Entre le marteau du néolibéralisme et l'enclume de l'Etat
Quelques réflexions transductives sur des interventions socianalytiques au Brésil (7)
Récit d'interventions (4)
4) Se mettre au jaune-vert : rhizomes écologiques dans l'extrême sud
Etant convié à faire part de mes expériences en Analyse Institutionnelle dans le « Mestrado en Éducation Ambiental» (Master ou Post-graduation en Education à l'Environnement), de l'université à l'extrême sud du Brésil où je venais d'arriver, je fis la proposition d'une conférence sur l'analyse des implications du chercheur dans sa recherche, dans le cadre d'un séminaire intensif sur les méthodologies qualitatives, en tenant compte de la presque totale ignorance des travaux institutionnalistes sur ces thèmes, notamment ceux de René Lourau sur l'implication ou ceux de Remi Hess sur le journal de recherche, et ce bien que beaucoup de ces idées suivent leur chemin dépourvues de « paternité reconnue ». Une des dérivations de cette activité a été le début d'un travail sur les journaux des élèves en Pédagogie, travail toujours en cours actuellement, ainsi que l'inclusion de l'analyse des implications de plusieurs élèves dans leurs thèses et monographies de graduation, dans des groupes de recherche des professeurs de mathématiques et de sciences, etc.
La deuxième activité, un séminaire semestriel ouvert à la communauté sur les Trois Ecologies de Félix Guattari, fut suivie avec attention par une trentaine de personnes, avec des pédagogues, océanographes, historiens, mathématiciens, militants écologistes, philosophes, etc. Son développement, à base d'autogestion des contenus, des lieux, des lignes de travail, des perspectives, complété par des recherches-action sur les lieux de vie de chacun, produit une quantité surprenante de rhizomes comme conséquence inattendue.
Parmi eux, je ferai seulement mention de nouveaux projets de recherche océanographique incluant, pour la première fois, des dimensions existentielles des chercheurs des projets de gestion côtière ; la disparition soudaine des migraines et insomnies chroniques d'une philosophe lors d'une dynamique corporelle ; l'ouverture d'un centre de formation associatif sur l’agro-écologie dans une exploitation rurale alternative de 15 hectares; le développement de projets éco-communautaires avec le MST de la région ; la participation à des actions de formation à l'autogestion et l'économie solidaire avec plus de 50 coopératives et ONG ambientalistes ; l'inclusion des ateliers du « pain-compagnon » autogérés avec les élèves dans une école de périphérie ; la conformation d'une équipe pédagogique trans-disciplinaire liée à un nouveau centre universitaire de formation de professeurs... et bien sûr, la réalisation d'un deuxième séminaire, en cours actuellement, aussi autogéré avec des membres du séminaire antérieur… sans oublier le développement d'un autre séminaire autogéré de post-graduation sur « l'écologie virtuelle créative » co-animé avec une mathématicienne et qui a produit son propre site internet (10), site qui fait la liaison entre les trois séminaires...
L'un des travaux étudiés fût celui de notre ami et compagnon institutionnaliste Eduardo Losicer, de Rio de Janeiro, travail autour de son intervention institutionnelle sur la plate-forme pétrolière P36, appartenant à la Petrobras, qui finit par sombrer dans l'océan, suite à des « accidents » pendant son exploitation, causant la mort en 2001 de plus d'une dizaine d'ouvriers et techniciens.
Les textes de Gregorio Baremblitt sur « Autogestion et autoanalyse » et « Trois images du désir », ainsi que les expériences d'autogestion pendant la guerre d'Espagne, celles du millier des « quilombos » afro-brésiliens autogérés au XVIIIème siècle et celle des cinquante ans d'autogestion dans la coopérative intégrale de la Comunidad del Sur (Montevideo) furent approfondies et potentialisées avec des dynamiques de groupe.
En quelques lignes, l'analyse de cette expérience en cours nous montre la fermeture des oeillères de la transversalité - imposée par l'Etat inconscient - en relation avec la problématique de l’écologie sociale et mentale ; en effet, seule une vision très partielle et partiale de l'écologie de l'environnement, presque exclusivement réduite à un préservationnisme conservateur, était de mise, au niveau plus général de la société. Les influences immanentes et les déterminations transductives entre les Trois Ecologies furent une surprise et une découverte heuristique et politique pour beaucoup des participants.
Nous avons remarqué aussi comment, -même au milieu des groupes alternatifs «radicaux», arborant une base idéologique écologique, voire anarchiste déclarée-, la modification de la base matérielle n'est pas suivie par la base libidinale. Le besoin d'un chef et/ou d'un serf, d'un Etat, d'un salaire, d'un marché, d'une reconnaissance sociale, d'un statut juridique, d'un compte en banque de numéros et de numéros... nourrissent en permanence notre imaginaire appauvri et verticalisé. Des conflits de groupe sont présents dans les tentatives autogestionnaires les plus authentiques sans pour autant avoir -presque jamais - de dispositif d'auto-analyse institutionnel pour y faire face. Ce grave problème (autant pour les militants de base que pour les « analystes ») mérite toute notre attention et sera le motif d'une communication postérieure.
(10) vvww.ceamecim.furg.br/mea
Alfredo Martin
Mis en ligne par Benyounès et Bernadette Bellagnech
voir aussi : http://journalcommun.overblog.com
et : http://lesanalyseurs.over-blog.org
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