Dimanche 24 décembre 2008,
Lu le chapitre 5 du livre. L’auteur insiste sur Nietzsche le psychologue et affirme que Nietzsche n’est pas philosophe au sens de l’amour de la sagesse. Un psychologue hors norme, c’est-à-dire que tout absolument, tout part de son intérieur, de son sang, de ses nerfs, de son nez et de son estomac. Il n’est pas physiologiste, mais un penseur : Penser, c’est interroger le savoir -son savoir et sa connaissance.
Nietzsche est plutôt artiste, il a un style et c’est bien son propre style, dominé par la sincérité et la vérité. La volonté de celle-ci en fait un guerrier qui passe sa vie dans le feu.
Marche progressive vers soi-même : ce titre du chapitre 6 signifie, si on le lit séparément, que Nietzsche n’aurait fait qu’une démarche d’introspection pour se découvrir. Pourtant, il s’agit du contraire, c’est-à-dire que cette marche progressive est faite essentiellement de ruptures totales et successives. Les mots : tempête, volcan, tremblement de terre sont utilisés autant par Zweig que par Nietzsche pour décrire la trajectoire.
En effet, l’auteur parle de la première rupture d’un vieux avant l’heure à l’âge de 27 ans (la naissance de la tragédie), mais Nietzsche dit lui-même par ailleurs que tout a commencé à l’âge de treize ans. Bref, la suite est faite de ruptures violentes avec la spécialité -philologue, avec la fonction-professeur, avec l’institution-université… et on peut continuer ainsi jusqu’à la fin de sa vie. Quant aux objets de sa pensée, on peut dire la même chose, d’où l’objet phéniste qui brûle totalement et renaît presque du vide, et c’est bien ainsi que l’on peut qualifier l’œuvre de Nietzsche.
Dans la découverte du Sud, l’auteur voit une sorte d’illumination, non pas spirituelle, mais naturelle. Zweig en tant que littéraire aborde cette étape déterminante de l’œuvre et de la vie de Nietzsche sous l’angle de la création et de la littérature. Face à la grisaille allemande du Nord, Nietzsche fait le choix de la luminosité du Sud; ce qui lui a permis d’abandonner, de délaisser tout ce qui est allemand en lui (en dehors de la langue), la religion, la morale et la philosophie. Il réalise ainsi une autre grande rupture.
Très tôt musicien, Nietzsche abandonne cette passion pour un temps de philologie, de l’érudition et de l’université. Il retrouve plus tard la musique et le chant en lien avec la tragédie. De l’adoration de Wagner au début à la haine viscérale de sa musique vers la fin. Il retrouve enfin la liberté, la légèreté et la clarté de la musique et des idées.
La septième solitude ou la nième ou encore la dernière solitude. Nietzsche vers la fin de sa vie. La solitude s’est accentuée au point de n’avoir que sept amis ou sept lecteurs sur 701 millions d’Allemands. Personne ne veut de lui, ni de ses livres. La solitude qu’il a tellement convoité l’a accompagné jusqu’à la fin de sa vie.
Ce chapitre me fait penser à ce que je n’ai pas encore lu de Nietzsche. Ecce homo et Aurore. L’auteur évoque le premier, mais pas le second livre.
Pour la seconde fois, l’auteur compare Nietzsche à Van Gogh. J’ai oublié la première comparaison, mais je suis loin d’oublier celle-ci pour la simple raison qu’elle me renvoie au texte de Nietzsche. Zweig dit que la fin de Nietzsche ressemble beaucoup à celle de Van Gogh de par son intense créativité, l’écrit pour le premier et la peinture pour le second. L’auteur estime que cette période est la plus créative pour l’un comme pour l’autre.
Cette affirmation me renvoie illico aux textes de Nietzsche de cette période.
Etre grand, c’est donner une direction : Nietzsche esprit démoniaque et visionnaire, incompris par ses contemporains. Il l’affirmait en disant qu’après la prochaine guerre en Europe, on commencera à le comprendre: «Car seules les natures tragiques sont capables de nous faire percevoir la profondeur du sentiment et seule la démesure permet à l’humanité de reconnaître sa mesure»p145.
Je termine à 10 heures la lecture du présent ouvrage et avant de passer au suivant, je note que cette lecture m’apporte un plus sur Nietzsche. Les bons écrivains m’aident à perfectionner la forme. La limpidité et le lyrisme de leur style m’accroche comme lorsque je lis un roman avec cette envie de connaître toute l’histoire. Il y a aussi la dimension du voyage dans le langage et la description : Zweig le fait merveilleusement lorsqu’il entre dans les interstices du corps de Nietzsche ou lorsqu’il a recours à la description de la nature: la tempête, l’ouragan, le volcan pour décrire ce que l’on appelle le coup d’éclat dans la pensée de Nietzsche, sans oublier bien sûr les animaux rapaces et autres faucons, lions, etc.
Nietzsche, La volonté de puissance, Ed Gallimard, coll. «Tel», 1995, TI, 600p.
A noter que ce titre fait partie de l’œuvre posthume de Nietzsche. Il n’a pas été édité du vivant de Nietzsche. Est-ce que cette remarque a une incidence sur la lecture?
Il faut démontrer avant d’essayer de séduire et convaincre, ainsi commence le livre.
«Dans ce siècle (où l’on comprend que la science en est à ses débuts), construire des systèmes est un enfantillage. Il faut au contraire prendre des décisions de méthode à longue portée, pour des siècles, car il faudra bien que nous ayons un jour en main la direction de l’avenir humain»p5.
En lisant les fragments les uns après les autres, j’en suis au 23, je retrouve du déjà vu ou lu dans le livre de Zweig notamment à propos de l’oiseau de l’avenir, de la solitude extrême et des «traces de guerre; de tremblements de terre aussi. Oubli»p8.
Après 30 fragments intervient le livre premier, critique des valeurs supérieures, rapportées à la vie.
«La vérité fait mal parce qu’elle détruit une croyance; elle ne fait pas mal par elle-même»p31.
Les fragments s’enchaînent, mais ils traitent de questions diverses. Ainsi, on passe de l’amour, à l’idéalisme, à un programme de livre.
«Le savoir ne fait pas le philosophe. Le savant n’est qu’une bête de troupeau dans le royaume de la connaissance. Il cherche parce qu’on le lui a commandé et qu’on lui en a donné l’exemple»p15.
Benyounès Bellagnech
Mis en ligne par Bernadette Bellagnech
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