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  • : Le blog de Benyounès Bellagnech
  • : Analyse institutionnelle : Théorie et pratique au sein des institutions politiques, éducatives et de recherche. L'implication des individus et des groupes dans la vie politique et sociale.
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8 janvier 2010 5 08 /01 /janvier /2010 09:01

Première partie: La mort de R. Lourau

 

 

Cette première partie est composée de deux chapitres.

 

Dans le premier chapitre, je donne à lire deux textes différents, mais qui ont en commun de rapporter mon rapport à René Lourau. Le premier raconte la surprise de l’annonce de la mort. Le second présente le savant qu’était René Lourau.

 

Dans le second chapitre, je republie de larges extraits de témoignages écrits au moment même de la mort du maître. Ces témoignages ont été rassemblés dans une brochure intitulée René Lourau (brochure des obsèques, 96 pages, abondamment illustrée). Cette brochure n’a été tirée qu’à 200 exemplaires. Elle est constamment demandée. La réédition n’étant pas envisagée, j’ai choisi de la citer largement.

 

 

Chapitre 1

 

Désarroi face à la mort d’un maître, devenu un ami

 

 

Je vais commencer par décrire le contexte qui est le mien lors de la disparition de René Lourau. Puis, je donnerai à lire le texte que j’avais publié sur lui dans le Dictionnaire des philosophes (PUF, 1984) dans lequel se dégage la figure du savant. Plusieurs livres de lui sont parus depuis cet article. Mais je n’ai pas choisi d’actualiser ce texte dans ce premier chapitre. J’ai juste introduit quelques intertitres. Le mouvement de l’ouvrage permettra les compléments qu’il nécessite. C’est ce texte que j’ai reproduit et distribué massivement le lendemain du décès de R. Lourau.

 

I. La mort de l’ami

 

 

Le 11 janvier 2000, vers 18 h, Patrice Ville téléphone. Il m’annonce ainsi qu’à Lucette le décès, en fin de matinée, de René Lourau dans le train qui le conduisait à la permanence qu’il devait assurer auprès de ses étudiants... Patrice appelait de l’infirmerie de la fac. Il n’avait pas beaucoup dormi puisqu’il avait passé une partie de la nuit à Rambouillet, en compagnie de René à discuter avec lui. Julien était là aussi. Patrice avait essayé de montrer à René Lourau la justesse de ma position de retrait (j’avais démissionné le 4 janvier du 3° cycle de sciences de l’éducation, suite à un conflit qui m’opposait au directeur de la formation). Patrice m’a dit que René avait finalement compris ma posture... L’émotion avait submergé Patrice. Sa tension était très élevée... Il ne se sentait pas la force d’aller prévenir Georges Lapassade...

 

Lucette et moi avons mis un manteau et nous sommes partis pour Saint-Denis... En tant que directrice d’UFR, Lucette a été prévenir Renaud Fabre, notre président d’université, que René aimait bien. J’ai été voir Patrice.

 

Quand Patrice a repris quelques forces, avec Deborah et Lucette, nous sommes survenus dans la chambre de Georges et nous lui avons annoncé la nouvelle. Il a réagi immédiatement en réfléchissant à la nouvelle situation dans laquelle cette mort nous plaçait. Il a réfléchi tout haut avec nous. Puis, il est devenu concret, recensant les personnes qu’il fallait prévenir. Il a sorti son agenda. Il a d’abord pensé à la génération des psychosociologues... Puis, il a téléphoné en Italie, à Salvatore Panu qui s’est vu confié la mission d’informer les Italiens.

 

Je suis parti chercher quelques trucs à boire et manger. Patrice était vraiment faible. J’ai entendu Ahmed Lamihi pleurer à l’autre bout du fil à Tétouan. Après, je serais volontiers resté avec Georges. Mais Lucette a pensé qu’il y avait beaucoup à faire. Nous sommes rentrés à la maison pour rédiger les faire-part pour Le Monde qui ne sont parus que dans le numéro du vendredi 14, en dessous de celui de Julie et Julien.

 

***

 

Ce lundi 11 janvier, vers 9 heures, - c’est l’heure où passe le facteur rue Marcadet - j’avais reçu une lettre de René Lourau, datée du 9 janvier 2000. Il écrivait :

 

 

«Cher Remi, Hier, samedi, j’ai eu connaissance de tes textes de démission, mais comme nous (le GTI, comité de rédaction des Cahiers) avons décidé une réunion du labo d’AI samedi prochain 15 janvier, je t’invite à y participer. Ça commence à 9 heures 30, salle de nos labos respectifs. Amitiés».

 

Ainsi, R. Lourau m’invitait à une réunion de travail pour le samedi suivant dans la salle commune à nos deux équipes. R. Lourau s’inquiétait de mes lettres du 4 janvier (dont il avait pris connaissance) de démission de l’école doctorale de sciences de l’éducation où, comme moi, il vivait quelques difficultés.

 

Le dimanche 9 janvier, il avait eu autour de lui à Rambouillet de nombreux amis et il leur avait manifesté son désaccord par rapport à mon désir de tout lâcher. Il souhaitait que l’on en parle. Pour cela, il m’avait d’abord envoyé, dès samedi, Christine Delory-Momberger en messagère, pour me commander de sa part un article sur L’institutionnalisation de l’Ofaj pour le n° 4 des Cahiers de l’implication dont il était le directeur. Et puis, il avait écrit cette lettre le lendemain pour bien affirmer son désir de rencontre dont l’urgence s’imposait à lui, comme à moi. Connaissant bien R. Lourau (nous avons travaillé ensemble depuis 1968-69), ces deux signes se surajoutant, je ne pouvais que percevoir la surimplication que mon maître avait dans cette situation. Il savait que, moi aussi, à ma manière, sur ce terrain, j’étais surimpliqué, en phase avec lui, même si je lui semblais poser un passage à l’acte qu’il n’approuvait pas.


Ce 11 janvier, j’avais reçu beaucoup de courrier. Mais, c’est à cette lettre que je pensais toute la journée. Elle m’obsédait. Je vivais un dilemme difficile. Ce samedi, j’avais accepté d’aller faire une conférence à Limoges, demandée par des amis de Jean-François Marchat. Et j’avais vraiment envie d’y aller pour aller me promener une heure dans le parc de Ligoure après la tempête, ce cyclone qui a dévasté le Limousin le 27 décembre. R. Lourau a connu Ligoure, il a aimé ce château et les ambiances extraordinaires que nous y avons créées, les banquets que nous y avons préparés, les promenades dans le parc, les conférences du soir à la bibliothèque, les bals que nous y avons animés. Comme moi, il aimait la valse et le tango, encore qu’il ait préféré danser sur le parquet de sa salle de séjour du 47, de la rue de la Louvière plutôt que sur celui de ce château XIX°.


Et en même temps, j’avais envie de lui répondre : «Oui, je vais aller à ta réunion. Il est grand temps que l’on fasse quelque chose ensemble» sur ce terrain de la direction de thèses où il m’avait introduit, d’abord en m’inscrivant comme étudiant en thèse d’État en 1976, puis en me faisant soutenir en 1982, mais surtout en me poussant à diriger moi-même des thèses dès cette année 1982.

***

C’est dans ce dilemme «vais-je à Limoges ou à la réunion du Labo?» que me surprît l’annonce de la mort de René.

 

Tout en assurant ce qu’exigeait la situation, je reconstruisais dans ma tête mon rapport à René. Je me souvenais par bribes de ce que nous avions fait ensemble. Entre 1982 et 1990, j’ai compté 17 thèses, dirigées par René Lourau, où il m’a demandé de siéger comme membre du jury. Il aimait travailler avec moi, et il voulait m’aider à m’assumer comme directeur de recherche, me faire partager ses trucs, les ethnométhodes de ce métier de maître-artisan qu’est le façonnage de thèse et où il avait prouvé son savoir-faire. Et il savait que j’acceptais volontiers cette relation de tutorat, qu’elle m’aidait à m’investir dans cette activité avec la même foi pédagogique que lui. C’est vrai que nous avions en commun cette implication dans la pédagogie. Comme lui, grâce à lui, j’étais entré heureux et «militant pédagogique» dans le métier de professeur de lycée en 1971. Inspiré par l’expérience d’autogestion qu’il avait menée dans sa classe de français d’Aire-sur-Adour, par les textes qu’il avait écrit lors de cette période dans le cadre du Groupe de pédagogie institutionnelle avec ses amis Michel Lobrot, Raymond Fonvieille, Georges Lapassade qu’il m’avait fait connaître, j’avais essayé d’adopter cette posture d’autogestion pédagogique au lycée Sévigné de Charleville dès 1972.

 

Lorsque le 30 juin 1973, jour de ma soutenance de thèse de sociologie avec Henri Lefebvre, Georges Lapassade nous a proposé à René, à moi et quelques autres d’aller le rejoindre au département de sciences de l’éducation de Paris 8, j’ai été heureux de le suivre, de faire partie de la «bande à Lourau». Je n’avais pas conscience, alors, que l’on s’institutionnaliserait dans ce département.

 

À l’époque, on était encore dans la prophétie. Cette année-là, ensemble, on a publié deux numéros de Connexions, deux numéros de Pour, un numéro double de L’homme et la société. On devenait une École. Les Espagnols nous traduisaient, les Italiens, les Allemands, les Brésiliens. En 1974, R. Lourau a publié ma thèse dans cette collection «Contre-sociologie» qu’il dirigeait chez Anthropos et qui n’a eu que deux titres. Dès 1970, il m’avait associé à la vie d’une revue (Autogestions). Dès 1971, René m’avait appris à faire des livres en m’invitant à la séance de bouclage des Clés pour la sociologie où, avec G. Lapassade, ils pratiquaient le «traitement de texte avant l’heure»: leur ordinateur était alors une bonne paire de ciseaux, un tube de colle et une machine à écrire mécanique... sur laquelle René frappait des transitions pendant que Georges agençait des morceaux de textes tirés de sa caisse à écrits ou de la tienne. Ce duo était celui d’un atelier de bricolage. Cette séance de travail se poursuivait, dans une sorte de marathon ininterrompu, par la mise en forme d’un livre collectif virtuel L’analyseur pédagogique, auquel Georges et René jugèrent bon de m’associer. Ce bouquin prit la forme, la semaine suivante, de deux volumes réels: L’autogestion pédagogique et L’analyseur et l’analyste. On était dans la phase instituante du mouvement.

 

Certes, Georges et René tiraient parfois à hue et à dia. L’un disait : «Il faut s’accrocher, tenir jusqu’au bout!»; l’autre lui répondait, citant André Breton : «Non, lâchons-tout!». Comment expliquer cette pédagogie contradictoire? S’agissait-il pour René de pratiquer l’injonction paradoxale dénoncée par l’école de Palo Alto qu’il n’aimait pas beaucoup? Non, je pense qu’il s’agissait, chez Georges et René, d’une conjonction pédagogique paradoxale. Ils ont pratiqué ensemble la dialectique concrète. Ils savaient que le métier est fait de gestion de dilemmes. Il faut laisser parler l’élève (et cela, René savait vraiment le faire) ; mais en même temps, il faut le contenir, le canaliser, le corriger («s’il l’accepte»). En créant des dispositifs à plusieurs topiques, ils pratiquaient une science de la pédagogie paradoxale dans laquelle le jeune était invité, devant se situer entre plusieurs discours, à se constituer comme sujet, à devenir son propre auteur, selon la formule de Jacques Ardoino, leur compère:

-Il faut faire du terrain, disait l’un.

-Mais le terrain, c’est le quotidien, disait l’autre. On est «sociologue à plein temps!»

-Il faut partir de l’ici et maintenant, affirmait l’un.

-Mais que fais-tu de l’État inconscient? répondait l’autre. Le local et le global interagissent constamment dans le phénomène d’institutionnalisation. La transversalité, l’implication. Le chercheur et son objet, comment ça fonctionne tout cela?

 

Entre 1969 et 1974, le rapport que j’entretenais à René s’inscrivait dans le domestique. Il m’accueillait chez lui comme un grand frère qui hébergeait le petit provincial. Et cette dimension de ce qu’il faudrait conceptualiser comme pédagogie domestique, et qui était en rupture totale avec tout mon vécu éducatif antérieur, a été un élément constitutif de ma pédagogie (dès Charleville, à son exemple, je recevais mes élèves chez moi, ce que Brigitte n’approuvait pas toujours). En effet, à Nanterre, il n’y avait pas de bureau. Il préférait me recevoir chez lui, rue Pascal. On partageait avec Françoise discussions et repas. Ils me gardaient pour la nuit lorsque le train de Charleville était déjà parti. Je fouillais dans les livres de René. Je lisais ainsi ses derniers articles au fur et à mesure de leur parution.

 

J’ai retrouvé un tiré à part d’une revue de poésie qu’il m’avait donné à cette époque, La tour de feu, dans laquelle il avait publié des articles au début des années 1960. Cette dimension de poète, il la mettait de côté dans ces années-là, car il fallait répondre à la demande sociale, aux propositions d’interventions socianalytiques. Lorsque j’ai reçu Les analyseurs de l’église, à Charleville, un jour de 1972, j’ai dû oublier l’heure de mes cours au lycée Sévigné. J’ai lu son livre d’un trait. Comme tous les autres, d’ailleurs, avant et après, bien que ces derniers temps, il me fallait m’y reprendre à deux fois pour le suivre car il était entré dans des élaborations complexes. Mais c’était stimulant. Cela obligeait à réfléchir, à se dépasser.

 

Cette pédagogie domestique qui lui permettait de reconnaître ses étudiants dans toute leur transversalité, il la transportait même à l’intérieur de l’université. Cela lui a valu des ennuis à Poitiers où il avait été prendre un poste de professeur de sociologie. Je me souviens d’un voyage chez lui dans cette ville en mars 1973 où j’avais vraiment été surpris de ses initiatives. Il avait créé une crèche pour les enfants de ses étudiants, -son petit Julien y participait (je le revois sur son premier vélo!)-, dans les locaux du département de sociologie! Je crois qu’il en a stupéfié plus d’un en Poitou, chez les juristes notamment. Ils ont cru que Lourau était fou! Alors qu’il s’inscrivait naturellement dans une tradition pédagogique où Pestalozzi, Fröbel, les pédagogues de l’éducation nouvelle, et bien d’autres l’avaient précédé! Ses visites à Félix Guattari et Jean Oury à La Borde lui avaient montré que ce type de rapport fonctionnait en psychothérapie institutionnelle; pourquoi pas dans le cadre de l’autogestion pédagogique?

 

***

 

 

Le mercredi 12 janvier 2000, j’ai improvisé une séance d’hommage à 14 h à la fac. L’amphi 3 était plein. Il y avait mes étudiants, bien sur, mais beaucoup de monde de l’université. J’avais eu le temps de préparer un 4 pages que j’ai fait tirer chez Madame Guichard. J’ai ressorti l’article que j’avais écrit sur l’œuvre de René dans le Dictionnaire des philosophes (PUF, édition de 1984). À la tribune de l’amphi 3, il y avait Georges, René Barbier, mais aussi Daniel Lindenberg, collègue de sciences politiques et moi. Deux caméras étaient là, l’une envoyée par les services centraux de l’université, pour permettre à ceux qui n’avaient pas pu quitter leur poste de travail de partager, en différé, ce moment d’émotion. J’ai raconté le génie de la pédagogie de René Lourau, son désir constant de rendre cohérente la relation entre théorie et pratique, sa volonté d’articuler le politique au micro-social. René Barbier a dit que son destin de chercheur avait bifurqué le jour de sa rencontre avec Lourau et plus généralement avec l’école de l’analyse institutionnelle. Daniel Lindenberg a dit qu’il venait d’une toute autre mouvance. Il était du côté de la rue d’Ulm en 1968. Il a dit sa rencontre personnelle avec Lourau, sa lecture attentive de son œuvre et plus particulièrement son enthousiasme pour Le lapsus des intellectuels, la profonde estime qu’il a eue pour lui. Georges, ému, n’a pas voulu parler. Georges, malgré sa fatigue, partout où l’on évoque actuellement la mémoire dans l’université, est là. Je sais que Cornélia aussi a fait quelque chose de très émouvant avec ses étudiants.

 

Jeudi, toute la journée, nous avions une réunion de l’équipe d’organisation des prochaines rencontres Pédagogues sans frontière de juillet prochain. Jean-René Ladmiral, Lucette Colin, Cornélia Smoldaka, Georges Lapassade, Guy Chevallier, Anna Terzian et bien d’autres étaient là. On était plus de vingt. René était venu à nos premières rencontres de septembre. Ce colloque sera le dernier que nous ayons fait ensemble. René était intervenu. Il avait sa place dans notre équipe.

 

René aimait accueillir des étudiants du monde entier dans ses séminaires. Si moi, je m’étais plutôt tourné vers l’Allemagne, l’Europe centrale et l’Océan indien, sa naissance en terre occitane lui rendait facile l’accès à l’espagnol, au portugais, à l’italien. Son amour du Mexique, du Brésil, de l’Argentine où ses livres étaient beaucoup traduits se portait aussi sur les praticiens sociaux et les chercheurs de ces pays. Il avait des amis aussi au Maghreb, en Afrique et même dans des pays plus lointains encore. Il avait fait le voyage à la Réunion. René savait écouter les gens d’ailleurs. Peut-être se sentait-il un peu d’ailleurs? René était-il un «interculturel»? Pour nous, l’interculturel est un objet de recherche. Pour lui, c’était une forme du quotidien. Comme j’ai regretté l’absence de Charlotte dans ces journées difficiles qui était avec Miguel à Buenos Aires ! Deborah m’a dit qu’elle séjournait chez quelqu’un de sa famille. René connaissait la Boca. J’aimais qu’il me rapporte des livres de là-bas.

 

Michel Authier, chez qui je passe pour annoncer la mort de René, me montre Pays de connaissance (éd. du Rocher, préface de Michel Serres), son dernier livre. René était, comme moi, l’un des destinataires de Michel. Celui-ci m’a écrit cette dédicace : «A R. H. qui visible et invisible est au cœur de mon pays de connaissance». Je crois qu’il aurait pu écrire la même chose à René car, m’a-t-il, il (René) était quelqu’un qui ne laissait pas indifférent.

 

Le vendredi, j’ai dû aller chez Plume, une éditrice qui déménage et qui veut que je récupère des documents de valeur que je lui avais laissé en dépôt pour illustrer un nouveau livre sur la valse qui n’en finit pas de sortir. Au milieu du paquet, j’ai retrouvé l’original d’un texte que René avait écrit en 1995 ou 1996 lorsqu’un livre entier était sorti contre ma première Valse. Il avait voulu montrer le ridicule de cette polémique. Quelle émotion de retrouver ce texte dans lequel on retrouve un style de frappe, un art de mettre en forme des textes, non seulement au niveau des mots, mais au niveau de la dactylographie. Même les fautes de frappe sont devenues précieuses. «La querelle des bouffons» est un très beau texte!

***

On avait encore mille chantiers à conduire ensemble...

 

Le 3 janvier, j’avais fait avec Gérard Gromer l’émission Le gai savoir sur France-Culture. Il y avait sur le plateau ma sœur Odile et Hubert de Luze. On parlait de mon livre sur La pratique du journal. Du coup, on a évoqué le travail de René sur les journaux. J’ai parlé de son obsession de placer un morceau de journal dans tous ses livres, de cette nécessité de raconter, comme Edgar Morin, comment survient l’idée. C’est tout le problème de la transduction qu’il nous a laissé en héritage. Gérard Gromer voulait inviter René pour faire une émission sur son œuvre, comme il l’a fait pour Georges et plusieurs autres membres de notre école. René est parti trop tôt!

 

René m’avait promis un chapitre pour le livre collectif que nous préparions avec Christoph Wulf sur Université et interculturalité. Il l’avait écrit. J’avais entendu René le prononcer dans un colloque sur l’Europe, organisé à Paris 8 par des économistes. Il montrait l’interculturalité de l’université européenne au Moyen Age. Ce texte était brillant. Je le voulais.

 

René voulait que l’on fasse ensemble la Théorie des moments, livre d’hommage à notre maître commun Henri Lefebvre, livre pour lequel j’avais déjà un contrat. Cette coopération aurait demandé du boulot. Je ne savais pas bien comment la mettre en place, car articuler nos deux styles aurait posé de vrais problèmes techniques.

 

Remi Hess

http://lesanalyseurs.over-blog.org

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