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  • : Le blog de Benyounès Bellagnech
  • : Analyse institutionnelle : Théorie et pratique au sein des institutions politiques, éducatives et de recherche. L'implication des individus et des groupes dans la vie politique et sociale.
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22 juin 2011 3 22 /06 /juin /2011 16:36

2. Se construire comme oeuvre : l’influence des mouvements

 

L’oeuvre d’Henri Lefebvre rassemble environ soixante-dix livres, qui représentent près de soixante ans de recherche et d’écriture. Le premier a été édité en 1934. H. Lefebvre l’écrit en collaboration avec Norbert Gutterman, Introduction aux morceaux choisis de Karl Marx. Le dernier, en 1991, Du contrat de citoyenneté, est un livre collaboratif rapportant les recherches entreprises avec le groupe de Navarrenx. D’autres livres apparaissent à titre posthume comme La méthodologie des sciences, Éléments de rythmanalyse et À coeur ouvert.

 

Pour Henri Lefebvre « l’oeuvre doit apparaître dans toute son ampleur. Ce qu’on a l’habitude d’appeler «inconscient » n’est-il pas oeuvre ? N’est-il pas ce que le «sujet» en se constituant plus ou moins adroitement comme tel a exclu de soi mais n’a pu ou su expulser - ce qu’il méconnait et ne reconnait pas de lui, ce à quoi il ne s’identifie pas tout en le contenant - de sorte que «l’inconscient » n’est autre que la conscience elle-même en acte ? L’inconscient des psychanalystes s’analyserait donc ainsi :

- Une représentation (de soi, pour soi).

- Un produit (le résultat d’une histoire)

- Une oeuvre (l’ombre du sujet, l’autre en moi et pour moi)

 

L’individuel est une oeuvre au sens le plus large. Comme le social et comme la civilisation. Ce qu’a reconnu notre XVIIIe siècle. Ces remarques préparent et amplifient le concept de l’oeuvre et la théorie en évitant de les réduire à l’art, qui cependant demeure le cas exemplaire, celui qu’il faut maintenir dans la méditation (H. Lefebvre, 1980a, p. 192) ».

 

L’analyse de sa bibliographie m’a permis de comprendre davantage le sens de son oeuvre. Le plus simple pour l’expliciter était de la classer suivant les moments marquants de l’histoire et de son histoire. Ainsi je relève cinq périodes marquantes : avant la Deuxième Guerre mondiale, l’après-guerre à la fin du stalinisme, son entrée au CNRS, sa carrière à l’université et sa retraite. Seule la Seconde Guerre mondiale fera taire l’écrivain, mais pas le chercheur qui effectuera des recherches sur la vallée de Campan, qu’il publiera plus tard. On y découvre des moments importants de combats contre le dogmatisme du Parti. Ces désillusions quant au marxisme institué par ses membres. Toutefois, il y trouvera matière pour écrire et développer sa pensée et son interprétation de l’oeuvre de Karl Marx. Dans cette recherche sur les ouvrages de ce philosophe, certaines périodes sont plus propices à l’écriture. Le moment le plus prolifique se déroulera lorsque libéré de l’entrave du Parti, il se plongera dans le monde de la recherche, puis de l’éducation. Il produira alors entre 1962 et 1973, environ vingt-cinq livres. Puis lorsqu’il prendra sa retraite et jusqu’à la fin de sa vie, il continuera à produire plus d’une quinzaine de livres.

 

En 2009, j’ai tenté dans ce travail de recherche de comprendre la pensée d’Henri Lefebvre. Devant l’étendue de ses ouvrages, j’ai souhaité, au début, entreprendre une classification suivant les champs dans lesquels chaque livre pouvait s’inscrire. Pourtant, j’ai vite perçu la difficulté de scinder ce corpus. Je n’avais pas encore saisi chez H. Lefebvre la raison d’un travail aussi éclectique. Dans ce mémoire, je me suis pourtant attachée à saisir deux moments principaux : celui de sa jeunesse plus tourné vers la philosophie et celui de son dépassement vers un autre mode d’écriture plus sociologique. Lors de la lecture de ses livres, je découvre que la raison de ce revirement correspond à une application de la méthode du matérialisme dialectique. H. Lefebvre devient sociologue, mais il se garde une porte de sortie pour rester en-dehors.

 

Ainsi dans un de ses livres, il décrit la réalité du chercheur tel qu’il la perçoit : « le chercheur se saisissant d’une aussi vaste « matière » commence par l’analyse. Il se sert de toutes les méthodes tour à tour, suivant le moment et les exigences du contenu mouvant, il est logicien (il définit, abstrait, déduit ou induit) ; il est dialecticien (il analyse telle contradiction concrète pour mettre en lumière le conflit et l’unité de ses termes) ; il est philosophe (en reliant les aspects concrets de sa «matière » à des concepts universels). De même, il est tour à tour économiste (utilisant des concepts spécifiquement économiques : marchandise, valeur d’échange, etc.) -  sociologue (étudiant des rapports sociaux, des formes de la famille, des relations entre groupes tels que la ville et la campagne, etc.) - historien (il cherche des documents ; il suit la réalité qu’il étudie : sa formation) - psychologue, etc. Il découvre ainsi, sans les confondre et sans les séparer les éléments d’un tout (H. Lefebvre, 19583a, p. 48) ».

 

En raison de son militantisme, quelques uns de ses ouvrages se sont perdus dans les abysses du pouvoir et de la censure. Peut-être même d’une autocensure due à une forme d’aliénation produite par le Parti, par la société et les groupes qu’il côtoyait. Pourtant, il le précise souvent, bon nombre de ses textes sont en partie des fragments de ses recherches écrites sur ses cahiers. Il précise que pendant la période où il enseigna à Privas, il avait ouvert plus de trente cahiers pour écrire sur des thématiques différentes. Ce qui pourrait correspondre à un journal de recherche tel que j’ai pu le créer pour construire ce mémoire.

 

Bien avant de se lancer dans la publication d’ouvrages, Henri Lefebvre participait à l’écriture d’articles publiés dans La revue philosophie, puis La revue Marxiste. Dès 1929, ces deux revues disparurent.

 

Ses principaux textes étaient d’ordre philosophique portant sur la conscience, sur l’aliénation. L’un de ses articles sur Dada fut publié dans La revue philosophie en 1925. Il était intrigué par le groupe des Surréalistes et il souhaitait les connaître davantage. Puis, dans La revue avant-poste, en 1930, il publia aussi les premières traductions des oeuvres de jeunesse de Karl Marx. Elles étaient controversées par les partisans et elles ne pouvaient pas être représentatives du marxisme. Pourtant, H. Lefebvre les trouvait d’une grande richesse.

 

Sandrine Deulceux

http://lesanalyseurs.over-blog.org

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