

 


Dans ses recherches ethnographiques au Brésil, il veut parler d´une mémoire d´un temps qui l’a marqué profondément, et quelquefois, comme il a dit, douloureusement. Comme d'habitude, il insiste sur ce qu´il croit qu’il doit faire dans l´ici et maintenant. 

 

 

Il raconte dans l´interview et écrit après dans un petit extrait qui est ajouté à celle-là: «  ... je garde des souvenirs très intenses sur ce que j´ai observé et vécu (parfois douloureusement) au cours des mes enquêtes ethnographiques là-bas. » (Ozório, 2005 : 32). J´ai trouvé ce petit texte ajouté par Georges à la suite de l'interview, une forme de re-affirmer, obsessionnellement, ce qui était affirmé dans le texte. Georges confirme sa façon d´être : il insiste dans la construction d´autres chemins dans le mouvement institutionnaliste. A ce moment-là j´avais devant moi, un ethnologue, qui savait jouer magistralement les rapports de contiguïté comme critère d´observation fine des phénomènes qu´il décrivait, critère qui opte pour une vision métonymique de la connaissance.


 

(1) Ozório, 2005 :28.

 

(...)

 

 

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7 mars 2014 5 07 /03 /mars /2014 15:15

 

 

 

La revue Vozes raconte les aventures de Georges Lapassade qui a marqué l’histoire de l’institutionnalisme à Rio de Janeiro et à Belo Horizonte. Il y a par exemple un texte qui porte le titre  de : « Uma noite de loucuras, Une nuit de folie ». L’histoire se déroule dans un vieil hôpital psychiatrique de Rio où Georges Lapassade a été invité à donner une conférence sur l`anti-psychiatrie (L. Ozório, 1994 :40). Il est permis de se demander quels nouveaux modes d’action ont été  mis en œuvre dans ce vieil hôpital ...

 

 

Tout le monde attendait une conférence. Les « professionnels de la compétence », pour reprendre une expression de la philosophe Marilena Chauí (1), voulaient un conférencier qui leur fasse un exposé magistral sur l’anti-psychiatrie. Au lieu de cela, Georges Lapassade a donné la parole à l’auditoire; la parole circulait,  « rolando de bôca em bôca » (Vozes, 1973, in L. Ozório, 1994 :40). La parole du conférencier est devenue un analyseur, comme Lapassade (1971, 23).     le définit dans L´Arpenteur : « Dans les sciences sociales, le terme analyseur est neuf. On ne l’utilise pas encore. Je le définirai en disant qu’il est : tout ce qui fait surgir la vérité de ce qui est caché ; tout, c’est-à-dire, groupe, individu, situation, événement, scandale… ».

 

 

Le discours sur l’amour de la profession et le dévouement des soignants dissimulait alors, à l’hôpital, le pouvoir institutionnel qui a été, à cette occasion, démasqué.

 

 

« Uma estudante de voz suave dizia que as pessoas vêm lá de fora sofrendo a doença mental, e ali encontram os médicos abnegados para removerem seu sofrimento ; no hospital não há repressão e… » (Vozes, 1973 :31)

 

 

« Une étudiante à la voix douce disait que les personnes arrivaient à l’hôpital souffrant de maladie mentale; elles y rencontraient les médecins dévoués qui s’efforçaient de mettre fin à  leur souffrance. » Elle ajoutait : « À l’hôpital il n’y a pas de répression. »

 

 

Lapassade interrompit le discours mystificateur de l’étudiante qui « …tinha uma voz tão suave… », « à la voix si douce … » reproduisait la violence institutionnelle et libère la parole sociale. Les institutions sont remises en cause. L’étudiante change de ton et demande : “Qui êtes-vous, vous qui envahissez notre maison? Ne savez-vous pas que nous travaillons pour l’amour, et non pas pour l’argent ?”

 

 

L’étudiante en médecine du vieil  hôpital reproduisait “les crimes de la paix”, la dénomination que Basaglia (1985) donnait aux pratiques psychiatrisantes de l’hôpital psychiatrique.

 

 

Un médecin noir, présent dans le groupe, a parlé de sa condition de noir, de latino-américain et de médecin noir, latino-américain. Un étudiant a parlé de sa condition d’homosexuel.

 

 

À un moment donné, l´Ordre a donné son signe d’arrêter le débat parce que, soi-disant, les malades avaient besoin de leurs médecins.

 

 

L’intervention de G. Lapassade à l’hôpital psychiatrique marque les débuts de l’histoire du mouvement institutionnaliste au Brésil. D’ailleurs, son passage signale, comme l’écrit la Revue Vozes n° 4 de 1973, “plusieurs débuts” précédés de réflexions intenses et douloureuses.

 

 

Vozes affirme: “Sua permanência no Brasil levou a mim e a meus colegas a uma intensa e sofrida reflexão sobre nossa prática profissional, sobre os incovenientes que se escondem nas boas relações de um programa de cooperação cultural…sobre o precário estado em que se encontra a psicologia, sobre os fenômenos religiosos no Brasil, sobre a pobreza de nossa reflexão enquanto não está voltada para problemas nacionais.”(Garcia et allii, 1973:39)

 

 

« Son séjour au Brésil a provoqué, du moins en ce qui nous concerne, mes compagnons et moi, une intense et douloureuse réflexion sur notre pratique professionnelle, sur les dangers qui se cachent sous les apparences de bonnes relations dans le cadre d’un programme de coopération culturelle…sur l’état précaire de la psychologie, sur les phénomènes religieux au Brésil, sur la médiocrité de notre réflexion qui ne prend pas en compte les problèmes nationaux. ».

 

 

Son séjour au Brésil a bouleversé les institutions, écrit le collectif de Vozes. Et cette interview avec Georges m´a bouleversée. J´ai compris après-coup, les inconvénients de ma sur-implication dans le mouvement institutionnaliste, qui m´a fait insister dans cette histoire. Je me suis rendue compte que j´étais plus fixée dans un moment de l´histoire de Georges, de son oeuvre, malgré ma connaissance de la grande majorité de ces oeuvres. Cette constatation m´a bouleversée. M´a choquée.

 

(…)

 



(1) Le discours de la compétence est le discours de la connaissance instituée, il a le rôle de dissimuler sous l’apparence de scientificité, l’existence réelle de la domination. (M. Chauí, 1990)

 

 

 

Transmis par Lucia Ozorio

 

 

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6 mars 2014 4 06 /03 /mars /2014 17:11

 

Georges Lapassade, la vie en transe

 

Lucia – Etais-tu en transe ?

 

Georges – Non, je ne crois pas.  Peut-être que je l’étais lorsque je me suis rendu un jour dans la chambre des dirigeants du Living Théâtre. Malina m’a dit ensuite que je suis tombé, que j’ai beaucoup parlé avec une voix très emphatique, très dramatique. C’était peut-être une transe. (Interview, in OZORIO, L., 2005 : 30)

 

 

J´ai interviewé Georges Lapassade en juin 2005. La rencontre n´a pas été si différente des rencontres qui nous avons déjà eu tout au long de nos vies. Je me rappelle que lors de mon arrivée chez lui, Zayân, son chien vient me recevoir comme d´habitude. Il me saute dessus, il me lâche, il me confirme une complicité passionnelle - l´homme-bête - qui s´arroge un peu partout des droits qu´elle ... n´a pas ? Tout de suite, je me sens invitée à utiliser esthétiquement l´effondrement des repères humanistes, une sorte d´interférence dans les filières sanglantes de la raison contrôlatrice. 

 

D´ailleurs, je peux parler d´une esthétique paradoxale, une sorte d´“esthétique de l’existence” que Georges a construite dans sa vie. L´entrée dans la vie, de la vie qui est toujours en transition, en transire ? – Georges dans ses notes sur la transe et dissociation ( Revue Les IrrAiductibles, no. 7 : 203), dit que « ... le mot transe a été formé à partir du latin transire, à l´époque médiévale, pour désigner l´agonie du Christ, notamment des Saints (les transits) » -  La vie qui est toujours en train de se faire, une sorte d’inachèvement (Lapassade, 1997), se présente à Georges comme une multiplicité, une tentative de s´ouvrir aux différentes forces qui traversent l’existence humaine, qui transforment le vivre en quelque chose de paradoxal d´extraordinaire ampleur.

 

Cette interview avec Georges, je peux dire, a été paradoxale. Je ne savais pas où étaient les cassettes pour l´interview. Georges est venu avec une cassette où était enregistrée la chanson  Les Choristes. Nous l´avons écoutée.  Le texte qui commençait à se construire avait un chant immanent, une sorte de rencontre frappante : un cœur et le texte lapassadien.

J´avais l´intention de connaître un peu plus le rôle de Georges dans l´introduction de l´analyse institutionnelle au Brésil. À ce moment j´organisais le livre  L´Analyse Institutionnelle au Brésil de la Collection Transductions, coordonnée par le philosophe Benyounès Bellagnech  « Je n’ai peu de souvenirs de ce qui s’est passé à Rio. C’est une partie de ma vie que j’ai oubliée. Pour moi, c’est un brouillard de la mémoire. » (Ozório, 2005 : 28).

 

Georges affirme qu´il a voulu avoir une deuxième aventure comme Arpenteur au Brésil. La première a été son intervention au Québec, à Montréal, qui l´a inspirée pour faire le livre L´Arpenteur (Lapassade, 1971). Mais, il n´y avait pas cette demande, ou comme il a dit, «  ...ce type de client ». (Ozório, 2005 : 28).

 

J´ai essayé de reconstruire avec Georges cette mémoire, un effort qui pourrait approfondir la réflexion sur la mémoire de l´analyse institutionnelle et ses connexions avec l´en commun de la praxis. Je connaissais beaucoup de moments de l´histoire du mouvement institutionnaliste, y compris au Brésil. Je lui ai fait mention de quelques passages. Par exemple : Je lui rappelle qu´en 1971, il a publié dans la revue Vozes n° 5, “Um ensaio de análise da linguagem institucional”, “Un essai d’analyse du langage institutionnel”, à partir de son voyage à Rio de Janeiro. En 1972, de juillet à décembre, George Lapassade a séjourné à Belo Horizonte et à Rio de Janeiro. Le livre qu’il a écrit en collaboration avec René Lourau, Clefs pour la sociologie (Seghers, 1971), a été publié aux éditionsCivilização Brasileira, en 1972, à Rio.

 

Je lui ai fait mention de la revue Vozes n° 4 de 1973, qui a publié quelques articles sur son séjour au Brésil. Lapassade à ces moments s´est rendu à l’asile, à l’université et ailleurs.

 

 “Vozes” qui signifie “Voix“, cette revue de la maison d’édition Vozes, donne des espaces-temps aux voix critiques de la dictature en cours au Brésil. Il est intéressant de faire noter la résolution prise par ses auteurs de décider que les textes ne seraient pas signés. Sans auteurs individuels, ils intervenaient dans “…un axe articulatoire de la puissance de la théorie”. C’est un collectif qui assume les textes, comportant des analyses critiques des pratiques en cours. La collectivisation des analyses, un des dispositifs principaux de l’analyse institutionnelle, est ainsi mise en oeuvre à travers l´écriture. Il correspond à ce qu’annonçait l’éditorial de la revue.

 

L’importance de la contextualisation de l’écriture critique est soulignée. Nous vivions alors au Brésil sous la dictature et dans un moment de structuralisme. La décision collective affirme que:

 

“Nos faz meditar também sobre o que é uma certa atividade intelectual no Brasil de hoje. Nossa imensa satisfação de escrevermos textos ou fazermos conferências para trinta leitores ou ouvintes pacientes ( o “prazer do texto” de que fala Barthes). Ganhamos nossa certeza lógica, exacerbamos nossas idéias até os cortes epistemológicos mais radicais e falamos quase sòzinhos.”(Garcia et allii, 1973 in Vozes, 1973, no.4).

 

Nous réfléchissons à une certaine activité intellectuelle au Brésil aujourd’hui. Nous sommes satisfaits d’écrire des textes ou de faire des conférences pour trente lecteurs ou pour un public passif  (le “plaisir du texte”, Barthes). Notre certitude logique s`affermit, nous affinons nos idées jusqu’aux ruptures épistémologiques les plus radicales et nous sommes presque les seuls à parler.

 

Le collectif de Vozes critiquait une scientificité abusive qui proposait une rupture entre la genèse sociale et la genèse théorique des concepts, entre le savoir et le non-savoir. Ce collectif dit qu’il a appris, avec l’analyse institutionnelle, au moins ce que signifie la contre-culture.

 

 

(…)

 

 

Transmis par Lucia Ozorio

 

 

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17 septembre 2013 2 17 /09 /septembre /2013 10:03

 

Georges Lapassade, l'homme qui révéla au monde les trésors d'Essaouira

 

 

 

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Georges Lapassade, l'homme qui révéla au monde les trésors d'Essaouira 

 

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Si Essaouira est l'une des rares villes qui s'épanouissent par leur patrimoine culturel, c'est grâce à des hommes passionnés qui ont cru en elle à un moment où elle vivait à l'écart. Parmi eux, le philosophe et sociologue français Georges Lapassade.

 

 

Georges Lapassade a consacré une bonne partie de son existence à mettre au jour les trésors dont regorge la ville des Alizés. Né le 10 mai 1924 à Arbus (sud de la France), Lapassade a noué avec Essaouira une relation fructueuse qui a duré une vingtaine d'années, depuis le jour où il découvrit la ville en 1968. Des années durant lesquelles Lapassade, épaulé par une pléiade de jeunes intellectuels et artistes souiris de différentes tendances, a recueilli, analysé et publié tout ce qui fait le patrimoine de la culture populaire de cette ville.

 



Ainsi, les chants des moissonneurs, des artisans, des marins, des confréries religieuses, des femmes, voire même les comptines d'enfants jadis confinés dans des cercles sociaux bien fermés, ont pu franchir les frontières et se faire connaitre à l'international, les résultats des recherches effectuées par Lapassade et ses compères locaux paraissant dans de prestigieux journaux, magazines et revues nationales et étrangères.

 



Il est également, en quelque sorte, un des précurseurs de la dynamique culturelle d'Essaouira, vu sa contribution remarquée dans le premier festival qu'a connue la ville en 1980, baptisé «La musique d'abord» et qui, de par son concept original à cette époque-là, donna naissance à ce qu'on appelait «le modèle souiri du festival».

 



Mais quelles sont les composantes de cette alchimie réussie entre un simple voyageur qui aurait pu admirer le paysage et passer son chemin et une ville qui gardait jalousement ses secrets ?

 



Pour Abdelkader Mana, anthropologue et écrivain marocain et un des multiples souiris ayant pris part aux recherches de Lapassade, il y a eu une concomitance de facteurs qui ont poussé cet homme aux multiples centres d'intérêt (psychanalyse, biologie, psychothérapie institutionnelle, psychosociologie, ethnologie) à plonger dans l'univers culturel de la ville d'Essaouira.

 



Jeune chercheur à son arrivée, Georges était déjà prédisposé par ses travaux antérieurs à s'intéresser au patrimoine culturel d'Essaouira, notamment les Gnaoua, affirme M. Mana, rappelant que «quand il enseignait avec le philosophe français Michel Foucault, à Tunis, il commençait déjà à faire des recherches sur le Stambali, l'équivalent des Gnaoua en Algérie et en Tunisie».

 



«Il travaillait également avec Roger Bastide sur la Macumba du Brésil (terme qui désigne l'ensemble des cultes afro-brésiliens, Ndlr). Il était également très sensible au Blues et au jazz américains, donc tous ce qui est production musicale de la diaspora noire», précise-t-il, ajoutant que ses travaux à travers le monde lui ont valu, d'ailleurs, les félicitations de Léopold Sédar Senghor, alors président du Sénégal, lors du Festival mondial des Arts nègres, organisé à Dakar en 1966.

 



Mais ce n'est pas tout. A son arrivée à Essaouira, Lapassade a assisté à un événement phare de la culture gnaouie, que l'histoire néglige certes, mais qui a eu un effet probant sur l'avenir d'Essaouira comme ville culturellement rayonnante.

 



«A l'époque, dans le cadre du living theater (troupe de théâtre expérimental créée en 1947 à New York, Ndlr), qui se produisait sur le front de mer d'Essaouira, a été organisée, pour la première fois en dehors de la Zaouia une lila de Gnaoua. Derrière cette initiative, feu Maalem Abderrahman Paco, qui va devenir vedette de Nass El Ghiwane par la suite», raconte M. Mana.

 



Et le déclic se produisit. «Georges est un chercheur obsessionnel. Quand il s'occupe d'un sujet, il le fait pleinement et tout le temps. Alors, pendant tous les étés suivants, pratiquement à chaque fois que l'année universitaire est arrêtée, Georges venait à Essaouira pour écrire», raconte M. Mana, poursuivant : «Il creusait tout le temps avec des tas d'acteurs locaux. Juste avant de repartir à Paris en septembre, il envoyait un papier pour la défunte revue Lamalif, L'Opinion, Les temps modernes ou pour des revues spécialisées d'anthropologie et d'ethnologie en France. Il a publié au moins une trentaine d'articles sur les Gnaoua».

 

 

C'est par cette information répétée des articles qu'il a installé dans l'esprit des gens l'idée qu'Essaouira est la ville des Gnaoua et ce, à juste titre (...) Il a fait une publicité énorme pour les Gnaoua qui, après avoir été complètement marginalisés au départ et cantonnés dans des pratiques rituelles assez obscures au niveau de leur Zaouia ont, ainsi, été mondialisés avant l'heure par Lapassade, affirme le chercheur marocain.

 



Mais le travail de Lapassade ne s'arrête pas à la recherche et à la publication. En 1980, il entame une phase plus pratique conduisant à une certaine institutionnalisation du patrimoine culturel à travers ses contributions dans plusieurs festivals, dont celui de «La musique d'abord» de Tayeb Saddiki, le célèbre dramaturge souiri.

 



Dans le cadre de ce festival, Georges a pris en charge le colloque de l'ethnomusicologie qui se déroulait à Dar Souiri, souligne M. Mana, ajoutant qu'«il s'agit d'un concept tout neuf à l'époque, qui consistait à accompagner les manifestations musicales par une table ronde sur l'ethnologie, à laquelle étaient conviés des universitaires, mais aussi les Mâalem gnaouis, les moqaddem des Hmadcha ou des Aissaoua, les gens qui interprétaient les Rzoun de Achoura (chant accompagnant les festivités de Achoura). On pouvait alors confronter deux regards croisés sur chaque fait culturel».

 



Immortalisé par l'édition des actes du colloque en deux tomes, un portant sur le chant profane d'Essaouira (le chant des femmes, le chant des moissonneurs, la Aita) et un autre sur le chant sacré, ce festival fut, vraisemblablement, la dernière occasion de sauver un patrimoine qui agonisait.

 



«C'est la première fois qu'on a étudié de près la Hadra chez les Hamadcha et les Heddarate, le chant des Ghazaoua, des Aissaoua, des Gnaoua tout un système de confrérie qui était méprisé et considéré comme du domaine populaire sans intérêt», affirme M. Mana, ajoutant que «ces deux tomes vont paraître dans la revue Transit de Paris 8, à un moment stratégique où la ville commençait à perdre cette mémoire et cette richesse inestimable».

 



Il s'agit en définitif d'une jonction de volonté entre Lapassade, qui a apporté la méthode, et une poigné de souiris qui, en plus de leur conscience culturelle, croisaient le patrimoine de leur ville à chaque recoin, à chaque ruelle, voire-même chez eux. Ce travail, selon M. Mana, a été décisif pour le devenir d'Essaouira.

 



«Georges a apporté la méthode ethnographique ou l'ethnométhodologie, alors moi-même, Khalili (Comédien et chanteur), Boujemaa Lakhdar (artiste) et les autres, nous baignons dans ce patrimoine. Georges a permis d'institutionnaliser en quelque sorte, quoique d'une manière informelle, la recherche dans le patrimoine culturel de la région», affirme M. Mana.

 



Et de conclure : «Le travail culturel qui a été initié par Georges Lapassade (décédé le 30 juillet 2008) a donné des résultats palpables jusqu'à maintenant. Alors que les dernières usines de sardines ont fermé, la ville vit du tourisme culturel, qu'on le veuille ou non. Hôteliers et restaurants bénéficient, d'ailleurs, des retombées du travail du patrimoine».

 

 

(MAP)

 

 

Par Ali Refouh


Lundi 16 septembre 2013 à 09h10


http://www.medias24.com/SOCIETE/4142Georges-Lapassade-l-homme-qui-revela-au-monde-les-tresors-d-Essaouira.html

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31 juillet 2013 3 31 /07 /juillet /2013 11:20

Merci à Ruben Bag de nous avoir fait parvenir ces photos de Georges Lapassade, Michel Lobrot, Ruben Bag, Salvatore Panu et J. Elmare.


R Bag G. Lapassade 17.12.98 U.Paris 8

R.Bag G.Lapassade S.Panu G.Lumare

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1 novembre 2010 1 01 /11 /novembre /2010 16:56

Peu de professeurs ont, autant que lui, aimé l’université (Paris 8).

Il s’intéressait à l’éducation comme à un processus qui devait continuellement se poursuivre, d’où son enthousiasme pour l’éducation permanente qu’on appelle aujourd’hui « éducation tout au long de la vie ».

Ainsi j’ai pu constater son intérêt pour les rencontres interculturelles (café-échange interculturel) que je réalise avec Catherine Modave depuis des années en France et en Belgique.

Georges y avait participé, il continuait à s’y intéresser et nous encourageait à les développer.

Son âme de chercheur était attentive à tous les phénomènes émergeants, et spécialement à ceux qui sont liés à la jeunesse défavorisée et marginale.

Ses expériences et études sur le mouvement rap sont célèbres : en 1990, il a publié Le rap ou la fureur de dire, avec Philippe Rousselot, qui a été réédité 5 fois.

Il était toujours intéressé par mon approche « Contact pour la Créativité » pour le développement humain et social et participa en 2004 à un séminaire que je donnais sur celle-ci à l’université de Paris 8, en s’intéressant à son influence sur le développement des jeunes et des enseignants.

J'ai eu la chance de collaborer à ses derniers cours d'ethnométhodologie et informatique, où participait aussi François-Xavier Lalaison. On y avait beaucoup parlé de Carlos Castaneda, ce qui avait permis à Georges Lapassade d'expliciter sa conception énergétique sur la dynamique des groupes.

 

Nous avions prolongé ce thème en participant ensemble à une émission de France-Culture sur la vie et l'oeuvre de Carlos Castaneda en 2005.

Je voudrais illustrer l’importance qu’il donnait à l’énergie à travers un mail du 19 décembre 2004, qu’il avait envoyé aux participants du cours d’Ethnométhodologie et Informatique, auquel j’ai collaboré : « Lors de la séance du mercredi 15 décembre 04, j’ai eu l’impression que le fonctionnement de notre groupe interprété en termes énergétiques se caractérisait davantage peut être que d’habitude par des blocages de l’énergie qui doit circuler dans le groupe. On pourrait faire l’hypothèse que des bouchons d’énergie (je fais ici référence à Mesmer) bloquaient au moins partiellement l’énergie dans notre groupe.

Je représente ici une tendance plutôt Mesmerienne et Reichienne dans la conception de la dynamique de groupe davantage qu’une conception plus freudienne qui a cours dans le milieu de la psychosociologie française.

J’ai adopté depuis longtemps une telle conception énergétique des groupes mais je ne m’en préoccupais plus jusqu’au moment où la lecture et la relecture des ouvrages de Castaneda m’a remis assez récemment sur cette voie.

Nous y reviendrons à la rentrée de janvier et en attendant j’aimerais avoir vos réactions au présent message dans notre forum électronique.

Je vous souhaite bon Noël et bonne année. GL »

Lors des dernières visites à Georges à la clinique, avec Catherine Modave, il nous a parlé d'une maison autogérée pour des jeunes. Quelques jours auparavant, il avait approuvé avec joie mon idée de faire un musée de la dissociation dans sa maison de Saint-Denis: «Bonne idée! Chez moi il y a de l'espace ».

 

On ne dispose pas encore de suffisamment de recul aujourd’hui pour prendre toute la mesure de l’importance de son oeuvre.

Elle est une invitation à participer aux processus de transformation à travers des actions concrètes.

Comprenant comment la bureaucratie étouffait la vie, il a approfondi l’étude de la dynamique des groupes en montrant comment les institutions déterminent notre vie quotidienne.

En étant un des principaux fondateurs de l’analyse institutionnelle, il s’intéressait à sa mise en pratique à travers différents dispositifs, comme la socianalyse et l’analyse interne.

Georges Lapassade a ouvert un chemin en nous invitant à avancer dans la tâche de comprendre, analyser et intervenir dans la réalité qui nous entoure.

Son authenticité est exemplaire : il disait ce que peu osaient dire et il faisait ce que peu osent faire.

Quand il avait un doute, il pouvait dire : « Je ne comprends rien » ou « J’en sais rien ». Peu de gens ont la sagesse de reconnaître cela.

C’était aussi une invitation et un défi pour que l’autre fasse l’effort d’expliciter sa pensée.

Lui, il comprenait beaucoup et savait beaucoup. C’était un grand plaisir de parler avec lui des innovateurs des sciences sociales qui s’intéressaient à comprendre comment le monde se construit à partir des actions quotidiennes, comme Harold Garfinkel, Carlos Castaneda, Erving Goffman, Alfred Schutz et d’autres. Et même à la clinique, les derniers jours de sa vie, il était disponible pour partager son savoir.

Lors des « conversations du dimanche » qui avaient lieu chez nous, on passait de bons moments où il exprimait un équilibre harmonieux entre la conversation, l’écoute des autres, la lecture, la musique et le chant. Ces réunions duraient souvent de midi jusqu’à minuit.

Il aimait les repas que Catherine préparait pour répondre à sa demande de poule au pot et autres plats en souvenir de sa région natale du Béarn.

Il se sentait en confiance pour se reposer lorsqu’il se sentait fatigué.

Georges était imprévisible, il aimait voyager pour découvrir des nouvelles réalités ; il a connu des gens de presque tous les pays.

Ce n’est donc pas par hasard que maintenant ce soit un Argentin, professeur d’université au Mexique, qui vous parle de lui.

Et je voudrais ajouter une anecdote qui concerne son séjour en Argentine en 1970 :

Lors de son séjour à Buenos Aires en 1970, il a participé à un important congrès international d'éducation. Pendant une réception officielle en présence du président du régime militaire de l'époque, il s'approcha d'un piano sur lequel il osa jouer l'Internationale, en surprenant tout le monde. Il posait des actes selon ses idées. Souvent, il surprenait ou dérangeait l'ordre établi.

Son influence s’étend bien au-delà de la France.

 

Je peux témoigner, comme professeur à l’université pédagogique de Mexico, que les étudiants connaissent les écrits de Georges Lapassade depuis longtemps.

Depuis 1983, les étudiants de mes cours de Pédagogie Institutionnelle ont pu lire ses livres traduits en espagnol : L’entrée dans la vie, Groupes, organisations et institutions, L’analyseur et l’analyste, La bioénergie, Autogestion pédagogique, Socianalyse et potentiel humain, Clefs de la sociologie (avec René Lourau).

Il a marqué des générations d’étudiants en étant un grand maître. Son oeuvre dépasse les disciplines….

On pourrait dire que la valeur de quelqu’un se mesure aux amitiés et aux influences qu’il a laissées sur terre. Georges Lapassade, ou Jojo, en est un bon exemple.

Il nous a laissé beaucoup de richesses en tant qu’être humain impliqué dans les transformations pour une société plus juste.

Je souhaite que ceux qui ont été touchés par sa présence inoubliable, puissent travailler ensemble pour approfondir son oeuvre et ses projets.

 

Rubén Bag rubenbag@gmail.com

http://lesanalyseurs.over-blog.org 

 

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31 octobre 2010 7 31 /10 /octobre /2010 11:29

 

APPROFONDIR LES FACETTES DE GEORGES LAPASSADE

 

Texte écrit par Rubén Bag, ami et collègue

 

Nous sommes réunis au Collège Coopératif de Paris, ce 13 décembre 2008, pour partager différents aspects et dimensions de la vie et de l’oeuvre de Georges Lapassade.

Il était un observateur toujours très présent, qui savait bien choisir le moment pour participer. Et quelquefois sa participation provoquait de forts dérangements qui montraient comment la vie sociale fonctionne dans l’ici et le maintenant. C’était sa façon d’être dans la vie et c’était aussi son outil de recherche pour la connaissance et l’intervention institutionnelle.

Même s’il a toujours été modeste, il n’a pas pu échapper à la célébrité.

Il a été surpris quand je lui ai montré sa biographie dans le Dictionnaire des intellectuels français (Jacques Julliard et Michel Winock, Seuil, Paris, 2002).

Il a été surpris quand nous lui avons montré qu’il figurait dans Wikipedia. Après avoir regardé le contenu, il a déclaré que c’était incomplet et inexact. Malgré plusieurs efforts nous n’avons rien pu modifier.

Il était aussi étonné de la grande quantité de pages consacrées à lui sur internet. Il pensait plutôt à l’utilité que ses oeuvres pourraient avoir pour les étudiants qui consultaient la bibliothèque de l’université de Paris 8 plutôt qu’à cultiver son curriculum.

Chez lui, dans sa maison, il n’y avait presque pas de livres, seulement quelques uns apportés par des gens qui voulaient qu’il les lisent.

 

Dans la présentation que Gérard Gromer fait de lui lors de la série de 5 émissions de radio, 2 au 6 novembre 1998, il ne se trompe pas quand il nous dit que Georges ‘est quelqu’un d’assez inclassable’.

Et nous disposons aussi du témoignage d’un ami d’enfance, Joseph Hondet, -qui fût un ancien maire d’Arbus, son village natal-, lequel a participé à la cérémonie d’adieux à Arbus le vendredi 29 août 2008, à l’église du village, organisée par Renée Lapassade-Grandin, la soeur cadette de Georges.

Joseph Hondet, avant ma participation dans cet hommage, nous a raconté des aspects de sa personnalité que l’on ne connaît pas assez. Il a dit :

Tu étais pour nous l’animateur au cours de nos rencontres, le musicien pour les fêtes du Carnaval et également le compositeur et l’organisateur de nos mini séances théâtrales préparées dans la grange Lapassade ». 

« Puis-je rappeler ici, tous nos ébats d’adolescent dont tu étais l’ instigateur»

 

Nous sommes ainsi en contact avec un témoin qui nous apporte les identités plus lointaines de Georges.

Donc, retenons aussi de sa riche personnalité ses qualités d’animateur, de musicien, de compositeur, d’organisateur et d’instigateur évoquées par un ami, témoin des années d’enfance et de jeunesse, parlant ‘ du souvenir d’un enfant et d’une jeunesse passée à Arbus’.

Cet ami nous a rappelé aussi comment on t’appelait là-bas :‘ Oui Jojo, comme on avait coutume de t’appeler, le village qui t’a vu naître garde de toi l’image d’un garçon aimable et jovial’. 

 

Georges a dit aussi lors de l’émission de radio : « Ma première carrière, c’était l’analyse institutionnelle et la seconde, c’est l’ethnologie. Je me suis occupé de plus de la possession, des transes et, finalement, de la dissociation. Cette seconde carrière intellectuelle l’emporte sur la première . »

 

Il savait que la réalité est complexe et ne craignait pas d’aborder le sujet des états modifiés de conscience à travers la transe et les rites de possession. Il savait bien que l’homme pouvait vivre des expériences de dissociation. Il a fait des recherches et publié sur le thème des états de dissociation et sur les états modifiés de conscience.

Georges nous raconte : « En Tunisie, en 1965, j’ai découvert un rite de possession local, le stambali, et je me suis engagé dans l’étude des rituels analogues. »

Après son retour de Tunisie, il a enseigné la sociologie à l’université de Tours en 1967.

Il avait participé activement au mouvement de mai 68. On peut voir des images de lui dans le film Grands Soirs et Petits Matins de William Klein.

En 1970, il est invité à l’Université de Québec à Montréal pour faire une recherche sur la participation, ce qui donnera lieu à son livre L’arpenteur.

En 1970-71, il travaille au département des sciences politiques à Vincennes.

Il adorait l’université, et resta jusqu’à la fin de sa vie à Paris 8 à Saint Denis, participant quotidiennement à des activités. Il n’a jamais perdu le contact avec les étudiants.

 

Je préfère le laisser parler de son identité : « …je n’insisterai pas assez sur le fait que je ne sens pas mon identité, c’est peut-être pour ça que je me suis tellement intéressé à la dissociation. Je ne me sens pas unifié. Quand je réfléchis là-dessus, je pense toujours à Max Pagés parce que j’ai l’impression que lui, bien que l’on ait des points communs assez nombreux, il s’est senti toujours psychologue.

Moi, je ne me sens rien du tout. Je ne peux pas me donner d’identité, c’est pour ça que j’aimerais être aidé à exprimer cela et à formuler les différentes facettes de ma nonidentité. » ( séance du laboratoire de changement social de Paris 7 sur le thème « Histoires de vie et choix théoriques » centrée sur Georges Lapassade, 2004?)

Un homme multidimensionnel et génial, donc difficile à cerner. On a essayé de le classer comme psychosociologue, ethnologue, pédagogue, philosophe, écrivain, universitaire, sociologue, ethnomusicologue, intellectuel. Mais choisir une identité professionnelle, ou même plusieurs, ne donne pas l’ampleur de la richesse de sa personnalité.

En réalité, beaucoup de gens le considèrent, avec son collègue René Lourau comme le créateur de l’analyse institutionnelle.

Il admirait les gens qui avaient une identité professionnelle consistante. Il a pourtant aidé les autres à découvrir leur identité.

Un jour, je lui ai demandé : « quel est ton livre préféré parmi ceux que tu as écrits ? »

Il m’a répondu tout de suite : L’entrée dans la vie.

Il entrait continuellement dans la vie en essayant d’en vivre l’ici et maintenant.

Jusqu’à ses derniers jours, il continuait à avoir des projets.

 

Il avait développé la pratique de l’observation participante, une méthode très utilisée en ethnologie, et cette méthode lui permettait d’observer et de participer.

Il avait publié un article clé sur ce sujet dans un ouvrage de référence important Vocabulaire de la psychosociologie.

Il a trouvé que le fil conducteur de son existence était la dissociation, ce qui veut dire que les êtres humains partagent plusieurs réalités autant en pensée qu’en actions quotidiennes.

Georges a eu la chance de connaître beaucoup de gens de différentes cultures et pays.

En nombreuses occasions, on a échangé nos points de vue et je trouvais qu’il était un homme ouvert et très sensible - il avait une très bonne écoute- aux projets des autres, qu’il savait encourager.

L’écriture fut très importante pour lui. Ainsi après avoir publié beaucoup, il continuait à s’y intéresser.

Dans les dernières périodes, il donnait plus d’importance à l’écriture des autres qu’à la sienne. Il encourageait ceux qui l’entouraient à écrire. C’est la raison pour laquelle il participait en permanence à la revue Les IrrAIductibles de laquelle il était le coeur depuis le début. Tous les vendredis, il assistait à la réunion hebdomadaire au cours de laquelle on lisait et discutait les textes à publier. Il était toujours présent dès le début de la réunion et stimulait des processus d’autogestion. Tout le monde se sentait à l’aise : on discutait, on lisait des textes, on proposait. Il y avait une ambiance de convivialité, d’écoute et de respect de l’autre.

 

Ruben Bag

http://lesanalyseurs.over-blog.org

 

 

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