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  • : Le blog de Benyounès Bellagnech
  • : Analyse institutionnelle : Théorie et pratique au sein des institutions politiques, éducatives et de recherche. L'implication des individus et des groupes dans la vie politique et sociale.
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20 juillet 2012 5 20 /07 /juillet /2012 21:02

L'explicitation

 

L'explicitation vise à mettre à jour les intérêts de connaissance qui traversent le groupe. L'intérêt de connaissance peut porter sur les théories, les représentations du monde, les langues, mais aussi sur l'organisation, les idéologies, la circulation libidinale.

 

Eviter les conflits est central dans la pédagogie traditionnelle. Dans l'animation herméneutique, au contraire, les conflits intérieurs à chaque individu, ses dissociations, de même que ceux et celles qui traversent le groupe sont à mettre en mot et à expliquer. Chacun peut avoir envie de travailler avec différentes personnes, mais pas forcément toutes ensemble. Or, ces personnes, elles-mêmes peuvent partager le même intérêt, mais pas forcément dans le même ordre. Cela entraîne des prises de distances qui peuvent être vécues comme des rejets. Vivre l'expérience d'être rejeté est une condition nécessaire pour pouvoir accéder à la jouissance du partage libre et voulu, conçu comme une relation vraie.

 

Accepter les différences, ce n'est pas un mot d'ordre abstrait. Dans l'animation herméneutique, on est obligé de partir de la différence pour avancer. Entrer dans un échange vrai avec l'autre suppose que l'on dispose de temps. Cela demande aussi une disponibilité à l'autre. Cette disponibilité à l'autre n'est pas inépuisable. A certains moments, je ne peux pas me rendre disponible... Il me faut résoudre certaines questions qui me sont propres pour pouvoir communiquer avec l'autre...

 

Beaucoup de gens qui accepteront cette argumentation théorique, dans la pratique, ne la comprennent pas, n'en tiennent pas compte dans la construction de leurs rapports aux autres.

 

Un bon analyseur de cette indisponibilité à l'autre est le coup de téléphone. Souvent, une personne qui vous appelle a réfléchi à ce qu'elle veut obtenir de vous. Elle a préparé dans sa tête mille arguments. Elle sait ce qu'elle va vous demander. En conséquence, je puis dire que la personne qui appelle, au téléphone, est une personne qui se trouve dans le moment de la communication avec vous... Malheureusement, lorsque vous recevez cet appel téléphonique, vous ne pensez que très rarement à la personne qui vous appelle et aux problèmes dont elle va vouloir vous entretenir. Vous pouvez même en être mentalement, intellectuellement, physiquement aux antipodes.

 

Votre interlocuteur veut vous parler d'un texte qu'il vous a envoyé il y a deux mois. Vous vous souvenez effectivement l'avoir lu, mais c'est un peu confus dans votre tête. Vous avez du mal à répondre... D'autant plus que vous avez dans les jambes un enfant de quatre ans qui demande " c'est qui? " et qui exige que l'on s'occupe immédiatement de lui. De plus, votre épouse est à l'hôpital et vous étiez sur le point de partir pour lui rendre visite... L'heure des visites passe et vous craignez qu'on ne vous laisse pas entrer à l'hôpital. Or, elle a absolument besoin du linge que vous vous apprêtiez à lui apporter, etc. Vous essayez de rester poli, de répondre courtoisement, mais en même temps vous aimeriez reporter à un autre moment la discussion, sur le fond, de ce texte...

 

La correspondance ne souffre pas de ces inconvénients. Lorsque vous écrivez une lettre, vous êtes totalement dans l'esprit de l'écrire... Et quand elle arrive chez son destinataire, rien de l'empêche de n'ouvrir son courrier que lorsqu'il est disponible pour le lire. C'est un des points intéressants de la communication écrite. Elle autorise les deux communiquants à être l'un et l'autre dans le moment de la communication; et ce, éventuellement, dans des temps différés.

 

Au moment où nous écrivions le paragraphe précédent, nous avons reçu un coup de téléphone ! Notre appelant a eu la bonne idée, non pas de nous demander si nous étions disponible, si nous avions la tête à l'écouter, mais il a demandé des nouvelles de notre santé... Il s'agissait d'un animateur d'une rencontre de recherche interculturelle à laquelle nous avions participé tous les deux, et même que nous avions animé avec lui... Très vite, bien que dissocié, l'échange a pu se mettre en place... Nous lui avons même résumé le passage sur le téléphone que nous étions en train d'écrire. Il a souri.

 

Dans les rencontres internationales, et plus particulièrement dans les échanges franco-allemands, la question de la disponibilité peut être décrite sur le plan de la langue.

 

Que se passe-t-il lorsque je veux communiquer avec un autre qui ne parle pas ma langue? Faut-il passer par la médiation de la traduction? Si oui, comment mettre en place cette médiation? Quand je suis confronté à la gestion d'un enfant turbulent alors que l'autre veut me parler d'un texte, si cette dissociation se fait dans ma langue, nous dirons qu'il s'agit d'une dissociation communicationnelle simple. Les deux interlocuteurs sont dans des moments différents. Par contre, si celui qui m'appelle parle une autre langue que la mienne, nous pourrons parler de dissociation communicationnelle complexe. On parlera de communication dissociée simple lorsque les interlocuteurs vivront ensemble dans deux moments différents. Mais l'on parlera de communication dissociée complexe quand à cette réalité se surajoute le clivage linguistique... Cette dissociation complexe peut provoquer un blocage technique de la communication... Comment expliquer la dissociation qu'il nous fait vivre à un interlocuteur étranger qui ne se rend pas compte qu'on ne peut pas l'écouter? On l'entend, mais notre cerveau refuse l'activité traductive préalable à la mise en branle d'une communication sur le contenu... Ecouter l'autre, le comprendre, deux phases qui ne sont pas faciles en général, mais qui sont rendu encore plus difficiles lorsque notre interlocuteur est quelqu'un qui ne parle pas notre langue...

 

Mis en ligne par Benyounès et Bernadette Bellagnech

http://lesanalyseurs.over-blog.org

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