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  • : Le blog de Benyounès Bellagnech
  • : Analyse institutionnelle : Théorie et pratique au sein des institutions politiques, éducatives et de recherche. L'implication des individus et des groupes dans la vie politique et sociale.
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21 juillet 2011 4 21 /07 /juillet /2011 15:57

4. Transmission et aliénation (suite)

 

Depuis mon entrée dans cette recherche, je découvre ce processus. Je tends à comprendre le sens de la pensée d’Henri Lefebvre, et ce désir me conduit à la frontière d’une forme d’aliénation. J’accepte cette situation parce que je pressens dans ce processus le moyen d’apprendre davantage et de saisir la réalité de ce qu’il tente de me transmettre. Henri Lefebvre définit l’aliénation comme élément qui « a dépouillé la vie de tout ce qui autrefois, dans sa faiblesse primitive, lui conférait joie et sagesse. La science, la puissance ont été acquises, mais au prix de quels sacrifices ? (de telle sorte que l'idée même du sacrifice de l'homme a été «essentielle» au cours du progrès de l'homme !). L'humain, dépouillé et projeté hors de lui-même, a été et reste livré à des forces qui cependant viennent de lui et ne sont que lui-même - déchiré et opposé à lui-même. A travers ses illusions idéologiques, la philosophie a exprimé confusément cette situation de l'homme : déchirement et dépassement, processus dialectique, subjectivité et objectivité progressivement conquises. La philosophie et son vocabulaire spéculatif (métaphysique) ont fait partie de l'aliénation humaine (H. Lefebvre, 1947b, p. 264-265) ». Dans cette explicitation, Henri Lefebvre se réfère davantage à toute forme de dogmatisme ou de fascisme qui tente de prendre le pouvoir sur l’individualité humaine.

 

Henri Lefebvre a beaucoup travaillé sur la dialectique. Par ses livres, j’ai abordé les prémices de sa compréhension. C’est ainsi que je me questionne, par exemple, sur la place de l’aliénation de l’individu dans et par l’éducation. Pour Henri Lefebvre, l’homme désaliéné devient Homme total, libre d’ « être » et de «pensées». Pour ma part, j’ajoute que cet Homme total se construit dans une éducation tout au long de la vie. « Chacun sait que les acteurs sont contraints, par la société et toutes ses formes concrètes dans leur liberté d’agir et de parler» (J. et M. Van Bockstaele, 2004, p. VII). En effet, la société impose sa vision à l’ensemble de la population, en l’aliénant par une forme d’idée, comme pourrait l’exprimer l’Idée absolue (107) d’Hegel. C’est ce qui annihile chez l’individu la perception de la dialectique, et de la contradiction.

 

Pour ma part, je pressens davantage cette aliénation dans le sens pédagogique et je tente ainsi de trouver un lien entre un concept philosophique et un concept psychanalytique. Ce processus qui s’engage aussi dans un but pédagogique devient réversible lorsque l’apprenant acquiert suffisamment de savoir, ce qui l’éclaire davantage. Je m’aliène à Henri Lefebvre, afin de saisir le sens de son mouvement. «C’est peut-être dans un enrichissement de l’apprentissage monoculturel, un enrichissement de la rencontre avec des gens de l’autre culture, mais pour entrer dans l’«inter», il me semble nécessaire d’accepter d’entrer dans l’univers de l’autre, et vice-versa. C’est alors seulement que l’on peut concevoir l’« institution d’une intérité » (G. Weigand et R. Hess, 2007, p. 113) ». La finalité est dans l’approche sensible et profonde. C’est dans la rencontre que s’institutionnalise cette relation et cette recherche. Dans La Somme et le reste, Henri Lefebvre écrit (108) : « sur le passage étrange du philosophe en vie qui se cherche et se met en question et s’affronte avec le philosophe mort-vivant (qui vit dans son oeuvre), sur le côté aliénant et aliéné de ce rapport, sur la recherche de l’ouverture et de la délivrance, j’ai déjà à peu près dit ce que j’avais à dire (H. Lefebvre, 19594, p. 566) ». En pédagogie, le processus s’inverse, la désaliénation s’effectue dès que l’homme peut penser par lui-même. C’est se donner les mots, les signifiants, avoir les connaissances suffisantes. « Mais l'homme ne s'est développé qu'à travers l'aliénation ; l'histoire de la vérité ne se sépare pas de l'histoire des erreurs. De telle sorte que la philosophie, dans la mesure où elle se sépare de la métaphysique extérieure à l'humain, ne peut être condamnée en bloc, mais se « dépasse » et devient aujourd'hui si dénonciatrice de l'aliénation, l'accusatrice de l'inhumain (H. Lefebvre, 1947b, p. 265)».

 

Henri Lefebvre travaille sur le concept de l’aliénation en tant que moyen de prise de pouvoir de l’État sur le peuple. C’est un mode de conditionnement, qui mystifie le sens réel des volontés de l’État, pour que la société accepte les doctrines. « Cette aliénation fut économique (division du travail ; propriété « privée » ; formation des fétiches économiques : argent, marchandise, capital) ; sociale (formation des classes) ; politique (formation de l'État) ; idéologique (religions, métaphysiques, morales). Elle a été également philosophique : l'homme primitif, simple, au niveau de la nature, s'est scindé en sujet et objet, forme et contenu, nature et pouvoir, réalité et possibilité, vérité et illusion, communauté et individualité, corps et conscience («âme», « esprit ») (H. Lefebvre, 1947b, 265) ».

 

(107)  D’après Hegel L’idée absolue transporte la conscience collective et aliène la conscience privée.

 

(108) Il a écrit cela lorsqu’il a consacré une partie de ses recherches à l’oeuvre de Pascal.  

 

Sandrine Deulceux

http://lesanalyseurs.over-blog.org

 

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