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  • : Le blog de Benyounès Bellagnech
  • : Analyse institutionnelle : Théorie et pratique au sein des institutions politiques, éducatives et de recherche. L'implication des individus et des groupes dans la vie politique et sociale.
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23 mars 2012 5 23 /03 /mars /2012 09:58

III) L'approche anthropologique de l’analyse institutionnelle

 

Les socianalystes ne situent pas le point de départ pour un changement, en priorité, au niveau de la société globale, mais plutôt au niveau du micro­social, c'est-à-dire au niveau des groupes et des individus. Sans poser explicitement la question anthropologique (1), l'analyse institutionnelle s'enracine dans l'idée que l'essence de l'homme est d'être capable de se prendre en charge, d'être sujet de sa vie et de son histoire. En même temps, l'analyse institutionnelle vise une réalisation de cette essence de l'homme, en prônant une autogestion non seulement au niveau du projet individuel ou inter-individuel (modèle psychosociologique), mais aussi au niveau social -qu'il soit micro ou macro - (niveau politique).

 

En posant de tels principes, elle n'a pas l'illusion qu'elle va susciter une utopie ou une harmonie, à la manière d'un Rousseau ou d'un Fourier... L'idée de supprimer les tensions entre la volonté individuelle ou la "volonté de tous" et la "volonté générale" ne fait pas partie de son projet.

 

Au contraire, elle voit le fondement du social dans cette tension entre l'individu et les institutions, entre l'aliénation et l'autogestion, entre la réification et la liberté, c'est-à-dire la dialectique entre l'instituant et l'institué engendrant une multitude de contradictions. En voyant ces contradictions, l'analyse institutionnelle confie à l'homme une autonomie vis-à-vis des structures sociales (groupes, organisations, institutions...), et de l'État. Et en plus, elle croit en sa capacité et sa possibilité de lutter contre le danger permanent de l'aliénation et de la réification.

 

La réalisation de ce projet prend forme dans la posture que peut choisir l'homme de ne pas accepter le système institutionnel tel qu'il est, et qui traverse sa vie, mais d'objectiver ce système en l'analysant, en le décrivant, en le critiquant et en faisant des efforts pour intervenir pour le changer. Cela signifie que l'homme ne naturalise pas le système institutionnel comme à l'époque de l’« état de droit divin ». Dans le prolongement de Tocqueville, l’institutionnaliste sait qu'aucune institution n'est éternelle, qu'aucune institution ne peut survivre à la volonté des hommes. L'institutionnaliste pense donc la praxis (individuelle, mais aussi articulée à d'autres) comme possibilité d'être sujet du processus d'institutionnalisation de la société.

 

L'analyse institutionnelle, contrairement à ce qu'un lecteur pressé pourrait croire en lisant certains passages de livres de Michel Lobrot (par exemple), ne peut pas se réduire à une posture rogérienne ou à une posture de psychologie humaniste qui met au centre de tout changement : l'individu. L'analyse institutionnelle regarde toujours l'homme dans ses rapports groupaux et sociétaux. Pour Carl Rogers, la limite du projet "libertaire" ne se situe pas en effet au niveau de l'individu. Par un travail sur l'individu, celui-ci peut en effet conquérir sa liberté (2). La limite rogérienne de la liberté se situerait plutôt dans tout le système social qui entoure l'individu, et qui empêche toute possibilité d'autogestion sociale. Par contre, dans l'analyse institutionnelle, même si on trouve comme chez Rogers une confiance en l'homme, celle-ci va plus loin dans la mesure où elle pousse cette confiance jusqu'à l'idée que l'homme peut jouer sur son environnement social.

 

Mis en ligne par Benyounès et Bernadette Bellagnech

 

http://lesanalyseurs.over-blog.org

 

(1) Encore que l'on puisse trouver dès L'entrée dans la vie, de G. Lapassade, 1963, une solide lecture anthropologique chez les Institutionnalistes. R. Hess ne dirige-t-il pas la collection "Anthropologie" aux éditions Anthropos?

 

(2) Voir C. Rogers, Le développement de la personne, Paris, Dunod, 1972.

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