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  • : Le blog de Benyounès Bellagnech
  • : Analyse institutionnelle : Théorie et pratique au sein des institutions politiques, éducatives et de recherche. L'implication des individus et des groupes dans la vie politique et sociale.
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27 juin 2010 7 27 /06 /juin /2010 10:49

REPONDRE AUX DEMANDES

 

 

S’il y a une chose qui saute aux yeux quand on lit les récits de Lapassade sur ces deux interventions, c’est qu’il ne cherche aucunement à répondre aux demandes.  Celles-ci, au Canada, viennent du recteur. « Je veux faire, dit Lapassade dans L’arpenteur, de la socianalyse. C’est ma demande à moi, c’est mon projet et pas celui du recteur Dorais, ni celui des étudiants, des professeurs ou des syndicats ». On ne peut pas être plus clair.

 

Déjà, dans les années 1962-63, J’avais assisté à une intervention de Lapassade au GTE (Groupe de Techniques Educatives) auquel j’appartenais. Ce groupe était animé par Fernand Oury. Lapassade, dans son intervention, s’était engagé dans un procès de Fernand Oury face à ses coéquipiers, qui m’avait choqué. Oury était devenu un adversaire irréconciliable de Lapassade.

 

En 1970, la demande de l’Université de Montréal est qu’on teste cette grande réforme faite il y a quelques années au Québec, qui permet aux étudiants de formuler leurs demandes propres dans un collège indépendant, à travers une négociation avec un corps professoral séparé et centré surtout sur la recherche. Cela n’intéresse pas Lapassade qui pense que toute réforme est sans signification dans une société aliénée. Il veut faire surgir la « vérité de l’institution », en convoquant de grands collectifs où seront dévoilées toutes les manipulations et les tractations cachées. Après le rejet de ses propositions il tente de continuer l’analyse dans la salle 504 et le « bilan 70 ». Il est de plus en plus isolé, rejeté.

 

Au Brésil, deux années après, les choses ont évolué. Les méthodes nouvelles de groupe et de communication sont mieux connues et même il existe un courant autogestionnaire au niveau des séminaires et de la formation. Ce sont des jeunes qui croient à ces méthodes qui invitent Lapassade. Son attitude est la même : un très grand mépris pour ce qu’il estime être du réformisme moderniste. «  L’analyse institutionnelle, dit-il, (….) est née d’une critique de la dynamique de groupe. Nous avions découvert que les expériences de groupes de formation se développaient dans l’oubli de leur contexte institutionnel. Ce contexte, c’était au début, l’institution du séminaire de formation, les conditions financières de la participation, l’analyse de l’organisation qui instituait les stages et garantissait le pouvoir des « moniteurs ».

 

Il se passe cependant des choses insolites et contraires aux théories. C’est à travers des méthodes classiques de psychodrame que Lapassade va pour la première fois, au Brésil, oser parler de son homosexualité, ce qui va être pour lui une révélation.

 

Tout serait plus clair si Lapassade prétendait être un révolté réagissant contre un pouvoir qui l’opprime et l’exploite et voulant faire sa place au soleil. Il agirait alors pour lui même, en son nom, ce qui serait tout à fait légitime et compréhensible. Les révoltes historiques procèdent de cette optique : on prend les armes contre un dominant qui vous tyrannise.

 

Mais il n’en est pas ainsi. Lapassade s’inscrit clairement dans le courant psycho-sociologique, qui se met au service d’autrui pour le faire évoluer. Il se situe qu’il le veuille ou non, dans une tradition dont il reprend d’ailleurs le langage et les rites.

 

Non seulement, il ne fait pas évoluer les institutions mais il est rejeté, banni, maltraité, même par ceux qui croyaient en lui au départ. Il est obligé de se réfugier dans une longue errance où il est en proie à une angoisse insupportable. Comment comprendre cet échec cuisant, avec des méthodes et des principes qui peuvent apparaître à certains comme valables ? 

 

Il y a, à mon sens, deux explications à cela. La première est la rupture de Lapassade avec l’esprit et les principes du courant psycho-sociologique, issu de Lewin, Moreno et Rogers, malgré des apparences contraires. La seconde est l’adhésion à une vision de la société douteuse, non seulement appuyée sur Durkheim, mais sur toute la tradition fonctionnaliste en sociologie. Je vais essayer de développer ces deux aspects.  

 

Michel Lobrot

http://lesanalyseurs.over-blog.org

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