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  • : Le blog de Benyounès Bellagnech
  • : Analyse institutionnelle : Théorie et pratique au sein des institutions politiques, éducatives et de recherche. L'implication des individus et des groupes dans la vie politique et sociale.
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25 septembre 2018 2 25 /09 /septembre /2018 12:42

René Lourau : présentation de La somme et le reste (3)

 

 

Voici donc reparaître la question que Marx, embourbé dans les détournements que la social-démocratie allemande faisait subir à sa théorie, embarrassé par sa rivalité avec Bakounine et le courant libertaire, noyé peut-être dans son analyse interminable du Capital, a laissé en suspens, malgré le beau retour de flamme des Gloses marginales sur le Programme de Gotha. Cette question, la question de l'Etat, est peut-être l'interface la plus parfaite entre marxisme et analyse institutionnelle.

Et voici reparaître Henri Lefebvre, professeur de sociologie à Strasbourg puis à Nanterre, marquant de sa réflexion sur l'Etat de nombreux étudiants, et d'abord tous ceux qui, après 1968, allaient s'engager dans le courant d'analyse institutionnelle. D'autres, à travers ses écrits, particulièrement la somme en quatre volumes intitulée De l'Etat (UGE, coll. 10/18), allaient apporter et maintenir dans notre courant l'actualité de la question étatique en liaison avec la théorie de l'institution.

Sans une théorie critique de l'État, on peut se demander ce que serait devenue l'analyse institutionnelle: très vite, une sous-variété de la psychologie sociale, variété plus hard destinée à être rapidement intégrée par ses clients modernistes. Analyser l'institution, c'est chercher, par des moyens plus ou moins efficaces et qui peuvent changer avec le temps, à atteindre une découverte collective de la puissance étatique, fondement et légitimation de l'institué. L'« auto-production » de la société est tout entière organisée par un jeu de forces et de formes que Lefebvre a désigné comme «le mode de production étatique» (M.P.E.). Au stade du capitalisme mono-polistique (à l'ouest) ou étatiste (à l'est), dans les nations depuis longtemps unifiées comme dans celles qui aspirent encore à une reconnaissance et à un territoire, toutes les forces économiques, sociales, idéologiques, scientifiques, techniques, sont mobilisées par le M.P.E. Forme hégémonique, quasi-transcendante, l'Etat entretient avec le Capital des rapports beaucoup plus riches et complexes que du temps de Hegel ou même de Marx. Ce qui n'est pas sans rapports avec l'effondrement de l'internationalisme révolutionnaire et le triomphe de l'internationalisme de la marchandise... .

« Le mystère social est de nature fétichiste et religieuse », écrivait en 1938... non Georges Bataille, mais Henri Lefebvre[1]. Ce mystère social, que l'analyse institutionnelle cherche non à supprimer mais à rendre évident en tant que force qui se déguise, se cache, se dénie, c'est la contradiction permanente, alimentée par les hauts fourneaux de l'Etat comme agent et source ultime de la globalité. La dialectique des contradictoires se déploie au grand jour dans la mondialité. Tout camp d'analyse qui néglige ce phénomène absolument moderne et massif se condamne à ne produire que de ternes tautologies de l'existant. Le déploiement s'opère dans la vie quotidienne, avec ses « moments » dont la socianalyse apprend en quoi ils sont ou ne sont pas « critiques », c'est-à-dire socianalytiques, analyseurs des contradictions dans une situation concrète. Dans ces moments-là, « le sens de notre vie, c'est la vie telle qu'elle est », comme ne l'écrivait pas Sartre en 1936, puisque cette formule très « existentielle » est de Guterman et Lefebvre[2].

Le Négatif est là, la saleté s'en va! Il ne faudrait pas que les pages qui précèdent donnent à penser qu'il suffit d'hommes de bonne volonté pour obtenir de bons travailleurs du négatif. Les implications de toute recherche, de toute lutte, sont à analyser sans cesse, comme étant l'obstacle à vaincre, la résistance à surmonter. Le marxisme, même transmis par Henri Lefebvre, n'apporte pas un parfum d'angélisme à l'analyse institutionnelle. Ce serait plutôt une odeur de soufre.

Il n'est pour s'en convaincre que de lire ou de relire La somme et le reste, cette autobiographie écrite un peu grâce aux décisions des commissions de contrôle de deux institutions dans lesquelles le chercheur-militant avait de fortes implications : d'une part le CNRS (qui l'a suspendu un instant en 1953), d'autre part le Parti communiste français, qui le suspend en 1958.

(...)

 


[1] Henri LEFEBVRE, Le matérialisme dialectique, Paris, P.U.F., 1962. Page 79.

[2] Norbert GUTERMAN et Henri LEFEBVRE, La conscience mystifiée, Paris, Gallimard, 1936. Page 47.

 

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24 septembre 2018 1 24 /09 /septembre /2018 11:31

René Lourau : présentation de La somme et le reste (2)

 

 

Henri Lefebvre - on pressent que bien des choses commencent à pivoter autour de lui - est en ce début des années 60 en liaison avec un autre groupe, l'Internationale Situationniste. Son rituel de libération, après son départ du parti communiste, il l'accomplit peut-être davantage, et avec plus de plaisir, en compagnie de ces jeunes avant-gardistes issus du Lettrisme et désireux de produire le dépassement de l'art dans la vie quotidienne. Hegel, que Lefebvre n'a jamais renié, le jeune Marx romantique et libertaire, sont de la fête. La critique radicale du vieux monde retrouve la poésie, l'humour, la férocité du permis de démolir proclamé trente ans plus tôt par les surréalistes. La dialectique retrouve son tranchant émoussé par tant de dogmatismes. Et de nouveau le mot Révolution se déshabille lentement: sa beauté donne le frisson. Le plaisir, le non-travail, le plein emploi de l'espace et du temps, le jeu, l'imagination sont à l'ordre du jour. Ce marxisme-là, faut-il le jeter avec l'eau sale et rougie du bain stalinien? Certes pas.

Même si, comme on le voit déjà, les liens entre le marxisme et l'analyse institutionnelle ne se réduisent pas au rôle d'Henri Lefebvre dans notre courant, il n'en reste pas moins que c'est en grande partie à travers Lefebvre qu'une certaine décomposition du marxisme institutionnel et, simultanément, une reconnaissance de l'apport marxien, ont pu profondément marquer l'élaboration de l'analyse institutionnelle.

Inutile de tenter un renouvellement du thème romantique des « ruines » : le marxisme, idéologie de l'intelligentsia progressiste, spiritualisme sordide de la bureaucratie, était sans doute déjà mis à mort en plein XIXème siècle, grâce au premier disciple actif de Marx, Ferdinand Lassale. Le Négatif était bel et bien enterré. Vaincu idéologiquement au sein de la première Internationale et politiquement avec la Commune de Paris, le courant révolutionnaire libertaire lançait aisément des prévisions justes quant à l'avenir d'une doctrine qui s'identifiait aussi férocement avec sa propre institutionnalisation. Plusieurs dizaines d'années à l'avance, Bakounine, puis Makhaïsky, décrivent le totalitarisme qui ne peut manquer de surgir du marxisme institutionnel. L'effondrement, en quelques jours, en quelques heures, en 1914, de la deuxième Internationale, annonce en clair dans quelles conditions allait être créée la troisième (et allait éternellement avorter la quatrième). Si le Négatif était, dans la prophétie initiale, incarné dans l'internationalisme, le lassalisme à la manière russe était son second fossoyeur : mais, cette fois, pas seulement à l'échelle d'un pays (l'Allemagne). C'est à l'échelle mondiale que l'on assistait à une Bérésina intellectuelle : le communisme identifié à un nationalisme russe et la libération de l'homme étant confiée à l'une des pires bureaucraties qu'ait connue l'histoire.

Bien entendu, cette vision trop facilement construite a posteriori n'est pas acceptée par tous les anciens communistes. Le devenir du mouvement révolutionnaire reste pour eux attaché à la puissance des partis communistes, des partis entièrement transformés, rénovés, purgés de tout dogmatisme. Ils ne croient pas à l'extermination du Négatif par le socialisme lui-même. Après tant d'années sans horizon, ils espèrent, tel Henri Lefebvre, en des dépassements...

Tout en respectant et en comprenant ce que l'expérience accumulée dans « LE Parti» peut produire d'espoirs, de stratégies plus ou moins riches d'avenir, je ne peux m'empêcher, ici, de signaler un point «chaud» dans les relations entre l'analyse institutionnelle et le marxisme. Ce point, c'est la question de la forme « parti ». La forme « parti », comme cela a été montré par l'un d'entre nous, Antoine Savoye[1], ne peut être comprise qu'en liaison avec la périodisation du mouvement révolutionnaire. La dialectique du mouvement et de l'institution, étudiée par Alberoni[2] trouve ici un de ses terrains d'application les plus significatifs pour l'analyse institutionnelle. Le jeu des forces sociales engendrant des formes sociales qui deviennent à leur tour foyer de forces, ce jeu-là est placé sous le signe de ce que j'ai nommé, dans la théorie de l'institutionnalisation, le principe d'équivalence élargi. Pour qu'une forme finisse par être acceptée par le droit et l'idéologie dominants, il faut qu'elle entre en équivalence avec les formes déjà existantes. Or, ce qui nous intéresse ici, c'est moins cette description un peu mécanique de la genèse des formes que l'analyse des transformations opérées dans le « contenu » du mouvement, dans les forces qui se matérialisent dans telle ou telle forme. Comme le souligne Antoine Savoye, l'apparition de la forme « parti » est contemporaine de la réaction politique. La Conspiration des Egaux de Babeuf et Buonarotti se constitue non avant mais après Thermidor. Les partis socialistes se constituent après l'effondrement de la première Internationale, sur le cadavre de l'internationalisme. Lorsque, mettant la charrue avant les boeufs, ils se présenteront comme de simples « sections » de la nouvelle (deuxième, et aussi troisième) Internationale, les faits exposeront avec éclat l'absence de tout contenu réel de cet «internationalisme ». «Section », certes, mais alors au sens de mise en morceaux de la prophétie. La négation de la «prophétie initiale », dont Mühlman[3] a fait la base de sa théorie de l'institutionnalisation, est une force indispensable pour que s'organise la forme « parti » telle que nous la connaissons depuis la fin du XIXème siècle. La bureaucratisation, la fonctionnarisation, la coupure entre parti et masse (et entre parti et théorie) ne sont pas des «dégénérescences », issues d'« erreurs» ou de « mauvaises directions ». Ce sont des résultats du travail de transformation subi par le « contenu » idéologique initial. La justification ou l'excuse fournie en général — à savoir qu'il s'agit de combattre l'ennemi avec ses propres armes  — ne fait que désigner implicitement le processus de négation simple de la théorie par la pratique. Et il faut souvent attendre le moment analyseur de l'autodissolution pour voir enfin resurgir le Négatif ou négation de la négation.

 N'existe-t-il pas une alternative à l'abandon du projet socialiste par lui-même — abandon qui de la forme « parti » s'étend ensuite, lors de la prise du pouvoir, à tous les organes de la société? L'analyse institutionnelle a-t-elle une proposition constructive à opposer à ces fatalités? Un vieux « truc » de psychosociologue, un antirouille, un acide antibureaucratique ?

Contentons-nous d'indiquer rapidement que la solution, si solution il y a, ne saurait en aucun cas être cherchée dans des instrumentalisations, dans des recettes formelles. C'est le devenir historique lui-même qui peut alimenter notre imagination socio-analytique. Les organisations politiques ou syndicales, ou syndicalo-politiques, qui ne se constituent pas en machines électorales, qui ne consacrent pas leur meilleure énergie à la gestion interne, qui acceptent d'être observées de l'intérieur ou de l'extérieur, sont moins soumises à la fatalité dont il était question plus haut. La C.N.T. espagnole, à la veille de 1936, ne possédait qu'un seul permanent, son secrétaire général. La CGT italienne a décidé de licencier une bonne partie de ses 4000 permanents, l'entretien de cette armée de bureaucrates absorbant dans certaines régions jusqu'à 49 % du budget ! Surtout, bien des organisations non encore monstrueusement développées, dans l'avant-gardisme politique ou culturel, expérimentent dans l'autodissolution les bienfaits de la résistance à l'institutionnalisation.

Tout près de nous, autour de 68 en France, un peu plus tard au Portugal et en Espagne lors de la fin des dictatures, on a vu se développer des formes et des théories « apartidaires », assez rapidement absorbées par les anciens ou nouveaux partis. Il faudra tenir compte, un jour ou l'autre, de ces laboratoires sociaux. Mais surtout, il faudra opérer un renversement complet de la réflexion politologique et sociologique : les formes et théories apartidaires ne sont pas de petits accessoires dans la grande machinerie politique. Elles ne peuvent se contenter de servir de cure de rajeunissement ou d'aggiorniamento pour vieux monstres ankylosés. Elles ne sont pas davantage des forces d'appoint à une stratégie léniniste ou para-léniniste. La stratégie dont elles sont porteuses ne peut que les opposer à la stratégie des gros appareils conçus spécialement pour la prise du pouvoir d'Etat ou l'exercice du pouvoir d'Etat. La réflexion sur la forme « parti » débouche donc sur une révision stratégique, et non sur la perspective d'un peu plus de démocratie interne bu de rénovation de la « ligne » idéologique. La décomposition de plus en plus visible de la forme « parti » sinon dans la réalité politique habituelle, du moins dans l'imaginaire social de notre époque, ne peut que nous encourager dans notre analyse.

(...)

 

 


[1] Antoine SAVOYE, « Pour une analyse institutionnelle du parti », L'homme et la société, n°' 29-30, 1973.

[2] Francisco ALBERONI, Movimento e instituzione, Bologne, Il Mulino, 1981.

[3] Wilhelm E. MÛHLMANN, Messiannismes révolutionnaires du tiers-monde, Berlin, 1961, tr. fr. Gallimard, 1968.

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22 septembre 2018 6 22 /09 /septembre /2018 16:08

René Lourau : présentation de La somme et le reste (1)

 

 

Introduction

 

Pour connaître une pensée-praxis telle que l'analyse institutionnelle, le recours à ses origines et ses références s'impose.

Certes, les institutionnalistes ont écrit des ouvrages pour répondre à la fameuse question : Qu'est-ce que l'analyse institutionnelle ?

Toutefois, les articles publiés ou non dans des revues, des journaux ou des brochures ne sont pas encore répertoriés, un travail reste à accomplir.

La présentation ci-dessous de René Lourau de l’ouvrage « La somme et le reste » d’Henri Lefebvre, fait partie de ces articles publiés ou non, qui ne sont pas répertoriés en tant que références de l'analyse institutionnelle.

Dans cette présentation, René Lourau expose les différents courants intellectuels,  politiques et artistiques qui ont influencé la genèse de l'analyse institutionnelle.

 

Benyounès Bellagnech

 

 

Présentation

Lefebvre, «parrain» de la Maffia « Analyse institutionnelle»

 

L'analyse institutionnelle, à ses débuts, est en interférence avec des variétés de marxisme non-institutionnel.

Il y a interférence active avec le courant - « gauchiste »-, post-trotskiste, autogestionnaire, de Socialisme ou Barbarie au début des années 60 et jusqu'à l'autodissolution de «S ou B» en 1967.

Le « révisionnisme » du groupe Arguments et de sa revue plane sur l'apparition de l'analyse institutionnelle, y compris l'autodissolution du groupe et de la revue en 1962. Kostas Axelos publiera dans sa collection des éditions de Minuit, « Arguments », la thèse d'Etat de Lapassade - L'entrée dans la vie - puis la mienne - L'analyse institutionnelle.

Moins « organique » et passant par Henri Lefebvre surtout, le lien entre la naissance de l'analyse institutionnelle et l'Internationale situationniste est important, dans les années qui précèdent 68 et jusqu'à l'autodissolution de l'I.S. en 1971 (le groupe surréaliste, groupe de référence non négligeable, s'autodissout en 1969).

Quant au marxisme critique de Lefebvre (recoupant partiellement l'itinéraire de l'I.S. et celui d'Arguments, sans parler d'anciennes interférences avec le surréalisme...), il imprègne, surtout à partir de la période nanterroise, l'essentiel de nos recherches.

Comment l'analyse institutionnelle a-t-elle pu absorber, digérer des courants aussi divers, divergents, rivaux? Socialisme ou Barbarie a polémiqué contre les « modernistes » d'Arguments, les Situationnistes ont rejeté Henri Lefebvre dans les « poubelles de l'histoire ». Quoi de commun entre Castoriadis, Edgar Morin, Guy Debord, Henri Lefebvre?

Le lecteur déboussolé peut éventuellement se raccrocher à ce petit fait: les courants et groupes cités sont, à l'époque où se produisent les interférences avec l'analyse institutionnelle, sur la voie de l'autodissolution. Processus hautement socianalytique, comme j'ai essayé de le montrer ailleurs[1]

L'autodissolution, concept sociologique trop négligé, peut-être parce que trop dialectique, n'est pas un exercice mondain pour avant-gardes esthétiques en mal de publicité. Dans le cours des années 60, elle signale et réactive de grands bouleversements idéologiques. Ces bouleversements ne touchent pas que les groupuscules. Ils atteignent aussi les gros appareils. Des forces jeunes, critiques, instituantes, se détachent alors des églises catholique et protestante, ainsi que du parti communiste français. Quelques variétés nouvelles de trotskisme et de maoïsme pourront ainsi brouiller le jeu politique institué avant et après 1968, préparant le chemin à des avant-gardes quotidiennistes, apartidaires, comme les écologistes, les féministes, etc.

Ce sont donc des courants marxistes en mouvement, en voie de dépassement, qui exercent un frottement sur la constitution de l'analyse institutionnelle. Même du côté du PCF, le revival scientiste des Althussériens donne à cette époque une impression de furieuse agitation. Mais comment, en effet, l'analyse institutionnelle parvient-elle à absorber, à digérer des turbulences marxistes aussi diverses? C'est ce qu'il faut essayer de préciser.

L'apport de Socialisme ou Barbarie (S ou B), surtout à l'époque où nous avions constitué le Groupe de Pédagogie Institutionnelle (G.P.I., 1964-1967), se situe principalement sur deux plans.

D'une part, la théorie de l'autogestion comme praxis du socialisme (thème qui commençait à titiller même des marxistes fraîchement sortis du stalinisme), mais aussi et d'abord comme stratégie de lutte contre le capitalisme moderniste empêtré dans ses contradictions entre le despotisme de fabrique (Marx) et la nouvelle politique des relations humaines dans l'entreprise. Les références aux Conseils ouvriers, aux expériences lointaines (Espagne, 1936) ou récentes, voire contemporaines (Yougoslavie, Algérie) étaient pour les pédagogues praticiens du G.P.I. une armature idéologique indispensable, aussi forte, dans un registre bien différent, que l'armature néo-freudienne, lacanienne, de nos voisins liés directement à la psychothérapie institutionnelle (Fernand Oury, Guattari, etc.).

Aussi n'est-ce pas par hasard qu'en 1965 et dans les années suivantes, alors que S ou B agonise puis a disparu, certains d'entre nous se retrouvent dans l'expérience de la revue Autogestion (plus tard Autogestion et socialisme, puis Autogestions...), lancée aux éditions Anthropos par Serge Jonas, Jean Pronteau, Georges Gurvitch (qui meurt bientôt), Henri Lefebvre, Jean Duvignaud, Michel Raptis, Yvon Bourdet (ex S ou B), etc. Issue de la pédagogie libertaire, de la non-directivité rogérienne, des dissidences du mouvement Freinet, la pédagogie institutionnelle allait trouver, derrière Georges Lapassade, un solide ancrage politique dans le projet autogestionnaire dont S ou B avait été porteur.

L'autre apport du groupe réuni alors sous la houlette de Cornelius Castoriadis est apparemment plus théorique, mais ne va pas manquer de marquer nos expériences de terrain, à savoir la mise au point de l'intervention socianalytique. Cet apport est celui d'une théorie de l'institution, vue comme instance dynamique (dynamique qui doit beaucoup à Sartre), par le jeu de l'instituant et de l'institué. Dans ses recherches de cette période, Castoriadis met également l'accent sur le rôle de l'imaginaire social. Tous apports fort utiles pour désencrasser la vieille machinerie conceptuelle héritée de l'Ecole française de sociologie, et rejoignant les théorisations de Hegel ou de Hauriou, tout en baignant dans un arrière-fond de critique radicale rempli des cris de révolte de Rimbaud, Lautréamont, des dadaïstes, des surréalistes (et des situationnistes).

En l'absence quasi totale d'une théorie de l'institution dans la sociologie marxiste, il n'est pas étrange qu'en 1969, je consacre dans ma thèse une bonne partie du chapitre intitulé « Marxisme et institutions » à ce que je nommais « la critique institutionnaliste de Cardan » (Cardan étant le dernier des pseudonymes utilisés par Castoriadis dans son époque S ou B). Avec le groupe et la revue Arguments, disparus dès 1962, les rapports ont été plus indirects, sauf en ce qui concerne Lapassade, lequel collabore à plusieurs numéros et oriente fortement les deux numéros ultimes, consacrés à « la question politique ». Plus intellectuel, moins militant que S ou B, Arguments fournit à des anciens membres du P.C.F. (et à quelques jeunes modernistes venus d'ailleurs) l'occasion d'opérer « la grande révision », la grande lessive du marxisme stalinisé, institutionnalisé. Les premiers militants de l'analyse institutionnelle, n'ayant pas de passé stalinien, sont moins concernés par l'opération de lessivage que par le spectacle de l'institution marxiste mise à nu par les principaux intellectuels marxistes eux-mêmes. Tout en découvrant ou en redécouvrant Nietzsche, Lukács, Heidegger, etc., les argumentistes, du moins certains d'entre eux, comme Gabel et Lefebvre, n'en oublient pas pour autant que derrière les tâches de sang intellectuelles ou physiques du « marxisme » institutionnalisé par la dictature russe, continue d'exister une pensée marxienne, joyeuse et libre, celle que le néo-marxisme institutionnel d'Althusser tente au même moment d'étouffer sous prétexte de non-scientificité. Mais, au fait, si Axelos, Morin, Duvignaud, Barthes et quelques autres ont été des « argumentistes » (exécrés par S ou B et surtout par l’I.S.), peut-on dire qu'un marxien comme Henri Lefebvre l'ait été vraiment?

(....)

 

[1] René LOURAU, Autodissolution des avant-gardes, Paris, Galilée, 1980.

 

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16 février 2010 2 16 /02 /février /2010 09:20

En direct du Violas, jeudi 11 janvier 2001, 18 h 30

 


Présents à la cérémonie d’hommage à René Lourau, organisé par J.F. Marchat au restaurant Violas le 11 janvier 2001 : Remi Hess, Ourega K., Exode Daplex, Mostafa Bellagnech, Bernard Jabin, Régine Angel, Bernard Lathuillère, Anne-Laure Eme, Tani Dupeyron, Petit Roland, Christine Delory-Momberger, Jean-François Marchat, Alain Grassaud, Dominique Samson.

 


On a décidé de lire un passage de René que nous aimons particulièrement:


B. Jabin commence par la préface de R. Lourau au 4° livre de Raymond Fonvieille. Je lis le passage de la préface de René à Pyrénées sur la méthode régressive progressive. Jean-François Marchat parle d’Intervention institutionnelle. Il lit les pages 215-216. Ourega souligne qu’en occitan, le nom de R. Lourau signifie «tambour de ville». Exode explique qu’il est étudiant en sciences de l’éducation. Il raconte l’histoire où il était à Rambouillet. Il avait envie de pisser. Il demande à Lourau:

-Puis-je aller aux toilettes?

-Pour faire pipi ou caca?, demande Lourau. Si c’est pour faire pipi tu vas dans le jardin. Si c’est pour faire caca tu rentres dans la maison.

J’avais envie de faire pipi, je vais dans le jardin. Je pisse dans les orties et là René commente :

-Tu sais Exode, l’endroit où tu as pissé, un enfant est sorti de là.

 


Infirmier psychiatrique (dans le 13e, rue Watt), Bernard Lathuillière rappelle le lien entre René Lourau et Janusz Korzcak: « Nous étions confrontés au fait qu’il n’y ait aucun rapport entre notre association et la recherche universitaire. Janis Merkédes et Ahmed Lamihi sont venus me voir. À partir de cette occasion, j’ai fait une démarche universitaire. Petite association qui se cherchait et l’université. Comment René Lourau a-t-il trouvé sa place par rapport au mouvement, à l’association Korzcaz? Difficilement et chaleureusement. Au niveau de son implication, publication de textes réguliers mais pesés. Implication institutionnelle forte. Il a accepté la présidence en 1996. À une époque où l’on se refondait. Lourau aimait cette citation de Korzcak: «Le plus important, me semble-t-il, pour un pédagogue, est d’apprécier les faits sans illusion et d’être capable dans tous les cas de tout excuser sans réticences. Tout comprendre, tout excuser»… (proposé par B. Jabin).

 


«Le poète est un être qui connaît aussi bien l’enchantement que les plus grandes souffrances; il s’emporte et se passionne facilement, ressent très fortement les émotions et les malheurs d’autrui. Les enfants sont comme lui. Le philosophe est un être qui aime réfléchir et qui veut absolument connaître la vérité sur toutes choses. Et là encore, les enfants sont comme lui. Il est difficile aux enfants de dire ce qu’ils ressentent et ce qu’ils pensent car il leur faut s’exprimer avec des mots; et écrire est encore plus difficile. Mais les enfants sont des poètes et des philosophes».

 


Roland Petit cite Implication et transduction (p.4, 5, 21, 58). Christine Delory parle de l’histoire de vie de René que l’on a rencontré. Dominique Samson évoque le Rameau de Salzbourg. C’est l’amour qui fait bouger les étoiles et le monde. Le journal de recherche, 9 mai 1987, p.238.

 


Anne-Laure Eme n’a rien apporté. Reflet que j’ai eu avec René. Pas de relation d’enseignant à chercheur. Il a pourtant été directeur de mon DEA. Journal de recherche 217-18.

 


Alain Grassaud. Il doit proposer son journal de recherche à René.

 

 

Bernard Jabin me rapporte un propos de René un jour de 1997 ou 1998, où j’étais passé à Rambouillet, avec Romain. Plateau de fruit de mer. On décide d’un texte pour Pratiques de formation. René dit à Bernard : «Deux choses que j’apprécie chez Remi : son sens de l’organisation pour la bouffe et sa rapidité pour écrire simple». C’était après une discussion sur Anatole France. Après le plateau de fruits de mer, j’avais écrit mon texte.

 


M. Bellagnech lit la postface de Pierrot Lourau. Il souligne qu’en langue béarnaise: Lourau, c’est le tambour de ville. J’ai écouté Remi Hess qui parlait de Henri Lefebvre. Méthode régressive progressive. Les Guaoua. La transe. Partir du présent, repartir vers le passé pour revenir au présent : cette démarche me parle. Lourau : un tambour mondial sans frontière? Comment se fait-il que Barthes ait été en Tunisie, Althabe au Congo, Bourdieu en Algérie, et que Lourau soit resté en France? Le partage du monde (1976). Transduction. Partir de la vie. Le tambour béarnais. Günter Grass.

 


Exode. Le tambour. Lourau. Il était tambour de ville. Il avait un message à transmettre. Je comprends bien aujourd’hui le message que nous avons reçu de René. Ma pensée va au-delà de sa pensée. Mon message va au-delà de son message.

 


Régine Angel. Avec Dominique, on a travaillé sur la question de l’écriture. Elle lit La clé des champs, p. 40, 55.

 


Christine. Débat sur Cohn-Bendit et Lourau à Frankfurt. Ta date sera la mienne. On l’a emmené à Marburg. Transi d’excitation d’être là. Lecture : La clé des champs, p. 52.

 


Remi Hess

http://lesanalyseurs.over-blog.org

 

 

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15 février 2010 1 15 /02 /février /2010 09:04

Championnet, mercredi 10 janvier 2001


Nous sommes arrivés à l’heure pour le mini-tennis. Ce matin, levé très tôt pour terminer mon texte sur Le sens de l’histoire, je rentre dans mon bureau avec mon café à la main sans allumer la lumière. Et je renverse mon café sur le clavier de l’Imac qui, du coup, ne fonctionne plus.


J’étais bien parti pourtant hier soir dans la relecture de ce texte, que j’ai suspendu à 18 h 45, pour aller 110, rue de Grenelle. Le moment mondain a succédé au moment d’écriture sans transition. Je n’ai pas eu le temps de me changer, ce qui me donnait un look «différent» des recteurs, inspecteurs généraux invités au Ministère. Mais j’étais là pour les Verts, et c’est normal d’être différent, quand on représente les écolos! Beaucoup de gens, dont un certain nombre de connaissances. J’ai pu échanger quelques mots avec Jack Lang qui était heureux d’apprendre qu’un étudiant de Reims (il y enseignait quand je faisais ma licence de droit) était devenu prof de fac. Mais c’est surtout avec Jean-Luc Mélenchon, secrétaire d’Etat à l’Enseignement professionnel, que j’ai pu parler de notre commission éducation. Il m’a dit que si nous l’invitions, il serait prêt à participer à l’une de nos réunions.


Échanges avec Renaud Fabre qui voudrait que je passe le voir à la présidence de Paris VIII. Avec lui, j’ai évoqué le centenaire de Lefebvre. Il a lu Logique formelle et logique dialectique (2e édition chez Anthropos). Il trouve bonne l’idée de le rééditer. J’ai également rencontré Noëlle Châtelet qui fut l’épouse de François, le philosophe, de 1964 à 1985. Elle est l’auteur de onze romans chez Stock, Gallimard. J’ai salué Francine Demichel. J’ai discuté avec Denis Huisman qui m’a proposé d’écrire un chapitre sur «Le marxisme français en philosophie», pour un ouvrage collectif qu’il coordonne chez Plon sur L’histoire de la philosophie française. Il m’a raconté tous les potins entourant l’aventure du Dictionnaire des philosophes. On a parlé des effets du livre de Jean-François Raguet sur les PUF. J’ai retrouvé quelques amis ayant des fonctions au ministère, dont Thierry Talon (qui fut chargé de cours à Paris VIII à la grande époque de Georges Lapassade). On a parlé de H. Lefebvre. Il a suivi ses cours à l’école pratique en 1968-1969! Je n’ai pas pu voir E. Morin qui était là. Bref, trois heures de contacts riches et cinq ou six coupes d’un excellent champagne. Le buffet était magnifique.


Dans le courrier classé hier, une lettre de Danielle Guiller me demandant une «commande éditoriale». Lui ai-je passé cette commande? Cette lettre, non datée, doit être de juin 1998. Est-ce le dernier contact que j’ai eu avec elle?


Il y a deux moments dans l’écriture d’un livre: celui où l’on façonne les briques, celui où l’on construit l’œuvre. La deuxième phase est celle où les choses s’agencent. On est obligé d’écrire des transitions. La logique du plan apparaît alors progressivement et conduit à refaire des morceaux nécessaires pour l’harmonie de l’ensemble. La relecture est longue. Elle doit être multiple et plurielle. A ce moment-là, on introduit des notes, des renvois qui valorisent le texte. Il faut savoir finir. Dans le journal, la construction est une ligne de production de brique. On escamote la seconde phase du travail.


Remi Hess

http://lesanalyseurs.over-blog.org

 

 

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14 février 2010 7 14 /02 /février /2010 11:01

Mardi 9 janvier 2001, 16 h


Je me sens, comme au pied du mur. Ce matin, alors que je rangeais mes papiers avec Véronique, ce rangement me permettant de remettre la main sur des documents ayant une certaine importance par rapport à mon projet de livre sur René, je reçois un pli apporté par coursier : les épreuves de mes préfaces de Du rural à l'urbain et de Centre et périphérie. Il me fallait mettre au propre ma bibliographie pour Centre et périphérie, avant d'aller reporter le tout chez Anthropos. Je me suis mis à la correction d'épreuves immédiatement. J'ai aussi découvert la belle bibliographie faite des ouvrages d'Henri. C'est impressionnant. J'ai rajouté la nouvelle édition de Pyrénées.


Véronique introduit maintenant quelques titres dans la bibliographie d'AI. Notamment les derniers titres édités par Matrice, que Jacques Pain a eu la gentillesse de me donner.


Je sens que je ne puis plus reculer. Il me faut faire mon livre. Quand le commencer? Faut-il partir du 11 janvier 2001 ou du 11 janvier 2000? Je veux tenter de déployer pour ce livre la méthode régressive progressive... Ce qui est sûr, c'est que je vais me mettre à ce livre jeudi, anniversaire de la mort de René.


Je suis invité ce soir à la cérémonie des vœux du ministère de l'Education. J'aurai eu envie d'écrire, mais je ne veux pas manquer l'occasion de rencontrer Jack Lang et Jean-Luc Mélenchon...


Remi Hess

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13 février 2010 6 13 /02 /février /2010 09:58

Vendredi 5 janvier 2001


Toute la journée, je travaille sur Le sens de l’histoire, tout en rangeant la maison avec Véronique, en recevant Shohreh Bozorgui, qui m’apporte la dernière version de sa thèse et que je relis avec elle.


Je relis Ame et compétences, de Gérard Chalut-Natal (thésard de R. Lourau) et Philippe Nowicki (Coriance éditeur, 2000). Je relis la lettre de Gérard du 18 septembre 2000, où il me disait vouloir reprendre contact pour trouver auprès de moi l’aide qu’il ne peut plus recevoir de René. Excellent ouvrage qu’il me faut commenter.


Je reçois le contrat de Loris Talmart, accompagné d’un chèque d’avance. Ce livre sur Lourau va vraiment se faire. Il s’intitulera: La mort d’un maître, René Lourau et la fondation de l’analyse institutionnelle.


Je téléphone à Pierre Lourau. Il s’est procuré Pyrénées qu’il m’envoie demain matin en colissimo. Il m’invite à descendre chez lui, pour parler. Il se réjouit que ce livre sur René paraisse. Il m’a demandé pourquoi je n’avais pas encore édité les inédits de René.


 

Samedi 6 et Dimanche 7 janvier 2001


Je passe tout le week-end à écrire mon «retour» sur Le sens de l’histoire. J’ai déjà fait 42 pages


 

Lundi 8 janvier 2001, 14 h


Je range mes dossiers de thèses. Je retrouve cette information. Ce fut la dernière thèse de René Lourau :

«10 décembre 1999, Paris 8, Benigno Merino : Education populaire et autodétermination politique des peuples indigènes en Equateur. Analyse d’un processus d’institutionnalisation (jury : Guy Berger, directeur, Jacques Guigou, Remi Hess, président, Michel Seguier, René Lourau, Edgar Morin, rapporteur)»

 

23 h 30


Je viens de terminer la lecture de la seconde édition de Pyrénées, trouvée ce soir, vers 19 h, en rentrant d’une négociation d’intervention d’analyse institutionnelle à Créteil. J’avais beaucoup aimé la première édition. Mais je trouve celle-ci encore plus émouvante avec une préface de René, parue en février 2000 où il y a un paragraphe génial sur Du rural à l’urbain… Il faudrait publier en ouvrage autonome les préfaces de René aux livres d’Henri.


La postpréface de Pierre Lourau donne un certain nombre d’informations erronées (lieu de la soutenance de thèse, directeur de thèse, disparition d’une thèse déjà écrite sur le surréalisme…) qui me font prendre avec précaution des anecdotes attrayantes, que le biographe a envie de s’approprier! Mais il dit quelque chose de lui qui est émouvant. Georges Lapassade, qui a appelé ce soir, s’est aussi étonné que Pierre consacre la postface à son frère plutôt qu’à Lefebvre. C’est tout de même une chance d’avoir ce témoignage de ce que la famille de René a retenu de lui. Mon frère parlera-t-il ainsi de moi? Et mes filles? Et mon fils?


Sur l’intervention de Créteil, il faut que je trouve quelqu’un pour me seconder, peut-être un jeune que j’initierai! Il y a huit jours de travail programmé!


Remi Hess

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12 février 2010 5 12 /02 /février /2010 09:32

Jeudi 4 janvier 2001


Hier soir, j’ai trouvé le message suivant, envoyé par Jean-François Marchat:


«René Lourau a pris la clé des champs, quelque part entre Rambouillet et Paris 8, le 11 janvier 2000. Un an après, le jeudi 11 janvier 2001, qui ont été enrichis de sa présence se retrouveront au Restaurant VIOLAS, 38/44 av. de Stalingrad à Saint-Denis, à partir de 18h30. Chacun est invité à apporter l'extrait d'une oeuvre de René ou encore d'un texte qu'il aimait à citer, une musique, un dessin, une photo autrefois partagés avec lui. Merci de prévenir les amis de René qui ne figurent pas sur la liste des destinataires de ce message : tous sont attendus. Merci d'annoncer votre participation en réponse à ce courriel et, si vous ne pouvez vous joindre à cette réunion, d'envoyer le document que vous auriez apporté : ce sera aussi une façon d'être ensemble. A bientôt».


J’y ai répondu immédiatement, pour dire que je serai là.


Ce message était adressé à :


Anne Laure Eme, Bernard Elman, Bruno Robert, Bernard Charlot, Debora Sada, Dominique Hocquard, Dominique Madelin, Yves Etienne, Gabriela, Françoise Cros, Gilles Monceau, Isabel, Marcelo Carrillo, Marie-France Adenier, Martine Juig, Perry Leopard, Tani Dupeyron, L Catini, Bernard Jabin, Bernard Lathuillere, Bellegarde, René Barbier, Patrick Boumard, Murielle Brunet, Jacek Rzewuski Marcia Alvarez, Marie-Laure Monnet, Jacques Ardoino, Lucette Colin, Alain Coulon, Dany Dufour, Dan Bechmann, Remi Hess, Patrice Ville, Ahmed Lamihi, Antoine Savoye, Michel-Patrick de Miras, Patricia Alonso, Hammoudi Fatiha, Monique Largeron, Isabelle Nicolas, aladiny, Alain Grassaud, Anne Perraut Soliveres, Christine Delory, Roland Petit, Jacques Guigou, Rozenn Penau, Lucienne, Gregorio Kaminsky, Cristian Varela, Solange Labbat, Laurent Aupied, Rose-Marie Bouvet, Dominique Chatelain, Gwenaël Couic, Gérard Gautier, Christiane Gilon, Laurent Mazeau, Benigno Merino, Pablo TROIANOWSKI, Jacqueline Feldman, Jean-Luc Faure, Patrick Pierron, Annie Benveniste, Jean-Louis Legrand, Danielle Lemeunier, Saed Paivandi, Geneviève Vermes, Christian Verrier, Nicole Meyer, Florence Desprairies, Guy Berger, Georges Lapassade, Ridha Ennafa. Ce message était daté du 3 jan 2001, à 12 h 42.


Depuis la nuit du 1er au 2, je travaille sur ma conclusion du Sens de l’histoire.


Ce matin, j’ai laissé un message à Pierre Lourau pour lui demander de me procurer la réédition de Pyrénées, avec sa postface et la préface de R. Lourau.


Un message de Francfort de Christine qui a lu la première ébauche de mon texte. Elle le trouve «très fort». Je suis donc sur la bonne voie. Il faut que je poursuive.


Hier, j’ai relu mon livre sur Lefebvre. Il est bon. J’ai fait un courrier à Anne-Marie Métailié, pour lui en proposer un abrégé pour sa collection de poche.


J’ai lu également Pour une sociologie des intellectuels révolutionnaires (PUF, 1976) de Michael Lowy. C’est un livre daté, mais passionnant sur Lukacs. Il y a pas mal de choses sur Max Weber et la pensée allemande du début du XX° siècle. R.Lourau en cite une édition de 1978 dans Le lapsus des intellectuels (bibliographie). Mais il ne semble pas l’utiliser énormément. Ce livre de Lowy ne mentionne que deux fois le nom de H. Lefebvre, ignorant la rencontre de Lefebvre avec Lukacs. Le Lapsus était dédié par René à Henri Lefebvre, Georges Lapassade, ses parents et Françoise. Au téléphone, Armand me dit qu’il connaît Lowy.


Remi Hess

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11 février 2010 4 11 /02 /février /2010 09:21

Dimanche 31 décembre 2000, 15 h


Georges Lapassade vient d’appeler. Il est rentré des Pyrénées. Je dois aller le chercher à 19h 30 pour venir retrouver R. Barbier, Christine Delory… et une dizaine d’autres convives, dont G. Gromer et les Anding.


Je travaille depuis deux jours sur la préface de Du rural à l’urbain. J’en suis à 13 pages. Mais je veux aller jusqu’à 20. Cela me demande plus de travail que je ne l’imaginais. Je veux vérifier toutes mes sources. Je suis amené à relire mon livre sur Lefebvre. Lourau, Savoye m’avaient aidé pour ce livre.


En me replongeant dans La somme et le reste, j’ai relu avec plaisir la présentation de la troisième édition. Brillante et éclairante sur le rapport de René à Henri. La collection AI que j’ai développée avec Antoine était vraiment une réussite, il y a dix ans. Dommage que je sois parti à Reims. Cet exode est sans aucun doute à l’origine de ma marginalisation dans l’équipe parisienne… Il en est de même pour René Lourau, lorsqu’il est parti à Poitiers. Il perd sa place à Autogestion. C’est sensible à la relecture du numéro bilan, où il n’est même plus présent (1978).


Il faut que je sois honnête avec Antoine. Il a fait une vraie recherche. La question qui reste ouverte:pourquoi s’embourbe-t-il dans l’école le playsienne? Pour Lefebvre, c’est vraiment réac et non scientifique (1er chapitre de Du rural à l’urbain).

 

Lundi 1er janvier 2001


J’ai reconduit Georges Lapassade chez lui vers 4 h 30. La soirée a été riche. On a parlé de mon projet de livre sur Lourau.

Il faut être rigoureux, a dit Georges. Il faut tout dire.

Je lui ai demandé de me donner son texte sur la secte.

Tu l’as déjà mille fois

Je voudrais la disquette pour travailler plus vite…

 

Mardi 2 janvier 2001


Christine m’a dit hier, vers 3 h, que Georges était intrigué par notre chantier Le sens de l’histoire. Elle a l’impression que Georges serait mûr pour faire cette expérience. «Il faudrait que nous le fassions ensemble», a-t-elle dit… Ce serait bien, effectivement. Mais quel chantier!

 

Mercredi 3 janvier 2001,


Travail avec Madame Bensouiki, de Constantine, sur sa thèse. Je continue à écrire Le sens de l’histoire.


Remi Hess

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10 février 2010 3 10 /02 /février /2010 10:02

Vendredi 29 décembre 2000, Sainte Gemme, 13 h


Je viens de terminer Le manifeste différentialiste. De très beaux passages. Ce qui est dit de la religion catholique est proche de ce qui deviendra Éloge du péché.


Dans le livre d’or de Sainte Gemme, je viens de relire les pages concernant le 10 juin 1995, où s’étaient retrouvés Antoine Savoye, Patrice Ville, René Lourau Dominique Hocquard, Yves Etienne, Gilles Monceau et moi-même. René avait écrit ce jour-là: «Actualiser le potentiel, en sachant que l’actuel se potentialise, bref: l’avenir existe, je l’ai rencontré à Sainte Gemme». Patrice :«Une journée d’exploration des possibles à la lueur des éclairs du passé dans une maison propice, et un excellent accueil du maître de céans». Je n’ai pas le temps de noter les autres commentaires. Gaucho est rentré du jardin et nous allons reprendre la route de Paris.


J’ai chargé deux gros cartons de livres: les numéros de revues (1966 à 1980) où ont écrit Lapassade, Lourau, Lefebvre.

 

Samedi 30 décembre 2000, 9 h


Qui m’a dit:«Danielle Guiller est très intelligente, la personne la plus intelligente de l’AI…»? J’ai entendu cette affirmation (d’une oreille) à la fac de Saint Denis, et je ne parviens plus à remettre cette information, ce jugement, dans son contexte… Hier, en arrivant de Saint Gemme, j’ai trouvé un mail de Gaby commentant ce journal. Il faut que je le cite:


«Lieber Remi,


gestern Nachmittag habe ich deine beiden Tagebücher gelesen und seitdem viel darüber nachgedacht. Ich konnte am Abend gar nicht einschlafen, weil ich Dich einerseits bewundere, wieviel Energie und gute Gedanken Du hast, andererseits sehe ich aber auch, dass Du viel zuviel arbeitest und auch zuviel auf einmal erreichen willst.


Die Bücher von Schopenhauer, Arndt, Pestalozzi ... haben sicher viele deutsche Erziehungswissenschaftler nicht gelesen. Auch ich kenne nicht alle. Deine Bibliothek ist enorm! Aber die Ideen in den Büchern sind so verschieden, dass ich es wichtig fände, darüber zu sprechen. Zum Beispiel ist allein Peter Petersens Jena-Plan in Deutschland sehr umstritten. Er ist zwar bis heute sehr erfolgreich, aber nur wenige wissen, dass Petersen seinen Plan an die wechselnden politischen Regime angepasst hat. Zuerst an die Demokratie in der Weimarer Republik, dann an das Nazi-Regime und nach 1948 an den Sozialismus in der DDR... Dazu gibt es mittlerweile sehr gute Literatur. ... Ich denke, am besten wäre ein gutes Buch-Projekt. Ich habe Französisch auch dadurch gelernt, dass ich alle Literatur zur institutionellen Analyse gelesen habe. Das hätte ich nie gemacht, wenn ich nicht das Buch hätte schreiben wollen. ... Vielleicht schaffen wir es doch noch, z. B. über die unterschiedliche Entwicklung der deutschen und französischen Pädagogik zusammen ein Buch zu schreiben. Ich beeile mich mit meiner Habilitation, danach habe ich mehr Zeit...


Auch Deine Aufzeichnungen zur institutionellen Analyse sind sehr interessant. Ich finde es ganz spannend und wichtig, dass Du darüber mit Georges Lapassade diskutierst und ihm Deine Texte zum Lesen gibst. Du hast Recht, er hat eine gute Gabe zu strukturieren. Deine Idee, die Theorie der AI aufzuarbeiten und z. B. die Verbindungen von Lefebvre und Lourau herzustellen, finde ich sehr gut. Da kennst du dich so gut aus und dieses Buch kann niemand besser schreiben als Du! Auch die Bedeutung von Georges sollte nicht vergessen werden. Mir ist z. B. auch nach unserem Gespräch mit Georges in Glienecke immer noch unklar, weshalb er René Lourau als einzigen Vertreter der AI sieht. Weshalb sollte das spätere Werk von Georges nichts mehr mit der AI zu tun haben? ...


Was den Mühlmann-Text betrifft, hoffe ich, dass DU keine Schwierigkeiten hast. Meinst Du, dass die doppelte Veröffentlichung für mich unangenehm sein kann? Ich habe den Text aus zwei Gründen nicht verändert, sondern nur übersetzt: Zum einen hatte ich den Eindruck, dass Christoph einen Text von Dir wollte. Und der zweite Grund ist, dass ich mich mit dem Inhalt des Textes wirklich nicht so gut auskannte. Du hast es ganz richtig in Deinem Tagebuch geschrieben, dass jeder Insider sofort merkt, dass der Text von Dir sein muss und nicht von mir sein kann.


Hoffentlich regeln sich die Dinge mit Mayotte. Die Studenten werden schon für Euch kämpfen...

Lieber Remi, ich wünsche Dir weniger 'dissociation'. Überlege, was Du alles geschaffen hast und schaffst und sei stolz auf Dich!!

Bis bald und herzliche Grüße

Gaby ».


Pour mon livre sur Lourau, Gaby pense que développer une partie sur les relations entre Lefebvre et René Lourau sera important. Elle me dit même que personne ne peut faire cela mieux que moi. Gaby est vraiment quelqu’un qui m’encourage.


Je crois qu’il faut ouvrir un nouveau journal sur Henri Lefebvre. Il faut maintenant dissocier mes études louraldiennes de mes études lefebvriennes.


Remi Hess

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