Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Présentation

  • : Le blog de Benyounès Bellagnech
  • : Analyse institutionnelle : Théorie et pratique au sein des institutions politiques, éducatives et de recherche. L'implication des individus et des groupes dans la vie politique et sociale.
  • Contact

Recherche

1 septembre 2011 4 01 /09 /septembre /2011 14:53

5. Experice et le paradigme d’une éducation tout au long de la vie

 

En 2008, j’ai choisi d’adhérer en tant qu’apprentie chercheuse au Laboratoire Experice, trouvant dans ce laboratoire le paradigme qui correspondait davantage aux recherches que j’allais entreprendre. Dans ce mémoire, mon objectif est de comprendre la relation entre l’Homme total et l’éducation tout au long de la vie. Experice me permet donc de visualiser aussi dans la réalité, la mise en place de ce paradigme. Ainsi, je me suis interrogée sur ce laboratoire, son histoire et les conditions de sa mise en place. Afin de répondre à ce questionnement et développer ce chapitre sur Experice, j’ai réalisé un entretien non-directif avec Remi Hess, en juillet 2010 à Sainte-Gemme.

 

La provenance de ce paradigme de l’éducation tout au long de la vie qui correspond à l’axe C du laboratoire Experice est un reliquat de l’esprit même de Vincennes qui s’est transporté au cours des ans. Deux autres axes représentent les recherches de ce laboratoire. L’axe A qui est en rapport à l’éducation par le jeu et le suivant qui concerne l’insertion sociale. Le laboratoire Experice a été créé en 2004. Il existe depuis la fusion entre deux laboratoires : Le LEC (139) à Paris 8 et le laboratoire de Paris 13. Il est constitué d’une vingtaine de chercheurs partagés dans les deux universités. Le directeur est Gilles Brougères et Remi Hess est son adjoint. En observant le fil de son historicité, je découvre que la naissance de ce laboratoire et de son idéologie correspondent à la pensée de l’école de Vincennes.

 

Au cours de l’année 69, après les remous de «mai 68», l’université Paris 8 s’installe dans les bois de Vincennes. En 1971, le département des sciences de l’éducation se crée, offrant aux étudiants un UV de service (140). Il est dirigé alors par deux personnes, Michel Debeauvais qui est un ancien diplomate avec une expérience de l’éducation orientée dans le sens de l’économie et Guy Berger vers la psychologie de l’éducation. Guy Berger a compris très tôt l’importance de donner une deuxième chance à des personnes non-bachelières. L’université était alors ouverte aux travailleurs sociaux, aux éducateurs car beaucoup de métiers du secteur social ne demandaient pas de diplôme à cette époque. Ainsi, les étudiants qui reprenaient leurs études entraient dans la dynamique de la formation pour adulte, voire même d’éducation tout au long de la vie. L’Université Paris 8 Vincennes, ouverte sur l’avenir et le monde, a toujours accueilli des étrangers en son sein. Elle visait dès 1971 les possibilités d’une mondialisation du savoir en offrant aux travailleurs les moyens d’étudier tout au long de leur vie. De nombreux aménagements sont alors effectués, les cours sont délivrés sur une seule journée et en soirée jusqu’à 22 h.

 

Un deuxième point est mis en avant par Remi Hess. L’ensemble des chargés de cours étaient des praticiens, ce qui permettait alors d’offrir une formation beaucoup plus concrète, dans laquelle chaque enseignant tentait de transmettre son expérience. Différents corps de métiers étaient présents : médecins, psychologue scolaire, enseignant du secondaire et du primaire… L’interdisciplinarité et la rencontre avec les métiers amélioraient la transversalité des apprentissages. Remi Hess ajoute aussi que les cours donnés à l’université lui permettaient d’expliquer ce qu’il faisait en classe, et cela donnait du sens à sa pratique. Par exemple, il ajoute : « j’ai développé l’autogestion pédagogique dans ma classe parce que j’enseignais l’autogestion pédagogique à Paris 8. J’ai été recruté sur un cours d’autogestion pédagogique. À ma manière depuis 1972, je pratiquais une pédagogie, proche de la pédagogie institutionnelle. Si je n’avais pas eu mon cours d’autogestion pédagogique en 1973, à Paris 8, je n’aurais certainement écrit mon livre La pédagogie institutionnelle aujourd’hui. Aussi, c’est grâce au dialogue avec les étudiants que j’ai produit une réflexivité sur ma propre pratique de professeur ». Cet univers propice à la réflexion, donnait du sens et le praticien entrait lui-même dans un apprentissage avec ses étudiants en participant aux cours qu’il animait.

 

Dès 1974, quatre titulaires et quatre-vingt chargés de cours sont présents dans ce département dont un groupe fort constitué par les institutionnalistes comme Georges Lapassade, René Lourau, Antoine Savoye, Laurence Gavarini, Lucette Colin et Remi Hess.

 

En 1980, cette manière de fonctionner se perpétue. La revue Pratique de formation - Analyses apparaît renforçant le sens nouveau de la formation pour adulte à Paris 8. Cette revue a pour ambition de penser les différentes formes de formation même si pour l’instant le paradigme d’éducation tout au long de la vie n’est pas dans tous les esprits. Il est présent dans les pratiques des enseignants et des étudiants. Mais en 1987, le départ en retraite d’un professeur entraîne la libération d’un poste. Bernard Charlot et Remi Hess se présentent à ce poste. L’élection de Bernard Charlot va modifier le panorama du personnel enseignant de l’université. Suite à son élection il va demander la direction du département des sciences de l’éducation dans lequel, Remi Hess effectue ses cours. Bernard Charlot est contre la pédagogie institutionnelle qu’il dénoncera dans ses livres dès 1970. Il préconise alors de faire entrer dans l’équipe davantage de théoriciens : sociologue, historien… Ce mélange entre théoriciens et praticiens occasionne des clivages au sein du département et à la suite de différents conflits la séparation des groupes s’annonce.

 

En 1994, le ministère de l’Education demande aux universités d’organiser les laboratoires plus rigoureusement. Les chercheurs doivent s’instituer en groupes et en équipes de recherche. Le ministère considère que chaque département doit avoir un laboratoire. Antoine Savoye devient directeur du LES (141), ce laboratoire va regrouper tous les enseignants du département. Pourtant, cette organisation reste purement bureaucratique, car il n’y a pas de paradigme réel réunissant les membres. Toutefois, en 1996, le ministère impose des directives plus exigeantes pour habiliter les laboratoires, comme l’apport de maquettes présentant les formations. Les enseignants doivent présenter l’état de leur recherche et les publications effectuées. L’habilitation d’un laboratoire est prévue pour une durée de quatre ans. Ainsi, le laboratoire tente de se regrouper avec de véritables équipes de recherche en son sein. C’est plus dans le sens d’une fédération de laboratoire que cela s’organisera. Le groupe de l’Analyse Institutionnelle dirigé par René Lourau garde une place prédominante. Georges Lapassade a pris sa retraite depuis 1992. Lucette Colin et Laurence Gavarini s’occupent de recherche autour de la prime enfance, et d’autres autour du rapport au savoir et de l’école. À la suite d’un incident, deux membres démissionnent du L.S.E. et se réunissent pour former une autre cellule. Remi Hess et Lucette Colin travaillent en parallèle à l’OFAJ (142). De là part leur idée de poursuivre leur recherche sur l’interculturel. Ils tentent de fonder un nouveau laboratoire et réunissent sept enseignants chercheurs ayant un lien avec l’interculturel. Il y avait Jean-Louis Le Grand, René Barbier, Florence Giust Desprairies, Lucette Colin, Remi Hess et Geneviève Vermès professeur en psychologie. Tout ce groupe travaillait sur l’interculturel. L’objectif était de créer le L.E.C. (143). Les démarches entreprises pour faire habiliter ce laboratoire échouent en 2000. À cette époque, le gouvernement souhaitait davantage que les laboratoires fusionnent et rassemblent un plus grand nombre de chercheurs. Le département de l’interculturel doit alors collaborer avec le LES. Ce n’est que vers les années 2006 que la solution s’impose dans une fusion avec l’université Paris 13. Les rencontres avec Gilles Brougères et Remi Hess permettent d’engager des pourparlers pour organiser la réunion des deux labos. Dès 2008, Experice est habilité et reconnu comme un laboratoire de sciences de l’éducation à part entière avec un master commun à la fois professionnel et recherche regroupant les axes de recherche des deux laboratoires. À Paris 8, c’est la spécialité éducation tout au long de la vie qui est mise en place, dans laquelle la place de l’expérience et de l’interculturel est prépondérante dans les enseignements.

 

Dans ce nouveau laboratoire, les procédés mis en place répondent en partie au critère du concept de l’éducation tout au long de la vie. Un système d’études à distance est installé au sein de l’université depuis 2005, par l’intermédiaire de l’IED. Les cours dispensés en présentiel se font soit dans une seule journée par semaine ou en cours du soir. Depuis 2008, en raison des modifications gouvernementales, le laboratoire Experice a mis en place des masters professionnels comme des masters recherche. Ainsi, dans les différentes démarches entreprises par les enseignants de cette université se visualise - comme en 1973, lors de la création de l’université Paris 8 à Vincennes - le souhait de répondre aux projets des salariés de poursuivre des études supérieures. De nombreux moyens sont offerts permettant à ces praticiens de concrétiser leurs savoirs par une théorie adaptée. Cette université connaît toujours autant de succès et son développement à l’international l’inscrit comme une université prônant les principes d’une éducation tout au long de la vie. L’organisation interne quant aux cours et aux examens permet le développement d’une autonomie de l’étudiant où la place de ses potentialités est mise en avant. Donc tous les concepts liés à l’autoformation sont appliqués. Ainsi ce système engage tous les apprenants vers l’épanouissement de leur Être.

 

(139) LEC : Laboratoire Éducation et Culture.

 

(140) Le département des sciences de l’éducation ne permet d’obtenir une licence, UV de service Sciences de l’éducation est une option que les étudiants peuvent choisir lorsqu’il passe une licence dans d’autres département comme l’histoire, la philosophie et autres…

 

(141) Laboratoire Sciences de l’Éducation.

 

(142) Organisme Franco Allemand de la Jeunesse.

 

(143) Laboratoire Éducation et Culture.

 

Sandrine Deulceux

http://lesanalyseurs.over-blog.org

Partager cet article
Repost0

commentaires