Bilan et précisions sur l’autoformation
Pendant ces dix premières années de ma vie, j’ai plutôt conçu ma formation comme une acquisition de savoirs professionnels. Mon ambition de départ était de me garantir un métier qui me plaise. J’ai conduit ma formation en acceptant les règles imposées par l’institution qui me demandait d’acquérir un certain niveau. Pourtant, un élément extérieur est venu perturber le sens de ce cheminement. Le mariage s’est imposé comme une réalité et j’ai accepté alors de ne pas aller au bout de ce premier projet. Pourtant, cette entrée dans la vie n’est pas la fin de toute forme d’apprentissage car je découvre une autre forme celle de la vie quotidienne.
Après quelques années, la suite de mon parcours m’a orientée vers de nouveaux possibles. Toutefois en partant de mon expérience d’étudiante pour atteindre certains objectifs, j’ai découvert l’insuffisance de mes connaissances, ce qui m’a conduite à m’autoformer. Mon interprétation de l’autoformation relève d’une théorie reprise auprès de spécialistes. Dans ce bilan qui me permet de conclure sur le passé pour me projeter vers la suite de mon parcours, voici comment j’ai perçu le sens de cette autoformation.
Dans le cas d’une éducation tout au long de la vie, le souhait d’entreprendre un nouvel apprentissage devient un fait personnel dépendant d’une volonté d’acquérir des savoirs professionnalisant ou bien d’entreprendre une démarche plus herméneutique de formation pour soi.
Depuis quelques années la libération du temps de travail permet une recrudescence d’adultes en reprise d’études. Ce nouveau temps libre donne la possibilité aux adultes d’avoir une seconde chance et de pouvoir gravir les marches de la hiérarchie professionnelle, de se garantir des postes beaucoup plus intéressants, lucratifs et sûrs. « D’après P. Galvani la formation est un processus fondamental de l’existence humaine. Les conceptions de la formation ne se limitent plus à l’étude à l’école ou des stages de formation continue. La formation déborde largement le champ de la pédagogie. Les sciences de l’éducation s’ouvrent aux sciences de l’autonomie et du vivant et deviennent des sciences de la formation et qui prennent l’étude de la forme et des morphogénèses au sens le plus radical. La vie et la connaissance sont indissociablement liées (P. Galvani, 1997, p.7) ».
Pourtant, une partie de cette population d’adultes apprenants cherche aussi des réponses à un questionnement plus personnel et à un désir d’être accompagné dans leur cheminement par des apprentissages suivis. Ils retournent alors à l’université ou dans d’autres institutions, dans des domaines qui les passionnent, tant scientifique, que spirituel, artisanal ou artistique. C’est dans cette nouvelle forme d’apprentissage que le public adulte peut acquérir une formation conduisant à un épanouissement personnel. « De générations en générations, nous nous sommes efforcés de parvenir à l’édification d’un monde meilleur et, pour ce faire, nous avons sans cesse développé la scolarité. Jusqu’à présent, l’entreprise s’est soldée par un échec. Et qu’avons-nous appris, si ce n’est que de contraindre les enfants à gravir l’escalier sans fin de l’éducation, qui loin de conduire à l’égalité recherchée, ne fait que favoriser celui qui part en avance sur les autres, ou qui se trouve en meilleure santé, ou bénéficie d’une meilleure préparation ? Pire encore, l’enseignement obligatoire semble miner la volonté personnelle d’apprendre (I. Illich, 1971, p. 189) ».
En somme, c’est donner l’envie aux jeunes et aux adultes d’apprendre en toute situation, d’acquérir ou de s’approprier des savoirs divers qu’ils ont envie de découvrir. C’est amener l’apprenant à se former pour lui-même et par lui-même. « On travaille d’autant plus, que l’on a compris ce que signifie « Pourquoi travailler pour soi-même ? (G. Weigand et Hess R., 2007, p. 34) ». C’est donc autogérer son apprentissage, atteindre la liberté de choix, répondre à ses passions, conduire sa vie… s’autoformer.
Le préfixe « auto » indique l’action du sujet sur sa formation. L’autoformation est un terme générique qui implique une volonté de la personne à se former. Dans ce cas, l’aspect directif de la formation en milieu scolaire peut prendre un autre sens car l’apprenant se conditionne à apprendre et refreine ses désirs. Dans cet apprentissage traditionnel, l’institution ne peut répondre aux souhaits de chacun, elle doit fournir un apprentissage basique et le faire admettre comme indispensable aux regards des jeunes. Bien qu’il existe une diversité de dispositifs d’apprentissage, de matières et de styles (études purement intellectuelles, ou professionnalisées et spécialisées), le jeune découvre souvent, dans ce que l’institution lui enseigne, un décalage avec la réalité qu’il perçoit. Pourtant, dès que la réponse de l’enseignement entre en concordance avec les souhaits de l’apprenant, celui-ci peut entrer dans une phase d’autoformation stimulée aussi par sa propre passion qui le rend actif dans son apprentissage. L’effet de décision personnelle donne alors à toute pratique d’apprentissage le sens d’une autoformation. D’autant plus que « les pratiques d’autoformation sont collectives ou individuelles hors institutions éducatives ou à l’intérieur de ces institutions (F. Danvers, 1992, réed. 2003, p.70) ».
De plus penser l’autoformation, c’est l’interpréter selon trois courants théoriques : Le premier concerne la dimension technico-pédagogique qui est un « processus individuel d’acquisition des connaissances (P. Galvani, 1997, p.7) ». Il correspond au sens donné par l’instruction, ou d’acquisition de l’information. La seconde forme est la dimension socio-pédagogique, c’est un « processus d’adaptation sociale émancipatrice dans les sociétés éducatives (P. Galvani, 1997, p.7) ». Elle est en lien avec l’éducation tout en gardant une relation avec la vie quotidienne. Puis une dernière dimension, bio-cognitive dont le « processus existentiel de mise en forme de soi, se centre plus sur l’idée de formation en s’attachant au processus d’émergence de la forme personnelle (P. Galvani, 1997, p.7) ».
Aussi, il faut comprendre l’autoformation comme indissociable de l’hétéroformation (59) et de l’écoformation (60). C’est la représentation ternaire de Gaston Pineau. Selon lui, l’autoformation est une mise en sens et une mise en forme de la personne dans ses couplages avec l’environnement. C’est un processus existentiel qui unifie le sens et la forme en les contraignant à interagir avec l’environnement physique et social. Cette théorie est renforcée par d’autres comme l’énonce Georges Lerbet dans son approche bio-cognitive. Il utilise, lui aussi, un système ternaire : une articulation de la personne, le soi étant l’apprenant ; le milieu et l’environnement physique et social. Hélène Bézille-Lesquoy et Bernadette Courtois définissent également l’autoformation selon trois approches : « se former pour soi et par soi, qui situe la personne au centre d’un univers tripolaire de la formation comprenant les pôles Auto-Hétéro-Eco, c'est-à-dire Soi - les Autres - l’Environnement (H. Bézille-Lesquoy et B. Courtois, 2006, p.13) ».
Il me semblait utile de faire un premier bilan sur ce moment de vie car la rupture s’annonce et mon attitude évolue. En reprenant cette explication théorique sur l’autoformation, j’explique dans quel processus je me suis engagée, et comment ma vie se transforme. Je souhaite dépasser le moment précédent. Voici la suite de mon histoire de vie.
(59) « Le terme d’hétéroformation [désigne] ce pôle social en contrepoint du pôle individuel (G. Pineau, 2000, p. 131) ». « Il s’agit selon G. Pineau de la formation scolaire, professionnelle ou socio-culturelle, initiale ou continue, qui est reçue principalement des autres (C. Verrier, 1999, p. 3) ».
(60) « Ce terme d’écoformation veut mettre l’accent sur la réciprocité de la formation par l’environnement. Ce n’est qu’en sachant comment l’environnement nous forme, nous met en forme, que nous saurons comment former l’environnement vivable et vital (G. Pineau, 2000, p. 132) ».
Sandrine Deulceux
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