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  • : Le blog de Benyounès Bellagnech
  • : Analyse institutionnelle : Théorie et pratique au sein des institutions politiques, éducatives et de recherche. L'implication des individus et des groupes dans la vie politique et sociale.
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1 novembre 2010 1 01 /11 /novembre /2010 16:56

Peu de professeurs ont, autant que lui, aimé l’université (Paris 8).

Il s’intéressait à l’éducation comme à un processus qui devait continuellement se poursuivre, d’où son enthousiasme pour l’éducation permanente qu’on appelle aujourd’hui « éducation tout au long de la vie ».

Ainsi j’ai pu constater son intérêt pour les rencontres interculturelles (café-échange interculturel) que je réalise avec Catherine Modave depuis des années en France et en Belgique.

Georges y avait participé, il continuait à s’y intéresser et nous encourageait à les développer.

Son âme de chercheur était attentive à tous les phénomènes émergeants, et spécialement à ceux qui sont liés à la jeunesse défavorisée et marginale.

Ses expériences et études sur le mouvement rap sont célèbres : en 1990, il a publié Le rap ou la fureur de dire, avec Philippe Rousselot, qui a été réédité 5 fois.

Il était toujours intéressé par mon approche « Contact pour la Créativité » pour le développement humain et social et participa en 2004 à un séminaire que je donnais sur celle-ci à l’université de Paris 8, en s’intéressant à son influence sur le développement des jeunes et des enseignants.

J'ai eu la chance de collaborer à ses derniers cours d'ethnométhodologie et informatique, où participait aussi François-Xavier Lalaison. On y avait beaucoup parlé de Carlos Castaneda, ce qui avait permis à Georges Lapassade d'expliciter sa conception énergétique sur la dynamique des groupes.

 

Nous avions prolongé ce thème en participant ensemble à une émission de France-Culture sur la vie et l'oeuvre de Carlos Castaneda en 2005.

Je voudrais illustrer l’importance qu’il donnait à l’énergie à travers un mail du 19 décembre 2004, qu’il avait envoyé aux participants du cours d’Ethnométhodologie et Informatique, auquel j’ai collaboré : « Lors de la séance du mercredi 15 décembre 04, j’ai eu l’impression que le fonctionnement de notre groupe interprété en termes énergétiques se caractérisait davantage peut être que d’habitude par des blocages de l’énergie qui doit circuler dans le groupe. On pourrait faire l’hypothèse que des bouchons d’énergie (je fais ici référence à Mesmer) bloquaient au moins partiellement l’énergie dans notre groupe.

Je représente ici une tendance plutôt Mesmerienne et Reichienne dans la conception de la dynamique de groupe davantage qu’une conception plus freudienne qui a cours dans le milieu de la psychosociologie française.

J’ai adopté depuis longtemps une telle conception énergétique des groupes mais je ne m’en préoccupais plus jusqu’au moment où la lecture et la relecture des ouvrages de Castaneda m’a remis assez récemment sur cette voie.

Nous y reviendrons à la rentrée de janvier et en attendant j’aimerais avoir vos réactions au présent message dans notre forum électronique.

Je vous souhaite bon Noël et bonne année. GL »

Lors des dernières visites à Georges à la clinique, avec Catherine Modave, il nous a parlé d'une maison autogérée pour des jeunes. Quelques jours auparavant, il avait approuvé avec joie mon idée de faire un musée de la dissociation dans sa maison de Saint-Denis: «Bonne idée! Chez moi il y a de l'espace ».

 

On ne dispose pas encore de suffisamment de recul aujourd’hui pour prendre toute la mesure de l’importance de son oeuvre.

Elle est une invitation à participer aux processus de transformation à travers des actions concrètes.

Comprenant comment la bureaucratie étouffait la vie, il a approfondi l’étude de la dynamique des groupes en montrant comment les institutions déterminent notre vie quotidienne.

En étant un des principaux fondateurs de l’analyse institutionnelle, il s’intéressait à sa mise en pratique à travers différents dispositifs, comme la socianalyse et l’analyse interne.

Georges Lapassade a ouvert un chemin en nous invitant à avancer dans la tâche de comprendre, analyser et intervenir dans la réalité qui nous entoure.

Son authenticité est exemplaire : il disait ce que peu osaient dire et il faisait ce que peu osent faire.

Quand il avait un doute, il pouvait dire : « Je ne comprends rien » ou « J’en sais rien ». Peu de gens ont la sagesse de reconnaître cela.

C’était aussi une invitation et un défi pour que l’autre fasse l’effort d’expliciter sa pensée.

Lui, il comprenait beaucoup et savait beaucoup. C’était un grand plaisir de parler avec lui des innovateurs des sciences sociales qui s’intéressaient à comprendre comment le monde se construit à partir des actions quotidiennes, comme Harold Garfinkel, Carlos Castaneda, Erving Goffman, Alfred Schutz et d’autres. Et même à la clinique, les derniers jours de sa vie, il était disponible pour partager son savoir.

Lors des « conversations du dimanche » qui avaient lieu chez nous, on passait de bons moments où il exprimait un équilibre harmonieux entre la conversation, l’écoute des autres, la lecture, la musique et le chant. Ces réunions duraient souvent de midi jusqu’à minuit.

Il aimait les repas que Catherine préparait pour répondre à sa demande de poule au pot et autres plats en souvenir de sa région natale du Béarn.

Il se sentait en confiance pour se reposer lorsqu’il se sentait fatigué.

Georges était imprévisible, il aimait voyager pour découvrir des nouvelles réalités ; il a connu des gens de presque tous les pays.

Ce n’est donc pas par hasard que maintenant ce soit un Argentin, professeur d’université au Mexique, qui vous parle de lui.

Et je voudrais ajouter une anecdote qui concerne son séjour en Argentine en 1970 :

Lors de son séjour à Buenos Aires en 1970, il a participé à un important congrès international d'éducation. Pendant une réception officielle en présence du président du régime militaire de l'époque, il s'approcha d'un piano sur lequel il osa jouer l'Internationale, en surprenant tout le monde. Il posait des actes selon ses idées. Souvent, il surprenait ou dérangeait l'ordre établi.

Son influence s’étend bien au-delà de la France.

 

Je peux témoigner, comme professeur à l’université pédagogique de Mexico, que les étudiants connaissent les écrits de Georges Lapassade depuis longtemps.

Depuis 1983, les étudiants de mes cours de Pédagogie Institutionnelle ont pu lire ses livres traduits en espagnol : L’entrée dans la vie, Groupes, organisations et institutions, L’analyseur et l’analyste, La bioénergie, Autogestion pédagogique, Socianalyse et potentiel humain, Clefs de la sociologie (avec René Lourau).

Il a marqué des générations d’étudiants en étant un grand maître. Son oeuvre dépasse les disciplines….

On pourrait dire que la valeur de quelqu’un se mesure aux amitiés et aux influences qu’il a laissées sur terre. Georges Lapassade, ou Jojo, en est un bon exemple.

Il nous a laissé beaucoup de richesses en tant qu’être humain impliqué dans les transformations pour une société plus juste.

Je souhaite que ceux qui ont été touchés par sa présence inoubliable, puissent travailler ensemble pour approfondir son oeuvre et ses projets.

 

Rubén Bag rubenbag@gmail.com

http://lesanalyseurs.over-blog.org 

 

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