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  • : Le blog de Benyounès Bellagnech
  • : Analyse institutionnelle : Théorie et pratique au sein des institutions politiques, éducatives et de recherche. L'implication des individus et des groupes dans la vie politique et sociale.
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21 janvier 2010 4 21 /01 /janvier /2010 09:33

Jeudi 21 septembre 2000, 11 h

 


Lyon II, amphi Benveniste. Thèse de Éric Binet sur La pensée éducative de Françoise Dolto : de l'éthique à l'humanisme éducatif chrétien. J'ai parlé le premier, suivi de Guy Avanzini. Maintenant, c'est Lucette qui parle, très bien d'ailleurs. Elle sera suivie par Guy le Bouëdec puis par Jacques Pain. Cette soutenance est passionnante. Je suis heureux de participer à cette discussion… Françoise Dolto était-elle institutionnaliste? C'est la thèse de l'auteur. Elle a suscité des créations d'établissements qui ont essaimé (une centaine dans le monde) à partir de la Maison Verte. Mais l'intérêt de cette thèse est pour moi la biographie de Françoise, et ce qu'elle peut apporter à une théorie des moments. Dolto ne donne jamais de références. On ne peut pas identifier facilement d'où viennent ses idées. Pourtant, elle a une aura mystique qui englobe son rapport à l'éducatif, comme transition entre le familial et le social… Son mysticisme prend racine chez Schopenhauer, Schleiermacher via Fröbel.

 


Or Fröbel est présent chez elle sous la forme d'une préceptrice, qui va la suivre dans sa vie quotidienne de l'âge de 3 ans à 16 ans (elle ne rentre au lycée qu'en terminale; avant elle fait ses études "à la maison"). "Mademoiselle", comme elle la nomme, est luxembourgeoise. Elle a fait des études d'institutrice, dans une mouvance fröbelienne. Cette présence quotidienne d'une Fröbelienne (donc imprégnée d'une théorie de la petite enfance) à ses côtés, pendant aussi longtemps, ne peut que la marquer du point de vue d'une culture de l'éducation nouvelle. Le fait qu'elle ait une mère protestante (et un père catholique) l'inscrit de manière particulière dans le religieux. Sa posture est marquée par le protestantisme. Quelle langue parlait Mademoiselle? Françoise Dolto a-t-elle appris l'allemand? A-t-elle lu des auteurs allemands de l'éducation nouvelle? Mademoiselle a-t-elle lu Fröbel en allemand? Qu'en aurait-t-elle transmis à Françoise?

 


"Françoise Dolto n'est ni philosophe, ni théologienne" dit le Bouëdec… "bien qu'elle ait quelques lumières sur ces questions". Décrire un moment, nous fait, d'une certaine manière, entrer dans l'arborescence des contextes, «l'arborescence des indexicalités», comme le dit Hubert de Luze dans L’ethnométhodologie. Quand on remonte les déterminations, jusqu'où peut-on aller? D'une part dans l'ordre de la conscience et des souvenirs ; d'autre part dans l'ordre du refoulé ou de l'implicite?

 


Le père de mon arrière grand-père Simon Gardan était disciple d’Etienne Cabet, en 1848. Cette philosophie a été transmise passivement jusqu'à ma génération, peut-être celle de mes enfants… mais un jour, une explication, mettant en relation un texte de Simon Gardan faisant référence à son père lui apprenant à lire dans un livre d'Etienne Cabet, et le livre lui-même (Voyage en Icarie) que j'avais dans ma bibliothèque, permet une réflexion, une réflexivité sur cette transmission implicite.

 


Jacques Pain intervient maintenant. Il a bien connu Françoise Dolto. Pour lui, elle faisait paire avec Jacques Lacan. "Elle n'était pas son anti-thèse, elle était son complémentaire". En fait, un mot comme "pédagogie institutionnelle" qui nous constitue l'un et l'autre renvoie à des indexicalités profondément différentes. Chez Jacques Pain, la psychanalyse est un référentiel fort de la PI. Pour moi, pas du tout. Il cite Makarenko élogieusement. René Lourau crache sur Makarenko. Nous prenons plaisir (Raymond Fonvieille et moi) à lire R. Lourau crachant sur Makarenko. Nos deux perspectives sont aujourd'hui clivées. Les livres de Raymond Fonvieille : L'aventure du mouvement Freinet et Naissance de la pédagogie autogestionnaire me semblent suffisants pour cadrer nos deux écoles. En même temps, l'AI, aujourd'hui, même sur le terrain de l'éducation peut se réclamer de dépassements, par rapport à la P.I. et à l'A.P. (autogestion pédagogique) : par exemple le niveau d'établissement.


Dans le train, entre Lyon et Paris, avec Jacques Pain

 


On fait le point sur le mouvement institutionnaliste. On est d'accord sur de nombreuses perspectives. Je souligne tout de même notre différend sur Makarenko.

-Fernand aimait bien Makarenko

-Raymond, pas trop, je pense!


Jacques parle du film sur la vie de Makarenko… On parle de Déclic. Oui, c'est ce courant qu'il faut appuyer.

-Makarenko est devenu ministre de Staline, dit Jacques.

 

On parle de la série télévisée de Philippe Meirieu (sur la 5) sur Les grands pédagogues, faite par Mosaïque film (installés du côté de la République).

-"Ne rien dire que nous n'ayons fait": pourquoi cette phrase en honneur chez les P.I. résonne-t-elle si fort en moi?

 


Jacques n'utilise pas encore vraiment le courrier électronique. Fernand Oury pratiquait le judo et la boxe. C'est là qu'il a trouvé l'institution des ceintures (transposition d'un moment d'un domaine dans un autre). Jacques s'est trouvé des points communs avec Fernand, du fait qu'il pratique le karaté.

 


Valorcine. "Mon père était facteur", dit Jacques. Il eut son poste de l'autre côté de Chamonix. Cette école pratiquait la pédagogie Freinet. Bocquet, l'instituteur, avait organisé dès 1947 une correspondance avec R. Fonvieille. Ce dernier m'a montré, il y a deux ans, des lettres arrivées de Valorcine, et datant de cette époque. Surdétermination? Les parents de Lucette inscrivaient leur pédagogie dans la tradition Freinet. Que faire des archives Oury, Fonvieille, Lourau? On a besoin de fric. Pourquoi ne pas écrire ensemble une lettre ouverte à Jacques Lang? Nécessité de refaire lien avec le mouvement Freinet. Une réunion a lieu à Montreuil le 1er octobre.


Jeudi 22 septembre 2000, dans le métro

 


Je rentre d'Angers où Constantin a passé beaucoup de temps avec moi. L'objet essentiel de nos discussions: la création d'une revue. Il propose "Exploration culturelle et éducation". Il me faut en parler lundi à Jean Pavlevski. Cette revue serait celle de notre mouvement "Pédagogues sans frontières".

 


Luc Ridel, né en 1942, était à la gare d'Angers. Il avait un billet de 1ère. Il m'a poussé à prendre une place en 1ère… Échanges passionnants avec cet ami de longue date, psychosociologue et psychanalyste. Il voudrait faire une habilitation avec Alain Coulon à Paris 8… Il m'a demandé si j'accepterais d'être membre de son jury avant le 2 décembre. Nous avons tenté d'évaluer l'AI aujourd'hui, à la lumière des demandeurs d'intervention…

 


A l'aller, je m'étais plongé dans le livre de Gérard Chalut-Natal et Philippe Norvicki : Ame et compétences. C'est un livre subtilement institutionnaliste… sur les bilans de compétences. Vraiment bien écrit. J'ai hâte de le terminer et de dire à l'auteur ce que j'en pense. Il le mérite… Mon "il" au singulier s'adresse à Gérard, qui est l'auteur que je connais!

 


Hier, j'ai oublié de noter que Jacques Pain m'a dit que Françoise Hatchuel lui avait emprunté tous les livres de moi qu'il avait… Elle lui a rendu ces jours derniers. Collègue de Nanterre, Françoise s'était présentée contre moi en mai dernier sur le poste de responsable de la commission nationale "éducation" des Verts.

 


Mardi 26 septembre 2000, Assemblée Nationale, 19 h 30

 


Je vais devoir parler ce soir à la tribune. Mon intervention devra être courte… C'est l'AG des Verts de Paris. Il doit être question de la validation de la liste de 18ème arrondissement…

 


Remi Hess

http://lesanalyseurs.over-blog.org

 

 

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20 janvier 2010 3 20 /01 /janvier /2010 13:33

Mercredi 20 septembre 2000, Square Clignancourt

 


Hier, j'ai trouvé une lettre de Jean Pavlevski me demandant de préfacer la réédition d'Espace et politique… C'est une grande responsabilité. Il faut le faire vite et bien. Comme le livre ne fait que 170 pages, je peux facilement faire 20 pages. Il me faut faire une préface vraiment originale. Il ne faut pas refaire la préface de la Production de l'espace. Il faut aller plus loin, penser moi-même l'espace. Qu'est-ce que l'espace aujourd'hui?

 


Aujourd'hui, au courrier, un très beau livre d'un ancien thésard de René Lourau. Je n'ai pas eu le temps de me plonger dedans (seulement dans la lettre d'accompagnement): je suis avec Romain, et il est difficile de suivre mes propres projets quand je suis avec lui. Le fait d'avoir ce carnet dans ma poche a été une chance pour moi, maintenant. Il joue avec des amis à lui. Il a l'air heureux. Cela me donne l'occasion de prendre le soleil, (qui vient de se lever et qui est très beau), et d'écrire.

 


J'ai relu Espace et politique hier soir. C'était une lecture rapide, mais nécessaire pour que mon travail commence à s'élaborer en moi… Pourquoi est-ce que je donne priorité psychique à ce projet, alors qu'il me faudrait terminer le numéro de Pratiques de formation sur René Lourau qui dort dans un coin? Jacques Ardoino me presse de coups de fil, mais la mort de Raymond m'a un peu déstabilisé. Il faut que je reprenne à bras le corps ce chantier. C'est un enjeu important… En même temps, l'idée de publier un texte sur Lefebvre m'importe. Notamment sur Espace et politique… Je sais que j'aurai au moins une lectrice: Corinne Jaquand. Et dans le contexte des municipales, le texte que je conçois pourrait avoir un impact. Je pense à Alain Lipietz. En fait, ma préface doit être le texte de mon intervention au colloque Lefebvre de novembre. Je vis actuellement un bouleversement organisationnel… J'ai internet chez moi depuis 3 mois. Je suis rentré dedans totalement. Cela modifie fondamentalement mon rapport à l'espace et au temps.

 


Je vis des relations régulières, suivies avec Ahmed Lamihi. Il est à Tétouan. Je ne sais pas tout de ses activités, mais concernant la préparation des Dossiers pédagogiques, je suis la progression du cahier sur Raymond. Il me demande conseil et je lui réponds. Ce mode de travail est vraiment rapide, efficace et permet de vivre l'espace autrement. J'ai des contacts aussi avec Sonia Altoé au Brésil, avec Driss à la Réunion, avec M.-J. Siméoni à Mayotte, avec un prof argentin sur le tango, etc., avec Gaby Weigand à Würzburg, avec les Verts de Munich, etc. Comment concevoir l'espace maintenant? Cette inscription sur le mail rend aussi plus proche des gens de quartiers voisins. Bernard Wattez, par exemple ou Christine Delory. C'est important, cette proximité, y compris avec ses voisins!

 


Dans le découpage de l'espace virtuel, il y a donc un clivage entre ceux qui disposent d'un mail et les autres… Mais il y a des clivages aussi entre ceux dont on a les adresses et ceux que l'on ne sait pas encore que l'on peut toucher…

 


La théorie "centre et périphérie" fonctionne donc très fort. Par exemple, Jacky Anding n'a pas de mail. Il vit par procuration…Bernard l'a et c'est autre chose. Une partie des Verts qui ont un mail dans le 18e ne m'ont pas donné leur adresse. Je ne peux pas les joindre. Il y a donc un cloisonnement technique qui structure les clivages. Peut-être Antoine Lagneau dispose-t-il des adresses électroniques des gens des deux clans? Il faudrait que je le questionne à ce propos.

 


Vert-horizon
est un enjeu. Il faut donner les adresses électroniques de chaque adhérent mailé. Henri Lefebvre, René Lourau et Raymond Fonvieille sont morts avant d'avoir eu le temps de découvrir ce monde du virtuel. Cet espace virtuel se superpose à l'espace institutionnel et à l'espace tout court.

 


Romain joue au foot avec deux garçons noirs du quartier. Ils sont plus âgés que lui… Ils semblent heureux tous les trois. Les squares sont des espaces essentiels pour les enfants… Il va être une heure. Il faudrait rentrer déjeuner!

 


Dans son dernier texte, écrit durant la nuit, Bernard Wattez dit apprécier Christine, Lucette et moi. Il veut quitter les Verts. Qu'est-ce que la considération? Qu'est-ce qui fait que l'on obtient le respect, la considération d'une personne, d'un groupe? Parallèlement, comment suscite-t-on la défiance, le dénigrement, la mésestime? Il faudrait réfléchir à ces choses. Comment s'évalue-t-on les uns, les autres?

 


Mon carnet commence à se remplir. Que vais-je en faire? Il faudrait que je le fasse taper… Cela me permettrait de le relire et peut-être de le donner à lire. Le temps me manque actuellement. J'ai vraiment envie d'avancer des textes importants: la théorie des moments, et mon texte sur Mayotte qui nécessiterait une suite, consignant les derniers développements… et une théorisation autour du thème "centre et périphérie".

 


Les échanges mail sont intéressants, mais ils prennent du temps à l'écriture suivie.



Après-midi, rue Marcadet, dans la rue


Je suis surchargé. Je viens d'avoir un appel d'Angers, me rappelant le jury de vendredi. Demain matin, je devrais être à Lyon pour une thèse sur la pédagogie de Dolto et l'après-midi à Paris 8 pour une thèse sur l'interculturel… C'est trop. Je comprends la fatigue de René, à la fin, vis-à-vis de ses thésards… J'ai, au moins, six thèses à organiser dans les semaines qui viennent, et j'ai une over-dose. Je veux rompre avec cet activisme que j'ai assumé, sans me rendre compte de cette "sur implication" jusqu'en novembre dernier… Mais cela va faire un an que je prends conscience que j'ai été excessif au niveau du travail.

 


Chez Hélène, ce matin, j'ai pris conscience du plaisir d'être grand-père. Il faudrait que je trouve le temps d'aller régulièrement rendre visite à Nolwenn. René a apprécié de s'occuper de petits-enfants: c'est la reconnaissance d'un âge.


Dominique rentre de courses… Romain jouait avec sa trottinette.

 

Remi Hess

http://lesanalyseurs.over-blog.org

 

 

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19 janvier 2010 2 19 /01 /janvier /2010 09:19

Vendredi 8 septembre 2000


J'ai constamment ce carnet dans mon sac. Je voudrais y écrire… En même temps, je suis sur d'autres choses. Cet été, j'ai tenté d'avancer mon livre La théorie des moments. C'est un livre à partir de Lefebvre, mais son écriture me renvoie souvent à Lourau…


Aujourd'hui, c'est l'incinération de Raymond Fonvieille… Je devais y aller, mais à 4 h 30 du matin, ma fille Hélène m'a téléphoné. Elle venait de perdre les eaux. J'ai été la conduire à la clinique, ou plutôt à l'Hôpital Lariboisière. J'attends. Je veux savoir. Aurai-je une petite fille ou un petit fils? Il est 17 h 30, et toujours rien.


Depuis hier, je me suis replongé dans les livres de Raymond Fonvieille. Il dit à plusieurs endroits que c'est moi qui l'a fait écrire. Hier, j'ai écrit un petit texte pour Le Monde. Est-il passé? Je n'ose pas descendre au rez-de-chaussée, et risquer ainsi de manquer le coup de fil d'Yves que j'attends avec de plus en plus d'impatience…


Ahmed Lamihi m'a demandé un article sur R. Fonvieille pour les Dossiers pédagogiques. Cela me stimule à relire intégralement son œuvre… C'est fantastique. Je suis vraiment heureux d'avoir édité deux de ses quatre ouvrages. J'ai eu la chance de rencontrer cet homme en 1974. C'est René Lourau qui avait joué le rôle de "go between", d'intermédiaire.


Je vais continuer ma lecture de Raymond… J'aborde l'année 1963 (Naissance de la pédagogie autogestionnaire). René Lourau va entrer en scène…


Lundi 18 septembre 2000, dans le métro


Suite à ma lecture des trois premiers livres de Raymond, j'ai écrit six pages sur lui pour Ahmed Lamihi. J'aurais voulu, encore, les développer. Mais j'ai fait circuler ces pages sur le Net… et plusieurs journaux militants m'ont demandé des textes : Le Monde libertaire, Le Nouvel éducateur (journal des Freinet) et un journal local (34)…


La petite annonce passée dans Le Monde m'a coûté 4400 francs. C'est davantage que je pouvais imaginer. Cela m'a mis dans le rouge au niveau de ma trésorerie. Lucette m'a aidé à payer mon tiers provisionnel.


Mes activités de journaliste ne m'ont pas permis d'approfondir ma lecture de Raymond. Ce qui est sûr, c'est que les institutionnalistes présents dans les Alpes ne m'ont pas donné de nouvelles. J'ignore toujours comment s'est passée la cérémonie. Je pense qu'ils sont abattus. Seul G. Lapassade a tenu à parler. Il m'a invité à déjeuner chez lui lundi dernier. J'avais signé avec lui l'article paru dans Le Monde du 9 septembre. Je suis content de ce texte, lu par beaucoup…


Cette agitation journalistique s'est augmentée d'un article sur les écoles Steiner paru dans Libé du lundi 11, faisant référence à mes propos pour défendre la pédagogie des écoles Steiner. Là encore, réactions. Les Verts soutiennent ma position (ou l'inverse).


Avec Lapassade, petite discussion sur l'état de l'AI. Georges pense que les UV proposées cette année sont de la ritournelle. Rien de nouveau dans les annonces d'enseignement. Georges m'a demandé comment je vois l'AI aujourd'hui, ce que j'y mets de neuf, etc. Je lui ai dit que j'avais découvert que R. Fonvieille me percevait comme un disciple à lui, en ce qui concerne le journal (il évoque souvent mon Lycée au jour le jour). Mais il précise que sa pratique à lui était restée cantonnée à la classe. Mon travail s'est élargi au niveau de l'établissement… Ce constat de Raymond date des années 1980. Aujourd'hui je me suis engagé chez les Verts, pour élargir l'intervention au niveau du politique. Agir avec des mouvements pédagogiques comme Déclic devient pour moi une priorité. Ce sont ces gens-là qui portent en eux l'avenir de l'AI. Obtenir de l'État la reconnaissance d'équipes pédagogiques, ayant de réels projets d'intervention, me semble ce qu'il faut faire aujourd'hui.


Au retour de l'OFAJ


Beaucoup de monde. Il m'est difficile d'écrire. La recherche, à l'OFAJ, traverse une crise institutionnelle importante. Spontanément, j'ai tendance à comparer cette situation à celle vécue par Raymond à l'IPN après 1969… où à celle que nous vivons dans l'AI. Plusieurs éléments interviennent dans les crises institutionnelles : l'affect (l'affrontement de personnes ou de groupes en fonction de leur âge), la rigueur idéologique ou politique qui s'autonomise par rapport aux finalités conscientes ou inconscientes, intériorisées par les anciens et contestées par les nouveaux, les choix financiers.


Ces jours-ci je me suis cassé une côte ; je me suis fait arracher une dent. Ma manière de vivre les crises : ne pas m'occuper de mon corps (soins dentaires particulièrement), ne pas ranger mes papiers, ne pas me faire payer.


La mort de René est survenue en pleine crise à Paris 8. Celle de Raymond survient juste avant la rentrée… Je sens qu'elle pèse sur mes réalités : mon rapport au rangement, à l'organisation du travail, à la qualité de mes relations avec mes étudiants, mes amis, ma famille.


Il me faut parvenir à vivre au jour le jour, en tentant de ne pas me laisser aller. Le tissu institutionnel dans lequel j'évolue me pose beaucoup de problèmes actuellement. Je n'en continue pas moins à être présent, efficace dans de nombreuses directions. Mais suis-je vraiment sujet de mon rapport au monde? Je vis, porté par le tissu institutionnel qui se rappelle à moi, constamment. Je réponds aux sollicitations, les coups de fil que je reçois, les mails (auxquels je réponds plus facilement qu'aux lettres) m'obligent à fonctionner, mais…


Aujourd'hui, je ressens le départ de Raymond Fonvielle comme quelque chose d'encore plus pesant que celui de René. Je me constitue comme l'ancien de l'AI. Je sens que je serais prêt à devenir le vieux du mouvement. Car, malgré son âge, Georges est plus jeune que moi, psychologiquement. Ce dont je prends conscience, c'est du poids de la temporalité.

 

J'entretiens des rapports réguliers avec Gaby Weigand. Nous nous écrivons. Nouvelle correspondance? Christine, comme Gaby, a écrit un texte sur Raymond Fonvielle. Où les publier?


Mardi 19 septembre 2000


Conseil d'UFR. Antoine est venu. Il était bien disposé.


J'ai parlé longuement de la coopération avec Mayotte. J'y pars le 8 octobre avec Lucette, dans 10 jours. C'est formidable pour nous de mettre en place ce dispositif. Il s'agit d'une forme nouvelle d'intervention institutionnelle.


Remi Hess

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18 janvier 2010 1 18 /01 /janvier /2010 09:51

Paris 8, ce mardi 30 mai 2000, réunion de l'équipe de DEA


Hier, réunion informelle à l'initiative de G. Lapassade avec Gilles Monceau et Danielle Guillier. Le fossé qu'il y a entre nous a pu être éclairé… Certaines choses se sont dites. Le projet de Gilles de m'attaquer en justice pour diffamation reposait sur l'idée que mes attaques sur le fonctionnement financier du LSE qu'il prenait pour lui apparaissaient à ses yeux comme délation, diffamation, etc. Des étudiants d'AI auraient rapporté que j'avais dit que je souhaitais la mort d'Antoine, que je voulais le tuer !!! Je n'ai jamais eu l'idée d'une telle chose. Ma guerre avec Antoine repose sur l'exigence d'une bonne santé réciproque. Je dois souligner le rôle important que joue Georges pour tenter de sauver le séminaire d'AI.


Dany m'a dit qu'il ne souhaitait pas que je débaptise mon séminaire, pour prendre en charge l'analyse institutionnelle. Sa position est proche de celle de Lucette : tant que les labos ne sont pas expertisés par le Ministère, c'est introduire de la confusion que de créer des dispositifs transversaux entre plusieurs labos.


J'avoue que moi-même je me trouvais très partagé. Antoine a donné à Georges des papiers rédigés par R. Lourau entre 1978 et 1981 et décrivant la naissance du séminaire d'AI. Toutes ces initiatives permettent de penser que la situation évolue dans le bon sens…


En fait, je me sens fortement impliqué sur le terrain de l'AI, suite à la soutenance de thèse de Ourega, le 26 mai, qui rassemblait au jury : Gérard Althabe, Sophie Caratini, Driss Alaoui, Roger Tebib, Madame Bakaba et moi-même. Georges n'avait pas souhaité être dans le jury.


Cette thèse a été un grand moment d'AI. Il y a eu des tensions et des explosions entre les membres du jury et entre le public (plus de 40 Africains présents dans la salle) et le jury. J'avoue que j'ai été désarçonné par ces épisodes. Sophie Caratini a été au cœur des critiques, injustes surgies du public… mais elle a été parfaite!


Le lendemain, j'ai rencontré longuement Gérard Althabe que j'ai écouté. Je tapais le texte qu'il me dictait… sur son enfance et celle de Lourau. Passionnant. Ce texte va entrer dans le n° de Pratiques de Formation… qui avance, donc.


Dans ce carnet, je n'ai pas noté que je m'étais lancé dans le train, entre Montpellier et Paris, dans la confection d'une bande dessinée sur l'état de l'AI… Cette bande dessinée que j'intitule La Sainte Église a été tirée à un exemplaire, que j'ai donné à Patrice Ville. Celui-ci a dû en parler à Gilles, puisque celui-ci a évoqué "le Vatican" dans notre conversation d'hier…


Cet après-midi, je passe comme "vedette annoncée" au séminaire d'AI… Vais-je parler ou au contraire me taire? Écouter les étudiants serait très important, pour comprendre la situation avec précision (clivages qui traversent ce groupe).


Je pense beaucoup à ma réédition de Centre et périphérie. Je me suis encore replongé dans ce livre ce matin…On me propose de penser un premier cycle à Mayotte… en rapport avec le travail de terrain accompli à Pâques… Je pense Centre et périphérie à partir de cette demande d'intervention. Je voudrais proposer un cursus ad hoc.


Dernier point à noter : je rentre tout doucement dans la logique "internet". J'ai échangé dix messages hier avec différents destinataires de courriers électroniques. C'est formidable. J'ai ainsi reçu des textes de René Barbier, Dominique Sitot (bibliographie…).


Au cours de la réunion à laquelle je participe, arrivée d'Antoine qui défend une proposition d'atelier de Patrice Ville sur Socianalyse et recherche-action. Le collège des enseignants écoute avec beaucoup d'intérêt ce que dit Antoine…


En fait, on trouve là une solution à la question de la suppression du séminaire d'AI. Antoine Savoye emploie le mot de terrenisme qu'il attribue à René Lourau.


Remi Hess

http://lesanalyseurs.over-blog.org

 

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17 janvier 2010 7 17 /01 /janvier /2010 11:25

Dans le train, jeudi 18 mai 2000, 9 h


Je vais au colloque de l'ADECE. Je suis en seconde. C'est infernal. Tous les voisins ont des portables. J'ai du mal à me concentrer pour écrire. J'ai lancé des pistes pour amorcer ma conférence de demain matin sur les échanges de classes, mais impossible de trouver un calme minimum pour écrire. Je me demande si l'on ne pourrait pas imaginer des wagons interdits aux portables…


Je suis parti saluer Louis Porcher (que je ne connaissais pas) et Dominique Groux, qui sont dans un wagon voisin. Un jeune, qui dit galérer, ne cesse de téléphoner dans la France entière en ne cessant de dire, "je baise ta mère", "je baise ta grand-mère", "je la scotsche", "ta mère, c'est une piste d'atterrissage", etc. Je voudrais profiter du voyage pour noter les derniers incidents concernant l'AI.


La semaine dernière, j'ai passé deux jours avec Christine Delory à Montpellier, déjà. Nous y étions avec J. Demorgon, N. Carpentier et quelques autres (Bruno Mattéi) pour animer l'atelier L'école face au mondial du colloque Penser la mutation organisé par Cultures en mouvement.


(Long développement sur le DEA de Paris 8. Je coupe).


Valence est déjà passé. C'est formidable la vitesse, lorsque l'on parvient à se concentrer sur quelque chose. Je vais abandonner Paris 8 pour revenir à Jean-François Raguet. De la pourriture est un livre fort. J'ai téléphoné à l'auteur pour le féliciter. Certes, il m'égratigne injustement comme beaucoup d'autres, mais globalement l'idée centrale est juste: la réédition du Dictionnaire des philosophes correspondait à une entreprise de liquidation de la pensée des auteurs, influencés par le mouvement de mai 1968. De plus, cette purification idéologique a pris parfois des formes de pudibonderie assez loufoques… On supprime l'information que Plotin a tété le sein d'une nourrice jusqu'à l'âge de huit ans; on édulcore les bêtises d'Augustin, avant sa conversion, etc. On supprime toutes les notices de philosophies ayant travaillé sur la sexualité. On rajoute des théologiens cathos à la pelle, etc. La plupart n'ont pas écrit une ligne sur la philo. Toutes ces critiques sont justes. Bref, ce livre est une véritable analyse institutionnelle de la philosophie.


René Lourau aurait beaucoup aimé ce livre. Avec G. Lapassade, M. Lobrot et les autres (H. Lefebvre, Cl. Lefort, J.-M. Brohm) il voit sa rubrique terriblement réduite. Et ce que l'on enlève est justement ce qui fait politiquement sens. C'est vraiment intéressant d'avoir mis à jour ce fait. Ce livre a mille faiblesses. Plus qu'une analyse, c'est un analyseur, mais ce sont les analyseurs qui font l'analyse. Il faudrait revenir aux sources de l'AI. J'ai l'idée de faire une UV, un jour, sur cet ouvrage. "Analyse institutionnelle et philosophie".


Lundi dernier, j'ai eu à la maison la réunion du groupe de travail sur le colloque H. Lefebvre. Armand (qui a beaucoup travaillé avec René Lourau entre 1985 et 1993) a mis sur le net des textes de René. On en a parlé avec Dan Ferrand-Bechman mardi midi, à table, car elle est inscrite à ce colloque (Patrick aussi d'ailleurs) qui aura lieu en novembre prochain. J'ai affiché des informations sur ce colloque dans la salle de l'AI.


***


Les étudiants de l'AI, mardi, disaient qu'ils suivraient Patrice si celui-ci faisait un séminaire privé d'AI l'année prochaine. Patrice dit être prêt à le faire! Bravo! Mais j'ai peur que Patrice n'aie pas la force de réaliser ce rêve. Pour ma part, j'ai eu lundi soir la visite de Y, un Africain, ancien chargé de cours en ECA, qui disait venir au nom des thésards de Lourau :

-M. Hess, votre devoir, c'est de ne pas abandonner les Africains. R. Lourau nous accueillait, nous aidait. Maintenant qu'il est parti, plus personne ne s'occupe de nous!


***


Gilles explique aux profs que suivre une thèse ne relève pas de leur compétence. Tout le monde, même lui, peut aider à la réalisation d'une thèse. Oui? Cependant, comment quelqu'un qui n'a jamais été, lui-même, confronté à la publication d'un livre peut-il aider quelqu'un à produire un texte publiable? Mystère, mystère!


[Lorsqu'Antoine a fait capoter le projet de livre de Patrice, il ne lui a vraiment pas rendu un grand service].


À Paris 8, toute une partie de mon travail a consisté à déconstruire les bêtises enseignées par certains collègues, qui prétendaient expliquer la méthodologie de l'écriture alors qu'ils n'avaient jamais publié une ligne de leur vie… Ils se faisaient un plaisir d'engager les étudiants sur des fausses pistes… Aujourd'hui, je n'enseigne plus du tout. J'ai déposé le bilan. Je ne comprends plus ce qu'il reste à faire… Je préfère, comme hier soir, parler à des publics populaires (j'ai animé un café vert sur l'éducation à Bagnolet), ou de spécialistes (comme à Montpellier) que de rentrer dans des dispositifs tordus (DEA par exemple) où ce sont Dany et Jean-Yves qui décident du sens de ce qu'il y a à enseigner, à écrire, etc. Ils contrôlent le TC1, le TC2 et ils bloquent donc tout déviant par rapport à leurs normes. Je ne connais pas leurs normes.


Sylvain Sangla, de la Revue française, me disait lundi que Jean-Yves était devenu hyper rigide. «Cette posture met en péril la revue», a-t-il ajouté.


Le CNU a invalidé tous les praticiens des histoires de vie, par exemple, mais a validé Latchoumanin qui n'a publié aucun livre, qui est totalement incapable de tenir un discours de recherche, durant cinq minutes, en public, qui n'a jamais lu le livre d’Éliane Wolff (comme il me l'a dit lui-même). Comment invalider de vrais chercheurs, lorsque l'on qualifie des amateurs? C'est la posture opposée à celle que j'avais adoptée vis-à-vis de Latchoumanin, à qui j'avais demandé d'écrire un livre. Je voulais qu'il s'y mette vraiment. Maintenant qu'il va être prof sans avoir rien fait, que peut-on attendre de lui? Le CNU invalide des savants comme Tapernoux ou Xypas sous prétexte que ce sont des "cathos" (nos collègues sont ignorants ; ils préfèrent se fier aux apparences que d'y regarder de plus près), et ils valident Latchoumanin parce qu'il est (?). Évoquer cela ici est intéressant, parce que l'on touche ici à l'institution. L'accès à l'institution, c'est ce qui la définit. Qui est dedans? Qui est dehors? Je suis heureux d'être dedans. Au niveau de la paie, c'est le plus important. Cependant, depuis un an, je dois faire face à une campagne de délégitimation, du fait que je fais trop de thèses avec G. Avanzini. Sic! La troisième République sectaire qui est aujourd'hui au pouvoir au CNU (en fait d'anciens enfants de chœur reconvertis dans la pureté des valeurs républicaines) m'a labellisé comme Catho. C'est tout à fait amusant (dans le même temps J.Fr. Raguet montre que les auteurs que j'ai traités sont exclus pour hostilité théorique au monde de la théologie catholique!), ridicule. Mais cela fonctionne! Mes thésards (beaucoup ont davantage écrit et publié que leurs soi-disant censeurs) se retrouvent donc non qualifiés. Ce n'est donc plus un service que de les diriger. D'une certaine façon, on s'en fout! Ils n'ont qu'à changer de directeur de thèse s'ils veulent faire carrière… ou attendre que je me présente au CNU. C'est une éventualité à envisager. Lors des journées Fac verte (samedi et dimanche dernier), j'en ai eu l'intuition. En même temps, je n'ai jamais eu le désir d'aller perdre mon temps dans ce genre de dispositifs, gestionnaires de l'institué. Mon boulot, c'est de créer, d'aider les gens à créer.


Depuis janvier, on a publié cinq livres dans nos collections: La production de l'espace, Dan Bechmann, Paivandi et Farzad, G. Lapassade et Schérer, Christine Delory. Ces ouvrages sont du plus haut intérêt. Lequel aurait dû ne pas exister? Lequel a-t-on fait en trop? Antoine a dit à la réunion de DEA que beaucoup de livres publiés ne méritaient pas d'exister. De quels livres parlait-il? Des siens? Mis à part celui qui a coulé la collection AI, parce qu'il s'en est vendu moins de trente exemplaires, ne voyant pas les chiffres de vente des autres, je ne les juge pas superflus. Ils ont apporté quelque chose. À moi, au moins.


Dans les livres de Lourau, Lapassade, Lefebvre et moi-même, j'aimerais bien qu'Antoine fasse la liste des ouvrages inutiles, superflus. Tous les livres n'ont pas la même fonction. Certains se justifient par une actualité, une conjoncture. D'autres sont des ouvrages de fond. Ils visent à une certaine pérennité.


15 h 30. Grand amphi de l'IUFM de Montpellier


Je repense à un coup de fil de Georges qui voulait tout savoir sur ce qui s'était dit à Paris 8 à propos du séminaire de l'AI.

-Même si Patrice passe sa thèse d'État, il ne pourra pas avoir son séminaire?

-Non! Oui! Le paradoxe, c'est qu'on tient compte de ce que sont les gens, au moment où l'on organise la rentrée… On ne travaille pas sur le virtuel ou l'imaginaire des gens. On ne se base que sur du passé accumulé. L'une des forces du LSE pendant longtemps, c'est d'être parvenu à faire exister le virtuel et l'imaginaire comme du réel, de l'institué. Vivre d'avantages imaginaires acquis a été l'une des caractéristiques des états H. Ils sont parvenus à obtenir des statuts sur ce capital imaginaire… Le problème, c'est que, de temps en temps, quelqu'un se lève et dit :

-Mais ils sont nus!

-Non, cher ami, vous rêvez ?

-Ah bon, excusez-moi.


Remi Hess

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16 janvier 2010 6 16 /01 /janvier /2010 10:01

Rue Marcadet, vendredi 5 mai 2000


J'attends Léonore dont je n'ai pas pu décommander le rendez-vous. Elle traduit Schleiermacher. Or, j'ai une rencontre à l'OFAJ au même moment. Comment m'en sortir?


En attendant, je note deux ou trois choses. G. Lapassade s'est fait refuser un article pour les Cahiers de l'implication, dans lequel il pensait l'institutionnalisation de l'A.I. Expérience paradoxale de censure par ceux qu'il défendait pour entrer dans le numéro de Pratiques de formation sur R. Lourau. Cette censure opérée par Gilles entraîne des remous dans la secte. Deux ou trois groupies de Gilles s'en détachent. La paroisse n'est plus enthousiaste par ce vicaire qui s'est fait "élire" évêque par un sacristain et deux ou trois bigotes, qui faisaient la queue devant son confessionnal. L'abbé Monceau va avoir du mal à survivre à cette situation. Il a harcelé Christine Delory (deux appels téléphoniques de plus de 3/4 d'heure) pour que celle-ci n'écrive pas dans le numéro de Pratiques de formation sur R. Lourau. Ce que je tire de ces nouveaux incidents :

-R. Lourau en partant si brusquement a laissé une situation de l'A.I. assez complexe… C'est dur de voir les choses se détériorer ainsi.

-Pour ma part, j'ai du mal à me positionner. J'ai écrit mardi après-midi un texte assez personnel sur l'institutionnalisation du nom (de mon nom). Le donnerai-je à cette revue? C'est la revue de R. Lourau, mais, en même temps, elle fait l'objet d'une annexion de la part de la secte.


Comme l'a dit Georges Lapassade, une analyse de contenu montre que ce qui la caractérise, c'est la juxtaposition de textes théoriques produits par des profs (souvent extérieurs au mouvement de l'A.I.) et des textes "impliqués" d'étudiants incapables de construire un discours autre que celui du ressenti, de l'implication affective. Je pense que cette revue a été pensée par R. Lourau comme une «entreprise intermédiaire».


Dans le métro


J'ai réglé mon problème avec Léonore. Je suis en route pour l'OFAJ. L'absence d'Ursula toujours hospitalisée, va être dure pour moi.


R. Lourau voulait un article sur l'OFAJ, dans le n° sur l'institutionnalisation des Cahiers de l'implication. Je l'ai écrit. Faut-il le rendre? C’est un moyen de parler d'un courant de l'AI à travers un terrain. Perspective plus juste que celle de parler de l'institutionnalisation de l'OFAJ lui-même…


La crise avec l'abbé Monceau m'avait amené à penser qu'il ne fallait rien rendre au Cahiers. Mais ce serait abdiquer, abandonner l'héritage louraldien aux intégristes de la secte. Or, R. Lourau était beaucoup plus que le chef d'une secte.


A l'OFAJ. Il y a Michel Bernard, Dieter Geulen, Burkhard Müller, Christoph Wulf, Lucette et moi. On regrette de ne pas avoir le texte de R. Lourau promis pour le livre Université et interculturalité. Lucette :

-Il faudrait demander à Julie!

Moi :

-Oui!

***

 

Plus tard. Je relis la lettre que Constantin Xypas m'a envoyée le 21 avril. J'y vois prévu comme n° 2 de la revue en cours de création (Éducation, sociétés et cultures) : Hommage à R. Lourau et F. Guattari.


Hier, on a conçu le comité de rédaction de cette nouvelle revue. G. Lapassade regrettait que l'on ne consacre pas le premier à R. Lourau. Sur quel thème écrire sur R. Lourau dans le cadre de ce numéro, sans trahir la posture interculturelle que nous souhaitons donner à ce numéro, ou plus généralement à cette revue? On peut développer la pensée transductive comme logique nécessaire de la rencontre interculturelle. Il y a aussi la dimension internationale de René, sa présence à l'autre, aux autres des autres pays.


Et concernant Félix Guattari? Christoph Wulf était étonné que nous rapprochions les deux personnages ; Constantin ne semble pas connaître Félix. Cela me fait découvrir ce que je sais et que les autres ne savent pas.


OFAJ, samedi 6 mai 2000, 11 h


Michel Bernard m'apporte le livre de Jean-François Raguet, De la pourriture, qui vient de paraître et où je suis abondamment cité, commenté, critiqué, insulté. Il s'agit d'un livre à l'emporte pièce qui me passionne. D'une certaine manière, c'est une analyse institutionnelle de la philosophie française contemporaine. Il y est question des institutionnalistes : R. Lourau, H. Lefebvre, G. Lapassade, M. Lobrot, J.M. Brohm, etc. Le sous-titre est : "Comparaison de deux éditions, 1984 et 1993, du Dictionnaire des philosophes". J.-François Raguet met à jour l'opération de nettoyage qui s'est opérée, notamment dans le fait de supprimer mes notices ou de les raccourcir… J'avais mal vécu cette purification idéologique… Là, elle est identifiée, pointée, conceptualisée… Ce qui est génial dans ce livre, c'est qu'il fait la théorie d'un vécu ancien, traumatique, mais refoulé, du fait du contexte d'activitisme, dans lequel je me trouvais à ce moment (mise en place de l'IUFM de Reims : j'avais 700 étudiants dans mon cours à la fac de Reims). Lorsque le Dictionnaire des philosophes m'a demandé de réduire de 4/5e la plupart des rubriques dont j'étais l'auteur, j'ai été consterné. J'ai refusé finalement de faire ce travail. Cela a d'ailleurs été signalé dans l'introduction de la réédition.


Remi Hess

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15 janvier 2010 5 15 /01 /janvier /2010 16:42

Mayotte, rue du collège, 6 avril 2000, 15 h

 


Ce matin, j'ai découvert que Patrick Boumard, qui m'a précédé dans le développement des cours de la licence de sciences de l'éducation, avait parlé durant cinq jours d'analyse institutionnelle. C'est intéressant. Il a parlé de Gérard Mendel, mais aussi d'autres courants. Hier, j'ai commencé un cours un peu brouillon (j'avais voyagé le matin). Je me suis présenté, j'ai présenté mon travail éditorial (j'avais apporté de nombreux livres avec moi, sachant que ce type de produit est rare ici). Avant de découvrir que Patrick m'avait précédé ici, j'avais envie de reprendre ce carnet, que j'ouvre quand je suis loin. Il y aurait mille choses à écrire dedans. J'ai l'impression qu'il se passe des masses de choses à Paris, sur le front de l'AI. Il faudra que je prenne le temps d'écrire ici… Ce n'est pas le moment. Je crois qu'il me faut commencer mon cours. Ce que je trouve bien, c'est d'écrire mon journal devant les stagiaires, qu'ils me voient comme le maître artisan avec ses apprentis.

 

 
Saint-Denis, le 2 mai, 10 h


Je suis dans une réunion d'évaluation ("état des lieux") du département des sciences de l'éducation. C'est une sorte de réunion d'analyse interne. On parle de la maîtrise. J'ai ouvert ce carnet, car je pense beaucoup à R. Lourau et au devenir de l'A.I.

 


A Mayotte, je n'ai pas écrit sur ce carnet, car mon intervention pédagogique s'est transformée en moment socianalytique, et du coup j'ai écrit un carnet spécifique pour ne pas manquer ce qui se passait.

 


Ici, je vis des problèmes dans de nombreux secteurs de ma transversalité. Je vis des tensions à la fac, chez les Verts. Sur le terrain de la fac, je dois gérer la continuité des problèmes de 3ème cycle. Le CNU souhaite de ma part plus de rigueur. Je suis d'accord sur le principe. Dans la pratique, c'est délicat. Il faut gérer le court et le long terme, en même temps.

 


Chez les Verts, j'ai aussi des problèmes de délégitimation. Pourquoi? C'est complexe, mais une arme qui a été utilisée contre moi est la position des Verts de Paris 8 sur la question des Sans papiers. C'est un paradoxe, une inversion psychologiquement difficile à vivre.

 


Le week-end passé à Sainte Gemme a été excellent. Pourtant, j'ai brisé deux machines. Je les suremploie. Je leur demande trop.

 


Dernier point, le fait que Lucette ait rangé tous mes papiers. En rentrant de l'hôpital, elle n'a pas supporté qu'il y ait des papiers partout. Elle a eu l'impression d'étouffer, et elle s'est lancée dans un rangement total. La maison est formidablement propre. En même temps, mon nouvel IMAC, acheté avant l'entrée à l'hôpital de Lucette, ne fonctionne toujours pas.

 


Cela m'amène à réfléchir sur la Théorie des moments. J'avais l'intention de faire ce livre depuis longtemps. Je crois que le moment est venu de m'y mettre, car la crise que je traverse (qui n'est pas catastrophique) peut être une bonne banque de données pour ma recherche.

 


***

 


La semaine dernière, Julie Lourau m'a laissé un message dans lequel elle me disait le désir de Sonia Altoé de me faire venir à Rio de Janeiro en septembre, pour rendre hommage à René Lourau. J'ai envoyé un fax à Sonia qui m'a répondu. J'ai repris contact avec Julie Lourau, pour la remercier de sa médiation. Patrice Ville m'ayant dit que René Lourau avait laissé à ses enfants les droits sur son œuvre, je lui ai demandé si elle accepterait que l'on publie des textes de lui dans Pratiques de formation. Elle m'a promis d'en parler avec Julien. J'ai restitué à J. Ardoino cette conversation.

 


G. Lapassade m'a dit qu'il avait fait une intervention auprès de Jacques Ardoino, pour que Patrice et Gilles puissent écrire dans Pratiques de formation (numéro sur R. Lourau). Celui-ci s'est opposé à cette demande. Jacques Ardoino a fixé le nombre des contributeurs à quatre : G. Lapassade, R. Hess, G. Althabe et Christine Delory. Le reste du numéro sera consacré à des textes de R. Lourau.

 


Ainsi, je suis fortement impliqué sur deux terrains au nom de l'A.I. Je me sens profondément institutionnaliste. En même temps, Gilles qui s'est proclamé directeur du LRAI m'ignore entièrement. Le dispositif que maîtrisait R. Lourau ne lui survit pas. Le séminaire aux champs de Rambouillet ne peut plus fonctionner. Celui de Sainte-Gemme pourrait naître. Hier, Vincenzo a longuement parlé de la nécessité de relancer Ligoure à Sainte-Gemme. Il voudrait un séjour de 8-10 jours par an à Ste Gemme avec les amis allemands, italiens, etc. Cette demande me plaît.

 


La Théorie des moments doit naître. Il faut m'y mettre. C'est le moyen de me sortir des difficultés, dans lesquelles je me trouve pour relancer mon œuvre. J'ai de multiples contrats et je ne produis plus rien, car il me manque un principe d'organisation, de structuration. Je souhaite apprendre à me contrôler pour arrêter de contrôler les autres. L'avantage d'écrire mon journal ici, c'est de m'amener à me taire. Apprendre à se taire?

 


J. Y. Rochex parle, parle. Pourquoi personne d'autre ne parle-t-il? Voilà, il vient de partir. Il parlait beaucoup dans la réunion, parce qu'il ne reste pas jusqu'à la fin. Maintenant, c'est Laurence qui parle, car elle va aller faire son cours. Elle parle comme parlait Rochex. Des mots, des mots. Je ne rentre pas bien dans ce qu'elle dit. Globalement, ce qui se dit me conduit à penser que les gens ne savent pas faire autre chose que de persévérer dans leur être. Une question que je me pose, c'est celle de mon renforcement dans ce que je sais faire.


Rue Marcadet, mercredi 3 mai 2000, 16 h 30

 


Charlotte a pris Romain pour me permettre d'accueillir deux responsables du mouvement des écoles Steiner en France, rencontrés dans le cadre d'une rencontre sur les écoles alternatives. Ils souhaitent que nous montions un projet commun de recherche. Cela me relance dans le projet d'écriture sur l'éducation nouvelle. J'ai regardé ce que Ehm (1938) disait de Rudolf Steiner. Hier soir, chez les Verts 18, Jacky lance l'idée d'un lycée alternatif dans le 18e. Me voilà relancé dans des projets concrets.

 


***

 


À midi, Ahmed me téléphone pour une intervention à Tanger-Tetouan début juin… Je propose de faire inviter Lucette. Celle-ci me téléphone ensuite de la fac pour accepter.

 


Remi Hess

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14 janvier 2010 4 14 /01 /janvier /2010 09:33

Berlin-Tegel, jeudi 27 janvier 2000


Dans le bus qui nous emmène à Tegel, je prolonge avec Christine une conversation commencée hier, dans le train, entre Wroclaw et Berlin. Une idée qui m'est venue est que les institutionnalistes se sont peu lus. Il n'y a pas eu de débats intellectuels entre les institutionnalistes. Ceux-ci ont produit beaucoup de livres, mais, entre eux, il n'y a pas vraiment eu de débat, de dispute. La polémique était plutôt à partir des situations pratiques. Cette proposition étant posée, je voudrais l'asseoir et/ou la critiquer ultérieurement; le cadre ici n'étant pas favorable à une concentration de longue durée.


Une autre idée aussi, c'est que la mort de R. Lourau oblige chacun à une définition, à une précision de ses projets. Christine me pousse à créer la revue Pédagogues sans frontière. Ce serait un moyen de produire une position nouvelle, autonome.


En ce qui me concerne, ce que Lucette m'a appris hier au téléphone: à savoir que des collègues avaient envisagé de s'engager dans le sens de poursuites judiciaires à mon endroit, suite à mon texte confidentiel du 2 décembre, montre bien l'état de délabrement de mon image chez certains collègues. Personnellement, je n'ai plus envie de défendre mon image auprès de gens, dont je ne considère pas les pratiques pédagogiques comme estimables. Ramer à contre-courant est une perte d'énergie énorme. J'ai envie de fuir, de quitter Paris 8, d'aller ailleurs. Quitter les sciences de l'éducation me semblerait une issue, une voie pour changer d'air.



Saint-Denis 15 h


Mon séminaire. 15 présents. R. Lourau est très présent. Je parle de mon voyage en Pologne, de ce journal que j'ai commencé sur Lourau. X. prend la parole pour expliquer ce qu'il a retenu de la réunion du 24, concernant l'organisation de l'école doctorale. Il y a eu deux votes. À l’unanimité, le collectif des 17 enseignants a voté une motion comme quoi les étudiants devaient participer aux réunions de l'école doctorale les concernant. Quelques minutes plus tard, ils ont voté une seconde motion disant (votée par 11 contre 6) que les étudiants de 3eme cycle présents dans la salle devaient sortir…


On m'a aussi restitué le fait qu'une manifestation d'hommage pour Lourau a eu lieu à l'heure de la permanence de Lourau à Paris 8.


Engueulade entre B. Charlot et d'autres sur le droit des étudiants à parler de la scientificité de ce que font les profs. "On n'est plus en 1968", a dit quelqu'un. Ce jour-là, il a été révélé que les enseignants, non-directeurs de recherche, n'étaient pas convoqués aux réunions de l'école doctorale.



Paris, OFAJ, le 4 février 2000, 10 h


Je retrouve Jean-René Ladmiral, Gaby Weigand et quelques autres pour évaluer notre programme "traduire les langues, traduire les cultures". J'ai apporté pour Gaby et Jean-René dix exemplaires de la brochure sur Lourau, dont ils sont les coauteurs. On évoque évidemment René. Gaby me demande comment je vais. «Comme ci, comme ça». En fait, cela ne va pas fort… A Paris 8, la mort de R. Lourau n'a rien apporté. Les guerres présentes avant son décès sont toujours là. La tristesse des uns et des autres renforce leur haine vis-à-vis de moi.


Je me sens profondément démobilisé par la défection de René Barbier du projet d'équipe Éducation et cultures. Dois-je foncer pour proposer ma propre équipe, ou au contraire prendre du champ? Telle est la question que je me pose. Lucette vit mal mon malaise institutionnel.


La déchirure dorsale que je me suis faite dans le train entre Berlin et Wroclaw me fait vraiment souffrir.


Jean-René me demande de m'expliquer par rapport à la question que j'ai posée : doit-on travailler sur le contenu de la lettre de Dieter ou sur la situation que sa démission produit? Dieter a démissionné de son poste de chercheur dans notre programme, parce qu'il estimait que c'était le chaos. J'estime que l'on peut rapprocher ce que l'on vit ici de ce qui se vit à Paris 8, et réciproquement.



La Rochelle, 13 mars 2000, 19 h 30


Ce n'est qu'en voyage que j'ouvre ce carnet. Ce soir, je vais parler du "renouveau des danses sociales : un nouvel élan pour la culture populaire?" devant un public qui se presse déjà au rez-de-chaussée de l'hôtel Océanide, quai Louis Prunier. Je pensais à René Lourau aujourd'hui. Il faudrait que je note ce soir que sa présence absence a traversé ma journée à plusieurs reprises. Mais auparavant, je vais descendre faire ma conférence.


 

14 mars, dans le train vers Paris, 7 h 30


Hier soir, je suis rentré trop tard pour écrire. Gilles semble avoir pris le contrôle du laboratoire de René Lourau. Patrice Ville a téléphoné l'information à Lucette. Je n'ai écouté la restitution que d'une oreille. Je ne comprends pas pourquoi et comment j'ai été totalement écarté de cette discussion…


Remi Hess

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13 janvier 2010 3 13 /01 /janvier /2010 10:25

Wroclaw, le lundi 24 janvier 2000


Il est 7 h 20. Je me suis réveillé à 5 h 44 et je n'ai cessé de penser à René Lourau, ou plutôt à nos rapports. Dans le texte d'hommage que j'ai fait le 15 janvier, sous forme de réponse à sa lettre du 9, reçue le 11, jour de sa mort, prenant appui sur l'actualité de notre département universitaire, j'ai développé ce que je devais à René Lourau du point de vue de la direction de thèses. Dans ce texte, je disais que René m'a transmis ses trucs, son savoir-faire. Aujourd'hui, à Saint-Denis, c'est la réunion du troisième cycle. Évidemment, je voudrais y être, mais ne pas y être, c'est y être d'une autre manière.


Un truc que R. Lourau avait, et qu'il utilisait toujours lors d'une soutenance de thèse, c'est de mesurer l'écart entre le contenu du mémoire et le titre. Très souvent, l'étudiant choisit un titre au moment de son inscription. C'est pour lui un point de départ. Mais pendant sa recherche, puis au cours de l'écriture du texte, le sujet évolue, mais pas le titre. Ainsi, très souvent, l'impétrant garde un titre qui n'a plus de rapport avec le travail présenté. R. Lourau partait de cela pour évaluer le chemin parcouru. Au cours des 150 jurys de thèse auxquels j'ai participé, j'ai vu faire cela une ou deux fois par un professeur qui souffrait du trop grand écart entre le titre de la thèse et son contenu… Mais très souvent, personne ne remarque cette discrépance (il paraît que le mot existe en français). Lourau avait donc toujours un biais original pour introduire son intervention lors de la discussion avec le candidat.


«Je ne voudrais pas que l'on se serve de Lourau comme d'une arme ou comme d’une estrade». Cette phrase me revient dans la tête… Je crois l'avoir lue dans le texte d'hommage de Gilles. Je la trouve plaisante. Ce que je ne comprends pas, c'est l'usage d'arme que l'on pourrait faire de R. Lourau ou de son œuvre. En quoi R. Lourau pourrait-il servir à quelqu'un pour se battre? Quant à l'estrade! René Barbier a montré que ceux qui avaient fait le choix de suivre Lourau sur le terrain de l'analyse institutionnelle avaient fait un choix qui était aux antipodes d'un choix de carrière. Pour lui, choisir Bourdieu en 1973 était une manière plus assurée que d'opter pour Lourau. Je pense qu'avec le temps, les choses ont empiré sur ce terrain. En même temps, on s'aperçoit que René a de nombreux élèves qui ont fait carrière, au sens où ils ont obtenu des postes universitaires. C'est une contradiction qu'il faut explorer. L'AI n'est pas porteuse de réussite académique. Pourtant, ceux qui entrent vraiment dedans peuvent réussir plus vite que d’autres. Pourquoi? J'ai avancé sur ce point, en ce qui concerne mon destin, lors d'un entretien d'une heure trente (enregistrée) que j'ai eu avec Christine le 12 janvier. Faut-il en reprendre les idées ici? Pour me donner le temps de réfléchir, je vais aller prendre mon petit déjeuner.


16 h 30


Le stage m'absorbe et me fatigue. J'ai dormi entre 14 et 15 h!


Wroclaw, mercredi 26 janvier 2000, 11 h


Hier, je n'ai pas pensé à R. Lourau, car je me suis réveillé avec un mal de crâne terrible. J'avais bu une vodka sur deux bières… Je ne comprends pas ce qui m'est arrivé. Cela s'est calmé dans la matinée, grâce à un cachet que m'a donné Sébastien, l'animateur du groupe allemand. Quand on est très mal physiquement, on n'a pas de capacité de concentrer sa pensée sur quelque chose de fixe… R. Lourau s'est imposé à moi en milieu de journée.


J'ai été voir Christine pour lui demander comment elle pensait gérer l'après-midi (prévu pour la découverte de la ville de Wroclaw). Je l'ai trouvée mal. Elle pleurait presque. Je ne comprenais pas pourquoi. J'étais dans un monde organisationnel de planification de la journée, et elle, elle traversait une phase de mélancolie. Cela fait quinze jours que Lourau est mort. Elle l'avait rencontré le samedi précédant son décès. Ils s'étaient disputés, assez violemment, semble-t-il. En fin de journée, ils s'étaient donné rendez-vous pour le mardi 18, pour réfléchir, pour dépasser le nœud du conflit. Ce fut le jour et l'heure de son enterrement! Peut-on vivre une telle culpabilité? Oui, apparemment. Mais, moralement, cela n'est pas possible.


La neige s'est mise à tomber.


Remi Hess

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12 janvier 2010 2 12 /01 /janvier /2010 09:39

Qu’est-ce que l’analyse institutionnelle?

Penser, agir après la mort de René Lourau?


Wroclav, le dimanche 23 janvier 2000


Je suis à l'hôtel GEM, dans la chambre 125. Je suis là pour faire de l'observation participante dans un groupe de formation d'animateurs trinationaux (français, allemand, polonais). J'ai déjà vécu cinq jours, fin septembre 1999, avec ce groupe (à Cologne). Travailler dans un tel groupe pose des problèmes de dissociation. On est tiraillé entre les trois langues… Je n’ai jamais pensé me mettre au polonais. Et, depuis hier, je fais l'effort de m'y plonger… Mon inscription active dans le groupe est difficile pour moi, car j'ai tendance à penser à R. Lourau, à sa mort, le 11 janvier dernier, à son enterrement le 18 et aux conséquences de sa disparition pour moi, pour l'analyse institutionnelle et pour ses étudiants.

 


***

 


Je pense beaucoup à ce qui pourrait advenir. J'avais prévu la mort de mon père (1997), de ma mère (1998), mais je n'ai jamais imaginé la disparition de René Lourau. Je souhaitais un autre scénario pour lui, pour moi. J'étais persuadé que René vieillirait bien, et je m'imaginais avec lui dans des occasions particulières, comme il en avait créées, lorsque Henri Lefebvre était encore vivant, et que René le recevait chez lui pour des fêtes où le banquet était le prétexte de discussions gratuites, passionnées et à bâtons rompus. J'imaginais ce futur. Le texte en était déjà écrit. Et puis, sa mort: tout est perturbé. Je croyais tellement à la vie de René, que je n'avais pas pris au sérieux son départ à la retraite. Je n'ai pas annulé la réunion de préparation au colloque de l'interculturel du lycée St Germain en Laye, qui m'a empêché d'assister à ce pot organisé pour lui faire fête à cette occasion.

 


Ces derniers temps, j’étais en phase avec lui sur le terrain de la lutte politique et pédagogique. Du fait de cette solidarité à la fois politique et pédagogique, il me semble qu'il me faut noter tout ce qui me traverse la tête à propos de R. Lourau. Ce ne sera pas toujours beau, simple. Ce que je vais écrire n'est pas un panégyrique de René, bien au contraire… Car je ne suis pas sûr que nous ayons eu raison de travailler comme des dingues depuis si longtemps.

 


R. Lourau a publié son premier ouvrage en 1969. J'étais déjà son étudiant. Il a fait paraître mon premier livre en 1974, dans une collection qu'il dirigeait. A nous deux, en trente ans, nous avons sorti cinquante livres! Si on rajoute ceux de Georges Lapassade, qui fut celui qui lança René sur le chemin de l'analyse institutionnelle, et de quelques proches, on doit pouvoir faire une liste de 150 ouvrages… Tout n'est pas estampillé comme institutionnaliste… Mais quand même! C'est un sacré morceau de route, ensemble, même si, parfois, on a pu se trouver en désaccord.

 


Voilà des idées qui me passent par la tête. L'heure de ma prochaine réunion arrive. Il est 15 h.

 


16 h30

 


Pause d’un quart d'heure. Je suis heureux que le soir soit tombé. Je m'installe au bureau de ma chambre. J'allume la lumière, et je voudrais noter quelques idées survenues pendant que j'étais en réunion.

 


R. Lourau est enterré au cimetière des Evreuses à Rambouillet. J'ai eu un mal fou pour le trouver en voiture, le mardi 18. Il est mal indiqué. Il faisait froid le jour de son enterrement. Il y avait beaucoup de monde… Pourquoi? Certes, j'avais contribué à ce que Le Monde parle de la cérémonie (petites annonces parues le 15, article sur trois colonnes paru dans le numéro des 16-17 janvier). Mais je ne suis pas sûr que ce soit ces annonces qui aient amené les gens. Ils avaient un lien fort à René. Cela mesure sa transversalité. Le nombre de gens qu'il touchait, ou qu'il avait touché. Si j'étais décédé à sa place, cela aurait-il été le cas? Je ne peux pas me rendre compte.

 


Quand on vit, on a parfois l'impression d'être très seul. Je suis sûr que René a vécu cela assez fort. En même temps, le sentiment de solitude est peu acceptable, du fait de la transversalité, qui se construit tout au long d'une vie. Je n'ai pas pensé à lire l'annonce de Syllepse, passée dans Le Monde du 17-18. On m'a rapporté qu'Yves E. avait trouvé de mauvais goût l'annonce passée avec Lucette. Si nous ne l'avions pas faite, la mort de Lourau serait passée inaperçue, car je pense que c'est cette annonce qui a amené Patrick Kéchichian, journaliste au Monde, à prendre conscience de l'information : un intellectuel est mort. Il a lu mon article dans le Dictionnaire des philosophes. Il a fait le raisonnement suivant : 4 pages en 1984 dans ce dictionnaire, cela vaut trois colonnes du Monde. Imaginons qu'il n'y ait eu que les trois lignes de Julie et Julien. Cela aurait-il été lu? Yves aurait dit que l'on cherchait à se faire de la pub! Je trouve "analyseur" ce point de vue. Il nous renvoie à ce qu'a été l'analyse institutionnelle. Presque plus personne ne parlait de Lourau. Il avait toutes les peines du monde à se faire éditer. Nous-mêmes, Lu et moi, avons eu des difficultés à imposer à notre éditeur les trois livres que nous avons sortis de lui. Récemment, un éditeur me disait que le dernier manuscrit reçu de R. Lourau avait été lu dans sa maison, avec un a priori favorable, mais que le ton, le style rendait l'aventure éditoriale injouable. Les chiffres de vente de ces trois livres que nous avons fait, en 1996 et 1997, n'ont pas dépassé trente exemplaires dans l'année.

 


Était-ce faire de la pub sur le dos de René que de dire : il vient de mourir; il était l'auteur de tel et tel livre? Personnellement, je remercie d'avance l'éditeur qui fera cela avec moi. Avec le système actuel de distribution des livres, beaucoup de lecteurs virtuels ne savent même pas que les livres existent. Alors! Mais c'est vrai que les gens comme Yves, qui n'ont jamais fait l'effort d'écrire un livre sont mal placés pour juger de ce que pense, en lui-même, un auteur, un écrivain que personne ne lit plus. Pourquoi ne pouvait-on plus, aujourd'hui, lire R. Lourau avec le même enthousiasme que dans les années 1970-1975? C'est une question importante à laquelle je crois pouvoir apporter quelques éléments de réponse.

 


On a tort d'attendre la mort des gens pour leur rendre hommage, et célébrer l'énergie que l'on a pu tirer de leur pensée. Cependant, faire ce travail, en retard, sera toujours meilleur que de ne pas le faire du tout. Cela me conduit à penser que l'on devrait commencer à organiser des hommages aux gens de ma génération qui ont vraiment apporté quelque chose. Dans mon environnement, je pense à Jean-René Ladmiral, à Pascal Dibie, à Michel Authier, par exemple. Pour ma part, je jugerais nécessaire que les étudiants qui ont fait leur thèse sous ma direction, que j'ai aidé à un moment opportun pour obtenir un poste universitaire, fassent le travail de réunir des textes sur moi. Ce travail, qui fait partie d'une tradition intellectuelle, a une force qui peut aider le mandarin libertaire, lorsqu'il s'affronte à la mesquinerie des conservateurs du savoir, empêchant le partage social des connaissances. René Lourau, en lisant ces derniers paragraphes, trouverait que je verse encore dans la mégalomanie.

 


Et pourtant, si l'on voulait bien réfléchir vraiment à la série de questions : Qui fait quoi? Quand? Depuis quand? Où? Comment? Pourquoi?, on prendrait conscience de ce que quelques-uns nous apportent depuis si longtemps. L'universitaire est éduqué à être égoïste, à défendre sa petite carrière, son petit territoire. Les mandarins libertaires qu'ont été les institutionnalistes ont fait leur travail, certes! Mais, ils y ont pris plaisir. Et cela, ce n'est pas si fréquent. Ils se sont beaucoup prêtés (plutôt que donnés). Parfois, certains ont pu trouver que ce n'était pas assez. Mais pourquoi ne pas reconnaître qu'un R. Lourau a fait beaucoup plus, pour beaucoup plus de monde que beaucoup d'autres?

 


Georges Lapassade et moi-même devons être célébrés de notre vivant. Il faut se mettre au travail. Ahmed Lamihi et quelques autres pensent à cela. Mais l'initiative doit-elle émaner de la périphérie ou du centre? La difficulté de se mettre à plusieurs pour faire quelque chose de cet ordre est d'éviter la dispersion. Lors de la mort de quelqu'un, lorsque cinquante personnes écrivent, leurs textes ont en commun de partager une émotion. Cela fait unité, cela donne corps au recueil. Du vivant de la personne, comment produire un ensemble qui ait une consistance, qui ait une vraie identité? C’est un problème éditorial à prendre en compte.

 

21 h 30

  
Je viens de boire une bière avec Christine Delory-Momberger. Évidemment, nous avons parlé de R. Lourau. Je lui ai avoué que j'avais commencé "le journal de mon livre sur Lourau"… En même temps, je me demande si ce livre a une chance de voir le jour. R. Lourau voulait toujours adjoindre à son dernier livre le journal qu'il tenait pendant l'écriture d'un ouvrage. Mon problème à moi, c'est que je distingue le journal qui me semble mériter d'exister en soi et pour soi, du livre théorique qui a une autre destinée.

 


Ainsi, j'aurais pu écrire le journal de ma non écriture de la Théorie des moments, ce livre que R. Lourau voulait faire avec moi. Mais comme ce livre me tient vraiment à cœur, le jour où je m'y mettrai, je ne ferai que ça. J'écrirai ce livre d'une traite. Il n'y aura pas de place pour faire un journal. Ce sera une écriture intense, exclusive, à plein temps. Pas question de dispersion, pas de transductions continuelles.

 


Je suis dissocié continûment, sauf quand je décide qu'il est grand temps de faire un livre. Alors, je sais me mettre sur une chose et une seule. On me reproche, dans le courant de l'AI, ma dispersion. Dans une lettre de septembre 1995, Antoine me disait que mon intérêt pour le tango brouillait mon image sur l'ethnographie de l'école… Il trouvait cela négatif.

 


Concernant l'AI, c'est encore pire. Il est des phases où j'ai produit des livres sur l'AI et d'autres où j'ai fait d'autres choses. Je ne suis pas sûr que ce ne soit pas ce que les autres font. Mais, souvent, les universitaires se plaisent à donner l'image d'une unité de personnalité, d'une cohérence dans la pensée. J'y ai renoncé très tôt. Pourquoi mentir? Pourquoi ne pas reconnaître que nous sommes multiples?

 


Christine m'a relancé sur l'idée de créer une revue : Pédagogues sans frontières. J'ai trouvé le sous-titre : L'Europe de l'éducation. Je lui ai confirmé mon intention de lancer une revue.

 


Pour moi, la mort de Lourau a été un choc. Je veux précipiter les choses, les faire aboutir. Contrairement aux obsessionnels qui attendent la mort de l'autre, pour s'autoriser à commencer à exister, je crois qu'il faut faire ce que l'on pense devoir faire dès qu'on en a l'idée. Or, j'ai eu la détermination de diriger le laboratoire d'AI, comme me l'avait demandé René, mais il s'est accroché à cette fonction jusqu'au bout.

 


Sur le terrain des revues, j'ai été pressenti pour prendre la direction d’une importante revue, lorsque le directeur actuel en sera empêché. J'ai accepté l'idée, mais, en même temps, ne voulant pas gérer deux revues, j'ai refusé de me lancer dans une autre aventure analogue. En même temps, je ne souhaitais pas pousser dehors quelqu'un qui est heureux de faire fonctionner quelque chose qu'il a créé, et développé, et qui fait merveilleusement son travail, malgré la fatigue de son âge. Par contre, là où je me suis trompé, c'est peut-être dans le fait de m'interdire de créer ma propre revue. Pédagogues sans frontières est un groupe fidèle qui se réunit une fois par mois depuis mai 1997. Pourquoi dépendre des autres pour publier nos textes? Il est grand temps d'avoir notre revue. Cette forme a d'immenses avantages. Cela crée une "communauté" scientifique. Ce mot se différencie de collectif. Christine insistait sur ce thème.

 


Le choix de créer cette revue est aussi lié à la mort de R. Lourau. De son vivant, je ne pouvais que regarder de loin les tâtonnements des Cahiers de l'implication dont je n'étais pas exclu (j'ai publié un long texte dans le n° 2; Lourau m'a commandé un article pour le n° 4, trois jours avant sa mort), mais dont il avait confié la gestion et l'animation à une autre génération d'étudiants que la mienne. Je ne sais pas comment les disciples de René Lourau vont se sortir de cette mort. Une revue qui perd son directeur a toujours devant elle un problème. Qui peut succéder à René? est une question que tout le monde se pose.

 

 

Vendredi 21, chez G. Lapassade (auquel j'avais été apporté son dernier livre, sorti le jour même: Regards sur une dissociation adolescente), nous nous sommes retrouvés, autour de la table avec Raymond Fonvieille, Ahmed Lamihi, Abdel… Raymond a dit :

- Antoine succédera à René à la direction du laboratoire. Gilles succédera à René à la direction des Cahiers de l'implication.

 


C'était une telle évidence pour lui! Je ne parviens pas à comprendre pourquoi. Je crois savoir qu'Antoine était à couteaux tirés avec René. Il s'est très peu impliqué dans le labo. Quant à Gilles, excellent secrétaire de rédaction, a-t-il vraiment, aujourd'hui, l'étoffe d'un directeur de revue? On peut se poser la question. Diriger une revue me semble demander une solide transversalité dans un milieu. Est-ce le cas de Gilles? La revue Pour a commencé son déclin, le jour où l'on a forcé Rolande Dupont à partir. C'est elle qui connaissait tout de cette revue.

 


Personnellement, je crois avoir dit :

-Moi, je suis pour l’autodissolution du labo et de la revue. Le meilleur moyen d'être fidèle, c'est de faire autre chose. René n'est-il pas le théoricien de l’autodissolution?

 


Cet après-midi, j'ai pensé qu'il me fallait entreprendre une correspondance avec Georges Lapassade. Il mérite que je discute son article sur l'institutionnalisation. Il regrettait que personne ne lui ait répondu. Je termine une correspondance d'un an avec Hubert de Luze. Cela a été profitable pour moi. Avec Georges, cela serait plus exigeant au niveau du contenu. Je pense qu'en rentrant à Paris, je vais lui écrire une lettre pour proposer la discussion.

 


Je regrette de n'avoir pas écrit à René de longs courriers, comme souvent je l'ai imaginé. Il faut que l'autre parte, pour que l'on évalue tout ce que l'on a été incapable de faire. Je me suis beaucoup agité ces dernières années, mais je suis passé à côté de l'essentiel. Il faut rattraper le temps perdu. Donc:création de Pédagogues sans frontière, et échange d'une correspondance intellectuelle et théorique avec Georges Lapassade. Ce sera la meilleure façon de prolonger l'œuvre institutionnaliste de René Lourau.

 


Il est tard. J'ai beaucoup écrit aujourd'hui. Je vais me coucher.
Morgen ist auch ein Tag !

 


Remi Hess

http://lesanalyseurs.over-blog.org

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