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  • : Le blog de Benyounès Bellagnech
  • : Analyse institutionnelle : Théorie et pratique au sein des institutions politiques, éducatives et de recherche. L'implication des individus et des groupes dans la vie politique et sociale.
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14 novembre 2012 3 14 /11 /novembre /2012 12:06

14 Janvier 1985,

 

 

Les limites de mon travail actuel, quant à la recherche «Transitions», commencent à se préciser. Il ne m'est pas possible de traiter toute cette information que je suis seul à recueillir tout au long de la journée.

 

 

Je n'ai pas de critère pour la trier. Je pourrais probablement, comme on le fait souvent, décider de m'en tenir à une piste de recherche ; mais rien ne justifierait ce choix et je sais bien que si je laisse de côté « tout le reste », de ce que je peux observer, je n'aurais qu'une description tronquée des choses. Ou plutôt : je vais continuer à voir et entendre beaucoup de choses, mais je n'en retiendrai dans ce Journal presque rien.

 

 

Par information, j'entends (par exemple, en vrac) : ce que j'ai pu entendre et noter à la réunion de 18 heures sur la gestion des premiers cycles. Sur les heures complémentaires affectées aux formations, sur le mode de calcul choisi pour distribuer les 8000 heures complémentaires affectées cette année aux premiers cycles...

 

 

Les informations rentrent dans un ensemble qui relève de l'analyse administrative. Or, il y a dans la fac, presque en permanence, deux inspecteurs généraux qui ont une technique pour recueillir ces informations sur la gestion, sur la pédagogie, sur les étudiants qui vont poursuivre dans la même formation au second semestre, sur ceux qui vont « redoubler » le semestre d'orientation, ceux qui vont changer de formation... Ils ont tous les jours des conversations avec des responsables. Ils demandent pour demain des chiffres: le nombre d'inscrits en début d'année, celui des d'étudiants « réellement » inscrits (les inscriptions pédagogiques).

 

 

Ils font une recherche sur la mise en place matérielle et pédagogique des premiers cycles dans notre fac, c'est leur mission ; personne d'autre, à ma connaissance, ne fait une recherche, à ce niveau-là, ou dans ce secteur-là, que je considère justement, mais sans le dire jusqu'ici aussi nettement, comme un élément majeur du problème des « transitions ». Ils recueillent l'essentiel de ce que j'aimerais savoir quant à la mise en place de la réforme. Cela m'intéresse davantage, probablement, que les «opinions» des étudiants telles qu'on peut les recueillir par des entretiens ou par le traitement de leurs journaux. Quand je vois travailler les inspecteurs, j'ai l'impression que ma recherche actuelle est peut-être sans objet. Je n'ai pas défini et délimité une cible, et j'ai beaucoup de répugnance à le faire, et je ne me sens pas capable, pour le moment, de le faire. J'ai l'impression que ceux qui le font découpent un petit « morceau » de la réalité. Ils s'intéressent aux étudiants parce qu'on peut toujours les interroger, parce qu'ils sont le gibier le plus facile pour les enquêtes sociologiques (on peut aussi s'en servir facilement pour des expériences de laboratoire, ça ne coûte rien).

 

 

On me presse de définir une « méthode de recherche ». Pour chercher quoi ? Il me semble que l'obsession d'une méthode introuvable est comme une fuite en avant. Dans cette recherche sur le premier cycle (cet objet très général étant posé, défini et accepté dans sa globalité non critique, comme un « allant de soi », un objet donné par le sens commun et l'expérience quotidienne), il faudrait prélever des « sous-objets » de recherche. Or je n'ai pas choisi de le faire.

 

 

Je suis porté, je participe à des réunions, nombreuses, j'ai accès à de nombreux documents, qui sont d'ailleurs du domaine public (lois, circulaires, textes propres à notre université, et qui viennent de plusieurs sources, etc.). Je trouve un certain plaisir à aller dans les commissions à intervenir pour essayer de participer au cours des choses. En même temps, j'ai un doute : j'ai l'impression de trop négliger l'autre recherche, sur l'hypnose et la transe.

 

 

En téléphonant aux sociologues, hier, je retrouvais cette pratique, qui m'est assez agréable, de l'enquête-intervention téléphonique. Quand je la pratiquais en novembre avec les psychologues, c'était le dimanche, comme hier ; j'étais à la fac (alors qu'hier, j'étais chez moi) et, entre deux conversations téléphoniques, à chaud, immédiatement, je notais l'essentiel dans mon Journal (mais qu'est-ce que « l'essentiel »? Comment puis-je le sélectionner dans le discours des gens ? Que signifie cette pratique courante : résumer une conversation au lieu de la transcrire intégralement? Quelle est la valeur de cette transcription ? Tous ces problèmes là, on les néglige...).

 


En tant qu'enragé de l'écriture indexicale, je dois construire des récits, essayer de dire l'indexicalité de ma chronique. Il ne s'agit pas d'obéir à une règle du «tout dire» : je pratique continuellement l'autocensure, je ne dis jamais tout de ma vie privée. L'analyse de l'indexicalité est une tache Infinie, inépuisable, interminable. Ce n'est pas un problème de sincérité, mais un problème de connaissance et d'énonciation ».

 


Il y a dans la fac, « les activités collectives ordinaires », « des moments» (ou événements) critiques (de crise) comme celui que nous vivons en ce moment avec les sociologues institués. Ces moments critiques sont analyseurs, ils dérangent « les routines», ils font apparaître l'implicite, ils suscitent « l’argumentation» (quand les routines font défaut).

 

 

Ma construction avance très lentement. Je commence à voir ce qu’elle pourrait être. En même temps, je suis trop pris dans l’activité de tous les jours pour m’arrêter et réfléchir et j'ai probablement besoin aussi de cette activité parce qu'elle m’interroge.

 

 

Georges Lapassade

 

Mis en ligne par Benyounès et Bernadette Bellagnech

http://lesanalyseurs.over-blog.org

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