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  • : Le blog de Benyounès Bellagnech
  • : Analyse institutionnelle : Théorie et pratique au sein des institutions politiques, éducatives et de recherche. L'implication des individus et des groupes dans la vie politique et sociale.
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12 décembre 2015 6 12 /12 /décembre /2015 09:22

se lèveront ou ne se lèveront pas, je n’en sais rien. Il est probable que la plupart d’entre hommes eux réfléchissent en ce moment et cela est bien. Mais il est sûr que l’efficacité de leur action ne se séparera pas du courage avec lequel ils accepteront de renoncer, pour l’immédiat, à certains de leurs rêves, pour ne s’attacher qu’à

l’essentiel qui est le sauvetage des vies. Et arrivé  ici, il faudra peut-être, avant de terminer, élever la voix.

VERS LE DIALOGUE

Oui, il faudrait élever la voix. Je me suis défendu jusqu’à présent de faire appel aux forces du sentiment. Ce qui nous broie aujourd’hui, c’est une logique historique que nous avons créée de toutes pièces et dont les nœuds finiront par nous étouffer. Et ce n’est pas le sentiment qui peut trancher les nœuds d’une logique qui déraisonne, mais seulement une raison qui raisonne dans les limites qu’elle se connaît. Mais je ne voudrais pas, pour finir, laisser croire que l’avenir du monde peut se passer de nos forces d’indignation et d’amour. Je sais bien qu’il faut aux hommes de grands mobiles pour se mettre en marche et qu’il est difficile de s’ébranler soi-même pour un combat dont les objectifs sont si limités et où l’espoir n’a qu’une part à peine raisonnable. Mais il n’est pas question d’entraîner des hommes. L’essentiel, au contraire, est qu’ils ne soient pas entraînes et qu’ils sachent bien ce qu’ils font.

Sauvez ce qui peut encore être sauvé, pour rendre l’avenir seulement possible, voilà le grand mobile, la passion et le sacrifice demandés. Cela exige seulement qu’on y réfléchisse et qu’on décide clairement s’il faut encore ajouter à la peine des hommes pour des fins toujours indiscernables, s’il faut accepter que le monde se couvre d’armes et que le frère tue le frère à nouveau, ou s’il faut, au contraire, épargner autant qu’il est possible le sang et la douleur pour donner seulement leur chance à d’autres générations qui seront mieux armées que nous.

Pour ma part, je crois être à peu près sûr d’avoir choisi. Et, ayant choisi, il m’a semblé que je devais parler, dire que je ne serais plus jamais de ceux, quels qu’ils soient, qui s’accommodent du meurtre et en tirer les conséquences qui conviennent. La chose est faite et je m’arrêterai donc aujourd’hui. Mais, auparavant, je voudrais qu’on sente bien dans quel esprit j’ai parlé jusqu’ici.

On nous demande d’aimer ou de détester tel ou tel pays et tel ou tel peuple. Mais nous sommes quelques-uns à trop bien sentir nos ressemblances avec tous les hommes pour accepter ce choix. La bonne façon d’aimer le peuple russe, en recon- naissance de ce qu’il n’a jamais cessé d’être, c’est-à-dire le levain du monde dont parlent Tolstoï et Gorki, n’est pas de lui souhaiter les aventures de la puissance, c’est de lui épargner, après tant d’épreuves passées, une nouvelle et terrible saignée. Il en est de même pour le peuple américain et pour la malheureuse Europe. C’est le genre de vérités élémentaires qu’on oublie dans les fureurs du jour.

Oui, ce qu’il faut combattre aujourd’hui, c’est la peur et le silence, et avec eux la séparation des esprits et des âmes qu’ils entraînent. Ce qu’il faut défendre, c’est le dialogue et la communication universelle des hommes entre eux. La servitude, l’in- justice, le mensonge sont les fléaux qui brisent cette communication et interdisent ce dialogue. C’est pourquoi nous devons les refuser. Mais ces fléaux sont aujourd’hui la matière même de l’histoire et, partant, beaucoup d’hommes les considèrent comme des maux nécessaires. Il est vrai, aussi bien, que nous ne pouvons pas échapper à l’histoire, puisque nous y sommes plongés jusqu’au cou. Mais on peut prétendre à lutter dans l’histoire pour préserver cette part de l’homme qui ne lui appartient pas. C’est là tout ce que j’ai voulu dire. Et dans tous les cas, je définirai mieux encore cette attitude et l’esprit de ces articles par un raisonnement dont je voudrais, avant de finir, qu’on le médite loyalement.

Une grande expérience met en marche aujourd’hui toutes les nations du monde, selon les lois de la puissance et de la domination. Je ne dirai pas qu’il faut empêcher ni laisser se poursuivre cette expérience. Elle n’a pas besoin que nous l’aidions et, pour le moment, elle se moque que nous la contrariions. L’expérience se poursuivra donc. Je poserai simplement cette question : « Qu’arrivera-t-il si l’expérience échoue, si la logique de l’histoire se dément, sur laquelle tant d’esprits se reposent pourtant

? » Qu’arrivera-t-il si, malgré deux ou trois guerres, malgré le sacrifice de plusieurs générations et de quelques valeurs, nos petits-fils, en supposant qu’ils existent, ne se retrouvent pas plus rapprochés de la société universelle ? Il arrivera que les sur- vivants de cette expérience n’auront même plus la force d’être les témoins de leur propre agonie. Puisque donc l’expérience se poursuit et qu’il est inévitable quelle se poursuive encore, il n’est pas mauvais que des hommes se donnent pour tâche de préserver, au long de l’histoire apocalyptique qui nous attend, la réflexion modeste qui, sans prétendre tout résoudre, sera toujours prête à un moment quelconque, pour fixer un sens à la vie de tous les jours. L’essentiel est que ces hommes pèsent bien, et une fois pour toutes, le prix qu’il leur faudra payer.

Je puis maintenant conclure. Tout ce qui me parait désirable, en ce moment, c’est qu’au milieu du monde du meurtre, on se décide à réfléchir au meurtre et à choisir. Si cela pouvait se faire, nous nous partagerions alors entre ceux qui acceptent à la rigueur d’être des meurtriers et ceux qui s’y refusent de toutes leurs forces. Puisque cette terrible division existe, ce sera au moins un progrès que de la rendre claire. À travers cinq continents, et dans les années qui viennent, une interminable lutte va se poursuivre entre la violence et la prédication. Et il est vrai que les chances de la première sont mille fois plus grandes que celles de la dernière. Mais j’ai toujours pensé que si l’homme qui espérait dans la condition humaine était un fou, celui qui désespérait des événements était un lâche. Et désormais, le seul honneur sera de tenir obstinément ce formidable pari qui décidera enfin si les paroles sont plus fortes que les balles.

 

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11 décembre 2015 5 11 /12 /décembre /2015 10:20

 

Toute pensée qui reconnaît loyalement son incapacité à justifier le mensonge et le meurtre est amenée à cette conclusion, pour peu qu’elle ait le souci de la vérité. Il lui reste donc à se conformer tranquillement à ce raisonnement.

 

Elle reconnaîtra ainsi : 1˚ que la politique intérieure, considérée dans sa solitude, est une affaire proprement secondaire et d’ailleurs impensable. 2˚ que le seul problème est la création d’un ordre international qui apportera finalement les réformes de structure durables par lesquelles la révolution se définit ; 3˚ qu’il n’existe plus, à l’intérieur des nations, que des problèmes d’administration qu’il faut régler provi- soirement, et du mieux possible, en attendant un règlement politique plus efficace parce que plus général.

Il faudra dire, par exemple, que la Constitution française ne peut se juger qu’en fonc- tion du service qu’elle rend ou qu’elle ne rend pas à un ordre international fondé sur la justice et le dialogue. De ce point de vue, l’indifférence de notre Constitution aux plus simples libertés humaines est condamnable. Il faudra reconnaître que l’orga- nisation provisoire du ravitaillement est dix fois plus importante que le problème des nationalisations ou des statistiques électorales. Les nationalisations ne seront pas viables dans un seul pays. Et si le ravitaillement ne peut pas se régler non plus sur le seul plan national, il est du moins plus pressant et il impose le recours à des expédients, même provisoires.

Tout cela peut donner, par conséquent, à notre jugement sur la politique intérieure le critérium qui lui manquait jusque-là. Trente éditoriaux de L’Aube auront beau s’opposer tous les mois à trente éditoriaux de L’Humanité, ils ne pourront nous faire oublier que ces deux journaux, avec les partis qu’ils représentent  et les hommes qui les dirigent, ont accepté l’annexion sans référendum de Brigue et Tende, et qu’ils se sont ainsi rejoints dans une même entreprise de destruction à l’égard de la démocratie internationale. Que leur volonté soit bonne ou mauvaise, M. Bidault et M. Thorez favorisent également le principe de la dictature internationale. De ce point de vue, et quoi qu’on puisse en penser, ils représentent dans notre politique, non pas la réalité, mais l’utopie la plus malheureuse.

Oui, nous devons enlever son importance à la politique intérieure. On ne guérit pas la peste avec les moyens qui s’appliquent aux rhumes de cerveau. Une crise qui déchire le monde entier doit se régler à l’échelle universelle. L’ordre pour tous, afin que soit diminué pour chacun le poids de la misère et de la peur, c’est aujourd’hui notre objectif logique. Mais cela demande  une  action et  des  sacrifices, c’est-à- dire des hommes. Et s’il y a beaucoup d’hommes aujourd’hui, qui, dans le secret de leur cœur, maudissent la violence et la tuerie, il n’y en a pas beaucoup qui veuillent reconnaître que cela les force à reconsidérer leur pensée ou leur action. Pour ceux qui voudront faire cet effort cependant, ils y trouveront une espérance raisonnable et la règle d’une action.

Ils admettront qu’ils n’ont pas grand-chose à attendre des gouvernements actuels, puisque ceux-ci vivent et agissent selon des principes meurtriers. Le seul  espoir réside dans la plus grande peine, celle qui consiste à reprendre les choses à leur début pour refaire une société vivante à l’intérieur d’une société condamnée. Il faut donc que ces hommes, un à un, refassent entre eux, à l’intérieur des frontières et pardessus elles, un nouveau contrat social qui les unisse suivant des principes plus raisonnables.

Le mouvement pour la paix dont j’ai parlé devrait pouvoir s’articuler à l’intérieur des nations sur des communautés de travail et, pardessus les frontières, sur des communautés de réflexion, dont les premières, selon des contrats de gré à gré sur le mode coopératif, soulageraient le plus grand nombre possible d’individus et dont les secondes s’essaieraient à définir les valeurs dont vivra cet ordre international, en même temps qu’elles plaideraient pour lui, en toute occasion.

Plus précisément, la tâche de ces dernières serait d’opposer des paroles claires aux confusions de la terreur et de définir en même temps les valeurs indispensables à un monde pacifié. Un code de justice internationale dont le premier article serait l’abolition générale de la peine de mort, une mise au clair des principes nécessaires à toute civilisation du dialogue pourraient être ses premiers objectifs. Ce travail répondrait aux besoins d’une époque qui ne trouve dans aucune philosophie les justifications nécessaires à la soif d’amitié qui brûle aujourd’hui les esprits occiden- taux. Mais il est bien évident qu’il ne s’agirait pas d’édifier une nouvelle idéologie. Il s’agirait seulement de rechercher un style de vie.

Ce sont là, en tout cas, des motifs de réflexion et je ne puis m’y étendre dans le cadre de ces articles. Mais, pour parler plus concrètement, disons que des hommes qui décideraient d’opposer, en toutes circonstances, l’exemple à la puissance, la prédication à la domination, le dialogue à l’insulte et le simple honneur à la ruse

; qui refuseraient tous les avantages de la société actuelle et n’accepteraient que les devoirs et les charges qui les lient aux autres hommes ; qui s’appliqueraient à orienter l’enseignement surtout, la presse et l’opinion ensuite, suivant les principes de conduite dont il a été question jusqu’ici, ces hommes-là n’agiraient pas dans le sens de l’utopie, c’est l’évidence même, mais selon le réalisme le plus honnête. Ils prépareraient l’avenir et, par là, feraient dès aujourd’hui tomber quelques-uns des murs qui nous oppressent. Si le réalisme est l’art de tenir compte, à la fois, du pré- sent et de l’avenir, d’obtenir le plus en sacrifiant le moins, qui ne voit que la réalité la plus aveuglante serait alors leur part ?

 

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10 décembre 2015 4 10 /12 /décembre /2015 10:13

LE MONDE VA VITE

Il est évident pour tous que la pensée politique se trouve de plus en plus dépassée par les événements. Les Français, par exemple, ont commencé la guerre de 1914 avec les moyens de la guerre de 1870 et la guerre de 1939 avec les moyens de 1918.

 

Mais aussi bien la pensée anachronique n’est pas une spécialité française. Il suffira de souligner ici que, pratiquement, les grandes politiques d’aujourd’hui prétendent régler l’avenir du monde au moyen de principes formés au XVIIIe siècle en ce qui concerne le libéralisme capitaliste, et au XIXe en ce qui regarde le socialisme, dit scientifique. Dans le premier cas, une pensée née dans les premières années de l’industrialisme moderne et dans le deuxième cas, une doctrine contemporaine de l’évolutionnisme darwinien et de l’optimisme renanien se proposent de mettre en équation l’époque de la bombe atomique, des mutations brusques et du nihilisme. Rien ne saurait mieux illustrer le décalage de plus en plus désastreux qui s’effectue entre la pensée politique et la réalité historique.

Bien entendu, l’esprit a toujours du retard sur le monde. L’histoire court pendant que l’esprit médite. Mais ce retard inévitable grandit aujourd’hui a proportion de l’accélération historique. Le monde a beaucoup plus changé dans les cinquante der- nières années qu’il ne l’avait fait auparavant en deux cents ans. Et l’on voit le monde s’acharner aujourd’hui à régler des problèmes de frontières quand tous les peuples savent que les frontières sont aujourd’hui abstraites. C’est encore le principe des nationalités qui a fait semblant de régner à la Conférence des Vingt et un.

Nous devons tenir compte de cela dans notre analyse de la réalité historique. Nous centrons aujourd’hui nos réflexions autour du problème allemand, qui est un pro- blème secondaire par rapport au choc d’empires qui nous menace. Mais si, demain, nous concevions des solutions internationales en fonction du problème russo- américain, nous risquerions de nous voir à nouveau dépassés. Le choc d’empires est déjà en passe de devenir secondaire, par rapport au choc des civilisations. De toutes parts, en effet, les civilisations colonisées font entendre leurs voix. Dans dix ans, dans cinquante ans, c’est la prééminence de la civilisation occidentale qui sera remise en question. Autant donc y penser tout de suite et ouvrir le Parlement mon- dial à ces civilisations, afin que sa loi devienne vraiment universelle, et universel l’ordre qu’elle consacre.

Les problèmes que pose aujourd’hui le droit de veto sont faussés parce que les majorités ou les minorités qui s’opposent à l’O.N.U. sont fausses. L’U.R.S.S. aura toujours le droit de réfuter la loi de la majorité tant que celle-ci sera une majorité de ministres, et non une majorité de peuples représentés par leurs délégués et tant que tous les peuples, précisément, n’y seront pas représentés. Le jour où cette majorité aura un sens, il faudra que chacun lui obéisse ou rejette sa loi, c’est-à-dire déclare ouvertement sa volonté de domination.

De même, si nous gardons constamment à l’esprit cette accélération du monde, nous risquons de trouver la bonne manière de poser le problème économique d’aujourd’hui. On n’envisageait plus, en 1930, le problème du socialisme comme on le faisait en 1848. À l’abolition de la propriété avait succédé la technique de la mise en commun des moyens de production. Et cette technique, en effet, outre qu’elle réglait en même temps le sort de la propriété, tenait compte de l’échelle agrandie où se posait le problème économique. Mais, depuis 1930, cette échelle s’est encore accrue. Et, de même que la solution politique sera internationale, ou ne sera pas, de même la solution économique doit viser d’abord les moyens de production internationaux : pétrole, charbon et uranium. Si collectivisation  il doit y avoir, elle doit porter sur les ressources indispensables a tous et qui, en effet, ne doivent être à personne. Le reste, tout le reste, relève du discours électoral.

Ces perspectives sont utopiques aux yeux de certains, mais pour tous ceux qui refusent d’accepter la chance d’une guerre, c’est cet ensemble de principes qu’il convient d’affirmer et de défendre sans aucune réserve. Quant à savoir les chemins qui peuvent nous rapprocher d’une semblable conception, ils ne peuvent pas s’ima- giner sans la réunion des anciens socialistes et des hommes d’aujourd’hui, solitaires à travers le monde.

Il est possible, en tout cas, de répondre une nouvelle fois, et pour finir, à l’accusation d’utopie. Car, pour nous, la chose est simple : ce sera l’utopie ou la guerre, telle que nous la préparent des méthodes de pensée périmées. Le monde a le choix aujourd’hui entre la pensée politique anachronique et la pensée utopique. La pen- sée anachronique est en train de nous tuer. Si méfiants que nous soyons (et que je sois), l’esprit de réalité nous force donc à revenir à cette utopie relative. Quand elle sera rentrée dans l’Histoire, comme beaucoup d’autres utopies du même genre, les hommes n’imagineront plus d’autre réalité. Tant il est vrai que l’Histoire n’est que l’effort désespéré des hommes pour donner corps aux plus clairvoyants de leurs rêves.

UN NOUVEAU CONTRAT SOCIAL

Je me résume. Le sort des hommes de toutes les nations ne sera pas réglé avant que soit réglé le problème de la paix et de l’organisation du monde. Il n’y aura de révo- lution efficace nulle part au monde avant que cette révolution-là soit faite. Tout ce qu’on dit d’autre, en France, aujourd’hui, est futile ou intéressé. J’irai même plus loin. Non seulement le mode de propriété ne sera changé durablement en aucun point du globe, mais les problèmes les plus simples, comme le pain de tous les jours, la grande faim qui tord les ventres d’Europe, le charbon, ne recevront aucune solution tant que la paix ne sera pas créée.

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8 décembre 2015 2 08 /12 /décembre /2015 11:15

 

 

 DÉMOCRATIE ET DICTATURE INTERNATIONALES

 

Nous savons aujourd’hui quil ny a plus dîles et que les frontières sont vaines. Nous savons que dans un monde en accélération constante, lAtlantique se traverse en moins d’une journée, Moscou parle à Washington en quelques heures, nous sommes forcés à la solidarité ou

 

à la complici, suivant les cas. Ce que nous avons appris pendant les années 40, cest que linjure faite à un étudiant de Prague frappait en même temps louvrier de Clichy, que le sang répandu quelque part sur les bords d’un fleuve du Centre euro- péen devait amener un paysan du Texas à verser le sien sur le sol de ces Ardennes quil voyait pour la première fois. Il nétait pas comme il nest plus une seule souf- france, isolée, une seule torture en ce monde qui ne se répercute dans notre vie de tous les jours.

Beaucoup dAméricains voudraient continuer à vivre enfermés dans leur  sociéquils  trouvent  bonne.  Beaucoup  de  Russes  voudraient peut-être continuer à poursuivre lexpérience étatiste à lécart du monde capitaliste. Ils ne le peuvent et ne le pourront plus jamais. De même, aucun problème économique, si secondaire apparaisse-t-il, ne peut se régler aujourd’hui en dehors de la solidarité des nations. Le pain de lEurope est à Buenos-Aires, et les machines-outils de Sibérie sont fabri- quées à Detroit. Aujourd’hui, la tragédie est collective.

Nous savons donc tous, sans lombre dun doute, que le nouvel ordre que nous cherchons ne peut être seulement national ou même continental, ni surtout occi- dental ou oriental. Il doit être universel. Il nest plus possible despérer des solutions partielles ou des concessions. Le compromis, cest ce que nous vivons, cest-dire langoisse pour aujourdhui et le meurtre pour demain. Et pendant ce temps, la vitesse de l’histoire et du monde saccélère. Les vingt et un sourds, futurs criminels de guerre, qui discutent aujourd’hui de paix échangent leurs monotones dialogues, tranquillement assis au centre d’un rapide qui les entraîne vers le gouffre, à mille kilomètres à l’heure. Oui, cet ordre universel est le seul problème du moment et qui passe toutes les querelles de constitution et de loi électorale. Cest lui qui exige que nous lui appliquions les ressources de nos intelligences et de nos volontés.

Quels sont aujourdhui les moyens datteindre cette unidu monde, de réaliser cette révolution internationale, où les ressources en hommes, les matières pre- mières, les marchés commerciaux et les richesses spirituelles pourront se trouver mieux redistribuées ? Je nen vois que deux et ces deux moyens définissent notre ultime alternative. Ce monde peut être unifié, den haut, comme je lai dit hier, par un seul État plus puissant que les autres. La Russie ou lAmérique peuvent prétendre à ce rôle. Je nai rien, et aucun des hommes que je connais na rien à répliquer à lidée fendue par certains, que la Russie ou lAmérique ont les moyens de régner et d’unifier ce monde à limage de leur société. Jy répugne en tant que Français, et plus encore en tant que Méditerranéen. Mais je ne tiendrai aucun compte de cet argument sentimental.

Notre seule objection, la voici, telle que je lai définie dans un dernier article : cette unification ne peut se faire sans la guerre ou, tout au moins, sans un risque extrême de guerre. Jaccorderai encore, ce que je ne crois pas, que la guerre puisse ne pas être atomique. Il nen reste pas moins que la guerre de demain laisserait l’humanité si mutilée et si appauvrie que ridée même d’un ordre y deviendrait définitivement anachronique. Marx pouvait justifier comme il la fait la guerre de 1870, car elle était la guerre du fusil Chassepot et elle était localisée. Dans les perspectives du marxisme, cent mille morte ne sont rien, en effet, au prix du bonheur de centaines de millions de gens. Mais la mort certaine de centaines de millions de gens, pour le bonheur supposé de ceux qui restent, est un prix trop cher. Le progrès vertigineux des armements, fait historique ignoré par Marx, force à poser de nouvelle façon le problème de la fin et des moyens.

Et le moyen, ici, ferait éclater la fin. Quelle que soit la fin désirée, si haute et si nécessaire soit-elle, quelle veuille ou non consacrer le bonheur des hommes, quelle veuille consacrer la justice ou la liberté, le moyen employé pour y parvenir représente un risque si définitif, si disproportionné en grandeur avec les chances de succès, que nous refusons objectivement de le courir.  Il faut donc en revenir au deuxième moyen propre a assurer cet ordre universel, et qui est laccord mutuel de toutes les parties. Nous ne nous demanderons pas sil est possible, considérant ici quil est justement le seul possible. Nous nous demanderons dabord ce quil est.

Cet accord des parties a un nom qui est la démocratie internationale. Tout le monde en parle à lO.N.U., bien entendu. Mais quest-ce que la démocratie internationale

? Cest une démocratie qui est internationale. On me pardonnera ici ce truisme, puisque les vérités les plus évidentes sont aussi les plus travesties.

Quest-ce que la démocratie nationale ou internationale ? Cest une forme de société où la loi est au-dessus des gouvernants, cette loi étant lexpression de la volonté de tous, représentépar un corps législatif. Est-ce là ce quon essaie de fonder aujourdhui ? On nous prépare, en effet, une loi internationale. Mais cette loi est faite ou défaite par des gouvernements, cest-à-dire par lexécutif. Nous sommes donc en régime de dictature internationale. La seule façon den sortir est de mettre la loi internationale au-dessus des gouvernements, donc de faire cette loi, donc de disposer dun parlement, donc de constituer ce parlement au moyen délections mondiales auxquelles participeront tous les peuples. Et puisque nous navons pas ce parlement, le seul moyen est de résister à cette dictature internationale sur un plan international et selon des moyens qui ne contrediront pas la fin poursuivie.

 

LE MONDE VA VITE

 

 

l est évident pour tous que la pensée politique se trouve de plus en plus dépassée par les événements. Les Français, par exemple, ont commen la guerre de 1914 avec les moyens de la guerre de 1870 et la guerre de 1939 avec les moyens de 1918.

 

Mais aussi bien la pensée anachronique nest pas une spécialité française. Il suffira de souligner ici que, pratiquement, les grandes politiques daujourd’hui prétendent régler lavenir du monde au moyen de principes formés au XVIIIe siècle en ce qui concerne le libéralisme capitaliste, et au XIXe en ce qui regarde le socialisme, dit scientifique. Dans le premier cas, une pensée e dans les premières années de lindustrialisme moderne et dans le deuxième cas, une doctrine contemporaine de lévolutionnisme darwinien et de loptimisme renanien se propose

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7 décembre 2015 1 07 /12 /décembre /2015 08:41

Peut-on dire aujourd’hui que ce mot soit employé dans son sens classique ? Quand les gens entendent parler de révolution chez nous, et à supposer qu’ils gardent alors leur sang-froid, ils envisagent un changement de mode de la propriété (géné- ralement la mise en commun des moyens de production) obtenu, soit par une législation selon les lois de la majorité, soit à l’occasion de la prise du pouvoir par une minorité.

Il est facile de voir que cet ensemble de notions n’a aucun sens dans les circons- tances historiques actuelles. D’une part, la prise de pouvoir par la violence est une idée romantique que le progrès des armements a rendue illusoire. L’appareil répres- sif d’un gouvernement a toute la force des tanks et des avions. Il faudrait donc des tanks et des avions pour l’équilibrer seulement. 1789 et 1917 sont encore des dates, mais ce ne sont plus des exemples.

En supposant que cette prise du pouvoir soit cependant possible, qu’elle se fasse dans tous les cas par les armes ou par la loi, elle n’aurait d’efficacité que si la France (ou l’Italie ou la Tchécoslovaquie) pouvait être mise entre parenthèses et isolée du monde. Car, dans notre actualité historique, en 1946, une modification du régime de propriété entraînerait, par exemple, de telles répercussions sur les crédits amé- ricains que notre économie s’en trouverait menacée de mort. Une révolution de droite n’aurait pas plus de chances, à cause de l’hypothèque parallèle que nous crée la Russie par des millions d’électeurs communistes et sa situation de plus grande puissance continentale. La vérité, que je m’excuse d’écrire en clair, alors que tout le monde la connaît sans la dire, c’est que nous ne -sommes pas libres, en tant que Français, d’être révolutionnaires. Ou du moins nous ne pouvons plus être des révolutionnaires solitaires parce qu’il n’y a plus, dans le monde, aujourd’hui, de politiques conservatrices ou socialistes qui puissent se déployer sur le seul plan national.

Ainsi, nous ne pouvons parler que de révolution internationale. Exactement, la révolution se fera à l’échelle internationale ou elle ne se fera pas. Mais quel est encore le sens de cet-te expression ? Il fut un temps où l’on pensait que la réforme internationale se ferait par la conjonction ou la synchronisation de plusieurs révo- lutions nationales ; une addition de miracles, en quelque sorte. Aujourd’hui, et si notre analyse précédente est juste, on ne peut plus penser qu’à l’extension d’une révolution qui a déjà réussi. C’est une chose que Staline a très bien vue et c’est l’explication la plus bienveillante qu’on puisse donner de sa politique (l’autre étant de refuser à la Russie le droit de parler au nom de la révolution).

Cela revient à considérer l’Europe et l’Occident comme une seule nation où une im- portante minorité bien armée pourrait vaincre et lutter pour prendre enfin le pou- voir. Mais la force conservatrice (en l’espèce, les États-Unis) étant également bien armée, il est facile de voir que la notion de révolution est remplacée aujourd’hui par la notion de guerre idéologique. Plus précisément, la révolution internationale ne va pas aujourd’hui sans un risque extrême de guerre. Toute révolution de l’avenir sera une révolution étrangère. Elle commencera par une occupation militaire ou, ce qui revient au même, par un chantage à l’occupation. Elle n’aura de sens qu’à partir de la victoire définitive de l’occupant sur le reste du monde.

À l’intérieur des nations, les révolutions coûtent déjà très cher. Mais, en considéra- tion du progrès qu’elles sont censées amener, on accepte généralement la nécessité de ces dégâts. Aujourd’hui, le prix que coûterait la guerre à l’humanité doit être objectivement mis en balance avec le progrès qu’on peut espérer de la prise du pouvoir mondial par la Russie ou l’Amérique. Et je crois d’une importance définitive qu’on en fasse la balance et que, pour une fois, on apporte un peu d’imagination à ce que serait une planète, où sont encore tenus au frais une trentaine de millions de cadavres, après un cataclysme qui nous coûterait dix fois plus.

Je ferai remarquer que cette manière de raisonner est proprement objective. Elle ne fait entrer en ligne que l’appréciation de la réalité, sans engager pour le moment de jugements idéologiques ou sentimentaux. Elle devrait, en tout cas, pousser à la réflexion ceux qui parlent légèrement de révolution. Ce que ce mot contient aujourd’hui doit être accepté en bloc ou rejeté en bloc. S’il est accepté, on doit se reconnaître responsable conscient de la guerre à venir. S’il est rejeté, on doit, ou bien se déclarer partisan du statu quo, ce qui est l’utopie totale dans la mesure où elle suppose l’immobilisation de l’histoire, ou bien renouveler le contenu du mot révolution, ce qui présente un consentement à ce que j’appellerai l’utopie relative.

Après avoir un peu réfléchi à cette question, il me semble que les hommes qui désirent aujourd’hui changer efficacement le monde ont à choisir entre les char- niers qui s’annoncent, le rêve impossible d’une histoire tout d’un coup stoppée, et l’acceptation d’une utopie relative qui laisse une chance à la fois à l’action et aux hommes. Mais il n’est pas difficile de voir qu’au contraire, cette utopie relative est la seule possible et quelle est seule inspirée de l’esprit de réalité. Quelle est la chance fragile qui pourrait nous sauver des charniers, c’est ce que nous examinerons dans un prochain article.

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6 décembre 2015 7 06 /12 /décembre /2015 10:01

C’est là le problème qui, s’est posé aux socialistes français, par exemple. Des scru- pules leur sont venus. La violence et l’oppression dont ils n’avaient eu jusqu’ici qu’une idée assez abstraite, ils les ont vues à l’œuvre. Et ils se sont demandé s’ils accepteraient, comme le voulait leur philosophie, d’exercer eux-mêmes la violence, même provisoirement et pour un but pourtant différent. Un récent préfacier de Saint-Just, parlant d’hommes qui avaient des scrupules semblables, écrivait avec tout l’accent du mépris : « Ils ont reculé devant l’horreur. » Rien n’est plus vrai. Et ils ont par là mérité d’encourir le dédain d’âmes assez fortes et supérieures pour s’installer sans broncher dans l’horreur. Mais en même temps, ils ont donné une voix à cet appel angoissé venu des médiocres que nous sommes, qui se comptent par millions, qui font la matière même de l’histoire, et dont il faudra un jour tenir compte, malgré tous les dédains.

Ce qui nous paraît plus sérieux, au contraire, c’est d’essayer de comprendre la contradiction et la confusion où se sont trouvés nos socialistes. De ce point de vue, il est évident qu’on n’a pas réfléchi suffisamment à la crise de conscience du socia- lisme français telle qu’elle s’est exprimée dans un récent congrès. Il est bien évident que nos socialistes, sous l’influence de Léon Blum, et plus encore sous la menace des événements, ont mis au premier rang de leurs préoccupations des problèmes moraux (la fin ne justifie pas tous les moyens) qu’ils n’avaient pas soulignés jusqu’ici. Leur désir légitime était de se référer à quelques principes qui fussent supérieurs au meurtre. Il n’est pas moins évident que ces mêmes socialistes veulent conserver la doctrine marxiste ; les uns parce qu’ils pensent qu’on ne peut être révolutionnaire sans être marxiste ; les autres, par une fidélité respectable à l’histoire du parti qui les persuade qu’on ne peut, non plus, être socialiste sans être marxiste. Le dernier congrès du parti a mis en valeur ces deux tendances et la tâche principale de ce congrès a été d’en faire la conciliation. Mais on ne peut concilier ce qui est incon- ciliable.

Car il est clair que si le marxisme est vrai, et s’il y a une logique de l’histoire, le réalisme politique est légitime. Il est clair également que si les valeurs morales préconisées par le parti socialiste sont fondées en droit, alors le marxisme est faux absolument puisqu’il prétend être vrai absolument. De ce point de vue, le fameux dépassement  du marxisme dans un sens idéaliste et humanitaire n’est qu’une plaisanterie et un rêve sans conséquence. Marx ne peut être dépassé, car il est allé jusqu’au bout de la conséquence. Les communistes sont fondés raisonnablement à utiliser le mensonge et la violence dont ne veulent pas les socialistes, et ils y sont fondés par les principes mêmes et la dialectique irréfutable que les socialistes veulent pourtant conserver. On ne pouvait donc pas s’étonner de voir le congrès socialiste se terminer par une simple juxtaposition de deux positions contradic- toires, dont la stérilité s’est vue sanctionnée par les dernières élections. De ce point de vue, la confusion continue. Il fallait choisir et les socialistes ne voulaient ou ne pouvaient pas choisir.

Je n’ai pas choisi cet exemple pour accabler le socialisme, mais pour éclairer les pa- radoxes où nous vivons. Pour accabler les socialistes,  il faudrait leur être supérieur. Ce n’est pas encore le cas. Bien au contraire, il me semble que cette contradiction est commune à tous les hommes dont j’ai parlé, qui désirent une société qui serait en même temps heureuse et digne, qui voudraient que les hommes soient libres dans une condition enfin juste, mais qui hésitent entre une liberté où ils savent bien que la justice est finalement dupée et une justice où ils voient bien que la liberté est au départ supprimée. Cette angoisse intolérable est généralement tournée en dérision par ceux qui savent ce qu’il faut croire ou ce qu’il faut faire. Mais je suis d’avis qu’au lieu de la moquer, il faut la raisonner et l’éclaircir, voir ce qu’elle signifie, traduire la condamnation quasi totale qu’elle porte sur le monde qui la provoque et dégager le faible espoir qui la soutient.

Et l’espoir réside justement dans cette contradiction parce qu’elle force ou forcera les socialistes au choix. Ou bien, ils admettront que la fin couvre les moyens, donc que le meurtre puisse être légitimé, ou bien ils renonceront au marxisme comme philosophie absolue, se bornant à en retenir l’aspect critique, souvent encore valable. S’ils choisissent le premier terme de l’alternative, la crise de conscience sera terminée et les situations clarifiées. S’ils admettent le second, ils démontreront que ce temps marque la fin des idéologies, c’est-à-dire des utopies absolues qui se détruisent elles-mêmes, dans l’histoire, par le prix qu’elles finissent par coûter. Il faudra choisir alors une autre utopie, plus modeste et moins ruineuse. C’est ainsi du moins que le refus de légitimer le meurtre force à poser la question. Oui, c’est la question qu’il faut poser et personne, je crois, n’osera y répondre légèrement.

LA RÉVOLUTION TRAVESTIE

Depuis août 1944, tout le monde parle chez nous de révolution, et toujours sincère- ment, il n’y a pas de doute là-dessus. Mais la sincérité n’est pas une vertu  en soi. Il y a des sincérités si confuses qu’elles sont pires que des mensonges. Il ne s’agit pas pour nous aujourd’hui de parler le langage du cœur, mais seulement de penser clair. Idéalement, la révolution est un changement  des institutions politiques et économiques propre à faire régner plus de liberté et de justice dans le monde. Pra- tiquement, c’est l’ensemble des événements historiques, souvent malheureux, qui amènent cet heureux changement.

I

 

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2 décembre 2015 3 02 /12 /décembre /2015 10:18

Des mensonges de Jean-Pierre Azéma, comme manières de fabriquer l’Histoire

Bonjour,

Le Président de la République avait chargé l’historien Jean-Pierre Azéma de lui faire un rapport à propos de la création d’un mémorial dédié aux personnes handicapées mentales « victimes du régime nazi et de celui de Vichy ». Cette demande faisait suite à une pétition initiée par l’anthropologue Charles Gardou. L’historien, dans le rapport qu’il a remis aux ministres chargés d’instruire le Chef de l’État, ne va ni dans le sens de cette pétition ni, semble-t-il, de celle de M. François Hollande. C’est son droit. Mais, pour justifier sa prise de position, pourquoi a-t-il tant besoin de recourir aux mensonges ?

« La préface de Michel (?) Guyader (un psychiatre et psychanalyste, qui allait répondre vigoureusement au discours par lequel Nicolas Sarkozy, le 2 décembre 2008, annonçait une réforme sécuritaire de la psychiatrie en France) constituait une charge contre la ‘corporation’ des historiens » écrit dans son rapport M. Azéma. Qui ajoute et cite alors le préfacier : « Nous n’en avons pas fini avec les universitaires, historien(ne)s ou non, qui au nom d’une certaine scientificité, d’une certaine impartialité, voilent les vérités, couvrent les crimes… ». Quelle mouche l’a piqué pour attribuer à Michaël Guyader une citation non pas fausse mais inexistante dans cette préface, ce que l’on peut facilement vérifier ? Est-ce pour unir la corporation historienne derrière les thèses du rapporteur ? À moins que M. Azéma n’ait malicieusement voulu prouver, avec sa fausse citation mais vraie opinion exprimée par un blogueur (qui n’est ni le préfacier ni moi même) que cette opinion n’était pas totalement fausse.

Pour ceux qui veulent vérifier dans le texte, p. 6 : http://www.social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport-Azema_20102015.pdf

Jean-Pierre Azéma a ici visiblement un problème avec les préfaces et les introductions à propos desquelles il ne peut s’empêcher de mentir ! Ça se soigne Docteur ? Autre exemple en effet. Quel besoin a-t-il encore d’attribuer à l’auteur d’une introduction à un autre livre (de moi en l’occurrence) un propos également inexistant dans le texte : « ne jugeant pas suffisant le déplacement officiel… », il s’agissait du déplacement, en 1999, d’un Secrétaire d’État aux Anciens combattants invité par le maire de Clermont-de-l’Oise à inaugurer une stèle érigée à la mémoire des 3 063 malades mentaux morts là-bas sous Vichy ? « Le troisième Reich a pratiqué sur son territoire l’extermination des malades mentaux. Le régime de Vichy, hélas sur ce point, comme sur bien d’autres, a tenté d’obtenir les mêmes résultats, en aggravant, pour les malades mentaux, les conditions de vie fort difficile d’une France occupée… » avait alors déclaré le maire de cette ville. Et il ajoutait : « Curieusement, l’extermination systématique de ces misérables victimes dans leurs ‘oubliettes’ n’a été que peu évoquée par les historiens ». Ne jugeant donc pas suffisant ce déplacement, « Il sommait la République (rien que cela) de reconnaître les responsabilités de l’État français, donc de Vichy, dans ‘l’abandon à la mort’… » ajoutait l’historien à mon propos. On peut là encore désespérément chercher dans l’introduction en question cette autre affirmation que M. Azéma me somme d’assumer.

En fait, il s’agissait alors, en 2001, d’une pétition ne figurant ni dans mon introduction ni dans le livre (Le train des fous) de Pierre Durand. Pétition dont j’étais le plus obscur des premiers signataires. Bref, ces mensonges de l’historien, parmi d’autres encore, n’ont visiblement comme but, en apparence, que de déconsidérer un individu. Apparence en effet, car il s’agit surtout de décrédibiliser un point de vue bien plus admis généralement et ainsi pouvoir mieux crédibiliser les conclusions d’un rapport. Un individu ni coupable de ce M. Azéma dit qu’il a dit, puisque l’individu ne l’a pas dit, ni victime car, quand même, quelle aubaine que ces mensonges à répétition pour rétablir la vérité historique. Plus sérieusement, pourquoi tant en parler… avec mensonges interposés dans un rapport demandé par le Président de la République si ce n’est pour tenter de fausser le jugement des ministres ayant à proposer au Président de la République des mesures qu’il aura à prendre ?

L’historien met, paradoxalement, l’accent sur un essai-pamphlet dont le titre est L’abandon à la mort… de 76 000 fous par le régime de Vichy et le sous-titre Réponse à quelques historiens qui le nient. Ouvrage dont il dit le plus grand mal : « cet ouvrage ne m’a pas convaincu » […] « En tout cas, il n’apporte pas la preuve que le gouvernement de Vichy a rédigé puis diffusé une directive officialisant ‘l’hécatombe’ des malades mentaux ». La preuve écrite, sinon rien ? Faut-il rappeler à l’historien qu’il suffisait alors de s’abstenir d’allouer à des personnes internées, quels qu’elles soient, des suppléments alimentaires pour aboutir à une hécatombe.

Voici à propos de ce livre l’avis d’un psychiatre, mais aussi historien que Jean-Pierre Azéma apprécie. Il s’agit de Michel Caire qui sur son site a analysé le livre en question. Il commence ainsi : « Une contribution polémique au débat sur l'hécatombe dont les hôpitaux psychiatriques furent le théâtre sous l'Occupation, dont le régime de Vichy porterait la responsabilité directe. Bien que très axée sur la dénonciation des thèses opposées et de leurs auteurs, l'étude d'A. Ajzenberg, acteur engagé de longue date dans le combat initié par Lucien Bonnafé et Pierre Durand, et poursuivi par Max Lafont, Patrick Lemoine, Antoine Spire et autres, est intéressante et documentée, comme le texte d'A. Castelli consacré à Montfavet (publié en 1996 dans la revue Chimères) ».

Cet essai, qui, de l'aveu même de son auteur, "se veut aussi un pamphlet" (p.102), pourra aussi sans doute être considéré comme partisan et manichéen par ceux qu'il cite à de multiples reprises, pour certains accusés d'erreurs méthodologiques, d'aveuglement, de contradictions, d'ignorance, de "mauvaises manières" (p.102, p.105 et suiv.), de manipulation (p.103, p.113, p.116, p.117, p.148, p.190), de mensonge (p.79, p.102, p.113, p.117, p.119, p.125, p.126, p.137, p.140, p.143, p.190), etc. : Henry Rousso, - « exécuteur sans jugement » (p.30) des livres de Lafont et Durand et suspect d'incompétence en la matière - et Eric Conan, et surtout Isabelle von Bueltzingsloewen, dont le nom revient à de si nombreuses reprises que l'historienne apparaît comme la principale cible de l'auteur, particulièrement pour avoir "innocenté" Vichy sur la question étudiée : « L'abandon à la mort... peut apparaître comme un réquisitoire contre le livre de Mme Von Bueltzingsloewen. Ça l'est effectivement » (p.27) : « Cet essai-pamphlet" se veut « une lecture critique » de ce livre » (p.102) ».

Et Michel Caire ajoute à propos de la preuve absolue de l’innocence de Vichy invoquée par I. von Bueltzingsloewen et J.-P. Azéma :« L'auteur discute aussi le rôle possible d'Hélène Bonnafous, fille du grand aliéniste Paul Sérieux et elle-même médecin du cadre des hôpitaux psychiatriques, dont l'intervention auprès de son époux Max, Secrétaire d'État à l'Agriculture et au Ravitaillement aurait pu être à l'origine de cette circulaire. Mais cette hypothèse n'a jamais été prouvée, écrit à juste titre Ajzenberg (p.76), et d'autant plus douteuse, précise-t-il, que la psychiatre et le ministre étaient alors déjà séparés.

Préférée à la « fable Bonnafous », « l'hypothèse Heuyer » fait l'objet d'un développement intéressant (pp.81-99). A. Ajzenberg nous rappelle que le président Laval avait commandité auprès de son ministre de la santé Raymond Grasset la création d'un « Conseil technique de l'enfance déficiente et en danger moral », où siègeront Louis Le Guillant, médecin directeur de l'hôpital de La Charité, Jean Dublineau et Georges Heuyer, qui tous trois réclamèrent par ailleurs des mesures pour sauver les malades des hôpitaux psychiatriques. L'auteur postule que ces trois importantes personnalités purent, avant-même la mise en place de ce Conseil (25 juillet 1943) faire des démarches auprès de l'autorité centrale : Heuyer lui-même "fréquenta Vichy dès 1941" (p.83). Laval, tenant à ce projet, aurait ainsi par intérêt, "nécessité politique" oblige, accordé ces suppléments alimentaires ».

Donc Michel Caire, historien, ne cautionne pas la preuve des deux autres historiens. Dont acte. En effet, si les milliers de juifs étrangers arrêtés le 13 mai 1941 (« le billet vert ») par les autorités vichystes d’alors, puis « concentrés » dans les camps de Pithiviers et Beaune-la-Rolande en vertu d’une loi du 4 octobre 1940 (c’était au lendemain de la publication du « statut des juifs ») spécifiant que « Les ressortissants étrangers de race juive pourront, à dater de la promulgation de la présente loi, être internés dans des camps spéciaux… », n’avaient pas été livré aux allemands mais étaient restés internés avec les mêmes rations alimentaires que celles attribuées aux malades mentaux, ils auraient subi le même sort que ces derniers. Sans autre preuve écrite que celle de devoir être internés, parce que juifs, comme les fous parce que fous. Mais ils ont été livrés, permettant à l’État vichyste de passer du statut de responsable de leur mort à celui de complice. S’ils n’avaient pas été livré et seraient cependant pour la plupart morts (environ 80 %, comme dans les asiles psychiatriques, ou plus puisque juifs), M. Azéma pourrait aujourd’hui affirmer, sans rire : « pas de preuves écrites ».

Les ministres destinataires du texte de M. Azéma vont-ils avaliser un rapport miné par les mensonges, ce qui ne serait pas banal ?

Je vous souhaite bonne lecture du courrier ci-joint, le second adressé aux ministres destinataires du rapport. On peut retrouver le premier, adressé aux mêmes ministres, sur : http://blogs.mediapart.fr/blog/armand-ajzenberg/291015/un-rapport-ideologiquement-tres-oriente-de-lhistorien-jean-pierre-azema

Cordialement.

Armand Ajzenberg, novembre 2015

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20 juin 2015 6 20 /06 /juin /2015 07:53

Bonjour,

Je vous prie de trouver en fichier ci-joint un texte intitulé :

RETOUR SUR LE CORBUSIER… ET ALEXIS CARREL
ET SOUS-TITRÉ :
DE « L’HOMME NORMALISÉ » POUR LE CORBUSIER
À L’HOMME « ÉPURÉ » POUR ALEXIS CARREL

C’est au moment où une exposition lui était consacrée au Centre Georges Pompidou que son passé ayant failli ressurgissait. Scandale.
Je ne suis ni spécialiste en architecture ni en urbanisme. Je ne traiterais donc pas, ou peu, de ces aspects du personnage. Qu’il révolutionna, paraît-il. Céline aussi révolutionna l’art du roman. Il avait failli, moralement. Comme Alexis Carrel, qui en 1913, décrocha le Nobel de médecine.
Le rapprochement des noms, Le Corbu-Carrel, n’est pas fortuit. Il m’est venu à l’esprit via les mêmes arguments, troublants, utilisés par certains pour défendre et Carrel et Le Corbusier. Cela passant, dans les deux cas, d’abord par une relativisation des faits : l’adhésion à un régime collaborant avec des armées nazies s’entend. Ensuite, par des maquillages ou de tricheries quant à leurs positions idéologiques vis à vis de ce régime. Enfin, par le prétexte du contexte. Et conduisant aujourd’hui à leur accorder l’absolution en raison de leurs exploits professionnels……

POUR LIRE LA SUITE : FICHIER JOINT (FORMAT PDF)

On peut également lire cet article, avec des commentaires, sur :
http://blogs.mediapart.fr/blog/armand-ajzenberg/160615/retour-sur-le-corbusier-et-alexis-carrel

Armand Ajzenberg

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11 mai 2015 1 11 /05 /mai /2015 08:29
 
Armand Ajzenberg
Armand Ajzenberg
--
LE « LOBBYING » DU MONDE POUR RÉHABILITER DES COLLABORATEURS 
NOTOIRES DU RÉGIME NAZI SOUS L’OCCUPATION (suite 2) 
Précédents : Max Bonnafous (ministre de Laval), Louis Renault (fournisseur des armées nazies). Aujourd’hui : Jean Jardin (directeur de cabinet de Laval). 
« … Le jeudi 16 juillet 1942, dès 4 heures du matin, la police Française, listes et adresses en main, frappèrent presque en même temps à la porte de milliers de foyers juifs. Les hommes, femmes et enfants sont arrachés de leurs lits. On accorde aux malheureux quelques minutes à peine pour rassembler et emporter des vêtements et quelques provisions dans une petite valise ou un sac. 
Beaucoup de gens sont témoins de ces scènes déchirantes. Des mères avec leurs jeunes enfants, des vieillards, des malades et des infirmes sont entassées dans des cars de police. Ne furent épargnés ni des invalides de guerre ni des malades traînés sur des civières. Les rafles se sont poursuivies toute la journée et le lendemain. Tous sont emmenés au Vélodrome d’Hiver dans des conditions inhumaines, sans hygiène, sans rien à manger, sans lait pour les enfants. 
Parmi eux, il y avait deux de mes sœurs, Céline Ajzenberg et Sarah Goldfain […] Nous apprenons que parmi les internés au Vélodrome d’Hiver se trouvent aussi la sœur de mon mari, des cousines et des cousins et tant de proches. Au bout de 48 heures, ils sont tous transférés à Drancy et de là, après un séjour de misère et de famine, ils sont emmenés en wagons plombés vers la déportation. 
Des braves gens ont ramassé les bouts de papiers que des déportés ont jetés des wagons pour prévenir leurs proches. Ma sœur, Céline, en a adressé un à notre sœur Rose. Son fils Armand, alors âgé de 9 ans se trouvait à ce moment chez elle. 
Voici ce que contenait ce mot : « Moi, je suis perdue. Tu as trois enfants. Avec le mien tu en auras quatre. Et, je t’en supplie, fais avec mon enfant, ce que tu feras avec les tiens ». La personne qui a ramassé ce mot a eu la gentillesse de l’envoyer à l’adresse fournie ». 
Ces faits sont connus et, s’ils sont ici rappelés, ce n’est pas pour apitoyer les lecteurs sur le sort de ma mère et du mien. Céline, c’est en effet ma mère et Armand, c’est moi. C’est simplement pour mettre les lecteurs en situation à propos de ce qui va suivre. Le texte en gras ci-dessus est tiré, comme celui du précédent billet, du journal d’une de mes tantes : Marie Kalinsky. Je tiens à rappeler que celle-ci, qui n’était pas historienne, fut sous l’Occupation résistante à la M.O.I. De parti pris donc. Elle fut aussi après la guerre ma seconde mère. Descendant en quelque sorte d’une résistante, et pas plus historien qu’elle, je suis donc moi aussi de parti pris. 
Des dizaines de milliers de parisiens avaient assisté à l’enlèvement des juifs par la police parisienne les 16 et 17 juillet 1942. Des dizaines de conducteurs de bus aussi, qui les amenèrent au Vél’d’Hiv. Des dizaines de cheminots, un peu plus tard, qui ramassèrent les billets jetés des wagons plombés par ceux qui partaient pour Auschwitz (dont celui me concernant), et qui pour beaucoup les firent parvenir à leurs destinataires, savaient donc également. Certains billets, probablement, ne furent pas remis à ceux à qui ils étaient destinés mais à la Direction des chemins de fer, qui savait alors elle aussi dès le premier convoi. Beaucoup de juifs cependant avaient été prévenus de cette rafle et avaient réussi à échapper à celle-ci. Ma tante, Marie, raconte : « Nous avons été prévenu la veille du 16 juillet 1942 par un ami agent de police et avons passé la nuit chez la concierge, Mme Poirier, qui a été bien gentille de nous cacher pendant 3 semaines ». Bref, beaucoup, beaucoup de monde savait… sauf Jean Jardin, chef de cabinet de Pierre Laval. C’est ce qu’a soutenu l’historien Pierre Assouline. 
POUR LIRE LA SUITE, OUVRIR LE FICHIER JOINT. 
POUR LIRE DES COMMENTAIRES SUR CET ARTICLES, ALLER À : 
http://blogs.mediapart.fr/blog/armand-ajzenberg/080515/le-lobbying-du-monde-pour-rehabiliter-des-collaborateurs-notoires-du-regime-nazi-sous-l-occupa 
attachment Armand a ajouté 1 pièce jointe : Jean Jardin.pdf. Le voir dans votre boîte de réception.
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24 février 2009 2 24 /02 /février /2009 18:36

Suite à une discussion ce matin avec Marie-Claire à propos des événements en Guadeloupe, celle-ci m’a transmis l’article suivant.

Je relaie ce témoignage car il répond à mon sens à la préoccupation de tout institutionnaliste se situant dans cette période qualifiée de « chaude ». Il relate la remise en question de l’institué et la volonté d’une majorité de créer d’autres institutions adaptées à l’histoire présente.

 

Témoignage de Sadi SAINTON, étudiant à l'Université Antilles Guyane en Guadeloupe :

 

Je vous envoie ce mail un peu long, certes, mais je voudrais vous dire deux ou trois choses, que vous ne voyez pas trop dans les JT de Canal+, France Télévision, TF1, M6, LCI... à propos de la grève en Guadeloupe puisque je la vis de l'intérieur. J'espère sincèrement que vous prendrez le temps de lire ces quelques lignes. Lisez tout, si vous le pouvez. Et une partie si c'est trop long. Je tiens au paragraphe en violet car c'est cette question qui m'a poussé à écrire un si long mail, mais je crois que tout comporte son intérêt...


Pourquoi? Parce que j'imagine que vous entendez comme tout le monde les infos et que je les trouve très partielles (et partiales). Parce que je pense qu'il peut y avoir méprise. Vous pouvez diffuser à votre guise au sein de PMP6.

 
N.B: Je soutiens cette grève. Ce mail comporte donc une dose de subjectivité, mais je ne fais ni dans la propagande, ni dans le mensonge. Je reste objectif sur des faits dont vous n'entendez probablement pas parler.


Let's go !


En effet, la Guadeloupe connaît depuis bientôt 4 semaines une grève générale contre les profits abusifs (de grâce, cessez de parler de grève contre la vie chère car il ne s'agit pas tout à fait de cela).


Je vais simplement, sans organisation donner quelques faits (j'écris à mesure que ça vient et je m'excuse d'avance des fautes d'orthographe que ma vigilance laissera passer).

 

Une grève contre la vie chère ?

Non. Pas vraiment

Le collectif qui mène la grève est un ensemble de 49 associations syndicales, politiques, associations de consommateurs et associations culturelles. Elle a déposé (un mois avant le début de la grève générale, et personne n'a jugé bon de s'en préoccuper) un cahier de 146 revendications réparties sur 10 chapitres. Parmi ces chapitres, un (un seul !) concerne la vie chère.

 

Mais alors qu’est-ce que cette grève ?

Le collectif à l'initiative de cette grève s'appelle "LKP" : Lyannaj kont pwofitasyon (C'est du créole). Traduction "Alliance contre le vol et les profits abusifs". C'est une mobilisation sans précédent. Le LKP parle de 100 000 personnes dans les rues (sur une population de 460 000, soit près du quart de la population). Au delà de la bataille des chiffres, une chose est sûre : c'est historique. C'est la plus grande mobilisation de l'histoire de la Guadeloupe et chaque sortie du LKP crée un nouveau record. Depuis une semaine, la Martinique emboîte le pas, la Réunion depuis deux jours, et la Guyane s'y prépare.

 


Qu'est-ce que la  ‘’ pwofitasyon’’ ? 

Surtout, ne pas traduire par "profit" (c'est un faux ami).

La "pwofitasyon", ici peut se traduire comme je viens de dire par "profits abusifs". Dans le langage courant, "pwofitasyon" désigne l'abus de pouvoir qu'un puissant exerce sur quelqu'un dont il sait déjà qu'il est plus faible que lui, pour le rendre encore plus subordonné.

L'exemple type, est celui des enfants dans la cour de récréation d'une école primaire. Les "grands" de CM2 peuvent exercer dans la cour des "pwofitasyon" sur les "petits" de CP, qui n'auront que leurs yeux pour pleurer. (N'est-ce pas mignon, notre chère et tendre enfance?)

 
Les domaines de "pwofitasyon" sont multiples chez nous :

Le constat est le suivant. En Guadeloupe, les prix sont beaucoup plus élevés qu'en France et donc parmi les plus élevés d'Europe et du monde. On constate (pour les mêmes enseignes et les mêmes produits) des écarts de plus de 100% que l'éloignement (il faut bien payer le transport) n'explique pas (exemple : 84% sur les pâtes alimentaires). Selon tous les experts, après analyse de la chaîne, de la production au caddie du consommateur, en passant par le transport, le surcoût par rapport à l'Hexagone ne devrait pas dépasser 10%. Les différences de prix constatées ressemblent donc fortement à.... du vol organisé.


 
Quelques exemples de "pwofitasyon" dénoncés par le LKP :

- L'essence que payaient les Guadeloupéens était l'une des plus chères au monde. Il y a une crise internationale qui a fait exploser le cours du pétrole, certes, mais cela n'explique absolument pas le cours des prix en Guadeloupe (dans les DOM de manière générale). Aujourd'hui alors qu'un début lumière commence à être fait sur la question, plus personne ne le conteste.

- Le LKP a présenté à l'Etat son expertise des méthodes de fixation des prix, résultat :

Tout le monde est d'accord sur le constat qui consiste à dire que les prix sont anormaux (même ceux qui sont contre la grève générale comme forme choisie pour le dénoncer). Le secrétaire d'Etat aux DOM, monsieur Yves Jégo envisage même une action en justice de l'Etat contre la SARA (Société Anonyme de Raffinage Antillaise) dont l'actionnaire principal (70%) est TOTAL. Vous m'accorderez sans doute que ce ne sont pas des nécessiteux. Et Jego (lui-même) a dit que si après enquête, il est démontré que la SARA a perçu des sommes indues (ce sera probablement le cas), cette somme devra être remise aux Guadeloupéens sous la forme d'un fond pour la formation professionnelle.


 
N.B: La SARA est en situation de monopole en Guadeloupe, pas de concurrence. C'est elle qui distribue l’essence.

 

- Quant aux prix de la grande distribution... une des pistes est de créer "un panier de la ménagère" constitué d'environ 100 produits sur lesquels la grande distribution n'aurait plus le droit de dépasser les prix de l'Hexagone de plus de 10%, avec la création d'un organe bimensuel de contrôle des prix pour éviter de nouvelles dérives.
 
N.B: Les géants de la distribution sont en situation de quasi monopole. Il s'agit principalement du groupe Hayot (Bernard Hayot est dans le top 120 des fortunes françaises). En plus ils détiennent l'importation et ont le monopole de la distribution sur plusieurs grandes marques. Pour accentuer le problème, les quelques concurrents existants sont des groupes amis (cousins, alliancés...) puisque ce circuit est aux mains d'une ethno-classe compacte et réduite (**).


 
(**) Voir reportage assez édifiant de Canal + "Les derniers maîtres de la Martinique" voici un lien où on peut voir l’émission :

http://www.megavideo.com/?v=1Q1M01NV
 

- Autre détail intéressant. Parmi les revendications sur le coût de la vie, il y a la baisse des tarifs des prestations bancaires. Et que s'est-il passé? Dès que les banques en Guadeloupe (pourtant les mêmes que dans l'Hexagone) ont pris connaissance des revendications les concernant, avant même que cette question ait été négociée, les banques ont adopté une baisse de leurs tarifs !! Permettez-moi de penser que ça signifie que les tarifs étaient effectivement abusifs.

 

Le reste des revendications ?

Elles traversent TOUS les domaines de la société. Vraiment tout. Les 9 autres chapitres: Education, Formation professionnelle, Emploi, Droits syndicaux et liberté syndicales, Services publics, Aménagement du territoire et infrastructures, Culture, et enfin "pwofitasyon" (il s'agit de réclamer des mesures pour contrôler désormais les prix).
J'appelle ça un mouvement sociétal. Si certains persistent à parler de vie chère... je n'y peux rien. C'est un véritable cahier de Doléances. Il parcourt l'ensemble des domaines de la société.


Rappelons que ces revendications sont au nombre de 146 et que le LKP a défini parmi ces 146, 19 à négocier immédiatement, puis d'autres qui demandent des réponses plus purement politiques voire institutionnelles, qui devront être débattues à long et moyen terme.


Je peux, si vous le souhaitez, vous envoyer ce cahier de revendications.

 


Mais alors… Pourquoi parle-t-on de ces foutus 200 € que le LKP demande ?

Parce que cela fait partie effectivement des revendications et comme tout le monde s'y attendait, c'est le point qui bloque les négociations. Le LKP ne démord pas. Le patronat ne démord pas. Les positions se radicalisent.


Commentaire personnel : Je trouve ça dommage qu'un si beau mouvement bloque sur un point que je considère comme étant secondaire en terme de portée sociétale sur le futur de la Guadeloupe.


N.B: Il s’agit d’une augmentation de 200 € des bas salaires.


Les Guadeloupéens sont asphyxiés et meurent de faim alors ?

Mais pas du tout !!

C'est cette question qui m'a poussé à écrire ce mail. Un ami métropolitain m'a appelé aujourd'hui pour me demander si on tenait le coup. Au début j'ai commencé à répondre que malgré la durée du conflit, la mobilisation était toujours de mise. Il me coupe :

"Non, je voulais dire… Arrivez-vous à remplir le réfrigérateur" !!

La Guadeloupe est en grève générale depuis bientôt 4 semaines. Les hypermarchés et supermarchés sont fermés. En revanche les petits commerces de proximités sont ouverts, mais les rayons des magasins sont de plus en plus vides...
 
MAIS : La Guadeloupe s'organise. L'UPG (Union des Producteurs Guadeloupéens) ainsi que les pêcheurs font partie du LKP. Les poissons ne sont pas en grève : les pêcheurs continuent à pêcher et à vendre leur poisson. Les animaux ne sont pas en grève : les éleveurs continuent à s'en occuper et à vendre leur viande. La terre n'est pas en grève: les cultivateurs continuent à travailler leurs exploitations et vendent leurs denrées. Notre réfrigérateur n’a jamais été aussi plein.


Les hypermarchés sont fermés, mais les marchés sont ouverts. Il y a mieux : des marchés populaires sont organisés devant les piquets de grève et un peu partout. Les producteurs y vendent leurs denrées aux prix auxquels ils ont l'habitude de vendre aux supermarchés. Conséquence : ils ne perdent pas leur récolte, ni leurs revenus, et le portefeuille du consommateur apprécie puisque les marges exorbitantes de la grande distribution ne sont plus là.


Nous mangeons à notre faim et -fait intéressant- nous n'avons jamais autant consommé local !!

Je n'ai pas de purée mousseline, je n'ai plus de pâtes panzani... et alors? J'ai des tubercules, des légumes, de la viande, du poisson, des fruits frais, des fruits secs, des fruits de mer... Et ça coûte moins cher que d'habitude.
En fait, je crois que je n'avais jamais mangé aussi équilibré de ma vie.
 

Si vous n'avez jamais entendu tout ça, est-ce que la presse nationale fait de la désinformation?
Je n'irai pas jusqu'à dire qu'on vous ment. Disons que parmi tout ce que les envoyés spéciaux des médias nationaux voient, ils choisissent 5%, et le choisissent d'une manière assez surprenante.


La première semaine, ils n'en parlaient pas. La deuxième semaine, ils n'ont montré que des images de touristes dont les vacances ont été gâchées par cette grève (je suis sincèrement désolé pour eux, mais c'est la vie). Ils ont montré des rayons de supermarché vides et ont semblé vouloir dire que la rupture des stocks créait le plus grand désarroi... Ils ont fustigé une grève qui - dit-on - pénaliserait de manière irrémédiable l'économie guadeloupéenne.

Puis le secrétaire d'Etat aux DOM est arrivé en Guadeloupe. Il y a carrément déplacé son cabinet et son staff. La presse ne pouvait plus se contenter des mini sujets bâclés. Ils ont commencé à en parler un peu plus. Aujourd'hui, l'information que vous recevez est de plus en plus conforme à ce qui se passe.


Les "vrais" reportages font leur apparition. France Inter a fait une longue émission dessus, j'ai pu voir un long article sur Elie Domota, porte parole du LKP dans le journal Le Monde. Libération a publié un long texte d'Ernest Pépin (écrivain guadeloupéen)... Cela commence à changer. Pourtant, je suis persuadé que ceux qui ont tout lu de ce mail ont appris beaucoup de choses.


Pour les plus courageux, j'ajoute encore quelques points importants. Je quitte la description pour rentrer dans l'analyse (mais vous pouvez vous arrêter là).
Xénophobie? Racisme ? Les slogans ?

Non, non et trois fois non !


Le slogan principal repris depuis le 20 janvier en cœur par les manifestants :
 
"La Gwadloup sé tan-nou, la Gwadloup sé pa ta yo. Yo péké fè sa yo vlé, adan péyi an-nou"
 
Traduction littérale : " La Guadeloupe est à nous, La Guadeloupe n'est pas à eux. Ils ne feront pas ce qu’ils veulent dans notre pays"


Traduction plus usuelle : "La Guadeloupe  nous appartient, elle ne leur appartient pas. Nous ne les laisserons pas faire ce qu'ils veulent dans notre pays."
 
La question qui inquiète certains : Mais qui est ce nous et ce eux?
Nous = noirs ?

Eux = blancs?

Si oui, lesquels? Les blancs en général (métropolitains) ou les "béké", descendants des maîtres d'esclaves et qui ont su conserver leur domination économique et d'influence grâce aux héritages de génération en génération depuis l'époque esclavagiste, jusqu'à présent (sans la diluer dans le reste de la population car le béké fait souvent attention à "conserver la race" (**)

 

(**) voir reportage assez édifiant de Canal + "Les derniers maîtres de la Martinique" voici un où on peut voir l’émission :

http://www.megavideo.com/?v=1Q1M01NV

Selon moi, il ne s'agit pas de ça. Moi qui vit ce mouvement de l'intérieur, moi qui reprend ce refrain avec joie depuis 4 semaines, je n'ai jamais désigné le blanc par ce "eux" et tous les gens de mon entourage sans exception sont du même avis.
Mais alors qui ?


Eux... mais bien sur, cela désigne les "profiteurs". Les responsables de la pwofitasyon. La Guadeloupe n'est pas un simple tube digestif, une sorte de terre de consommation, un simple marché où tout le monde peut venir faire ce qu'il veut, comme dans une zone de non droit. Or les "pwofitasyon" révélées par ce collectif, et que plus personne ne conteste donnent bien l'impression que c'est le cas depuis déjà trop longtemps. Avec la complicité de l'Etat, volontairement ou par négligence (je veux bien croire que c'est par négligence).

 
On en est à une situation où il a fallu qu'un collectif de 49 association déclenche une grève générale et déclenche les plus grandes manifestations de l'histoire de la Guadeloupe pour que l'Etat, enfin, joue son rôle d'arbitre et de répression des fraudes. De nombreuses voix en Guadeloupe avaient déjà dénoncé ces faits, mais de manière isolée et sans réel résultat. Aujourd'hui, la tendance semble s'inverser. C'est ce eux là que nous dénonçons depuis 4 semaines (27 jours).


 
Quant au nous, il est prometteur de quelque chose de tout à fait nouveau, qui peut être enfin dépassera les clivages de race (ou en tout cas tendra vers ça). La première personne à m'avoir envoyé un SMS pour me dire de venir en meeting est une Guadeloupéenne... blanche!
 
Pour moi, un Guadeloupéen est quelqu'un qui lie son destin au destin de la Guadeloupe. Il est souvent noir (question de chiffre), mais il est aussi blanc, indien (De nombreux indiens ont débarqué en Guadeloupe après l'abolition de l'esclavage). Il pourrait même être vert pomme que cela ne dérangerait pas les dizaines de milliers de manifestants qui chantent ce slogan.


Surtout, nous ne sommes pas prêts à échanger sous prétexte de la race, une pwofitasyon blanche contre une pwofitasyon noire. Ce Nous - Eux est moral, bien plus que racial.


Cela ne signifie pas qu'il n'y a pas de problème de racisme en Guadeloupe. Il est clair que la société est pyramidale et que plus on monte vers le sommet de la pyramide, plus les peaux sont claires. Les races n'existent pas, c'est une vérité qu'il faut répéter sans cesse... Mais le racisme existe et le poids de l'histoire esclavagiste et coloniale est palpable. Nous voila avec ce mouvement face à un formidable défi qui consiste à poser les problèmes tels qu'ils sont, pour les régler, et les dépasser. Permettez-moi d'ajouter que je suis assez optimiste sur cette question. (*)

 

 (*) Pour ceux qui le voudraient, je peux envoyer un extrait de discours du porte parole du LKP abordant ce sujet d'une manière que je trouve assez fine, de manière forte, mais sans haine.

 

Scolarité en péril ?

J'étais à Paris 6 lors de la grève contre le CPE et sur les 12 semaines prévues du semestre, on a pu faire 11 semaines  (moyennant le sacrifice des vacances scolaires). Il y a fort à parier que nous ferons la même chose. Tout le monde est prêt à voir disparaître les vacances de Pâques, Pentecôte et les jours fériés. D'ailleurs, les cours sont mis en ligne par les enseignants dans de nombreux établissements. Et RFO, la télé locale (une branche de France Télévision) va bientôt commencer à diffuser des cours faits par des enseignants sur les plateaux de télévision, afin que tout le monde puisse regarder, à chaque niveau, à chaque matière. La petitesse de l'île le permet, nous ne nous priverons pas de ce moyen !


Evolution statutaire ?

Peut-être. En tout cas, la question est posée. Le débat est ranimé. Le mouvement s'exprime sous forme de grève mais la densité du cahier de revendications montre clairement que tous les fondements de la société sont remis en question.
Parmi les meneurs du LKP, nombreux sont ceux qui sont "au moins" autonomistes. Pourtant, après 4 semaines, aucun membre (sans exception) n'a jamais prononcé les mots "évolution statutaire". C'est un débat qui déchaîne les passions et pour le bien du mouvement, il convient de rappeler que ce n'est pas le but du mouvement. Ce mouvement pose des questions et met en avant ce que veulent les Guadeloupéens.
Si les hommes politiques apportent parmi leurs réponses une question institutionnelle, elle fera de toutes les façons objet de débats, et de référendum.

 

 
Mon avis sur la question :

Les lois françaises sont conçues pour répondre à une réalité géopolitique précise. Celle d'une France au cœur de l'Europe, société post-industrielle. Elle n'ont jamais convenu ni aux colonies, ni plus tard aux DOM-TOM et COM. Si bien que pour pallier le "handicap", nous sommes toujours passés par des lois, qui mettent en avant de nombreuses spécificités. Aujourd'hui, le système d'intégration montre ses limites. Ceux qui jadis s'en accommodaient, aujourd'hui soutiennent massivement un mouvement social, qui -bien que ce ne soit pas son objectif- attire l'attention sur le fait que rien ne va bien et qu'il faut peut-être songer à changer les choses en profondeur.

 
N.B: Quelque soit ce qui arrive, l'indépendance n'est absolument pas à l'ordre du jour. Ni l'Etat, ni le LKP, ni les nombreux manifestants qui soutiennent le LKP, ni même les organisations anciennement indépendantistes des années 60, 70 et 80 ne considèrent que la question est à l'ordre du jour. Les organisations "anciennement indépendantistes" continuent à énoncer le principe moral du droit des peuples à l'autodétermination qui est un droit inaliénable inscrit dans la charte de l'ONU; mais s'accordent pour dire qu'il faut aller pas à pas, sans brûler les étapes.


Les pistes avancées sont plutôt celles d'une évolution statutaire dans le cadre de la République Française (genre article 73 et 74 de la constitution) vers plus de pouvoir décisionnel local, plus de pouvoir législatif et douanier, afin de répondre à la réalité géopolitique (nous sommes européens, mais nos îles baignent dans le bassin caraïbéen!).
 
Voila un lien vers la constitution française. Vous pourrez donc consulter les articles 73 et 74.

http://www.legifrance.gouv.fr/html/constitution/constitution2.htm#titre12
 


Voila mon constat et mon point de vue sur cette grève générale en Guadeloupe.
 
Je vous remercie d'avoir bien voulu lire un aussi gros pavé. Je rappelle que je ne suis ni politologue, ni sociologue... vous excuserez les approximations et la lourdeur du style. Je suis simple étudiant guadeloupéen, solidaire du mouvement et j'expose là, ce que je comprends de ce mouvement.


P.S: : J'ai commencé ce mail hier. Aujourd'hui, la situation a un peu évolué. La répression policière et militaire est désormais en marche.


Le mouvement a une dimension internationale. Hier, c'est le révérend Jessy Jackson en personne qui a envoyé son soutien au peuple de Guadeloupe et au LKP. Les organisations syndicales du monde entier (je n'exagère pas) rentrent en contact avec le LKP pour leur demander comment ils arrivent à mobiliser 100 000 personnes, sans un débordement (c'est le service d'ordre du LKP qui organise la sécurité générale).
La Guadeloupe vient de connaître ses 27 jours les plus calmes niveau violences domestiques. Jamais il n'y a eu si peu d'agressions et de faits divers. 0u d'accidents de voitures (pas d’essence, tout le monde roule à 70 km/h).

 
Les Guadeloupéens sont vraiment fiers de ce mouvement. Mais ce matin, la répression a commencé face à un mouvement pacifiste depuis 27 jours. Il y a eu une soixantaine d'arrestations de gens qui étaient simplement sur les barrages pacifiques. Une des têtes du LKP a été blessée. Il a subi des injures racistes venant des forces de l'ordre (toux ceux qui s'y connaissent un peu en histoire de la Guadeloupe savent que c'est monnaie courante lors des répressions de mouvements sociaux aux DOM).
Je ne fantasme pas sur le poids de l'histoire. Tout au long de la seconde moitié du 20è siècle, tous les grands mouvements sociaux ont été réprimés par les mitraillettes, lorsqu'à Paris, le gaz lacrymogène suffisait largement. C'était le cas en 1910, en 1952, en 1967, en 1975, en 1985. Chaque répression a apporté son lot de morts, même si celle de mai 1967 accapare toutes les mémoires puisque le nombre de morts a dépassé peut-être la centaine de personnes.

Evidemment, de l'eau a coulé sous les ponts. 1967 et 2009 sont différents. Mais le préfet et l'Etat jouent à un jeu dangereux. Car l'ensemble des mobilisés connaît le poids de l'histoire et la tension est à son comble et beaucoup ont déjà averti que cette fois ci, les Guadeloupéens ne mouront pas…

Le LKP a appelé au calme. Ils appellent à la mobilisation massive et pacifiste pour faire reculer la répression. L'immense majorité des interpellés aujourd'hui a été relâchée ce midi grâce (une fois de plus) à la pression populaire de la foule, massée pacifiquement devant la police et le tribunal de Pointe-à-Pitre. La tension redescend petit à petit.
Le préfet avait promis que les environ  4000 CRS débarqués en Guadeloupe dès le début du conflit étaient juste une sécurité et qu'il souhaitait de tout cœur ne pas utiliser. Depuis que les négociations sont bloquées, d'autres ont débarqué...
  
  

 

Sadi SAINTON :

Et comme on dit dans les îles : Kimbé rèd pa moli! 

http://lesanalyseurs.over-blog.org/

 

 

 

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