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  • : Le blog de Benyounès Bellagnech
  • : Analyse institutionnelle : Théorie et pratique au sein des institutions politiques, éducatives et de recherche. L'implication des individus et des groupes dans la vie politique et sociale.
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3 janvier 2014 5 03 /01 /janvier /2014 13:09

 

Régis Malet, pré-rapporteur, prend à son tour la parole. Il tient d'abord à féliciter M. Valentin Schaepelynck pour cette thèse de doctorat qui prend la forme d'un volume unique, comprenant une table des matières, un texte principal de 445 pages, une bibliographie des auteurs cités de 21 pages.

 


La thèse est particulièrement bien écrite, même si elle est très dense et exigeante sur le plan du travail conceptuel ; elle prend appui sur de très nombreuses ressources, parfaitement maîtrisées : près de 500 références sont recensées dans la bibliographie, en fin d'ouvrage, relevant de différentes disciplines. La thèse s'intéresse à la genèse du courant de l'analyse institutionnelle et elle est organisée en une dizaine de chapitres. M. Valentin Schaepelynck, érudit sur le sujet, retrace dans l'introduction de sa thèse les origines du projet et des impulsions théoriques qui l'ont conduit, d'abord dans le cadre de ses études de philosophie, puis en sciences de l'éducation, à partir de rencontres et d'un intérêt croissant pour la psychothérapie institutionnelle et les rapports entre institutions et politique, à entreprendre une généalogie de ce courant de l'analyse institutionnelle et de ses «  clivages internes  » (p. 15).

 

 

 

C'est donc à ce travail génésique et généalogique à la fois original et utile que s'attelle M. Valentin Schaepelynck, avec un double objectif  assumé d'emblée: montrer, d'une part, que « l'émergence de l'analyse institutionnelle ne peut se comprendre qu'à partir du croisement entre les problématiques de la folie, de la jeunesse, de l'éducation et de l'émancipation politique » et, d’autre part, « que la critique institutionnelle  se double d'une critique en acte, qui démontre que cette clôture des institutions sur les individus n'est pas plus une fatalité que leur adaptation automatique à la norme » (p. 17). 

 


La thèse s'appuie principalement sur un matériau documentaire, composé d'archives, de textes théoriques et de « témoignages », mobilisés continûment mais de façon un peu aléatoire, et sans quand on ait trace les modalités de collecte et de traitement de ce corpus. Une annexe, qui aurait proposé un recensement précis et exhaustif de ces sources, aurait été appréciable, a fortiori dans le cadre d'un projet de connaissance qui s'intéresse aux traces d'un courant de pensée des institutions qui s'est grandement exprimé en actes ; tout comme l'eût été la mise à disposition du lecteur de l'ensemble des témoignages annoncés, collectés pour l'enquête auprès des acteurs de l'histoire de ce courant, et qui constituent un autre matériau précieux sur lequel s'appuie la thèse, mais qui sont un peu dilués dans le texte. Les chapitres s'enchaînent ensuite sans qu'un plan d'exposé soit très clairement annoncé, au-delà de l'ambition généalogique annoncée. Le lecteur cheminera ainsi selon une trame qui se dessine au fil de la lecture, mais on peut regretter ponctuellement ce déficit d'accompagnement, qui rend la lecture parfois difficile, tout autant que le déficit de scansion des enseignements de chaque chapitre, lesquels auraient d'ailleurs pu être rassemblés dans des parties manifestant un souci de structuration qui semble faire un peu défaut.

 


 

Le chapitre 1 retrace l'émergence du courant de la critique institutionnelle dans le contexte des divisions et des fissures du marxisme, et s'intéresse à son apparition dans les années 1960 comme type d'intervention sociale et comme tentative d'invention de nouvelles formes et pratiques institutionnelles porteuses de conceptions alternatives de la relation éducative, du travail social, ou du soin. Le chapitre 2 s'intéresse ensuite à la critique à l'œuvre dans le courant étudié de deux institutions : l'institution scolaire et l'institution asilaire. Ces « mondes fermés » partagent dans leur fonctionnement un même caractère antidémocratique et autoritaire. La psychothérapie institutionnelle va questionner les cadres de la relation thérapeutique dans l'hôpital, en référence à l'aliénation psychique et sociale du sujet, mais en référence aussi à la figure de l'institué, promue pour prévenir d'une réduction de l'institution à une univers contraignant et aliénant. Sur le versant de l'institution scolaire, et entendu comme une traduction de la psychothérapie institutionnelle sur le terrain scolaire (p. 90), c'est la pédagogie institutionnelle qui est ensuite étudiée, émanant au carrefour de la psychiatrie et de l'école. Un peu rapidement eu égard à la spécificité de la thèse, qui s'inscrit dans le champ des sciences de l'éducation, la pédagogie institutionnelle y est décrite comme une critique de l'institution scolaire entreprise à l'intérieur de celle-ci (p. 94). Cette spécification ne tient peut-être pas toutes ses promesses, d'une part du fait d'une entreprise critique qui se signale plus par sa transversalité que par sa spécificité, lorsqu'elle est appliquée à l'institution scolaire ; d'autre part parce que certaines affirmations auraient mérité plus de précision, d'approfondissement et de mise en perspective (p. 93, par exemple, sur la référence allusive aux «  interprétations diverses  » de l'institution scolaire, ou sur la revendication pérenne, selon l'auteur et sans aucun étayage, de la pédagogie institutionnelle...), faute de quoi elles ne permettent pas au lecteur de savoir s'il s'agit d'éléments qui font débat ou bien s'il s'agit seulement de la position de l'auteur énoncée en nom propre.   Dans le troisième chapitre, l'auteur s'intéresse à la critique de la relation pédagogique qui se développera dès le début des années 1960, et en particulier de la pédagogie universitaire. A travers cette critique, ce sont les finalités et les savoirs à l'œuvre dans l'éducation scolaire et supérieure qui sont interrogés, dans leurs qualités aliénantes et de domination sociale. L'université apparaît aussi comme le théâtre d'un rapprochement fécond entre la psychothérapie et la pédagogie institutionnelles, au cours des années 1960, l'analyse institutionnelle devenant l'embrayeur conceptuel et analytique permettant de rapprocher ce qui, dans l'espace social, s'expose de façon séparée (p. 121).

 


Les chapitres suivants (4, 5 et 6) isolent la question des conflits du clinique et du politique, du « dedans » et du « dehors » puis l'œuvre de Guattari, qui favorise le passage de la transversalité à l'analyse institutionnelle, puis celle de Lapassade (dont les apports pour le courant feront ensuite l'objet d'un investissement spécifique - Chapitre 8), avec le processus de diffusion et de réappropriation de la psychologie. Le chapitre 9, final, s'intéresse à la norme adulte et à ses critiques et, en conclusion, l'auteur ramasse enfin « ce qu'il reste » de l'analyse institutionnelle, investissement un peu tardif de l'examen des résidus, entendus en somme comme traces d'émergence. Régis Malet propose à M. Valentin Schaepelynck de préciser certains aspects méthodologiques de son travail – le choix, l'usage, le traitement et la mise à disposition de ces traces de la genèse du courant de l'AI –, et de s'exprimer sur ses « résidus » et sur « ce qu'il reste  » de l'analyse institutionnelle lorsque qu'elle ne se prend pas elle-même pour objet, et, notamment, lorsqu'elle met au travail son entreprise critique dans l'institution scolaire.

 

 


M. Valentin Schaepelynck prend en charge avec beaucoup de rigueur et réagit de façon très éclairante aux remarques et questions qui lui sont proposées. Il révèle une vraie envergure intellectuelle et une capacité très louable à mettre en perspective et à défendre son travail de façon claire et constructive. Témoignant en actes de ce que l'activité de chercheur est appelée à déployer à la fois de fermeté et de disposition à la dispute scientifique. Régis Malet dit sa satisfaction et son grand intérêt à la lecture de cette thèse et à la rencontre avec son auteur  – pour un travail important, original et utile de mobilisation, de capitalisation et de passation dédié à la genèse du courant de l'analyse institutionnelle.

 

 

Http://lesanalyseurs.over-blog.org

 

 

 

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