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  • : Le blog de Benyounès Bellagnech
  • : Analyse institutionnelle : Théorie et pratique au sein des institutions politiques, éducatives et de recherche. L'implication des individus et des groupes dans la vie politique et sociale.
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17 juin 2009 3 17 /06 /juin /2009 18:36

 


 

 

 
Mardi 23 juin 2009

L’héritage psychosociologique

coordination de la journée : Léonore BAZINEK,

Sandrine DEULCREUX, Patrice VILLE



9.30

 Ouverture par Pascal BINCZAK, président de l’Université Paris 8

Acceuil par Jean-Louis LE GRAND, Directeur de l’UFR Sciences de l’éducation,

Présentation des journées par Rémi HESS


10.30 - 13.00

Actualité et multiplicité des formes en socioanalyse

avec entre autres : Renato CURCIO et Nicola VALENTINO (Sensibili Alle Foglie,

Italie, Pour une socioanalyse narrative) ; Cristian VARELA (Buenos-Aires, Argentine),

Leonardo MONTECCHI (Bologne, Les groupes opératifs), Ruben BAG (université de

Mexico), Sabrina BINOUS (Paris 7, Ateliers participatifs politiques), Martine

BODINEAU (Paris 8), Anne-Sophie Cailliot, Christiane GILON (ateliers participatifs

politiques), Dominique JAILLON (coaching socianalytique, CUST de Clermont -

Ferrand), Ola EL MALLAH (architecte socianalyste), Catherine MODAVE

(architecte, urbaniste), Patrice VILLE (Paris 8


14.30 - 17.00

De la psychosociologie à la socianalyse (1940-2009) :

débats et enjeux

Discussion à partir d’un dialogue entre Jacques ARDOINO et Jacqueline BARUSMICHEL

sur l’histoire de la psychosociologie


17.30

Fête gnaoua avec Mohamed El Omary


Mercredi 24 juin 2009


L’héritage philosophique



10.00 -13.00

Georges Lapassade, une pensée de l’inachèvement

Table-ronde animée par Lucette COLIN avec entre autres : René BARBIER

(Paris 8, Institut Supérieur des Sagesses du Monde), Augustin MUTUALE

(Paris 8), René SCHÉRER (Paris 8), Elena THEODOROPOULOU (université de

Rhodes, Grèce)


L’héritage ethnographique


14.30 -17.30

La fureur de dire


14.30 -15.30

Usages de Georges Lapassade

Table-ronde animée par Augustin MUTUALE avec des étudiants-chercheurs

de Paris 8 : Anissa BEN HAMOUDA, Swan BELLELLE, Bertrand CRÉPEAU,

Sandrine DEULCEUX, Hassan DIAKHATE, Giusi LUMARE, Véronique PINOTEAU,

Saïda ZOGLAMI


Improvisation théâtrale autour de Georges Lapassade avec Angélique

D’URSO et Viviane VERRY

15.45 Présentation du court-métrage de Christian LEMEUNIER : Georges

Lapassade rencontre MC Solaar


16.00 -17.30

Table-ronde : Urban Entre-chocs : tags, graffitis, rap, squat

Avec entres autres : Ornella d’AGOSTINO (Compagnie Carovana, Sardaigne),

Roberto de ANGELIS (Université de Rome, Italie), Bernard JABIN (Société

européenne d’ethnographie), Christian LEMEUNIER (Paris 8), Jacky LAFORTUNE

(Paris 8), Salvatore PANU (chercheur, Bologne), Fabio TOLLEDI (direction

théâtre de Lecce), Alain VULBEAU (Paris 10, sous réserve)


18.00

La fanfare franco-italienne BANDITA autour d’un apérodînatoire

Salvatore Panu, fisarmonica

Giusi Lumare, tamburello et darbouka

Denis Robert, trombone

Badia, bombardino

Célia Basset, piccolo

Simona Morini, piccolo

Alain Bruhl, sax alto

Jérôme Ballero, tuba

Alice Forlini, sax alto

Victor Forlini, flute

Nicole Forlini, grancassa

Fabienne Videcoq, clarinet



Jeudi 25 juin 2009


L’héritage pédagogique


10.30 -13.00

 Ethnographie de l’école et autogestion pédagogique

Table-ronde animée par Patrice VILLE avec entre autres : Vito d’ARMENTO

(Université de Lecce, Italie), Mohamed DAOUD (Université de Constantine),

BENYOUNES BELLAGNECH (Paris 8), Mehdi FARZAD (Directeur du Collège coopératif de

Paris), Remi HESS (Paris 8), Kareen ILIADE (Paris 8), Jean-François MARCHAT

(Université de Limoges)


L’héritage anthropologique


14.00 -16.30

 Des états altérés de conscience à la dissociation comme ressource


14.00 -15.30 Projection du film Latrodectus, « Qui mord en cachette »

de Jérémie Basset. Film de 76 mn


15.30 -17.45

Table-ronde animée par Gladys CHICHARRO avec entre

autres Renato CURCIO, Mohamed EL OMARY, Piero FUMAROLA

(Université de Lecce), Ablelkader MANA (journaliste-écrivain), Onanga

OPAPE (Université du Gabon), Laurence ZIGLIARA (Paris 8)


17.45 projection du film : Dithyrambe pour Dionysos (2007) avec

Béatrice Kordon, réalisatrice (56mn)

Synopsis : Dionysos-le-maître-du-vin, fils de Zeus et d'une simple mortelle,

mi-homme mi-dieu, ni homme ni dieu, tout à la fois mortel et immortel,

nous ouvre à un monde où les identités ne sont pas tranchées et le temps

non linéaire.

Suivie par une dégustation de vin organisée par Laurence ZIGLIARA

(Paris 8) et Pierre GUIGI (Dégustateur vin, auteur du Guide GaultMillau)

pour un moment dionysiaque.


et BAL tango organisé par Christian LEMEUNIER



                                 Vendredi 26 juin 2009

9.30 -12.00

Conclusions du colloque et perspectives. . .

NB : Une librairie se tiendra tout au long du colloque avec des livres rares de

Georges Lapassade. Des documents vidéo seront également présentés

 

.

 
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1 mars 2009 7 01 /03 /mars /2009 12:01

Le moment du colloque

Samedi matin, j’arrive en salle CO22 et j’entame, avec les personnes qui attendent dans la salle, la mise en place des tables et chaises en les disposant de telle sorte que l’espace offre une possibilité de mobilité aux participants pendant les séances.

 

Les participants se présentent et Remi Hess enchaîne sur les thèmes qui se dégagent des échanges depuis plusieurs mois : les groupes opératifs, l’analyse interne de l’institution, le journal. Sur ce dernier point, il rappelle que dans le mouvement de l’AI, il y a les diaristes, les non diaristes et ceux qui sont hostiles à la pratique du journal, et pose la question suivante : qu’est ce qui nous caractérise aujourd’hui ?


Georges Lapassade lance la discussion sur les Anthropotes, raconte ce qu’il écrit en ce moment et souligne que le plus intéressant pour lui est d’aborder ce sujet. A ce propos, Remi Hess revient sur la question de savoir s’il s’agit d’analyse interne ou externe. C’est par le biais de l’observation participante que l’ethnologie est entrée dans l’AI et cela modifiera l’AI. Remi Hess rappelle une intervention à Bruxelles (publiée dans la revue Connexion n°5 et 6).


Pour Patrice Ville, il y a des moments où l’on a des pratiques non conceptualisées. La conceptualisation intervient après. Aujourd’hui, on assiste à un rapprochement avec l’éthnométhodologie. Le contact avec celle-ci s’est fait par le biais de Garfinkel, ajoute Georges. Un intervenant suisse déclare qu’à Zurich, ils ne veulent pas du tout d’ethnométhodologie. D’après Patrice Ville, l’informatique, étant centrée sur l’action, est proche de l’AI et les pratiques établissent des connexions. Mostafa dit qu’à l’EHESS, on utilise l’éthnométhodologie. Remi Hess évoque l’épisode de la mise en place du DESS ethnométhodologie et informatique en commun entre Paris 7 et Paris 8. Georges Lapassade rappelle que, dans l’ouvrage de Remi et d’Antoine sur l’AI
[1], il y a un chapitre sur l’observation participante. Il ajoute que Patrice Ville pratique l’observation participante dans l’intervention chez EDF dans le nucléaire. En effet, on a toujours recours à l’observation participante dans le cadre de l’AI, tandis que les psychosociologues n’en tiennent pas compte. Il faut que ce colloque traite cette question, ainsi que l’analyse interne dont le premier texte est paru en 1980, suivi par d’autres comme Le lycée au jour le jour[2]. Ce mode de recherche a infiltré l’AI sans que l’on ne s’en rende compte. Par exemple en Italie, on parle de l’ethnologie d’intervention. C’est curieux que cela devienne de l’intervention. Gaby Weigand fait remarquer que ce fut le cas dans l’expérience de l’OFAJ. L’observation participante est également un tabou en psychanalyse et même dans ce domaine, on fait de l’observation participante sans le savoir, fait remarquer Lucette Colin. Patrice Ville dit qu’il s’agit d’un tabou scientifique basé sur les références. Remi Hess revient sur la question de l’écriture et sur le fantasme d’une communauté de lecteurs. Peut-on écrire sans rentrer dans le concept de l’autre, s’interroge-t-il. Patrice Ville : on écrit dans les commissions pour l’organisation qui détruit la pensée. Martine : On écrit pour le jury et auquel on doit parler savant. Mostafa  évoque l’écriture sur commande. Georges Lapassade rappelle que son travail a été influencé par les microcultures militantes parisiennes au début des années 60. Il fut marxiste, mais pas stalinien, affirme-t-il et il a été influencé par Critique de la raison dialectique[3] de Jean-Paul Sartre. Pour lui, l’AI désigne aujourd’hui une microculture, récits de vie… C’est une microculture à laquelle nous contribuons tous et continuellement. Elle est infiltrée, traversée par d’autres courants, Pichon, Rivière entre autres, que connaît bien Ruben. Celui-ci dit que les groupes opératifs étaient très influents en Argentine ; ils facilitaient le contact pour la créativité. Il les a connu avant l’AI. Son rapprochement avec l’AI s’est effectué à Mexico au début des années 1980 à la suite de sa rencontre avec René Lourau. Georges Lapassade précise que lui est psychosociologue, Lourau sociologue. Lucette Colin ajoute qu’il ne faut pas oublier l’influence de la psychanalyse.


La séance du samedi après-midi commence par l’exposé d’Elisabeth Von Salis sur les groupes opératifs. Elle revient sur l’ouvrage Groupes, Organisations, Institutions paru en Allemagne en 1972. Comment le lire aujourd’hui, s’interroge-t-elle, en insistant sur les chapitres II et III qui portent, selon l’intervenante, sur des petits groupes non directifs.


Georges Lapassade l’interrompt pour annoncer avoir négocié avec le responsable de l’association jésuite située en face de l’université. Ce dernier offre une salle pour la journée du dimanche avec la possibilité de préparer le repas sur place. Aziz s’est proposé de négocier avec le patron turc qui tient un restaurant à côté des locaux de l’association jésuite. En quelques minutes, l’organisation de la journée de dimanche est réglée.
 

L’intervenante reprend la parole, affirmant que l’inachèvement et la pensée non directive du groupe sont de mise dans le groupe opératif, et cela se traduit par la tâche qui laisse ouvert le but ou l’objectif. La pertinence et la clarté du but dépendent de l’acceptation de ce but par le groupe. Le groupe se réunit pour une tâche explicite, mais chaque membre reste libre, ce qui donne lieu au latent. Du coup, la tâche se transforme et change. Le contexte politique, économique est bien évidemment pris en compte… et cela a une influence sur les aspects latents. Le processus commence par le réseau du groupe auquel on vient individuellement. Ce travail amène à la cohésion du groupe dans une structure autour d’une tâche permettant sa structuration. Georges Lapassade explique que, dans son livre, il y a un long chapitre sur le groupe de diagnostic et sur le groupe qui s’autoanalyse. Elisabeth répond que le coordinateur fait partie du triangle. Ruben précise que dans le TG, il n’y a pas de tâche et que dans le GO, il y a une tâche. Thomas Von Salis réplique que le coordinateur ne joue pas le rôle de moralisateur. Le débat a porté sur la comparaison entre le TG et le GO. Les uns et les autres essaient de dégager les différences et les points communs entre les deux postures.


Lucette, Gaby, une participante suisse, Mohammed Daoud, Loïc, Nabyl, Mostafa sont intervenus, avant que Félix ne donne un exemple précis du GO. Il s’agit d’une expérience de six mois dans une clinique psychiatrique, en vue d’améliorer le séjour des patients. La discussion porte une seconde fois sur les mêmes thèmes. Par exemple, Patrice tente une comparaison entre commande-demande et tâche manifeste-latente. Lucia fait remarquer à la fin avoir eu une expérience du GO à Rio et note que le rôle de l’observateur a changé par rapport aux années 1970. La tâche latente est l’analyseur et la tâche instituée est une dérive.


Bref, la discussion de cet après-midi est centrée sur la tentative de faire les liens d’expériences des uns et des autres avec l’expérience du GO.


Dimanche matin, il pleut, les participants arrivent les uns après les autres. Il faut leur indiquer le lieu. Affiche à la porte de l’association des Jésuites. Devant la porte fermée de l’université, Patrice affiche l’annonce du déplacement du colloque. Installation de la table de presse avec Remi et aménagement de la petite salle prévue à cette rencontre. L’organisation de la journée est soumise aux contraintes et aux disponibilités : ceux ou celles qui doivent quitter le colloque ont la priorité. Ainsi, une intervenante suisse et argentine lit un texte résumant une expérience du groupe opératif et portant sur l’affaire de l’assassinat d’un instituteur accusé d’avoir violé une fille. L’affaire met en jeu le groupe famille, l’école, l’immigration en Suisse. Remi dit qu’on ne comprend pas tout sur Pichon et Rivière, mais qu’un effort a été fait pour comprendre le GO. Aujourd’hui, on peut tenter de faire le lien entre ce qui a été rapporté dans l’exposé et les concepts de moment, de dissociation et de transduction. Quelqu’un fait remarquer que le phénomène de l’immigration est nouveau en Suisse par rapport à la France. Sur ce, Remi rappelle que Georges émet une critique des groupes sur lesquels on parle, affirmant qu’ils deviennent artificiels, et ajoutant que la psychosociologie en France est en crise. On ne fait plus de T Groupe, alors que le groupe opératif est en vogue, dit Georges. Est-ce que la journée d’hier peut être considérée comme une AG ? Non, dit Georges en citant Anzieu, car dans une AG, il y a plusieurs groupes, alors que nous fonctionnons dans ce colloque comme un phénomène de groupe unique.


Thomas qui a dormi chez Nabyl dit que ce dernier refuse de venir aujourd’hui dans un local de type religieux. Une discussion suit sur le travail des Jésuites et les liens de l’AI avec l’église par le biais d’interventions précédentes. Georges dit que, dans la situation actuelle du colloque, le GO est dominant, alors qu’il n’est pas opérationnel pour nous. Il revient sur l’écriture du « moi » journal et histoire de vie qui sont une nouveauté dans l’AI, et rappelle que beaucoup de ses écrits sont autobiographiques et qu’il tient un journal depuis 1948. Il cite également Le lycée au jour le jour, comme exemple unique d’intervention interne. Remi répond à une question sur la théorie du journal et dit avoir commencé à faire tenir les journaux par les élèves en 1976, suite à une rencontre avec Raymond Fonvieille
[4]. L’effet analyseur du journal est impressionnant et il faut le travailler à plusieurs niveaux. Il conclut : Le journal est un outil d’analyse interne.


Patrice est en désaccord avec Georges Lapassade sur le non rapprochement des pratiques et estime qu’il faut tenir compte des espaces qui émergent actuellement face à la violence et la dynamique générale qui n’est pas attractive. Il s’agit bien d’espaces de résistance. Thomas fait remarquer qu’il y a un lien entre l’endroit et la pensée ; le premier détermine le second. Patrice confirme, évoquant le lien entre la religion et la banlieue et explique par un schéma triangulaire : information, émotion, production. Georges Lapassade raconte la fraternisation entre l’AI et les GO. Il précise que le rapprochement entre l’AI et le GO vient de Lourau dont la stratégie consistait à agrandir son domaine, ce qu’a confirmé G. Althabe en disant que Lourau cherchait à constituer une école autour de lui à l’instar d’André Breton. Il ajoute qu’il y a toujours eu un refus d’analyse interne. Thomas commente en parlant d’un courant et de deux rives. Remi parle de son histoire dans les groupes de l’AI et revient sur la notion maître-disciple, expliquant que l’autogestion n’exclut pas cette notion et que l’on peut aussi discuter des positions anarchiques au sein de l’AI. Georges demande que le colloque soit autogéré.


Après le repas de midi chez les Turcs, les intervenants suisses sont partis, excepté Thomas, mais des participants allemands ont rejoint le colloque.


Christine Delory intervient sur le biographique comme dispositif et intervention. Elle évoque l’accident du premier octobre 1999, à la suite duquel elle a suggéré à Remi l’enregistrement de son histoire de vie. Cet enregistrement s’est fait dans des lieux non familiers. C’est le moi social qui est interviewé, le groupe étant un collectif visible et invisible. Il y a bien des différents lieux et différents moments d’enregistrement. Traiter le récit est une intervention. C’est aussi un exercice littéraire pour un lecteur bien déterminé. L’hétérobiographie a un effet autoformateur du fait de la dynamique sociale qui se crée entre l’intervieweur et l’interviewé par l’entrée dans le récit de l’autre et la mise à jour du non-dit de l’histoire de la relation. Elle donne aussi des exemples liés aux difficultés de paiement ou consécutives à la publication… Pour Remi, l’histoire de vie est un dispositif d’analyse. Il évoque l’histoire de l’écriture avec G. Althabe et ses conséquences, souligne l’intérêt de l’écoute de l’autre lors de la réalisation de l’histoire de vie. Christine évoque d’autres difficultés de la relation dues, soit à la réduction, soit à la parole, car parler, c’est être autre aussi. Nous sommes dans un processus de subjectivisation. La question du pouvoir se manifeste par l’émergence des demandes. Cela relève de la dimension éthique. Loïc soulève la question du don contre don dans les histoires de vie. Il pratique l’histoire de vie en Allemagne et s’appuie sur la méthode dans la formation de Vassileff
[5]. Christine dit que le journal fait émerger son implication. Don contre don relève de la religion, alors que le pacte autobiographique est double. C’est un parcours présentant une ouverture pédagogique. L’histoire de Produire son oeuvre est une suite de l’histoire de vie[6] et du Sens de l’histoire. Remi pose la question de savoir comment un texte peut évoluer ? Il s’agit de sauver le mouvement de l’oralité en se rapprochant du vécu. C’est au contact des institutionnalistes qu’on comprend l’AI. Il cite l’exemple de l’histoire des Sans papiers dans le 18ème arrondissement à Paris en 1999 et la proposition d’en faire des histoires de vie. Il s’agit de réhabiliter la narrativité et de sauver le patrimoine par la description de la narration. Lucia parle du dispositif mis en place dans les favelas et du rapport complexe du chercheur avec l’histoire de vie. Elle ajoute que l’ethnographie relève du vécu plutôt que du conçu.


Devant partir à 17 heures, Patrice fait un exposé très bref sur le dispositif processus portant sur le producteur d’énergie du futur à partir d’un site. L’écrit dans le dispositif n’est qu’un aspect de la production. Il présente des dispositifs dont l’analyse du contenu, des entretiens. L’écrit démontre le cheminement. L’étape actuelle n’est que le simulateur virtuel.

Lundi matin, Remi restitue ce qui s’est dit en marge du colloque et dans le couloir, considérant que cela fait partie des règles de l’AI. Georges propose que la journée soit consacrée à l’analyse interne et soulève le problème d’organisation, se traduisant par l’absence de certains intervenants, absence due probablement à la communication, ajoute Ruben. Catherine se présente comme architecte et dit que l’AI pour elle permet de se situer dans le contexte. Elle est intéressée par le travail de Christine Delory et s’en inspire, ajoutant qu’elle travaille sur les barrières dans l’espace.


Martine Arino, qui doit quitter le colloque, fait un exposé sur l’apport de l’AI à la sémiotique et à la revue électronique [espritcritique.org] (voir son article dans ce numéro). La discussion porte sur le pouvoir en matière d’Internet.


Bernard Elmann intervient dans l’après-midi sur le Lycée autogéré de Paris (LAP) (lire son article) et répond aux questions sur l’autogestion au LAP et sur la problématique de l’analyse interne au sein de l’établissement.
 

Le professeur Mendes Sargo du département d’anthropologie expose le mouvement des Anthropotes, action née après l’annonce de la suppression du DEUG, conséquence de la mise en place du LMD ; ce qui explique que des étudiants d’autres départements ont rejoint le mouvement. Il a appris dans la journée que le colloque allait aborder ce problème, ainsi que l’existence de la brochure vis-à-vis de laquelle il émet des critiques et notamment l’absence de l’article de Georges. Il tente de lier le mouvement à d’autres actions. Il en rappelle l’historique et s’interroge sur la place des sciences sociales à l’université.
 

Remi dit que ce qui se passe à Paris 8 est un échec dans l’articulation entre la théorie et la pratique et conseille de faire une socianalyse, afin d’analyser les contradictions. Loïc va dans le même sens.


Mardi matin, Remi présente Michel Manson, lequel se dit intéressé par le débat dans ce colloque parce qu’il y a de l’implication. Il raconte son parcours de chercheur en tant qu’historien spécialiste de l’histoire des jeux des enfants et de l’histoire des livres de jeunesse. Liz dit qu’elle travaille sur les histoires de vie par la danse, comme art d’intervention sur des populations périphériques à New York.


La discussion porte sur l’évolution des institutions, du corps humain, de l’émotion en parallèle, sur les références, l’herméneutique, la traduction et l’interférence.

Mardi après-midi, Remi présente les intervenantes brésiliennes : Lucia, Sonia, Stella (voir leurs articles dans ce numéro).


J-L Legrand lance la discussion en disant que c’est un moment historique car on parle pour la première fois des histoires de vie à Paris 8 et de l’histoire de vie dans l’éducation populaire. Lucia dit qu’il s’agit du dispositif socianalytique de l’observation participante et de l’intervention dans la communauté. Mabusa, Loïc, Kareen, Léonore ont pris part à cette discussion.


Après une courte pause, Kareen fait un résumé de sa recherche sur le journal. Elle constate qu’il y a beaucoup de diaristes, mais très peu d’écrits sur le diarisme. Elle a tenté une définition du diarisme et travaillé sur différents journaux. En tant que diariste, elle se pose des questions sur la problématique de la publication des journaux, de l’intimité, de l’auteur ou l’auteur-groupe. Elle rappelle qu’elle vient de faire son DEA et un bébé en même temps, évoquant la question de l’autocensure notamment dans le carnet socianalytique dans le cadre de l’association Korczak. L’écriture du journal peut être accompagnée par d’autres supports, la photo, la vidéo… C’est ainsi que l’on rentre dans la vie par tous les sens. Découverte du journal composite qui traduit les mouvements de la vie, l’ouie, l’odorat, le toucher. Enfin, elle évoque l’implication dans le journal et l’œuvre de vie. L’œuvre de l’homme, c’est lui-même. Enfin, elle pose la question sur les journaux édités après la recherche.


Christian Verrier commence son intervention par l’étonnement de se retrouver diariste tout en l’ignorant. Son journal va être publié. Il dit avoir été réticent par rapport à cette publication. Son journal décrit la grève de 1995 à la SNCF. Il relate toutes les dimensions du mouvement. La démarche de l’ethnographe consiste à tout écrire, à enregistrer des cassettes qu’il faut transcrire rapidement sans oublier de rajouter des choses mémorisées. Il s’agit d’un statut un peu hybride de ce type d’écrit. Est-ce que c’est un journal ou un écrit d’intensité dans les périodes chaudes, s’interroge-t-il. Remi propose le titre du journal de la durée. Kareen parle du journal rétroactif et Loïc dit qu’il écrit son journal en tant que formateur et le nomme le journal de la tâche. Christian Verrier raconte avoir rencontré d’autres acteurs, journalistes, cinéastes, auxquels il a donné à lire son journal. Il revient à la question de la durée de l’événement et du journal et rappelle que le journal a été caché aux collèges du travail. Le moment grève et le moment journal posent la problématique de l’observation participante ou de la participation observante. L’acteur doit agir le jour et penser le soir à ce qu’il faut faire le lendemain. Remi dit que ce type de journal est un outil du surdoué dans la situation et Kareen ajoute que le journal amène à la réflexivité. Christian se demande à quoi sert la publication d’un journal écrit, il y a dix ans, alors que ce fut un acte militant dans la situation. Actuellement, la situation sociale dort, faut-il se contenter d’écrire pour les amis ! Lucia fait remarquer que l’histoire de vie collective est plus proche de la pratique du journal de Christian. Nathalie, en tant que coordinatrice du numéro 8 de la revue des IrrAIductibles parle de la communauté qui a émergé d’une manière improvisée autour de la revue et Véronique de décloisonnement des disciplines. Remi dit qu’il n’a pas très bien vécu la préparation de ce numéro et rappelle la rencontre lors de la soutenance de maîtrise sur l’éducation artistique. Les tensions peuvent parfois être positives, conclut-il.


Mercredi matin, je rappelle brièvement les thèmes abordés dans les séances précédentes et cède la parole à Michel Lobrot
[7], lequel commence son intervention par la définition du journal : « Il s’agit d’écriture au jour le jour. Et de dire je, c’est fondamental, et de parler de mon vécu ». Philippe Lejeune parle du journal personnel ; Michel Lobrot dit avoir commencé un journal il y a environ 30 ans. Il écrit tout de son vécu, y compris le sentimental. Il n’exclut rien et pas de cloisonnement. Pour réfléchir sur le journal, on ne peut faire autre chose que d’écrire un journal. C’est un effort d’exprimer le maximum de son expérience.

Il cite quelques auteurs de journaux : Rousseau, Kafka, Gide… et affirme que c’est après la Seconde Guerre mondiale que l’écriture du journal a explosé. Comment expliquer cette évolution ?
1) L’écriture automatique dans les années 20 et 30 du siècle dernier et notamment chez les Surréalistes qui ont refusé complètement la censure et révolutionné l’écriture automatique en écrivant ce qui vient et ce qui n’est pas analytique, ni rationnel. Cette option est fondamentale car avec Breton, Eluard… le surréalisme a créé un nouveau rapport à l’écriture.

2) Les histoires de vie qui consistent à dire, c’est moi dans mon histoire et dans mon vécu.

3) La pragmatique de la communication et la théorie de « speach act ». La parole est faite pour agir sur l’autre.

4) L’autofiction notamment avec Serge Doubrovsky. Il construit le concept d’autofiction basé sur le fantasme et l’imaginaire.


Philippe Lejeune a contribué à faire admettre le journal littéraire comme genre majeur. Par conséquent, nous assistons à une énorme palette autour des journaux.


Georges propose de donner la parole à Rezki pour parler de l’enquête chez les Anthropotes. Cette proposition a créé une tension entre Remi, M. Lobrot et Georges.


Remi parle de ses pratiques de journaux et de la volonté de les instituer. Selon M. Lobrot, dans le journal, il y a une pression affective interne, citant l’exemple du journal de Korczak. Il ajoute que le journal qui n’est destiné à personne est chargé d’une vérité étonnante et du besoin  d’écrire et de dire. Ce problème n’est pas résolu en psychologie. Remi fait le lien avec le rêve et la transduction. Michel Lobrot explique l’origine de la transduction qui vient de Locke qui a introduit l’associanisme qui fut repris par la suite sous forme de transduction. Celle-ci ne peut pas remplacer l’induction comme le dit Lourau.


Loïc, Benyounès, Marlène, Katy, Leonore sont intervenus dans la discussion.


Dès le début de la séance de l’après-midi, Remi propose d’autodissoudre le colloque, après avoir restitué les séances précédentes et notamment celle du matin entachée par le conflit et le problème de Georges. Patrice dit de ne pas lier le colloque à Georges et précise que la fatigue légitime l’autodissolution. Loïc veut parler du coaching.


Patrice : Analyser, c’est complexifier la situation à laquelle on accède.


Remi : La politique est une intervention visant à faire plier la bureaucratie à ses attentes.

Prévoir cela comme thème du colloque de l’année prochaine.


Ruben parle du contact par le biais de la création. A propos de la situation, il dit qu’il faut poser le problème des attentes de Georges qui constate l’absence de dynamique du groupe. Ce matin, il aurait fallu s’arrêter au moment du conflit Lobrot-Georges et analyser la situation. Cela pose le problème de la prise et de la distribution de la parole. Cathy fait remarquer qu’il s’agit d’un forum. Ruben répond qu’il a été choqué par ce qui s’est passé ce matin. Patrice évoque l’énergie déployée par Remi dans ce colloque et explique sa réaction vis-à-vis de Georges. Lucia pense qu’il faut tenir compte de l’historicité du dispositif, et qu’étant donné l’ouverture sans frontières des IrrAiductibles, le colloque est analyseur.


Remi cède la parole à Cristian Varela qui vient d’arriver de Buenos Aires. Concernant le groupe de l’AI en Argentine, C. Varela raconte qu’il vient d’être dissout. Ils étaient environ 25 personnes qui se réunissaient une fois par mois dans un café littéraire. Lors de la réunion où l’autodissolution a été annoncée, ils étaient 13. Patrice lui demande de parler de son expérience de formation des policiers à l’université. C. Varela explique qu’avant d’entrer dans une institution, on a déjà une conception de celle-ci ; c’est le cas des policiers à l’université. La terreur de l’institution est intériorisée par les acteurs. L’intervenant ne peut réfléchir que la nuit au moment de dormir. Il dit cela pour démontrer la difficulté de la formation. Le début du travail sur l’implication s’est traduit par le choix du thème : « Les jeunes et l’institution imaginaire de la police ». Il n’y a aucune garantie sur la continuité ou la suite de la formation. Les institutions en Argentine ne fonctionnent pas et cela représente un tournant dans la vie d’un institutionnaliste.


L’improvisation aidant, la séance de la dissolution se termine par l’exposé de C. Varela qui démontre que l’analyse institutionnelle demeure opérationnelle au sein même des institutions les plus fermées et des plus rigides.


Bref, le colloque fut un moment de connaissance et d’ouverture sur les autres et sur leurs pratiques et leurs expériences. Une communauté de connaissance se construit aussi par la confrontation, la différentiation et le dépassement. « L’analyse institutionnelle ne prétend pas produire un super savoir clandestin et mystérieux, plus complet, plus « vrai » que les autres savoirs fragmentaires. Ce qu’elle vise à produire, c’est un nouveau rapport au savoir, une conscience du non savoir qui détermine notre action »
[8]. Ce colloque international d’analyse institutionnelle en a été l’occasion.                                                                   

 

                              

PS : Il est à noter que les propos rapportés dans ce compte-rendu demeurent approximatifs. Les auteurs peuvent revenir sur leurs propos à tout moment pour les éluder ou les expliquer. Comme cela a été annoncé dés le début de la préparation du colloque, des intervenants ont envoyé des articles, dont certains figurent dans ce numéro et d’autres dans un autre numéro également en préparation.          

 

Benyounès Bellagnech

http://lesanalyseurs.over-blog.org/

 Publié in Les IrrAIductibles n°9

Sous le nom de Benyounès 

 

                                               

 



[1] Remi Hess, Antoine Savoye, L’analyse institutionnelle, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1981.

[2] Op. cité.

[3] Jean-Paul Sartre, Critique de la raison dialectique, Tome 1 et 2, Paris, Gallimard, rééd. 1985.

[4] Raymond Fonvieille, (1923-2000), a publié plusieurs ouvrages. Il est l’un des fondateurs de la pédagogie institutionnelle.

[5] Jean Vassileff, Histoires de vie et Pédagogie du Projet, Chronique Sociale, Lyon, 1992.

[6] Christine Delory-Momberger, Les histoires de vie. De l’invention de soi au projet de formation, Paris, Anthropos, 2000 ; Biographie et Education. Figures de l’individu-projet, Paris, Anthropos, coll. « Education », 2003.

[7] Michel Lobrot n’est pas venu au colloque les mains vides. Il nous a apporté son livre intitulé L’écoute du désir, Coll « Psy-énergie ». L’ouvrage n’est pas daté, et il n’y a pas d’éditeur, car il est de fabrication artisanale. Il coûte 12 euros. On peut s’étonner de cette démarche, mais pas en tant qu’institutionnaliste. Il s’agit d’un rapport spécifique avec l’institution éditoriale. Il me semble que ce que cherche Michel Lobrot en premier lieu, c’est d’établir le contact et la discussion directement avec le lecteur, sans passer par le canal de l’institution. Michel Lobrot a publié plusieurs ouvrages. 

[8] René Lourau, L’analyse institutionnelle, Paris, Les éditions de Minuit, 1970.

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1 mars 2009 7 01 /03 /mars /2009 11:43

Le moment du colloque[1]

 

 

Je ne peux rien pour qui ne se pose pas de questions

Confucius

 

Sachons que, dans l’histoire, tout commence par des mouvements marginaux, déviants, incompris, souvent ridiculisés et parfois excommuniés. Or ces mouvements, quand ils parviennent à s’enraciner, à se propager, à se relier, deviennent une véritable force morale, sociale et politique.

Edgar Morin[2]

 

Les moments que l’individu peut vivre sont élaborés (formés ou formalisés) par l’ensemble de la société à laquelle il participe, ou par tel groupe social qui diffuse dans l’ensemble de la société son œuvre collective (tel rituel, tel forme de sentiments etc.).

                                                                                                                    Henri Lefebvre[3]

 


Traiter le colloque sous l’angle de la théorie des moments peut paraître à priori comme prétentieux car, à première vue ou en apparence, un colloque sonne comme une banalité, un allant de soi notamment pour ceux qui participent souvent à ce genre de manifestations. Colloque signifie un entretien entre deux ou plusieurs personnes ou encore réunion organisée entre spécialistes scientifiques, politiques, etc. C’est la définition qu’en donne le dictionnaire. Or cette définition ne donne qu’une indication et ne recouvre pas l’ensemble des activités qui portent le nom du colloque et c’est tout à fait normal car la définition en elle-même ne nous renseigne pas du tout ou très peu sur l’objet défini ou désigné et particulièrement sur sa dimension institutionnelle.


Tous les colloques ou presque ont en commun l’organisation. Celle-ci suppose, entre autres, une autorité, étatique, publique ou privée qui prend en charge le financement, les locaux, l’hébergement, les repas, le transport, la publicité, les loisirs (bal ou autre spectacle accompagnant parfois les journées de rencontre), etc. Un colloque organisé sous l’autorité du ministère de Tourisme n’a rien à voir avec un colloque pris en charge par une association caritative par exemple.


Il y a des colloques où les intervenants sont payés par les autorités organisatrices et où le public paie pour y assister, comme il y a des colloques où les intervenants comme tous les participants paient eux-mêmes les frais des rencontres. Toutefois, tous ces regroupements ont en commun quelques éléments : les rituels qui ne varient pas en général d’une rencontre à l’autre ; l’organisation du temps de parole – le plus souvent, le conférencier s’accapare le temps de parole, en lisant généralement un papier, alors que les autres participants doivent se contenter d’écouter et d’applaudir à l’occasion et pour certains, - très peu nombreux-, de poser des questions courtes - s’il vous plait ! division du temps de parole oblige - selon la coutume ; l’organisation des débats en veillant à ce que le thème central promu ne soit pas débordé ; les pauses ; les repas ; les coulisses ; les affaires … en somme la forme. Ainsi, celle-ci demeure la caractéristique principale d’un colloque. Il y a des colloques qui passent inaperçus aux yeux du public comme des spécialistes et il y en a d’autres, particulièrement ceux qui donnent lieu à des publications accessibles après coup (colloque de Cerisy, Société de psychanalyse à titre d’exemples).


En vue d’élaborer ma réflexion - si la réflexion – la puissance du négatif - sépare le lié, elle relie le séparé (…). La réflexion pourchasse dans leurs repaires ces ordres indépendants qui engendreraient le plus grand désordre ; elle les fait rentrer dans la danse. (Henri Lefebvre). Sur le colloque international d’analyse institutionnelle autour de « Groupes, organisations, institutions » [4] de Georges Lapassade, en juin 2005 à Paris 8, j’ai le choix entre l’approche dispositiviste qui consiste à analyser le colloque comme ensemble de dispositifs, et la théorie des moments. J’opte finalement pour cette dernière car elle offre une vision plus globale et plus précise à la fois du colloque comme moment, tout en y intégrant la théorie des dispositifs développée précédemment dans les numéros 6 et 7 de la revue Les IrrAIductibles.

Dans La somme et le reste, Henri Lefebvre[5] consacre un chapitre entier à la théorie des moments. En effet et après une introduction à caractère philosophique, il nous livre une première définition : « Ce qui diffère du tout au tout, entre l’animal et l’homme, entre les individus, entre les cultures et les civilisations, entre les classes et les groupes, c’est l’ordre imposé au chaos originaire. C’est la manière de répartir les moments, de les discerner et de les distinguer, de les hiérarchiser, de passer de l’un à l’autre, de les unir » (p 642). Il poursuit en donnant quelques exemples dont le moment du repos, le moment de la justice, le moment de la poésie. L’auteur s’interroge par ailleurs sur la pertinence de la classification des moments et revient à la charge « Quels seraient donc les moments ? En nombre limité, sans pour autant que l’on puisse décréter close la liste : jeu, amour, travail, repos, lutte, connaissance, poésie… Si le nombre s’avérait indéfini, il ne s’agirait plus de moments. Cependant, on ne peut arrêter l’énumération, puisqu’il est toujours possible de découvrir ou de constituer un « moment », du moins en principe ; et puisqu’il y a peut-être des « moments » dans la vie individuelle. La théorie devrait, si elle prend consistance, énoncer un critère. Qu’est-ce qui est « moment » ? Qu’est-ce qui ne l’est pas ? Elle n’a pas à assumer la tâche d’une énumération exhaustive, il vaut mieux indiquer et souligner certains caractères généraux de ces moments » (p 648). Approfondissant les définitions précédentes, il ajoute : « Un moment, d’abord, définit une forme et se définit par une forme. Partout où s’emploie le terme « moment » dans un sens plus ou moins précis, il désigne une certaine constance au cours du déroulement du temps, un élément commun à un ensemble d’instants, d’événements, de conjonctures et de mouvements dialectiques. Ainsi dans moment historique ou dans moment négatif, moment de la réflexion » (p 648). Cette forme sociale ainsi explicitée s’ouvre à la conscience individuelle et « la conscience individuelle s’ouvre sur des moments qui font aussi partie de la conscience sociale. Des conflits restent toujours possibles, la conscience individuelle pouvant refuser la forme élaborée socialement et historiquement. Elle peut aspirer à d’autres formes. Elle choisit entre les propositions qui lui viennent du dehors. Elle les modifie et chacune prélève autrement que les autres les éléments matériels qui s’insèrent dans les autres formes » (p 651).


Il est à noter que la théorie des moments a fait l’objet de développement et d’extension notamment dans les écrits de Remi Hess (voir Chemin faisant[6], Le sens de l’histoire[7], Le moment de la thèse[8] et Le journal des moments[9], qui méritent une étude spécifique), confirmant ainsi l’utilité opératoire du concept de moment dans l’analyse et sa capacité de rendre compte des faits sociaux et humains, qui, très souvent, résistent à la remise en question comme démarche nécessaire à la critique des allants de soi. Sur la même voie, d’autres chercheurs reprennent le concept et le mettent en action dans leurs travaux (Lucia dans L’Analyse institutionnelle au Brésil[10] et Lennize brésilienne aussi dans son DEA[11]).


Le colloque de juin 2005 fait suite aux colloques de juin 2000 Pédagogues avec et sans frontières ; 2001 sur Henri Lefebvre ; 2002 sur l’institutionnalisation de l’AI ; 2003 sur Janusz Korczak ; et 2004 à l’occasion du 80ème anniversaire de Georges Lapassade. Il s’agit bien évidemment d’une forme de rencontre instituée, d’où sa répétition qui en fait l’une des conditions du moment, tel qu’il est expliqué ci-dessus. En effet, il s’agit d’une forme sociale de connaissance dans laquelle l’individu éprouve une certaine liberté d’action, d’initiative et de réflexion dans une perspective autogestionnaire. Toutefois, on ne peut exclure dans cette approche la dialectique (comme science des contradictions) qui définit à la fois le moment en ce sens qu’il rentre en contradiction avec d’autres moments, tout en les excluant et ou en les intégrant ; sans oublier bien sûr que le moment lui-même recouvre des contradictions qui se traduisent par des conflits, des divergences, des synthèses, s’ouvrant sur des contradictions résiduelles…etc.


Bref, c’est ainsi que je conçois le moment. Je vais tenter de l’appliquer dans la démarche méthodologique et dans l’approche du colloque qui vont suivre.


Les irrAIductibles, à ne pas confondre avec Les irrAIductibles en italique qui est le titre de la revue, organisateurs du colloque, forment un groupe très ouvert, hétérogène et hétéroclite très différent des modèles connus, cités ci-dessus en exemple, jusqu’alors : T Groupe (TG), groupe opératif (GO), les groupes organisés selon les modèles politique, syndical, associatif, communautaire, religieux, sectaire…etc. ; caractéristique d’ouverture presque totale représentant à la fois sa force d’agir et de produire, mais aussi sa faiblesse qui se manifeste parfois par l’inaction, les querelles, les petites différences narcissiques de petits bourgeois qui n’ont pas de causes à défendre et pas d’arguments à faire valoir. Un noyau du groupe se réunit tous les vendredis et assiste au séminaire d’analyse institutionnelle animé par Patrice Ville et Georges Lapassade qui, cette année, se tient le lundi après-midi. Dès janvier 2005, la question du colloque a été posée par Georges lors d’une réunion du vendredi 7 janvier (en référence à mon Journal de l’implication) pour être précis chronologiquement dans ce propos sur le moment du colloque. En ce qui me concerne, le colloque est prévu pour fin juin comme chaque année et l’autogestion pourrait être le thème cette année. Des travaux de recherche sont en cours au LAP et des informations circulaient sur des expériences en Argentine, au Danemark, en Italie, au Brésil. Les discussions évoluent. Pendant ce temps, le travail de publication se poursuit. Il faut sortir le livre de Jean-Manuel Morvillers[12] (Transductions), la revue Les IrrAIductibles II sur les dispositifs et le numéro 8 sur l’art. Des travaux de recherche d’étudiants sont évoqués et parfois travaillés collectivement ; c’est le cas du travail de Khaled sur les IrrAIductibles ou de Kareen sur le journal. Un sujet majeur, me semble-t-il, s’est imposé au cours de ces réunions : il s’agit de l’analyse institutionnelle interne. Les différentes expériences passées ont été passées en revue : Les savants de l’intérieur[13] de Patrick Boumard, Le lycée au jour le jour[14] de Remi Hess… Le débat sur cette question n’est pas limité aux réunions du vendredi, mais il se poursuit sur la liste des correspondants : faute de place dans cet article, je ne peux pas reprendre intégralement le débat de la liste via internet. Ceci n’enlève rien au caractère collectif de la réflexion sur l’analyse interne au point d’envisager un numéro sur cette thématique.
 

Préoccupé par ce qui se passe, par le conflit au sein du département d’anthropologie à Paris 8, Georges Lapassade nous invite à exercer l’observation du mouvement des Anthropotes (lire son article dans ce même numéro). Certains d’entre nous participent aux AG quotidiennes et décrivent les différentes actions et débats et rapportent des informations sur le mouvement comme analyseur. C’est ainsi que nous en concluons qu’il s’agit bien d’une analyse interne faite à la fois de savoir profane sur l’institution universitaire et du savoir élaboré qui en découle, car les acteurs sont ceux-là mêmes qui produisent l’interprétation des faits vus ou vécus au sein de l’institution. L’intérêt accordé au mouvement des Anthropotes commence dès début février, lorsque Georges invite à aller voir ce qui se passe. Discrètement, R tente d’en dissuader les étudiants exprimant ainsi pour la nième fois son hostilité viscérale à l’AI en tant que théorie et action. R se dit intéressé par ce que fait le groupe [séminaire-vendredi] et participe activement à sa manière aux activités et notamment auprès des Maghrébins. Ce faisant, il prône une idéologie réactionnaire. Les étudiants estiment que R est nuisible, lui demandent de ne plus assister au cours, ni à la réunion. Il s’agit d’un premier cas de dissociation pathologique (voir plus loin).


Remi propose à la réunion un programme de colloque, débattu, amélioré et approuvé. Il est diffusé rapidement pour permettre aux étrangers de prendre les dispositions nécessaires (visas, congés…), afin de participer au colloque. Il a été demandé aux participants d’envoyer leurs contributions, afin qu’elles soient diffusées aux membres de la liste en vue de faire des journées du colloque un lieu de débat et d’échange et non pas un exercice ennuyeux et redondant de lecture.


Les débats se poursuivent au deuxième semestre : Jean-Manuel Morvillers est invité à parler de son livre dans un séminaire de Remi Hess, parution du livre de Jacques et Maria Van Bockstaele, La socianalyse, ailleurs, ici[15] ; en collaboration avec Gérard Althabe, Journal des Anthropotes[16], Gérard Althabe, n° 102-103 ; Remi Hess, Le journal des idées, Le journal des moments[17], Tome 1, Presses universitaires de Sainte Gemme et en préparation L’Analyse institutionnelle au Brésil[18] (qui devait paraître pour le colloque), numéros de la revue Les IrrAIductibles : Des dispositifs II, Normes et déviances, un document de travail (brochure pour le colloque)[19], je ne cite ici que les publications dont j’ai eu connaissance.


Quoi de plus normal que ces publications fassent l’objet des débats au sein de notre groupe et sur internet, bien que par ce biais, ils ont pris une tournure inattendue, notamment à l’occasion de la discussion sur le Journal des idées[20] (voir dans ce numéro le débat sur maître et disciple).


Dans la foulée, je reçois par l’intermédiaire de J[21] qui est un ami de longue date un message d’insulte en lien avec le colloque de la part de G. Cet ami dont la neutralité pragmatique « d’intermédiaire » a été trahi par l’usage de l’expression « maudit colloque », préjugé négatif sur le colloque en préparation. G me reproche de ne pas lui envoyer les messages, alors qu’elle avait déclaré auparavant que notre courrier lui donnait la nausée. Elle avait déclaré que l’autogestion pédagogique, c’est du pipo. Bien que G soit annoncée dans le programme du colloque comme intervenante, elle m’attribue des fautes sans essayer de s’informer sur l’auteur du programme et annonce qu’elle a l’intention de venir démontrer qu’elle est contre le journal (En 2005, le journal Le Figaro a rapporté qu’un intellectuel d’extrême-droite très connu dans les milieux intellectuels parisiens dans les années 30 écrivait un journal en secret qui vient d’être découvert et dans lequel il ne dit que du mal des personnes avec lesquelles il passait des soirées, que ce soit chez eux ou à l’extérieur. Y aurait-il un lien avec cet exemple ?). Nous avons affaire au second cas de dissociation pathologique. Je m’explique. Au cours de différentes rencontres de travail comme de discussion avec Georges Lapassade sur les groupes, – Nous sommes au cœur du colloque Groupes, organisations, institutions-, nous avons décelé ce qu’il appelle lui le bouchon d’énergie.


Autrement-dit, un groupe de personnes dégage une énergie, une volonté d’agir, d’œuvrer en commun et de concrétiser un ensemble d’idées, de projets… etc., mais les interventions voire certaines actions du « bouchon d’énergie » font tout pour casser l’élan du groupe. Les adeptes des « groupes opératifs » les nomment les saboteurs, les casseurs.


Dans La découverte de la dissociation[22], Georges Lapassade explique ce que signifie le terme. A partir de ses travaux, on peut conclure que nous sommes tous des dissociés. Ce phénomène de dissociation est accentué par la vie moderne et le développement exponentiel de la technique. La dissociation serait-elle la chose la mieux partagée, pour détourner la formule de Descartes sur la raison.


Cependant, il faut distinguer entre la dissociation ressource et la dissociation pathologique.

Etant donné que le moment du colloque est une œuvre collective visant à rassembler des personnes de différents lieux et horizons, celles qui sont loin du groupe ou du lieu où se préparent les journées de rencontres sont nécessairement dissociées. Mais, en apportant leur soutien, leur contribution, même en contradiction parfois avec les autres, elles deviennent des dissociées –ressources. C’est le cas par exemple des auteurs de L’Analyse Institutionnelle au Brésil[23] qui souhaitaient que le livre paraisse avant le colloque, afin qu’il soit débattu fin juin avec leur participation, sans oublier toutes les contributions en matière de préparation de la base matérielle, comme des apports en matière d’écrits et de réflexion.


Quant à la dissociation pathologique, je cite deux exemples : le premier, c’est le cas de quelqu’un qui veut préparer des frites, il met chauffer l’huile dans la cuisine et va dans sa chambre de travail se brancher sur Internet, il rentre dans un monde virtuel jusqu’au moment où sa cuisine prend feu. Le deuxième cas de dissociation pathologique, il est bien réel celui-là. Il a eu lieu récemment. Il s’agit de deux ou trois adolescentes en banlieue parisienne qui détestaient une de leurs camarades. Voulant se venger d’elle, elles ont mis le feu à sa boite aux lettres dans le hall de l’immeuble. L’incendie a fait plusieurs morts et blessés. C’est un cas pas si extrême que cela si on analyse brièvement les propos des soldats américains en Iraq qui déclarent qu’ils font leur travail là-bas pour gagner leur vie et défendre l’Amérique !…


Par rapport au moment du colloque, la dissociation pathologique s’est manifestée par des propos agressifs contre le journal, contre l’autogestion, contre la revue des IrrAIductibles, contre certains membres du groupe, etc. C’est une manière de pousser les différences au bout et jusqu’au différend au sens de Jean-François Lyotard[24], c’est à dire cela même qui ne peut être jugé par aucune instance. A ne pas confondre avec le concept de la différence chez Henri Lefebvre[25].
 

René Lourau disait : « Enoncer n’est pas dénoncer ». Faut-il le rappeler même à ceux qui ne veulent pas entendre, comme à cette personne qui a écrit en substance : « La cinquantaine, il – c’est à dire moi Benyounès – n’a pas honte de parler du maître alors que Remi Hess utilise cette notion pour plaisanter. Cette personne a eu certainement des échos sur la discussion déclenchée par Eloi qui a comparé mon usage du maître à la servitude. J’ai diffusé son message et les réponses des IrrAIductibles n’ont pas tardé (voir plus loin dans ce numéro). Je n’ai pas participé au débat faute de temps limité par le moment du colloque. Au cours des journées du colloque, Gaby Weigand m’a posé la question du maître. Dans ce qui suit, je tente d’expliquer pourquoi j’utilise le mot maître.

D’entrée de jeu, j’affirme que je n’ai pas honte, mais au contraire que je suis fier de dire que tel ou tel est mon maître. Je suis Marocain, et au Maroc, l’usage du mot est très courant. « Lamallam », « maître » signifie quelqu’un qui maîtrise bien un métier, un art, l’artisanat, maître soufi, musicien… ce qui fait qu’on a en permanence recours à un maître en philosophie, Ibn Ruchd, connu sous le nom d’Averroès (1126-1198), utilise le terme « Almoualim Al-Aoual », c’est à dire le maître premier. Il n’est pas nécessaire de rappeler ici l’apport de la philosophie arabo-musulmane à l’œuvre philosophique universelle. Dans la philosophie occidentale, c’est Hegel, bien que souvent mal interprété, qui a utilisé le couple maître-esclave dans sa Phénoménologie de l’esprit, qui est une sorte d’anthropologie historique dans laquelle l’esclave a un rôle très important dans la dialectique de la production et de la lutte pour la liberté universelle. Il s’est bien évidemment inspiré de la Révolution française qui a été pour lui la démonstration majeure du soulèvement des opprimés, synonymes d’esclaves. Il n’en demeure pas moins que le maître en tant qu’autorité intellectuelle est célébré par le même Hegel dans d’autres écrits. « Je ne crois pas trop affirmer quand je dis que celui qui n’a pas connu les œuvres des Anciens a vécu sans connaître la beauté » Hegel[26].


Henri Lefebvre consacre à la notion maître et disciple tout un chapitre dans Métaphilosophie[27]. René Lourau va plus loin et désigne Henri Lefebvre comme parrain de l’Analyse Institutionnelle (La Somme et le Reste).


Me considérant comme disciple des institutionnalistes, je suis libre et fier de prendre pour maîtres Georges Lapassade, Remi Hess, Patrice Ville, dans le sens théorique et pratique du terme. En travaillant avec le premier, j’apprends ce qu’est la microsociologie, l’enquête sur le terrain, l’observation participante, le groupe, avec le maître Georges Lapassade, j’ai appris comment on fait une revue, une collection, un livre, un article, sans oublier le contact théorique permanent avec son œuvre. Le disciple choisit son maître et l’adopte librement, notamment du vivant de ce dernier, mais celui-ci peut accepter ou refuser ou s’opposer à son disciple. Bien que Remi Hess soit un guerrier sur plusieurs fronts, j’apprends avec lui en tant que maître l’écriture au quotidien : du journal, de la recherche, en vue de la publication ; l’art de la pédagogie ; l’autogestion ; la pensée marxiste en s’appuyant sur Henri Lefebvre. Avec mon maître Patrice Ville, j’apprends la socianalyse dont l’intervention est le moyen de sa réalisation et en même temps l’articulation concrète sur le terrain de l’analyse institutionnelle en tant que théorie ; le dispositif socianalytique ; l’autogestion pédagogique… Gérard Althabe, - auquel on devrait consacrer un colloque-, disparu avant que son livre écrit avec Remi Hess[28] ne paraisse, est aussi un parrain des IrrAIductibles et l’on devrait le consacrer comme maître, qui, même après sa mort, devrait continuer à nous apprendre beaucoup de choses, particulièrement sur le chercheur impliqué…


Pour la personne qui estime que Remi Hess plaisante avec la notion de maître et particulièrement avec certains d’entre eux, « à moins que ce soit l’ironie à laquelle Henri Lefebvre consacre un grand chapitre dans Introduction à la modernité[29], mais je doute que ce soit le cas pour la simple raison que lorsque l’on manque de tact social et que l’on décide d’insulter les autres, on ne va pas chercher des arguments chez les maîtres.

En revanche, Marc Augé écrit dans Le Monde que Gérard Althabe est un anthropologue révolutionnaire, ou encore Bernard Hours écrit : « Chacun des quatre mousquetaires du Béarn montés à Paris, Gérard Althabe, Pierre Bourdieu, Georges Lapassade, René Lourau, tous nés dans un rayon de 10 kms, dans des familles « modestes », a apporté aux sciences sociales du XXème siècle des maillons fondamentaux, chacun a géré sa classe tout au long de sa carrière, à sa manière. Tous quatre sont profondément subversifs car ils nous parlent d’abord et toujours de la domination sous des angles différents. Tous partent de la même région du Béarn. Tous essaient d’analyser, d’expliquer les mécanismes de la domination, de l’aliénation. Tous quatre, avec leurs mots, sont en colère contre la société, durablement, viscéralement. Chacun a vécu dans sa vie une « invitation au château… » : université, EHESS, Collège de France… Ils nous disent tous qu’ils ne s’y sont pas sentis chez eux. Dont acte. Nous ne sommes pas à la terrasse des Deux Magots… » (Bernard Hours, Un journal des anthropologues[30]). Faut-il encore en dire davantage sur le pourquoi nous les adoptons comme maîtres !


Avant de fermer cette parenthèse sur la question du maître et disciple, j’ajoute qu’il règne une sorte d’hypocrisie qui consiste à utiliser les maîtres en cas de besoin et d’une manière très éclectique. Par la suite, on leur tire dans le dos dès lors que leur utilité pragmatique n’est plus d’actualité. Chacun des maîtres cités ont vécu cela ou continuent à le vivre pour ceux qui sont encore vivants. La grande diversité et l’ouverture des IrrAIductibles ne doivent pas épargner au groupe de procéder en permanence à une analyse interne[31] qui permette de pointer les points forts du collectif et ses points pathogènes. Comparant le génie génétique comme science à une symphonie, un scientifique déclare qu’un gène défaillant est comparable à un musicien qui joue mal dans un orchestre. Ainsi, la symphonie devient une cacophonie.


La pathologie, la maladie en un mot, s’accompagnent toujours d’un trouble des rythmes : arythmie qui va jusqu’à la désynchronisation morbide et puis mortelle » (Henri Lefebvre, Eléments de rythmanalyse[32], p 92).


Il faut être à mon sens attentif à la dissociation pathologique et à ses dégâts collatéraux souvent invisibles. 

Pour éviter la cacophonie ou l’incendie, il faudrait que le groupe déploie des efforts sur le plan éthique au sens d’Edgar Morin[33] ou encore d’un poète arabe qui dit en substance : lorsque vous marchez, n’oubliez pas qu’il y a des cadavres sous vos pieds (Abou Al Alaa Al Maari, 979-1058).


Les IrrAIductibles ou du moins le groupe actif, présent en permanence ou de temps à autre sur le campus, se devait de continuer la préparation des journées de fin juin : informations, préparation des affiches, réservation de la salle et négociation avec l’UFR sur la possibilité de financer au moins le petit déjeuner d’accueil, sans oublier d’affiner le programme en fonction des événements et des degrés de disponibilité des uns et des autres. La fermeture de l’université pendant deux semaines, à laquelle se sont ajoutées les vacances de printemps, a perturbé plus ou moins les préparatifs. Cela n’empêche que, même dans ces conditions, le groupe a poursuivi le travail de l’analyse interne et s’est régulièrement retrouvé chez Georges Lapassade pour faire le point sur le mouvement des Anthropotes, la préparation des journées, ainsi que sur le dossier de l’analyse interne [courrier pour AC[34]].


En relisant mes notes, je me rends compte que les journées ont débuté dès vendredi 24 juin 2005 en salle A 428 avec la participation de Thomas et Elisabeth Von Salis et de Gaby Weigand, rencontre au cours de laquelle le débat est amorcé sur des sujets prévus dans le programme et qui n’auraient du être traités que le samedi 25 juin 2005. Il est à noter par ailleurs que le choix des « jours fériés », samedi et dimanche, répond à la disponibilité du groupe suisse et des participants étrangers, voire même des Français qui ne peuvent se libérer que le week-end.


Benyounès Bellagnech
http://lesanalyseurs.over-blog.org/
Publié in Les IrrAIductibles n°9
sous le nom de Benyounès

[1] Se voulant descriptif du moment du colloque dans son intégralité et tel que je l’ai vécu, cet article ne contient pas de sous-titres qui, dans le cas présent, ne seraient qu’une formalité qui ne conviendrait pas au contenu, le lecteur est donc libre d’en faire les découpages souhaités.

[2] Edgar Morin, Ethique, La méthode 6, Paris, Ed. Seuil, 2004.

[3] Henri Lefebvre, La somme et le reste, Paris, Méridiens Klincksieck, 1989.

[4]Georges La passade, Groupes, organisations, institutions, Ed. Gauthier Villars, 1975. Cet ouvrage devrait être réédité et paraître en juin 2005 à l’occasion du colloque.

[5] Henri Lefebvre, La somme et le reste, Paris, Méridiens Klincksieck, 1989, voir chapitre 8, pp 637-655.

[6] Remi Hess, Chemin faisant, roman institutionnel d’un ethnosociologue de l’éducation, Vauchrétien, Ivan Davy, 1996.

[7] Christine Delory-Momberger, Remi Hess,  Le sens de l’histoire, Moments d’une biographie, Paris, Anthropos, 2001. 

[8] Remi Hess, Produire son œuvre, le moment de la thèse, Paris, Téraèdre, 2003.

[9] Remi Hess, Le journal des moments, tome 1 : Le journal des idées, Paris, Presses universitaires de Sainte Gemme , coll. « Moment du journal et journal des moments », 2005.

[10] L’analyse institutionnelle au Brésil, Ouvrage collectif, sous la direction de Lucia Ozorio, Saint-Denis, AISF Editions, coll. « Transductions », 2005.

[11] L’impact de la théorie des moments sur la vision de la démence sénile et sur la pratique du musicothérapeute auprès des déments, DEA soutenu par Lennize Pereira-Paulo, sous la direction de Remi Hess, Catherine Tourette-Turgis, Université Paris 8, octobre 2002.

[12] Jean-Manuel Morvillers, Le journal d’exploration, Saint-Denis, AISF Editions, coll. « Transductions », 2005. 

[13] Patrick Boumard, Les savants de l’intérieur, Paris, A. Colin, 1990.

[14] Remi Hess, Le lycée au jour le jour, Méridiens Klincksieck, Paris, 1989.  

[15] Jacques et Maria Van Bockstaele, La socianalyse, Imaginer-Coopter, Paris, Ed Economica Anthropos, coll. « Ethnosociologie », 2004.  

[16] Journal des anthropologues (revue), N° 102-103 sur Gérard Althabe, Paris, Association française des Anthropologues, EHESS, 2005.

[17] Op. cité.

[18] Op. cité.

[19] Dossier : Eléments d’analyse interne, à l’occasion du colloque international d’analyse institutionnelle, Université de Paris 8, brochure réalisée par les IrrAIductibles, juin 2005.

[20] Op. cité.

[21] Pour un institutionnaliste, le fait de ne pas citer les noms peut paraître invraisemblable. Cependant, dans ce cas précis, je tente de ne pas stigmatiser les personnes citées, en les citant comme exemples permettant une analyse interne du groupe et notamment le fait de dissociation pathologique perçu dans plusieurs expériences. Toute ressemblance n’est que fortuite comme on l’indique dans le domaine cinématographique. Ces exemples ne sont traités que sous l’angle de la dissociation pathologique par rapport à l’AI, aux IrrAIductibles et au colloque. Cela n’enlève rien à leur qualité dans d’autres domaines. Il s’agit bien d’une analyse s’appuyant sur l’implication.

[22] Georges Lapassade, La découverte de la dissociation, Paris, Loris Talmart, 1998. Lire aussi Les rites de possession, Paris, Anthropos, coll. « Ethnosociologie », 1997. Georges Lapassade constate le traitement de la dissociation pathologique par l’institutionnalisation dans les cas étudiés en Afrique. Ce n’est pas le cas en Occident. En ce qui nous concerne, la question doit être posée au sein du groupe sur quelle approche nous appuyons-nous pour aborder concrètement cette problématique dans les groupes.

[23] Op. cité.

[24] Jean-François Lyotard, Le Différend, Éditions de Minuit, Paris, 1983 ; Témoigner du différend, Quand phraser ne se peut, Paris, Editions Osiris, 1989.

[25] Henri Lefebvre, Le manifeste différentialiste, Paris, Gallimard, coll. « Idées », 1970. Il est à noter que la question de la différence a fait l’objet de plusieurs approches dans les années 1970 ; ce qui explique que son sens n’est pas le même chez Henri Lefebvre que le différend chez J-F Lyotard. Ce dernier est plus proche de Jacques Derrida qui traite de la différance (avec a) s’appuyant sur Lévinas. Une étude est à faire entre ces approches et particulièrement en cette période de l’histoire où les différences s’expriment dans une lutte à mort entre les identités.

[26] G.WF Hegel, Textes pédagogiques, traduction et présentation par Bernard Bourgeois, Paris, Ed Vrin, 1990, p 82. Voir aussi Roger Garaudy, Pour connaître la pensée de Hegel, Paris, Bordas, 1966.

[27] Henri Lefebvre,  Métaphilosophie, Paris,  Editions Syllepse, 2000, 303 p.

[28] Gérard Althabe, Remi Hess, L’anthropologue impliqué. Ailleurs, ici, Brochure. Livre à paraître prochainement aux Editions L’Harmattan, 2005.

[29] Henri Lefebvre, Introduction à la modernité, Paris, Ed de Minuit, 1962.

[30] Bernard Hours, in Journal des Anthropologues, op. cité.

[31] L’idéologique, le libidinal et l’organisationnel comme paramètres fondamentaux dans l’analyse du groupe doivent être nécessairement prises en compte dans l’analyse interne de notre groupe.

[32]Henri Lefebvre, Eléments de Rythmanalyse, Introduction à la connaissance des Rythmes, Paris, Ed. Syllepse,1992.

[33] Op.cité.

[34] Chère Annie,

Merci de nous faire parvenir ces informations.

Nous n’avons pas attendu, ni la fermeture de la fac, ni les « bombes à retardement » pour réagir et exprimer notre point de vue.

Je rappelle qu’en novembre 2003, alors que nous préparions le numéro 5 de la revue Les  IrrAIductibles, au départ conçue pour traiter de la question des nouveaux réactionnaires en éducation. Des événements de contestation ont éclaté dans plusieurs universités. Paris 8 a rejoint un peu tardivement le mouvement sous l’impulsion des étudiants venus de Paris 13.  Nous étions bel et bien dans le contexte et nous avons publié dans la revue n°5 des contributions d’étudiants et de profs de Rennes 2, d’où est parti le mouvement, ainsi que la contribution de Daniel Lindenberg et de Guy Berger.

Je te convie à consulter le numéro 5 « L’école et l’université en question ».

Par ailleurs, nous avons été dans le mouvement à Paris 8, et avons suivi les débats au sein des assemblées générales, et assisté à la rencontre d’information entre profs et étudiants (une seule). La confusion sur la réforme dite LMD est restée totale. Les positions des uns et des autres sont restées dans le flou. Pendant ce temps, et aussi à l’issue du mouvement fin décembre, la préparation des maquettes pour la mise en place de la réforme était en cours, sans que les étudiants, considérés comme simples usagers, n’aient été informés du processus de la mise en place du LMD à la fac. Il n’empêche qu’en ce qui nous concerne, nous avons continué à diffuser les informations, notamment celles envoyées par François Castaing.

Dès février 2005, Georges Lapassade a eu le flair de chercheur et d’analyste et a proposé de  suivre par le biais de l’observation participante, la situation dans le département d’anthropologie en mouvement. Cette situation relative à l’application du LMD a fait l’objet de discussions intenses à plusieurs reprises dans les séminaires de l’AI du lundi et du mardi, ainsi que lors des réunions hebdomadaires du comité éditorial de l’AISF, le vendredi. Dès  lors, un numéro sur « L’analyse institutionnelle interne » a été décidé et dont la préparation est en cours. La mise en place du LMD à Paris 8 en constitue le dossier principal.

Pendant ce temps, comme tu peux le constater, les informations continuent à circuler sur le réseau internet de l’AI. Aucune rétention de quelque information que ce soit n’a été soulignée.

Ceci étant, ce que tu viens de nous envoyer ne nous est pas parvenu auparavant et c’est pour cette raison que nous n’étions pas informés de la position du directeur de l’UEFR 8.

Il suffit de revisiter les courriers diffusés pour constater le travail d’informations que nous nous efforçons de diffuser. Il s’agit de recueil de données primordiales et essentielles à une analyse de la situation. Nous comptons aller plus loin pour bien saisir dans quel sens se dirige l’université.

Espérons que le numéro de revue consacré à « l’Analyse interne » sera l’occasion de clarifier la situation, de mettre au clair l’état de l’institution universitaire.

Je t’embrasse

A très bientôt

Benyounès Bellagnech, le 25 mai 2005.   

 

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