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  • : Le blog de Benyounès Bellagnech
  • : Analyse institutionnelle : Théorie et pratique au sein des institutions politiques, éducatives et de recherche. L'implication des individus et des groupes dans la vie politique et sociale.
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26 septembre 2013 4 26 /09 /septembre /2013 15:03

 

Un jour, j'ai entendu une personne qui disait la phrase suivante : « Ce qui sépare la fiction de la réalité, c'est un simple geste ». Comment donc un geste, un mouvement qui, à la limite, est celui du désir, peut-il avoir ce pouvoir transformateur de la réalité ? La production culturelle aurait-elle la force de produire ces déplacements de lieux? Nous y percevons des mouvements de passage qui montrent combien ces catégories ne sont pas si rigides que cela. Cependant, nous les rendons rigides, car ainsi nous nous protégeons de l'avenir. La compulsion à la répétition, principe moteur de notre résistance à la vie, berce notre rêve quotidien et nous éloigne du danger de rencontrer ce que nous montre le désir. Jenny llolzer, artiste nord-américaine, a bien compris cette impasse lorsqu'elle a mis, dans un de ses travaux sur de grandes affiches dans les villes, la phrase suivante : « Protégez-moi de ce que je désire ». Expérience et utopie nous renvoient directement au désir, comme nous le verrons par la suite. Mais comment faire pour être un peu plus en phase avec ce que nous désirons, et ce aussi bien au niveau individuel que collectif ?


 

C'est pourquoi il est légitime de poser la question : Qu'est-ce qu'une expérience et comment se transmet-elle? Tout d'abord, il importerait de distinguer vécu et expérience. Le champ de l’erlebnis (vécu) ne suffit pas pour que le sujet puisse se connecter avec ce qu'il vit, avec ce qu'il sent, avec ce qu'il pense. Pour qu'un vécu puisse constituer une erfahrung (expérience),  il  faut qu'il y ait fondamentalement des conditions de transmettre et de raconter ce que l'on vit. A la limite, nous devons construire des espaces mentaux : des images, des mots qui légitiment, subjectivement pour chacun, ce qu'il est capable de percevoir dans le monde. C'est dans ce sens que le plan du fantasme ne peut plus être séparé de ce que nous appelons réalité. Nous constatons un appauvrissement radical de l'expérience. Toute la discussion, qui concerne la politique culturelle et les espaces de critique des médias, essaie de nous montrer cette tendance de notre contemporanéité. La brutalité de l'appel à la consommation, à la vitesse et à la violence que nous impose la vie refroidit peu à peu notre sensibilité et notre pouvoir de choix. Déjà en 1933, dans un texte classique intitulé « Expérience et Pauvreté », Walter Benjamin attirait notre attention sur le risque vers lequel l'humanité se dirigeait. Son pouvoir de prédiction est surprenant dans la mesure où nous constatons encore aujourd'hui, d'une façon tragique, ce qu'il annonça plusieurs années auparavant.

 


« Pauvreté d'expérience : il ne faut pas imaginer que les hommes aspirent à de nouvelles expériences. Non, ils aspirent à se libérer de toute expérience, ils aspirent à un monde où ils pourront exhiber si purement et si clairement leur pauvreté externe et interne, et à ce que quelque chose de décent puisse en résulter. Ils ne sont pas toujours ignorants ou inexpérimentés. Nous pouvons souvent affirmer le contraire : ils « ont tout dévoré », la « culture » et les « hommes », et ont été rassasiés et épuisés. Vous êtes tous fatigués -et tout cela parce que vous n'avez pas concentré toutes vos pensées sur un plan totalement simple, mais absolument grandiose. A la fatigue s'ensuit le sommeil, et il n'est pas rare que le sommeil compense la tristesse et le découragement de la journée ».

 

 

Il y a évidemment un rêve qui amortit, qui immobilise, et un rêve qui éveille et qui doit être pensé sous le versant de l'Utopie. Les rêves qui nous renvoient à des Utopies dessinent une autre espèce d'espace qui ne correspond pas à une contiguïté linéaire, manière dont nous avons l'habitude de penser le monde. Une chose ne vient pas toujours avant l'autre, une cause n'est pas toujours antérieure à sa conséquence. L'espace dont il s'agit n'est donc pas le classique espace euclidien où nous pouvons situer un dedans et un dehors, un antérieur et un postérieur, une surface et sa profondeur. Je me souviens par exemple, d'un fragment de rêve, qui m'avait surpris précisément parce qu'il rompait avec une logique habituelle d'espace et de temps. Je me dirigeais vers un lieu dans une position claire de mouvement et d'avancée, et plus je marchais, plus je m'éloignais du lieu vers lequel j'allais. De telles images nous ouvrent une énigme qui peut éventuellement ouvrir d'autres espaces d'expérience pour le sujet. Oublier les rêves ou les vider de leur pouvoir d'énigme n'est rien d'autre qu'une stratégie de fixité aux lieux déjà connus et dont nous connaissons déjà les contours.

 

 

 

Edson Luiz André de Sousa

 

Mis en ligne par Benyounès et Bernadette Bellagnech

 

 

voir aussi : http://journalcommun.overblog.com


 

 

et : http://lesanalyseurs.over-blog.org

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