Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Présentation

  • : Le blog de Benyounès Bellagnech
  • : Analyse institutionnelle : Théorie et pratique au sein des institutions politiques, éducatives et de recherche. L'implication des individus et des groupes dans la vie politique et sociale.
  • Contact

Recherche

28 mai 2019 2 28 /05 /mai /2019 10:16

La crise hégémonique et son avenir (9)

 

Le gros marronnier de l’« hégémonisme chinois » qui cache la forêt de la formation hégémonique réelle

1 Dans son Abécédaire, avec Claire Parnet.

2 Conférence prononcée sous ce titre à National Chiao Tung University, Taiwan, disponible sur Internet.

3 Hugo Grotius : De la liberté des mers (1609)

4 Le 31 mars 2019

5 Jules César : Commentaires sur la guerre des Gaules (58-50 av. JC)

6 The Birth of a Nation, film de D. W. Griffith, 1915

7 Jud Süss, film de Veit Harlan, 1940

8 On voit s’activer dans la presse enrégimentée, à Taïwan, toute une marée de lobbyistes professionnels, de pseudo-chercheurs, de mercenaires intellectuels, de retraités de l’administration, des services secrets et l’armée états-uniennes dont c’est le job de faire prospérer cette rhétorique de guerre froide anti-chinoise. Une rhétorique qui, quand elle tend à s’emballer, inclut les exhortations impatientes à administrer une « leçon » préventive à la marine de guerre chinoise, en mer de Chine. Quelques titres d’articles évocateurs, glanés dans cette littérature belliciste : « US could go to war to fix China », « Time is running out to stop China », « Year of the decision for US and China »…

9 Voir l’article de Nizar Manek (Bloomberg Markets) : « US, France worry over Chinese money in Djibouti », Taipei Times, 9/04/2019

10 Parmi les récentes « prises de guerre » de Pékin : la République dominicaine, le Panama…

11 Davantage qu’un « grand dessein », l’expansion perpétuelle est, pour les Etats-Unis, un mécanisme, un automatisme, une fuite en avant perpétuelle, une fabrique de chaos et de destruction. Sur ce motif de la frontière sans cesse repoussée, voir l’un des premiers films de SF, Forbidden Planet de Fred Mc Leod Wilkox (1956). La « conquête de l’espace » à l’américaine est l’effet de la pulsion expansionniste, la poursuite de l’engouffrement dans la brèche de la frontière ouverte, ceci par contraste avec la « conquête de l’espace » à la soviétique laquelle joue, distinctement un rôle de « consolation » substitutiste ou d’utopie de remplacement dans le monde d’après l’extinction du mythe de la « révolution mondiale » – sur ce point, voir Solaris d’Andrei Tarkovski.

12 En 1969, un traité secret conclu par Nixon et le gouvernement japonais de l’époque prévoyait que des armes nucléaires américaines puissent transiter par le territoire japonais et y être stockées.

13 Dr Folamour, film de Stanley Kubrick, 1964.

14 Récemment, la présidente taïwanaise, Tsai Ing-wen, parlait de « subversion critique » à propos de ceux/celles qui ne partagent pas ses options en faveur d’un alignement de l’Etat taïwanais sur la stratégie agressive de Trump face à la Chine. Dans le même temps, un sondage surgi du néant était censé indiquer que « 70% des Taïwanais pensent que la sécurité nationale est plus importante que la liberté de la presse ». En clair, il s’agit de museler et criminaliser toute opinion allant à l’encontre du nouveau discours de guerre froide anti-Chine, sur fond de promotion incessante du motif de « l’indépendance » de l’île.

15 Le discours pro-indépendance à Taïwan se nourrit de tout un bric-à-brac culturaliste, historico-anthrolologique destiné à établir que Taïwan est, à tous égard, un espace humain substantiellement différent de la Chine continentale – le plus souvent au mépris des évidences les plus élémentaires. Curieusement, le seul argument substantiel qui pourrait ici être pris en considération, n’est jamais mis en avant : le fait même que Taïwan n’ait pas en partage avec la Chine continentale l’expérience historique de la révolution qui porte les communistes au pouvoir en 1949. Or, c’est précisément cette absence, au fondement de la conscience historique et de l’expérience collective à Taïwan, de toute part à un événement révolutionnaire de portée historique qui doit être prise en compte en premier lieu lorsque l’on envisage tous les travers dont souffre l’institution et la vie politiques de ce pays ainsi que l’absence malheureuse, dans cette société de cette passion pour l’égalité que Tocqueville réfère à l’expérience historique d’une révolution. L’ampleur des mouvements plébéiens, ouvriers, locaux de mécontentement dirigés contre les formes d’exploitation, les abus d’autorité, les injustices flagrantes démontre suffisamment qu’en dépite de tous les aléas de l’histoire chinoise post-révolutionnaire, la passion de l’égalité n’a pas été extirpée de cette société. Ce n’est donc pas la chance de Taïwan (de son peuple, de ceux d’en-bas, tout particulièrement) d’avoir « échappé » à la Révolution chinoise, mais plutôt son infortune – malheur au peuple qui n’a pas, dans ses « gènes » le souvenir et la marque d’un événement révolutionnaire ! Mais naturellement, comme le dit Deleuze, ceux à qui manque quelque chose de cet ordre-là ne sauraient avoir l’intuition de ce qui leur manque. Aussi sont-ils portés à considérer comme un bien ce déficit et ce manque…

16 Hans Blumenberg : Naufrage avec spectateur, 1996.

17 Jürgen Habermas : The Postnational Constellation, 1996.

 

 

Alain Brossat

 

Publié le 17 avril 2019

https://entreleslignesentrelesmots.blog/2019/04/17/la-crise-hegemonique-et-son-avenir/

 

Partager cet article
Repost0
26 mai 2019 7 26 /05 /mai /2019 08:50

La crise hégémonique et son avenir (8)

 

Le gros marronnier de l’« hégémonisme chinois » qui cache la forêt de la formation hégémonique réelle

 

 

Chaque fois que j’aborde ces questions (le plus rarement possible, tant le terrain est miné) ici, à Taïwan, il se trouve inévitablement un-e imbécile pour ranger mon propos et mon argumentation dans sa petite boite à clichés : discours pro-Pékin, aligné sur les vues et captif des intérêts de l’Etat chinois. Ces gens-là sont tellement incapables d’imaginer que l’on puisse penser, en analyste et témoin de son temps, en dehors des catégories de la pensée de l’Etat, des logiques et rationalités qui vont avec, de l’étatisme comme mode d’emprise sur les populations, qu’ils sont inaptes à concevoir la différence entre l’exercice de la pensée critique et l’alignement sur les positions de l’adversaire ou de l’ennemi.

Il fut un temps où, en effet, en Europe occidentale, en Occident, les radicalités et les discours révolutionnaires, la critique de la société bourgeoise et du système capitaliste, convergeait souvent avec l’attraction exercée par d’autres sociétés, régimes politiques, issus, généralement, de révolutions – l’Union soviétique, la Chine, Cuba, le Nicaragua encore, dans les années 1980. Mais précisément, ce dont, entre autres, la Révolution culturelle sonne le glas, comme le note remarquablement Foucault à l’époque, c’est cette possibilité pour la pensée critique (et la dialectique de l’émancipation) de s’identifier au destin d’un Etat. Cela fait donc quelques décennies déjà que la pensée critique, qu’elle soit d’inspiration marxiste, post-marxiste ou autre, a dû s’habituer à se délier, en Europe occidentale notamment, de ce type d’arrière-monde ou d’horizon étatique, pour s’établir, si l’on peut dire les choses ainsi, à son propre compte.

Ce que je m’efforce de faire, donc, tout particulièrement lorsque j’aborde les questions en débat dans cet article – je n’éprouve pas davantage d’affinité pour le régime monocratique en vigueur en Chine que pour la démocratie de marché mais, précisément, n’étant ni un pèlerin ni un croisé du faux universel à l’occidental, je demeure axiologiquement neutre dans le conflit qui les oppose. Je parle d’ailleurs.

Je suis en guerre contre les gouvernants de pays comme le mien, car je me sens directement concerné et impliqué par leurs impostures, leurs forfaitures et les désastres qu’ils produisent. Pour autant, je n’éprouve aucune sympathie pour les dirigeants d’un Parti et d’un Etat au fronton duquel flotte le drapeau rouge, dont le marxisme est la doctrine officielle et qui, lorsqu’ils viennent se poser pour quelques jours sur la Côte d’Azur, élisent domicile au Negresco, le lieu où descendent tous les parvenus, tous les nouveaux riches, et autres tyrans en goguette – le genre de faute de goût qui en dit long et qui ne pardonne pas. Bref, je n’éprouve ni sympathie ni empathie pour quelque espèce de pouvoir en place que ce soit, quelle qu’en soit la couleur proclamée. En revanche, ce que je n’aime pas, c’est qu’on essaie de me faire prendre des vessies pour des lanternes et de m’embarquer dans des croisades dont je ne vois que trop bien la destination – la mobilisation vertueuse contre l’« hégémonisme chinois », dans le cas présent.

Nous qui sommes les enfants éveillés des désastres européens du XX° siècle, désastres dont le creuset a été l’affrontement des Etats-nations à son stade terminal, n’avons pas été vaccinés contre les tentations du nationalisme, du patriotisme, du chauvinisme pour retomber dans quelque délire d’identification à quelque Etat-patrie de substitution que ce soit. Nous sommes résolument entrés dans l’ère du post-nationalisme, à défaut d’adhérer à l’illusoire « patriotisme constitutionnel » européen prôné par Jürgen Habermas17. Notre seul « patriotisme », c’est l’analyse critique du présent, ce que Foucault appelle l’ontologie de l’actualité. Celle-ci nous assigne une tâche – n’accepter aucune « évidence » discursive, ne pas entrer dans les plis du faux universel de la démocratie de marché, avec son corollaire de plus en plus visible aujourd’hui – la fabrication d’un nouvel ennemi et donc la promesse de nouvelles guerres qui, d’une manière ou d’une autre, se diront saintes ou sacrées et ravageront tout sur leur passage…

 

(....)

 

Alain Brossat

 

Publié le 17 avril 2019

https://entreleslignesentrelesmots.blog/2019/04/17/la-crise-hegemonique-et-son-avenir/

Partager cet article
Repost0
25 mai 2019 6 25 /05 /mai /2019 11:03

La crise hégémonique et son avenir (7)

 

Le gros marronnier de l’« hégémonisme chinois » qui cache la forêt de la formation hégémonique réelle

 

Depuis la chute de l’URSS et la volatilisation du bloc soviétique, les dirigeants chinois sont hantés par ce que l’on pourrait appeler le « cauchemar de Gorbatchev ». Ils n’ont pas tort, dans la mesure où le scénario d’un effondrement du régime issu de la Révolution chinoise débouchant non pas seulement sur la fin du monopole exercé par le Parti communiste chinois sur l’Etat et la société mais aussi sur l’éclatement territorial de la Chine néo-impériale et le démembrement de l’Etat chinois, un tel scénario est le rêve secret mais persistant de tout ce que les chancelleries occidentales et autres think tanks spécialisés comptent de pèlerins et croisés de l’hégémonie américaine. Au fond, ces gens-là, avec tout ce qu’ils représentent, n’ont jamais digéré la Révolution chinoise, quand bien même le réalisme politique leur a imposé de normaliser leurs relations avec l’Etat chinois dans les années 1980 ; ceci, pas davantage qu’ils ne peuvent accepter comme irréversible la manière à tous égards insolite dont, après les réformes de Deng Xiao Ping, la montée de la puissance économique chinoise « enchaîne » sur le fait accompli de cette révolution qui place toute cette partie de l’humanité en dehors de la « sphère d’influence » américano-occidentale en Asie de l’Est. Avec la montée actuelle des tensions activées par Trump et ses alliés, le rêve assoupi de faire tourner en Chine la roue de l’histoire à l’envers, comme elle cela a été fait en Russie, reprend du poil de la bête. Or, dans ce contexte, la notion même d’un effondrement du Parti-Etat issu, envers et contre tout, de la Révolution chinoise, et celle d’un démantèlement de l’Etat chinois (séparation du Tibet, du Xinjiang, de la Chine méridionale d’avec le Nord placé sous la houlette de Pékin…) sont indissociables. Pour cette raison même, les dirigeants chinois savent que leur destin serait engagé tout entier dans le plus limité des affrontements armés, devenant une question de « tout ou rien » – et on a là, en puissance, une dynamique infiniment dangereuse.

La fuite en avant dont est faite la politique internationale de Trump et sa bande aujourd’hui consiste à liquider les derniers vestiges du droit international, en tant que celui-ci se destine à réguler les relations entre Etats, peuples, à endiguer la politique des purs rapports de forces, à placer ces relations sous le signe de normes et de règles validées par la dite « communauté internationale » et ayant force de loi pour tous. En termes pratiques, cela signifie le retour en force du « droit de conquête », tout sauf un droit, précisément, et dont l’adage de base est might is right. Les prémisses de ce basculement se repèrent aisément déjà au tournant du XX° siècle, sous les « règnes » successifs des Bush père et fils, notamment, avec les deux guerres d’Irak. Ce processus de liquidation par la puissance hégémonique de la fonction régulatrice et modératrice de la violence des Etats, telle qu’elle est susceptible de s’exercer au détriment de plus faibles, se parachève sous Trump : la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël, de la souveraineté de l’Etat hébreu sur le Golan, puis la validation annoncée de l’annexion de la partie « utile » de la Cisjordanie témoignent exemplairement de ce processus.

Transposée dans l’espace de l’Asie orientale, cette politique de la fuite en avant et du fait accompli mise au service de la relance de la dynamique hégémonique est appelée à se focaliser non seulement sur la question des îlots en mer de Chine méridionale, mais sur celle de l’« indépendance » de Taïwan. En langue hégémonique occidentalo-centrée, l’« indépendance » de Taïwan, par opposition à son « annexion » par la Chine, ça n’est jamais que l’autre nom de l’exercice du droit de conquête remis en selle par l’hegemon américain, occidental, dans cette région. Dans la mesure même où une Taïwan « indépendante » ne peut se concevoir que comme un protectorat américain, une dépendance états-unienne, à défaut d’être, formellement, une nouvelle étoile sur le drapeau de l’Union, donc une entité non seulement « arrachée » à la Chine, mais délibérément tournée contre elle, une épine délibérément enfoncée dans son talon, le sens historique et géo-stratégique d’une telle opération serait absolument limpide : l’annexion par la puissance hégémonique ragaillardie d’un territoire qui, pour avoir été arraché à la souveraineté chinoise continentale en raison des aléas de la guerre froide, n’en fait pas moins partie distinctement du monde chinois et n’en relève pas moins historiquement de cette souveraineté. L’« indépendance » de Taïwan, annoncée par les tenants de la reconquête à la Trump n’est pas ce qui place l’île hors de portée d’un coup de force de la Chine continentale, elle serait tout au contraire ce qui, résultant d’un coup de force et d’un retour de bâton hégémonique destiné à signifier à Pékin que le maître est de retour et que la règle du jeu a changé l’expose à tous les dangers, dans sa condition même de prise de guerre américaine. Résultant d’une politique du fait accompli, l’« indépendance » en trompe l’oeil de Taïwan serait évidemment appelée à être, à court ou long terme, payée au prix fort par la population de l’île – la fin de l’Histoire n’étant jamais consignée dans de tels décrets dictés par le conquérant du jour…

L’« indépendance » de Taïwan est, par excellence, ce faux-semblant, ce miroir aux alouettes, l’objet d’un coup de force discursif dont le fond se doit d’être inlassablement dénoncé, exposé : la liquidation du statut ambigu de l’île « entre » des mondes en lutte, sur la ligne de fracture où s’opposent et se séparent des zones d’influence, statut fragile, difficile mais intéressant, au profit de sa transformation en annexe, bastion, Fort Zeelandia néo-impérial face à la Chine continentale, pas même une nouvelle étoile, juste une chiure de mouche sur le drapeau de l’Union – c’est cela même que recouvre le miroir aux alouettes de l’« indépendance »15.

Une bonne petite guerre préventive contre le Chine est en préparation, destinée à repousser de quelques décennies le spectre (ou l’espoir, comme on voudra) d’un délitement irréversible de l’empire global placé sous hégémonie américaine. La fabrication du consensus autour de la notion anxiogène de l’hégémonisme galopant de Pékin fait partie intégrante de ce processus, tout comme l’agitation constamment entretenue à Taïwan et, sous la houlette de puissants lobbys, en Occident aussi, autour du motif de l’« indépendance » de l’île. Il ne fait aucun doute que plus cette agitation s’intensifiera et plus l’intégrité de la population de Taïwan sera menacée : quand surviendra l’« incident » par lequel la surenchère verbale cède la place au fracas des armes, il lui faudra bien se réveiller en sursaut pour constater qu’elle est au cœur de la tempête plutôt qu’établie en sécurité sur son promontoire à contempler le désastre – selon la figure traditionnelle du « spectateur du naufrage » imaginée par Lucrèce16. Le retour à la réalité sera alors terrible, mais pas seulement pour les apprentis sorciers et les joueurs de flûte – pour toute la population de ce pays.

 

(....)

 

Alain Brossat

 

Publié le 17 avril 2019

https://entreleslignesentrelesmots.blog/2019/04/17/la-crise-hegemonique-et-son-avenir/

Partager cet article
Repost0
24 mai 2019 5 24 /05 /mai /2019 18:53

La crise hégémonique et son avenir (6)

 

Le gros marronnier de l’« hégémonisme chinois » qui cache la forêt de la formation hégémonique réelle

Pour les partisans du statu quo hégémonique placé sous la houlette des Etats-Unis, qu’ils l’entendent comme bien suprême ou comme moindre mal, la politique du fait accompli pratiquée par l’Etat chinois en mer de Chine méridionale, la militarisation des îlots disputés – tout ceci serait donc la manifestation la plus irrécusable non seulement du trait expansionniste mais aussi bien hégémoniste de la montée de la puissance chinoise. Que l’Etat chinois pratique dans ce contexte ce qu’on peut appeler une politique de grande puissance régionale, fondée sur le fait accompli et le droit du plus fort, cela serait difficile à contester. Mais cela signifie-t-il pour autant que l’on doive voir dans cette « scène » la miniature ou le premier pas d’un projet d’expansion et de conquête globales, destinées à se projeter à l’échelle du Pacifique, de l’Asie du Sud-Est toute entière, jusqu’à menacer l’Australie, comme le fit le Japon pendant la Seconde Guerre mondiale – puis à l’échelle de la planète ? C’est ici, précisément que la rhétorique qui incrimine l’« hégémonisme » chinois passe de la réalité au fantasme, aux fantasmagories peuplées de toutes sortes de cauchemars historiques (Pearl Harbour et les suites…) et de projections du « modèle » américain sur les réalités chinoises.

A supposer que tout empire, au fil de son histoire, de ses succès et de ses vicissitudes, soit animé par un principe constant, une sorte d’idée fixe, il apparaît constant que, sous cet angle, la Chine, dans sa dimension impériale même, diffère du tout au tout de l’empire américain. Autant, de la conquête de l’Ouest aux deux guerres d’Irak, se poursuit la dynamique portée par la pulsion de la frontière ouverte, autant l’idée fixe de la puissance chinoise est de se maintenir en sécurité dans ses frontières, d’y exercer sa souveraineté sans rencontrer d’opposition, de neutraliser toutes les tentations centripètes, tout ce qui menace l’empire d’émiettement, de repousser les invasions. C’est précisément la raison pour laquelle l’empire doit être maintenu en son unité par une main solide (gouverné sur un mode autoritaire) et entouré de solides glacis, de ces marches épaisses et infranchissables – le Tibet, le Xinjiang, la Mongolie extérieure… Ce que le pouvoir chinois veut établir en mer de Chine méridionale, envers et contre tout, c’est un mur maritime (à supposer qu’une telle notion fasse sens), dans un contexte où la maîtrise des mers s’avère être un atout majeur dans la lutte pour la suprématie militaire.

Toute la différence entre les régimes matriciels des deux empires est là : l’empire américain, c’est toujours en fin de compte, un organisme qui fonctionne, qui « tourne » à la guerre. L’empire chinois, lui, fait la guerre quand il y est forcé. Ce sont là deux notions, deux tournures de la puissance qui s’opposent. La Chine a besoin d’un monde en paix (plus exactement en non-guerre) pour asseoir ses positions, à l’échelle régionale et globale, déployer sa puissance économique et être reconnue comme puissance de premier plan, exister en sécurité dans ses frontières. C’est la raison pour laquelle elle n’ira jamais se lancer dans une opération risque-tout pour récupérer Taïwan, quantité somme toute négligeable, à tous égards – à moins d’y être très directement contrainte et acculée à (tenter de) le faire.

L’hégémonisme états-unien ne peut se perpétuer, lui, qu’à la condition d’être une increvable fabrique d’ennemis inexpiables – le jeu de l’hégémonie consistant à les accréditer, successivement, dans le rôle de l’ennemi du genre humain – l’Indien, le Jap, le Rouge, et bientôt, donc, l’hydre chinoise… Les Etats-Unis ne peuvent pas vivre sans ennemis superlatifs, il leur faut toujours un mauvais objet à affronter, une figure du diable selon la théologie politique de pacotille toujours prête à refaire surface dans la psyché embrumée des généraux et politiciens à la Dr Folamour13… L’horizon dans lequel se déploie l’accroissement de la puissance de l’Etat chinois, aujourd’hui, se déploie sur une ligne d’horizon toute différente : il ne veut pas avoir des ennemis mais des obligés et, éventuellement, des tributaires, ce qui s’accompagne de tout une rhétorique de la confiance, la cordialité, la bonne entente, l’harmonie, la tolérance et la diversité – toute une pacotille axiologique, certes, mais dont, du moins, on peut dire, du moins, qu’elle ne fait pas partie de ce matériau inflammable qui se destine à attiser les nouvelles guerres froides, comme celle qui prospère notamment aujourd’hui dans le discours de ceux qui sont aux affaires à Taïwan et dont la montée visible d’une forme de maccarthysme adapté aux conditions locales, ouvertement attentatoire aux libertés publiques est l’un des signes irrécusables14.

Rien d’étonnant, donc, que dans les conditions actuelles, la puissance américaine, quoiqu’affaiblie, se trouve à l’offensive tandis que la puissance chinoise, quoiqu’ascendante, soit sur la défensive. C’est que la première retrouve ses réflexes guerriers dans un contexte où elle ne perçoit pas d’autre issue à sa rivalité avec la Chine qu’un affrontement maîtrisé (?) propre à forcer la décision et à rappeler qui, envers et contre tout, « demeure le maître » du jeu, au plan des rapports de forces militaires. Comme la puissance romaine jadis (la République puis l’Empire), l’empire américain voit dans la guerre le moyen naturel de faire face à ses concurrents, à ceux qui menacent son hégémonie. La puissance chinoise qui, elle, spécule sur la durée, le temps qui est supposé « travailler pour elle », sur une stratégie de développement progressif, palier par palier, d’enveloppement et de patience, cette direction est intellectuellement mal équipée pour faire face à la politique du fait accompli et du might is right, une politique assez distinctement inspirée des manières d’agir des fascismes européens des années 1930, la politique de Trump. Elle se voit imposer les conditions d’une guerre froide qui se met en travers de tous ses projets et contrevient à tous ses intérêts à court et long terme et qui menace toujours plus clairement de l’exposer à des affrontements auxquels elle n’est pas préparée et dont elle sait que les effets en chaîne pourraient être décuplés par l’instabilité générale qui en résulteraient, si leur issue lui étaient défavorables.

 

(....)

 

Alain Brossat

 

Publié le 17 avril 2019

https://entreleslignesentrelesmots.blog/2019/04/17/la-crise-hegemonique-et-son-avenir/

Partager cet article
Repost0
23 mai 2019 4 23 /05 /mai /2019 14:08

La crise hégémonique et son avenir (5)

 

Le gros marronnier de l’« hégémonisme chinois » qui cache la forêt de la formation hégémonique réelle

 

Le paralogisme (le sophisme) qui revient constamment dans la rhétorique qui dénonce l’hégémonisme chinois est le suivant : la montée en puissance chinoise est visible dans tous les domaines, donc la Chine aspire à se rendre « maître(sse) du monde. Ou bien encore (mais cela est plus difficile à énoncer, vu la propriété de l’hégémonie réelle qui est de se rendre indétectable), la Chine des nouveaux empereurs, l’Empire du Milieu restauré et saisie par une frénésie de puissance expansionniste, veut prendre la place des Etats-Unis. Mais ce n’est pas le moindre des défauts de cette manière de présenter l’affrontement en cours que d’être totalement ahistorique, indifférente à la genèse des puissances étatiques aux prises dans cette rivalité.

En effet, l’hégémonie américaine, telle qu’elle s’est progressivement établie dans le prolongement des deux guerres mondiales est indissociable de la genèse même de l’Etat américain (Les Etats-Unis), de ce qui le définit en propre : le fait même que cet Etat, des origines à nos jours, s’est formé comme une machine de guerre portée par une dynamique d’expansion, constamment en quête de nouveaux espaces, de nouveaux territoires, de nouvelles frontières. Bien avant de se déployer à l’échelle mondiale, ce processus s’est mis en place dans l’espace nord-américain, avec la conquête de l’Ouest, la mise au pas du Sud esclavagiste, la spoliation du Mexique auquel d’immenses territoires ont été arrachés à la suite de campagnes de brigandage. Ce processus s’est projeté au tournant du XIX° siècle à l’extérieur du continent, avec la guerre contre l’Espagne dont résulte la mainmise sur Cuba et les Philippines. La forme ouvertement « impériale » de l’hégémonie américaine qui se met en place après la Seconde Guerre mondiale est indissociable de cette matrice guerrière et conquérante. Le principe de base de la poursuite de l’expansion états-unienne, c’est celui de la frontière ouverte – sur quelque front qu’elle se situe, une frontière demeure toujours ouverte, propice à une nouvelle poussée expansionniste. En d’autres termes, que les Etats-Unis soient engagés dans la conquête des marchés, dans la confrontation avec une autre superpuissance (l’Union soviétique pendant la Guerre froide), dans des expéditions néo-coloniales et impérialistes (la guerre du Vietnam), dans des campagnes contre-insurrectionnelles, dans la promotion conquérante de la démocratie de marché et de l’idéologie des droits de l’homme, dans la mise en œuvre de la stratégie du chaos – ils sont toujours en guerre, sous une forme ou sous une autre, au point que l’on peut dire, inversement, que le moteur du perpétuel « rajeunissement » de leur hégémonie, c’est la guerre. En ce sens même, soit dit en passant, l’Etat d’Israël est un pur et simple clone des Etats-Unis et pas seulement un allié sûr – une copie en modèle réduit, une « reprise » de l’histoire de la « frontière ouverte », dans les conditions du Proche-Orient11. La seule chose qui change, si l’on peut dire, c’est la localisation de la frontière ouverte – à l’Ouest dans un cas, à l’Est dans l’autre…

 

La constitution impériale (indéniable) de l’Etat chinois est d’une espèce toute différente. Dans leurs rêves de grandeur les plus fous, les dirigeants chinois contemporains ne conçoivent d’aucune manière une Pax sinica imposant ses conditions au monde, sur le modèle de la Pax Americana aujourd’hui en crise. Les relais qu’ils installent un peu partout dans le monde aujourd’hui, de Djibouti à Trieste en passant par la Malaisie et Dubrovnik ou le port du Pirée, dans le cadre du grand dessein Belt and Road, sont avant tout destinés à servir de points d’appui à l’essor de leurs échanges commerciaux et de l’expansion de leur économie. Ils ne sont pas portés à projeter leur puissance militaire à l’échelle du monde, à installer des bases ou déployer des flottes destinées à quadriller une région entière, sur des continents situés à des milliers de kilomètres du territoire chinois. La restauration de la grandeur chinoise dont ils se targuent d’être les artisans ne passe aucunement par l’adoption des mêmes dispositifs, elle ne s’inspire pas du tout des mêmes dispositions que ceux qui ont présidé à la formation de l’empire américain qui est quand même, avant toute chose, un empire militaire. Le Japon n’est pas seulement l’allié solide des Etats-Unis en Asie de l’Est, il est aussi pour eux un point d’appui militaire, une base où, y compris, transitent et d’où sont susceptibles d’être mis en oeuvre des armements nucléaires – ceci en dépit de tous les accords et traités existants12.

 

C’est une musique toute différente que fait entendre le Make China great again des dirigeants de Pékin. Je n’irais pas jusqu’à dire que celle-ci est forcément avenante, le supercapitalisme et l’idéologie de la croissance dont ils se font les promoteurs enthousiastes vont à contresens de tous les avertissements que nous lancent le réchauffement climatique et les maux innombrables dont le néo-libéralisme en vogue accable les sociétés occidentales – en Europe et tout particulièrement aux Etats-Unis… Je ne dis pas que cette musique est avenante, je dis simplement qu’elle pourrait difficilement être pire que celle qui, depuis maintenant un siècle a accompagné la formation de l’empire américain et la suite ininterrompue des désastres et des crimes qui l’ont accompagnée comme son ombre.

 

(....)

 

Alain Brossat

 

Publié le 17 avril 2019

https://entreleslignesentrelesmots.blog/2019/04/17/la-crise-hegemonique-et-son-avenir/

Partager cet article
Repost0
17 février 2019 7 17 /02 /février /2019 09:47

Class Struggle is a Splendored-Thing 

(Roulez, jaunesse !) (suite 4 et fin)

 

C’est ici que s’avère décisive la capacité d’identifier, dans la confusion du présent, la figure de la lutte des classes (des espèces) redéployée et réintensifiée, avec un mouvement comme celui des gilets jaunes comme dans l’irruption des migrants – les migrants, c’est la figure par excellence de la lutte des classes nomadisée aux conditions du présent qui sont celles de l’allongement de tous les circuits, ce qu’on appelle couramment « globalisation » – la capacité à identifier la « question » des migrants comme figure de la lutte des classes globalisée et non pas comme problème humanitaire. Les mouvements néo-fascistes à la Le Pen ou Salvini, eux, ne présentent aucun tort, ils ne sont que la promesse de son aggravation – au nom de la race –sur ce point, rien n’a changé depuis les années 1930.

Ce que je soutiens là, et que l’on sera en droit de contester de mille façons, je ne l’ai pas appris (compris ou pensé le comprendre) en lisant des traités de sociologie, de philosophie ou d’économie politique, mais en regardant des films. Ce qui me frappe, depuis un bon moment, c’est que les meilleurs (les plus puissants) films de « lutte des classes » ne sont pas du tout les films qui portent la lutte des classes en sautoir, mais au contraire des films qui, dans l’explicite de leur propos, des « histoires » qu’ils racontent, parlent de tout autre chose – des comédies légères, des « contes moraux », des films noirs, des histoires d’Indiens, de maîtres insouciants, de serviteurs machiavéliques, de parties de chasse qui tournent mal…

Des films qui nous viennent comme des rébus dans lequel se cache et se dévoile en même temps ce que Deleuze appelle tout simplement « une idée », une figure de la division immémoriale et de l’affrontement des classes/espèces agencée sur le conflit noué entre des personnages, les tensions surgies de situations, sur le surgissement de motifs puissants comme le différend, la mésentente, l’inexpiable… Les films de lutte de classes qui ont une vraie profondeur de champ destinée à nous inspirer dans les temps et les temps ne sont pas tant ceux qui s’établissent dans l’explicite d’un sujet ou d’une situation – une grève insurrectionnelle, une révolution en acte, une tranche de vie dans une usine (même s’il en est d’excellents et de classiques), ce sont, précisément des films qui, de ce point de vue, se tiennent plus près de Freud que de Marx, pour autant qu’ils nous « parlent » de tout autre chose tout en ne nous parlant que de « ça » – en procédant par déplacement et condensation – La boulangère de Monceau d’Eric Rohmer, Sanget or de Jafar Panahi, Un si doux visage d’Otto Preminger, La Servante de Ki-young Kim, La France de Serge Bozon,Philadelphia Story de George Cukor, La Règle du jeu, de Jean Renoir, bien sûr…

C’est en regardant des films, toutes sortes de films, que l’on apprend à discerner (l’aiguille, la pépite dans la botte de foin de l’actualité qui foisonne sous nos yeux comme le font les images et les sons qui font la texture du film) et de cet art de discerner se déduit le discernement.  En dernière analyse, reconnaître, identifier une scène dans laquelle s’intensifie la lutte des classes « à l’état pratique », toujours, dans un champ d’immanence, c’est toujours une affaire de discernement. Ce n’est pas parce que le train de la Révolution nous a filé sous le nez (ou, plutôt, s’est égaré sur je ne sais quelle voie de garage…) que nous devons nous résigner à ne voir le présent que comme un perpétuel crépuscule peuplé par les cadavres et les spectres de la lutte des classes. Pour paraphraser une dernière fois Deleuze (Abécédaire, lettre C comme « Culture »), des périodes pauvres, ça arrive tout le temps, ça revient périodiquement. Et ce n’est pas si grave que cela, puisque l’on sait d’expérience que ça passe… Ce qui serait vraiment grave, ce serait que quand il se produit quelque chose, c’est-à-dire qu’une flèche est lancée (Nietzsche), personne ne soit là pour la relancer (car c’est ainsi que la vie en général et l’espérance politique en particulier, continue – par « relance »)…

Avec les gilets jaunes, une flèche a été décochée, pas seulement en direction de l’Elysée, par seulement sur les Champs-Elysées – en direction du ciel, carrément. L’avenir appartient à ceux qui sauront en discerner la qualité pronostique (Foucault, cette fois-ci). Et que l’on ne vienne pas nous bassiner à nous prédire que « tout ça finira mal » de toute façon, de querelles intestines et batailles grotesques pour l’héritage, la marque déposée « Gilets jaunes », etc. Cette soupe rance, on en connaît le goût par cœur, on nous la sert chaque fois que se produit un événement qui relance le combat pour l’émancipation – vous verrez, ça finira mal…

La belle affaire ! Car ce qui compte, ce n’est vraiment pas ça – c’est la flèche.

 

Alain Brossat

Publié le 12 février 2019

https://entreleslignesentrelesmots.blog/2019/02/12/class-struggle-is-a-splendored-thing-roulez-jaunesse/

* titre ajouté par nos soins

Partager cet article
Repost0
16 février 2019 6 16 /02 /février /2019 09:47

Class Struggle is a Splendored-Thing 

(Roulez, jaunesse !) (suite 3)

 

Tout ceci pour dire que ce dont une classe est faite, ce sont des dispositions, des conduites, des capacités d’action, des tactiques, autant au moins que ce qui s’en détecte au miroir des statistiques et des études quantitatives – c’est un point de vue proche de celui-ci qui inspire, me semble-t-il le grand ouvrage de E. P. Thompson sur la formation de la classe ouvrière anglaise et dont les marxistes orthodoxes ne manquèrent point de percevoir toute la puissance polémique. Ce qui importe donc, c’est de voir la lutte des classes comme le principe actif et dynamique de la division. Celle-ci ne se contente pas de séparer et répartir, elle met aux prises les uns et les autres, elle est, littéralement, animée par la lutte. En ce sens même, ce qui importe, c’est de définir la lutte des classes comme une sorte de guerre qui ne finit jamais, qui « rebondit » de formation historique en formation historique, de configuration en configuration – les protagonistes et la topographie de l’affrontement changent, pas la matrice de l’affrontement. Comme le remarque Marx dans le Manifeste, même quand celui-ci met aux prises, dans ses commencements ou ses formes pratiques des protagonistes multiples, il tend toujours à se simplifier d’une manière telle que réapparaît la figure immémoriale de la division – les uns contre les autres.

Dans la société moderne (bourgeoise), l’antagonisme se simplifie pour lui à telle enseigne que ce sont désormais deux « vastes camps », deux « grandes classes » qui sont désormais aux prises – la bourgeoisie et le prolétariat. Je ne reviens pas ici sur les effets de rétrécissement du champ de vision de l’affrontement que produit une telle approche. Cependant, vue sous un autre angle, non pas historique ou historiciste mais directement politique, elle est parfaitement probante : plus la lutte s’aiguise et plus, en effet, la figure d’une lutte à acteurs multiples, voire de la guerre de tous contre tous tend à s’effacer au profit de celle de la guerre immémoriale – les gilets jaunes ont beau être composés, comme mouvement, de ce que Trotsky aurait nommé une « poussière d’humanité », un agrégat aussi composite que possible – dès lors que la dynamique de l’affrontement avec les gouvernants et leurs alliés est engagée, la configuration en deux camps, l’un populaire et l’autre étatique et im-populaire, se reforme. Ce ne sont donc pas des « factions » qui s’affrontent, mises en mouvement par des intérêts particuliers, mais bien des « mondes » que tout oppose. Cette dynamique de la simplification du champ de la conflictualité se retrouve, à une tout autre échelle, dans la Révolution chinoise : communistes entés sur la masse paysanne contre « nationalistes » soutenus par les Américains.

Nombreux sont ceux qui, ayant été formatés par le régime de la classe prividentielle, ayant pensé, milité et construit leur espérance sous ce régime, le voyant s’effondrer sous leurs yeux comme un château de cartes, se volatiliser, en tirent la conclusion que la messe est dite, que les masses, les gens, le peuple, fan de Hanouna et prompt à succomber au chant des sirènes populistes, n’a au fond pas volé les mauvais coups que lui portent les gouvernants… De l’effacement de la figure de leur peuple providentiel sur le sable du présent, ils infèrent sans plus de réflexion et comme sous l’effet d’une immense fatigue historique, que la lutte des classes est désormais aux abonnés absents, et l’horizon d’attente qui en constituait la toile de fond définitivement brouillé. C’est la rançon de la vision molaire, fixiste et souvent autochtoniste du prolétariat comme classe rédemptrice qu’a entretenue sans relâche le discours marxiste. Du coup, tout ce qui n’entre pas dans ce champ de visibilité sera naturellement décrié par les orphelins de ce Grand Récit comme inconsistant, suspect, futile, volatil ou gélétineux, etc.

Mais c’est oublier, il faut y insister lourdement, que le propre de la lutte des classes en tant que traduction sur le terrain, en acte, de la division primordiale, est de se déplacer autant que de se fixer, et de procéder par production d’effets de condensation et d’intensités – des circulations, des flux, des interruptions – et non pas des essences sociales massives qui se regardent en chiens de faïence. Ce n’est pas la « conscience de classe » qui constitue le ressort ou le moteur de l’action dans le champ balisé par l’antagonisme entre les classes mais la puissance d’agir – ou non : tandis que les gilets jaunes donnent vie au mouvement et au moment qui porte leur nom, le « mouvement ouvrier » encarté est aux abonnés absents et ce sont donc eux (les gilets jaunes) qui, dans ce moment « agissent » et activent la lutte des classes, l’intensifient – pas les troupes démobilisées et perplexes de M. Martinez. On mesure ici à quel point le sous-Grand Récit de la « conscience » qui occupe la place que l’on sait dans le discours marxiste a atteint à son point d’effondrement. La conscience politique, révolutionnaire fondée sur la science de l’histoire et la connaissance des « lois » régissant le fonctionnement du capitalisme, comme système, notamment économique – tout cet empilement de conditions préalables à la mise en mouvement de la classe providentielle s’est effondré comme un château de cartes. Ce n’est pas la « conscience de… (quoi que ce soit) qui fonde la disposition à l’action, mais bien plutôt, comme le remarquait Foucault dans ses « reportages d’idées » sur le soulèvement iranien, le partage d’un affect à partir duquel va se déployer une puissance collective.

Et puis, soit dit en passant, si l’on grattait un peu le vernis de la « conscience de classe » des ouvriers sous influence du PCF à l’époque où celui-ci était, en effectifs, le premier parti de France, on s’exposerait à y trouver non moins de scories que dans le discours souvent décrié comme « hétéroclite » et « confusionniste » des gilets jaunes aujourd’hui – cette « conscience de classe » – là était, dans son époque, massivement autochtoniste, viriliste, homophobe, etc.

Il existe, bien sûr, toutes sortes de mises en scène de l’affrontement qui ne sont que des diversions destinées à éluder ce qui est en jeu dans la division immémoriale – non pas la lutte à mort de deux clans pour la conquête ou l’exercice du pouvoir, mais bien la réparation d’un tort infligé par un maître qui se voit fondé à « fixer la règle du jeu » et à gouverner les autres (ou le « tout » de la vie humaine) comme si le monde lui appartenait – des patriciens romains à la bourgeoisie capitaliste moderne. Le fascisme, dans toutes ses formes, est l’une des incarnations les plus notoires et les plus anéantissantes de ces diversions, aujourd’hui comme hier. La toile de fond du tort infligé et du tort subi est le désaccord immémorial portant sur l’égalité : les puissants, les maîtres, les élites, les propriétaires pensent que l’égalité doit être proportionnelle au « mérite », aux « capacités », à la richesse. Les serviteurs, ceux d’en-bas, les exploités pensent que l’égalité est un principe universel réparateur. Jamais les fascistes ne se sont battus pour l’égalité ainsi entendue – tout au contraire. Et, à l’inverse, ce n’est pas pour rien que la colère contre le scandale des inégalités, dans leur forme actuelle, est le carburant du mouvement des gilets jaunes.

Mais c’est ici précisément qu’est décisive la capacité de percevoir et penser la différence entre deux phénomènes, totalement hétérogènes : une diversion, fasciste ou autre (une mise en scène de l’affrontement en trompe-l’oeil et, quant au reste, solidement établie dans le diagramme du jeu des maîtres, se destinant toujours à déboucher sur la mise en place d’une version aggravée de la « règle du jeu »), d’une part. Et, de l’autre, un mouvement qui fait irruption dans l’arène politique d’un pied léger pour en bousculer toutes les conventions et en faire bouger toutes les lignes, en présentant sur un mode éruptif (« la colère ») le tort subi par ce que les uns appellent une multitude, les autres « les gens », dans des termes plus anciens « la masse » – mais que je préférerais ici appeler ici « un peuple » entendu comme « partie » agissante (les gilets jaunes déboulant sur les ronds-points et envahissant les rues des villes) aspirant à devenir le tout – le peuple comme « plebs » par opposition au « populus » national et citoyen (Ernesto Laclau) ou bien le peuple comme peuple de la rue (mob,rabble, canaille, chienlit, Pöbel,« vie nue » en version agambenienne) contre peuple de l’Etat – le peuple du tort sub  (Rancière) contre la population administrée et dirigée à la baguette – la fantasmagorie gouvernementale par excellence. Quand je dis « d’un pied léger », je veux dire sans être appareillé par des références théoriques, une tradition, des discours formaté, etc. Les gilets jaunes sont agiles et mobiles pour cette raison précisément – ils voyagent léger.

(...)

 

Alain Brossat

Publié le 12 février 2019

https://entreleslignesentrelesmots.blog/2019/02/12/class-struggle-is-a-splendored-thing-roulez-jaunesse/

* titre ajouté par nos soins

Partager cet article
Repost0
15 février 2019 5 15 /02 /février /2019 15:04

Class Struggle is a Splendored-Thing 

(Roulez, jaunesse !) (suite 2)

 

 

Pour relever encore l’expression de Temps critiques, l’idée que la classe se définirait nécessairement dans l’horizon d’un destin historique (et que, par conséquent, on se trouverait, dans le cas présent, face à une lutte sans classe dans la mesure même où les Gilets jaunes, manifestement, ne pensent pas leur combat dans la perspective d’un quelconque destin historique), cette idée pourrait tout aussi bien être caractérisée comme une formulation ou une association entièrement réductible aux conditions de la fantasmagorie marxiste, c’est-à-dire d’un régime de discursivité tout entier placé sous le signe de l’Histoire comme milieu essentiel où se réalise la vie des hommes. Une fable, un mythe parmi d’autres et qui valent ce que valent les fables et les mythes sur le destin de l’humanité – il en est de bons, qui durent dans les temps et les temps et de moins bons qui s’effacent rapidement sur le sable de la vie des gens.

Par conséquent, ce qui se redécouvrirait avec le mouvement des Gilets jaunes et qui serait tout sauf un novum politique ou historique, c’est qu’il y a de la lutte des classes, que celle-ci est insuppressible et perpétuelle en tant qu’expression de la division primordiale, quelles que soient ses formes de visibilité et les prises qu’exercent sur elle les récits (les discours) légitimés. Le reste est affaire d’intensités. Quand, évidemment, prend corps un soulèvement collectif de l’ampleur de ce à quoi on assiste avec les Gilets jaunes, alors il est bien difficile de dire que ce qui se produit ne met pas en jeu les relations entre « les classes », en tant que ces relations ont pour fond un antagonisme fondamental. Ce n’est pas dans cette configuration le nom de telle ou telle classe qui importe, ce ne sont pas les assignations sociologiques qui font la différence ou livrent la clé de ce qui est en cours et qui fait événement. C’est bien plutôt ce que Marx aurait formulé de façon imagée comme retour de la vieille taupe – la réintensification du conflit immémorial dans des formes suffisamment massives, directes, impétueuses pour que celui-ci se trouve établi aux yeux de tous, en pleine visibilité comme ce qui donne son nom à la configuration présente – le « moment » Gilets jaunes.

Ce qui devient alors visible, en même temps que la disparition des prétendues essences historiques et sociales dont la lutte des classes était censée être faite, c’est l’endurance de l’impersonnel – il y a de la lutte des classes, quelles qu’en soient les incarnations, les assignations, les déterminations. Et c’est ici que l’on mesure à quel point le discours maxiste qui nous a tant imprégnés, fut (et est encore) autant qu’une formidable machine à voir et à mettre le monde en récit, une machine à invisibiliser et rendre innommables des pans entiers de la réalité du présent. Ce que, notamment, le récit marxiste de la lutte des classes indexé sur le supposé destin historique de la classe providentielle (un résidu métaphysique typique), le prolétariat, c’est l’infinie variété et l’endurance proprement marathonienne de la lutte des espèces. Dans un pays comme la France, au début du XXe siècle, il y avait davantage de serviteurs (domestiques, gens de maison, bonnes, portiers, concierges, cochers…) que de prolétaires, à proprement (marxistement) parler… Mais quid d’une problématisation théorique et politique de la division et l’affrontement sans fin qui se déroule, dans une telle configuration, entre maitres et serviteurs ? Ce n’est ni le discours marxiste militant, ni le discours académique (sociologique et autre) savant qui en conserve la trace mais bien la littérature, le théâtre et, plus tard, le cinéma – de Mirbeau à Losey, en passant par Genet…

Le discours marxiste et le champ de visibilité qu’il découpait assignait la lutte des classes à des lieux et des formes spécifiques, il construisait des paradigmes qui en excluait d’autres. C’est la raison pour laquelle les étudiants qui se politisent, se radicalisent et entrent en lutte en 1968 ne conçoivent pas que l’inscription de leur action dans le champ de la lutte des classes puisse se réaliser pleinement – ni même  vraiment – sans que d’une façon ou d’une autre leur combat converge avec celui de la classe ouvrière. Il leur faut donc, en mai et juin, aller aux portes des usines et placer l’approfondissement de la lutte sous condition de la grève générale ouvrière. Mais quid de la suite lorsque les ouvriers reprennent le travail et que l’heure n’est plus à la grève générale mais aux marchandages au sommet entre les représentants de l’Etat, ceux du patronat et les directions syndicales ?

Sans en avoir problématisé comme telle l’approche critique, Foucault et Deleuze ont bien vu comment la définition de l’action révolutionnaire qui prévaut alors parmi les organisations qui se voient comme l’avant-garde du mouvement, une action conçue comme effectuation consciente de la lutte des classes, comment cette codification tend à réduire le champ et appauvrir l’approche des formes de l’affrontement perpétuel entre l’immémorial plébéien et l’immémorial patricien (pour rester dans le référentiel occidental) et, du même coup, entre gouvernants et gouvernés. C’est, chez Foucault, le motif des contre-conduites et de la résistance à l’intolérable et, chez Deleuze, le personnage-concept de Bartleby. En d’autres termes, sous les « pavés » bien rangés et soigneusement étiquetés de l’action révolutionnaire s’étend la « plage » sans limite des gestes, des conduites, des formes de résistance de toutes intensités, des esquives et des défections, des soulèvements impromptus et des « émotions » foudroyantes aussi. En bref, des « tactiques » de toutes sortes, qui élargissent à l’infini l’assiette de ce qui, en acte, manifeste l’ubiquité de la division et du conflit, là où sont en question non seulement des jeux de pouvoir, mais bien la production de l’inégalité structurelle et des formes d’exploitation et de domination qui vont avec.

Ce que la fonction normalisatrice du discours marxiste nous a fait perdre de vue, à force de faire de l’exploitation de la force de travail dans la structure capitaliste (l’extorsion de la plus value) le pivot de la lutte des classes et de faire de la relation entre l’ouvrier et le capitaliste la matrice de ce qui ne peut se décrire que comme « système », c’est que ladite lutte des classes n’a, en vérité, ni origine ni point fixe, qu’elle circule, nomadise, qu’elle transversalise, diffuse, prolifère et se fixe, selon les « moments » eux-mêmes fait d’agencements de facteurs hétérogènes, dans les formes les plus variables et souvent les plus improbables – les Gilets jaunes ici, les « racailles » des cités ailleurs, les Zadistes hier, des ouvrières qui occupent leur usine menacée de fermeture demain…

Ce que le discours marxiste (qui place la lutte des classes sous condition d’un appareil théorique empreint de téléologie et de scientisme) nous porte constamment à oublier, c’est que la lutte des classes étant pure immanence, elle ne se manifeste « partout », (pour peu que l’on sache restituer ses conditions de visibilité) que dans la mesure même où elle ne saurait être assignée à aucun lieu particulier. Etant tout sauf une essence ou une substance inscrite en quelque « territoire » que ce soit, elle n’est faite que de la totalité de ses déplacements et des formes qu’elle adopte – pas si étonnant que cela, donc, de la retrouver en gilet jaune (et non pas rouges) sur les ronds-points (et non aux portes des usines)… Il ne s’agit pas pour autant de faire l’éloge de tout ce qui bouge – tous les « mouvements », toutes les « mobilisations » ne se valent pas – il faudra y revenir. Il s’agit simplement, à ce stade du raisonnement, de travailler à réformer notre entendement de ce qui peut être entendu comme « lutte des classes » dans nos sociétés, et pas seulement discorde entre gouvernants et gouvernés ou incompréhension entre élites et gens d’en bas.

L’essentialisme de la classe (La bourgeoisie, La classe ouvrière devenant des essences quasi-métaphysiques) accompagnait comme son ombre, dans le discours marxiste, l’approche fixiste de la lutte des classes. Ce qui eut notamment pour effet, lorsque, à partir des années 1960, la structure sociale est entrée dans le temps de mutations tendant à compliquer le tableau, de nourrir toute une casuistique marxiste sur la « nouvelle petite-bourgeosie », se destinant, bien en vain, à colmater les brèches du dogme des essences sociales. Il n’est donc pas surprenant que lorsque l’heure fut venue de la reconquête idéologique néo-libérale, le beaujolais nouveau frelaté de la « classe moyenne planétaire » soit parvenu à conquérir sans rencontrer grande résistance le marché de la représentation du social – le discours marxiste des classes perdant en quelques années toute valeur auprès non seulement des élites savantes mais, ce qui est plus grave, des milieux populaires – au point qu’aujourd’hui, ceux qui persistent à agencer leur discours politique autour de ces deux signifiants maîtres – bourgeoisie et classe ouvrière (voire « travailleurs ») passent auprès des intéressés des deux camps pour d’inoffensifs conservateurs des antiquités – Lutte ouvrière, par excellence.

Il y a de la lutte des classes, il n’y a pas d’essences sociales, les classes sociales sont tout sauf des espèces naturelles. C’est la raison pour laquelle une approche essentiellement sociologique de la lutte des classes ne peut que jeter dans des impasses – on a vu comment elle a pu nourrir quelques approches dédaigneuses frottées d’esprit d’orthodoxie du mouvement des Gilets jaunes – pas d’organisations enregistrées en préfecture, pas de délégués dûment mandatés, pas de dirigeants vus à la télé, pas de cortèges encadrés s’ébranlant de la République à la Bastille – rien à voir ni à penser, donc, de ce côté-là, qu’une agitation brouillonne et vibrillonnante…

Mais on pourrait même aller un peu plus loin dans la critique de l’essentialisme : pendant la Révolution chinoise dont la marque distinctive est qu’elle se produit massivement au village, la détermination de l’appartenance à une classe de tel ou tel ne découle pas d’une approche théorique générale, d’une analyse sociologique – elle fait l’objet d’une décision collective prise à l’occasion d’assemblées de village et fondée sur des critères politiques fixés par les cadres communistes. La répartition en paysans pauvres, paysans moyens, paysans riches, féodaux (seigneurs) relève d’une pratique discursive où l’on peut identifier très distinctement un usage performatif des énoncés – être déclaré « paysan pauvre », c’est non seulement se trouver assigné à une catégorie sociale mais placé sous un régime particulier d’attribution de la terre, de « réparation des torts », etc. – voir sur ce point l’indispensable Fanshen – la révolution communiste dans un village chinois de William H. Hinton (Terre humaine).

De la même façon, sous nos latitudes, on a vu se produire dans le laps de quelques décennies cette évolution au fil de laquelle des gens qui se voyaient établis sur le territoire social comme artisans, ouvriers qualifiés, commerçants, petits entrepreneurs, enseignants, employés de la Fonction publique… se muer à leurs propres yeux en membres de la protoplasmique et nébuleuse « classe moyenne » – avec toutes les conséquences idéologiques et politiques d’une telle évolution. En d’autres termes, les classes, ce n’est pas seulement fait d’emplacements et de positions dans une formation sociale, mais aussi et tout autant de modes de subjectivation individuels et collectifs de ces « places » et des répartitions qui vont avec. L’illusion scientiste (les lumières produites par la science sociale étant censées nous éclairer sur ce qu’il en est de l’état de la formation sociale sous l’angle de l’analyse de classe) se trouve distinctement battue en brèche lorsque la classe providentielle d’hier tend de plus en plus visiblement à perdre son nom, y compris à ses propres yeux – une classe qui a perdu son nom perd, du même coup, l’essentiel de ce qui faisait sa puissance.

 

(...)

 

Alain Brossat

Publié le 12 février 2019

https://entreleslignesentrelesmots.blog/2019/02/12/class-struggle-is-a-splendored-thing-roulez-jaunesse/

* titre ajouté par nos soins

Partager cet article
Repost0
17 septembre 2015 4 17 /09 /septembre /2015 10:10
Armand Ajzenberg Armand Ajzenberg -- Bonjour, Ci-joint un nouvel article, suite au précédent, où la question est : Quelles réformes pour un projet alternatif européen ? Où il est question, face à la domination économique de l’Allemagne sur l’U.E., de l’idée d’une Union des peuples latins d’Europe (Espagne, France, Italie, Portugal) pouvant faire contrepoids à cette montée d’impérialisme de nos cousins Germains. Où il est question d’une nouvelle Europe : sociale, démocratique et fraternelle. Où des premières mesures phares pourraient être : 1 – Un même salaire minimum (SMIC) dans toute l’U.E.. Celui-ci est actuellement de 184 € mensuel en Bulgarie et de 1923 € au Luxembourg. 2 – Un même temps de travail légal dans toute l’U.E. et une même durée maximale autorisée de ce temps de travail. 3 – Une même fiscalité dans toute l’U.E. s’agissant notamment de l’impôt sur les sociétés, sans aucune mesure dérogatoire. Ces trois harmonisations dans l’Union européenne (SMIC, temps de travail, impôt sur les sociétés) sont aujourd’hui impossibles à réaliser car elles requièrent l’unanimité au Conseil des ministres des 28 États de l’Union. Elles ne sont donc réalisables que dans le cadre de cette Union européenne. Elles sont pourtant capitales, car seules en état de mettre fin à la concurrence malsaine entre les femmes et les hommes des différents pays de l’Union (coûts du travail !). Ces harmonisations ne pourraient donc réalisées que par voie référendaire. Cela suppose alors une campagne exceptionnelle menée en ce sens. Pour y parvenir, les moyens pacifiques existent aujourd’hui : la pétition via Internet. Ce procédé a déjà à son actif de nombreuses victoires, sur des sujets les plus divers, quand les pétitionnaires se comptent par centaines de milliers. Ici, il faudrait qu’ils se comptent par dizaines de millions. Si cela « marchait », nul doute que les structures actuelles de l’U.E., devenues obsolètes, craqueraient. Il conviendrait alors d’élire une Assemblée européenne constituante pour en inventer d’autres. C’est notamment de tout cela qu’il est question dans le fichier joint au format PDF. Je vous en souhaite bonne lecture. Des réactions et commentaires peuvent déjà être lus sur : http://blogs.mediapart.fr/blog/armand-ajzenberg/150915/vers-une-europe-sociale-democratique-et-fraternelle-par-un-reformisme-revolutionnaire-suite-1 Armand Ajzenberg attachment Armand a ajouté 1 pièce jointe : 2 - VERS UNE EUROPE SOCIALE.PDF. Le voir dans votre boîte de réception.
Partager cet article
Repost0
17 septembre 2015 4 17 /09 /septembre /2015 10:10
Armand Ajzenberg
Armand Ajzenberg
--
Bonjour, 

Ci-joint un nouvel article, suite au précédent, où la question est : Quelles réformes pour un projet alternatif européen ? 
Où il est question, face à la domination économique de l’Allemagne sur l’U.E., de l’idée d’une Union des peuples latins d’Europe (Espagne, France, Italie, Portugal) pouvant faire contrepoids à cette montée d’impérialisme de nos cousins Germains. 
Où il est question d’une nouvelle Europe : sociale, démocratique et fraternelle. Où des premières mesures phares pourraient être : 
1 – Un même salaire minimum (SMIC) dans toute l’U.E.. Celui-ci est actuellement de 184 € mensuel en Bulgarie et de 1923 € au Luxembourg. 
2 – Un même temps de travail légal dans toute l’U.E. et une même durée maximale autorisée de ce temps de travail. 
3 – Une même fiscalité dans toute l’U.E. s’agissant notamment de l’impôt sur les sociétés, sans aucune mesure dérogatoire. 
Ces trois harmonisations dans l’Union européenne (SMIC, temps de travail, impôt sur les sociétés) sont aujourd’hui impossibles à réaliser car elles requièrent l’unanimité au Conseil des ministres des 28 États de l’Union. Elles ne sont donc réalisables que dans le cadre de cette Union européenne. Elles sont pourtant capitales, car seules en état de mettre fin à la concurrence malsaine entre les femmes et les hommes des différents pays de l’Union (coûts du travail !). 
Ces harmonisations ne pourraient donc réalisées que par voie référendaire. Cela suppose alors une campagne exceptionnelle menée en ce sens. Pour y parvenir, les moyens pacifiques existent aujourd’hui : la pétition via Internet. Ce procédé a déjà à son actif de nombreuses victoires, sur des sujets les plus divers, quand les pétitionnaires se comptent par centaines de milliers. Ici, il faudrait qu’ils se comptent par dizaines de millions. Si cela « marchait », nul doute que les structures actuelles de l’U.E., devenues obsolètes, craqueraient. Il conviendrait alors d’élire une Assemblée européenne constituante pour en inventer d’autres. 
C’est notamment de tout cela qu’il est question dans le fichier joint au format PDF. 
Je vous en souhaite bonne lecture. 
Des réactions et commentaires peuvent déjà être lus sur : 
http://blogs.mediapart.fr/blog/armand-ajzenberg/150915/vers-une-europe-sociale-democratique-et-fraternelle-par-un-reformisme-revolutionnaire-suite-1 

Armand Ajzenberg 
attachment Armand a ajouté 1 pièce jointe : 2 - VERS UNE EUROPE SOCIALE.PDF. Le voir dans votre boîte de réception.
 
Partager cet article
Repost0