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  • : Le blog de Benyounès Bellagnech
  • : Analyse institutionnelle : Théorie et pratique au sein des institutions politiques, éducatives et de recherche. L'implication des individus et des groupes dans la vie politique et sociale.
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18 juillet 2012 3 18 /07 /juillet /2012 15:29

Chapitre 11:

 

L'animation herméneutique des groupes interculturels

 

Le rapprochement des termes d'herméneutique et d'animation peut paraître curieux. Animer, c'est donner une âme. L'herméneutique, c'est la science de l'interprétation. Peut-on animer un groupe en tentant de construire une mise à jour et une interprétation de ce qui le traverse? La réalité interculturelle d'un groupe, que ce groupe soit formé de personnes d'origines nationales ou ethniques, d'âges, de cultures, de langues différentes, le rend a priori complexe.

 

Groupe objet et groupe sujet

 

Pourtant, si l'on veut qu'un groupe puisse passer d'un statut de groupe-objet au statut de groupe-sujet, cette démarche herméneutique semble une perspective, certes difficile, mais nécessaire. Félix Guattari avait fait la distinction entre groupe-objet et groupe-sujet dans un ouvrage de 1972: Psychanalyse et transversalité (1). Dans ce livre, il expliquait que la plupart des groupes sociaux réels sont des groupes-objet. Ainsi, les travailleurs dans un atelier, les élèves dans une classe, les voyageurs dans un train, les clients dans un supermarché... sont déterminés les uns par rapport aux autres uniquement par leur appartenance commune. C'est la bureaucratie (la direction de l'entreprise, l'institution école avec sa discipline et ses programmes)... qui organise le groupe ainsi donc "objectivé" par le cadre dans lequel on le fait fonctionner... F. Guattari oppose à cette notion de groupe-objet le groupe-sujet. Celui-ci émerge du groupe-objet lorsque les membres du groupe, à l'occasion d'un événement particulier, se mettent, ensemble, à dépasser cette situation de détermination d'une appartenance et se mettent à faire émerger la transversalité du groupe.

 

La transversalité est tout ce qui traverse le groupe, c'est tout ce que les membres du groupe peuvent être en dehors de l'appartenance commune qui les aliènent à la situation présente. Ainsi, une grève dans un atelier peut amener des ouvriers à parler entre eux de leur vie familiale, de leur origine sociale ou ethnique, de leurs désirs, de leurs projets... Les membres du groupe découvrent alors des appartenances transversales communes qui créent des liens forts entre les personnes... Ces liens sur lesquels on parvient alors à s'appuyer permettent de lancer des initiatives qui ne viennent plus de la bureaucratie, mais de la base...

 

Cette idée de transversalité (tout ce qui traverse un groupe bien que cela ne soit ni dit ni exprimé) nous semble à mettre en perspective avec les travaux des penseurs de l'herméneutique. Pour eux, comprendre un texte, l'interpréter, c'est le remettre dans son contexte, dans ses contextes. Comprendre un paragraphe d'un auteur, ce sera d'abord lire le texte, mais très vite regarder le chapitre duquel est tiré cet extrait. Et si l'on veut aller plus loin dans l'interprétation, il va falloir lire le livre entier dont il est tiré. Et la démarche herméneutique est inépuisable... Car ensuite, si l'on veut encore affiner la compréhension, on pourra tenter de lire toute l'oeuvre de l'auteur, puis celles des auteurs qui l'ont influencé, etc. On pourra aussi étudier le contexte historique de la production de ce texte, etc. En fait, on pourrait dire que le lecteur herméneute cherche à mettre à jour la transversalité du texte.

 

Si l'on accepte cette perspective, alors, on pourra dire que le travail herméneutique peut se déplacer sur la compréhension de la dynamique des groupes. On ira même plus loin et l'on dira que la posture herméneutique deviendra, sera une ressource même de l'animation des groupes, de la dynamique des groupes...

 

Dans l'animation herméneutique, les allants de soi se laissent interroger, questionner. Mais en même temps, intervenir pour éclairer le contexte n'a de sens que si une vraie demande s'exprime explicitement ou implicitement au sein du groupe. Le groupe est composé, souvent, de personnes ayant des niveaux différents de demande parce qu'elles sont de genre, d'âge, de culture, de langue, d'appartenance nationale différentes. Certains détiennent les informations permettant d'éclairer les contextes des autres. A quel moment donner ces informations sans risquer une objectivation?

 

Dans la pédagogie traditionnelle (qu'il s'agisse dans le contexte franco-allemand de la pédagogie pyramidale universitaire de demande ou de la pédagogie française de la Troisième République), l'enseignant a le pouvoir. Il est le seul à pouvoir inventer (au sens de découvrir la réalité. C'est lui qui met à jour, qui l'éclaire. Dans la pédagogie herméneutique, tout membre groupe peut révéler des éléments du contexte qui vont aider les autres à eux comprendre, à mieux situer, la transversalité du groupe et de sa dynamique, mais aussi la transversalité de la situation...

 

(1) F. Guattari, Psychanalyse et transversalité, Paris, Maspéro, 1972.

 

Mis en ligne par Benyounès et Bernadette Bellagnech

http://lesanalyseurs.over-blog.org

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