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  • : Le blog de Benyounès Bellagnech
  • : Analyse institutionnelle : Théorie et pratique au sein des institutions politiques, éducatives et de recherche. L'implication des individus et des groupes dans la vie politique et sociale.
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27 septembre 2012 4 27 /09 /septembre /2012 10:38

Cher ami,

 

Je tiens à réagir aux remarquables analyses « institutionnelles » que tu viens de faire dans le blog. Etant moi-même depuis 1970 un vincennois je n’ai pu qu’apprécier cette analyse fine de la vie institutionnelle de Vincennes. J’ai reconnu des choses que j’ai vécues…. Cela m’a en même temps conforté dans la position critique que j’ai prise depuis longtemps sur l’« analyse institutionnelle » et sur son impact….. Ce que Lapassade dénonce avec passion, ce n’est finalement rien d’autre qu’une institution en partie déstabilisée par l’esprit de 1968 et qui ne diffère pas profondément des autres institutions universitaires. Il faut vraiment du courage pour s’attaquer à cette forteresse, comme le fait Lapassade. Le résultat est vraiment pauvre, comme tu le signales d’ailleurs toi-même honnêtement…. La rupture est drastique avec ce que je vivais moi-même à cette même époque dans des UV dont j’avais fait ce que je voulais et qui n’avaient plus rien à voir avec les enseignements traditionnels. Ce n’était pas un aménagement laborieux d’un système pluri séculaire, mais quelque chose de révolutionnaire… Encore maintenant, je n’arrête pas de rencontrer des gens qui me disent que cela a changé leur vie et qu’ils ont pris d’autres orientations depuis ce moment-là…. Cette histoire-là serait difficile à écrire, car il faudrait interroger une masse de gens…. Je ne pense pas que l’insertion de cette expérience dans une institution traditionnelle l’ait affaiblie comme l’affirmait Lapassade… Je suis persuadé que la formation des gens ne passe pas par des voies institutionnelles. Ce que tu écris me le confirme une nouvelle fois…. Tu peux passer dans le blog la présente réaction…  

 

Crois en mon amitié,  

M.  LOBROT

http://lesanalyseurs.over-blog.org                  

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26 septembre 2012 3 26 /09 /septembre /2012 09:19

La fin d'une période

 

 

On a l'impression en ce moment, de vivre à Vincennes la fin d'une phase. C'est le moment d'un premier bilan général. Il est difficile encore, en ce moment, de faire le tri entre ce qui va continuer à se développer et ce qui régresse et peut disparaître. Nous connaissons l'exemple de Nanterre, complètement stabilisé après mai 1968. L'expérience de Vincennes, certes, n'est pas celle de Nanterre ; elle en est Plutôt le résultat par l'intermédiaire de Mai. On peut penser que les Nanterrois de 1967 désiraient, en tant qu'étudiant, ce que propose Vincennes en 1976. Mais raisonner ainsi, c'est autonomiser l'institution universitaire, comme le fait, par exemple, I. Illich, et la couper du contexte dit politique et social. Il faut se demander au contraire ce que deviendra Vincennes dans le changement général de notre société. Il faudrait également être capable de prédire l'évolution des processus internes de changement. Cela n'est pas possible. On a donc tenté de décrire, de manière très générale, ce qu'est Vincennes, aujourd'hui.

 

 

Une Université dont la crise est celle que l'Université française connaît depuis mai 68.

 

 

Vincennes est le révélateur de cette crise : elle montre l'impasse et peut-être, en même temps une solution.

 

 

L'Université de Paris VIII Vincennes voudrait être avant tout une université populaire et un lieu de formation continue. C'est aussi une université en crise permanente: mais la crise est devenue permanente dans l'ensemble de l'Université française depuis mai 68: en ce sens, Vincennes est analyseur de l'université française.

 

 

Georges Lapassade

 

Mis en ligne par Benyounès et Bernadette Bellagnech

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25 septembre 2012 2 25 /09 /septembre /2012 10:13

Le pouvoir et les conflits

 

 

Un autre aspect expérimental concerne les problèmes du pouvoir, de l'autorégulation et des conflits.

 

 

- Le problème du pouvoir à Vincennes se pose à différents niveaux - et notamment à ceux du pouvoir de gestion et du pouvoir pédagogique. On a vu que le pouvoir de gestion est officiellement entre les mains du Conseil, de son Bureau et de son Président. Mais l'importance du courant non participationniste et anti-participationniste fait qu'un équilibre assez particulier s'est établi dans le système, comme on a essayé de le montrer ci-dessus à partir de quelques cas particuliers. Le pouvoir pédagogique est toujours détenu par les enseignants, non seulement pour l'attribution des U.V. -même s'il y existe des autoévaluations de groupe -, mais encore dans l'animation des groupes et dans les modes de transmission du savoir (il existe beaucoup de cours magistraux ou semi-magistraux). Mais en même temps, la tradition vincennoise issue de Mai tempère ce pouvoir davantage qu'ailleurs : il est des limites qu'on ne peut pas dépasser, et des interdictions impossibles. Le pouvoir pédagogique peut être interpolé à chaque instant, contesté, et remis en question pour autant que la majorité des étudiants le désire, ou le tolère.

 

 

Dans l'ensemble, on peut dire qu'à Vincennes la pratique pédagogique est plus libérale que dans les autres universités françaises, avec toute une gamme de variations. En ce sens, la « normalisation » y est beaucoup moins effective que dans l'ensemble de notre système universitaire.

 

 

- La question de l'autorégulation du système est liée à la précédente. On a déjà indiqué comment l'équilibre reste toujours instable, - avec cependant des points forts de stabilisation.

 

 

Ces points forts, on les voit par exemple dans la fermeture des départements sur eux-mêmes (mise à part la gestion collective dans les commissions). Ces départements constituent des lieux institutionnels stabilisés, avec leurs traditions, leurs équipements, leurs collectifs d'enseignants, leurs modes de cooptation. De plus, on dit à Vincennes que ce qui est acquis l'est définitivement : un local par exemple, un lieu d'enseignement, des heures de cours, des vacataires. Dans les moments où l'on tente une redistribution de l'espace, ou des personnels, on voit se manifester aussitôt des mécanismes d'autodéfense, et chaque groupe défend son bien, « ce qui est acquis ». Il y a eu, dans les années précédentes, des luttes pour le statut du personnel administratif, par exemple du corps des «vacataires». Le résultat, c'est l'existence pratiquement inamovible de ce corps, à peu près aussi stable que celui des enseignants qui sont, eux - les « mensuels » - protégés par le statut officiel de la fonction publique. Ainsi, on assiste à une auto-production de normes par le milieu (1).

 

 

- Enfin, les conflits. Ils ont des formes variées. Ils existent en permanence, et ils sont perçus généralement, sinon assumés, par l'ensemble de la collectivité. (2)

 

 

Les considérations qui précèdent sont encore beaucoup trop générales. Comment peut-on aller plus loin ? Des statistiques, des questionnaires ne seraient pas suffisants pour accroître réellement notre connaissance institutionnelle de Vincennes. Une telle connaissance ne commence à devenir possible que si l'ensemble des participants de l'expérience sont appelés à se prononcer dans un processus de recherche active. En même temps, ce processus modifiera l'objet de notre étude...

 

 

(1) On sait que tous les groupes dits marginaux ou déviant sont des normes internes fortes, produites par le groupe lui-même (la loi du milieu).


(2) Les grêves sont nombreuses à Vincennes. Elles donnent lieu –lorsqu’il s’agit des grêves du personnel de Services (entretien, nettoyage, employés, secrétaires) _ à de longues négociations, où la collectivité intervient sans cesse (professeurs, étudiants, etc). C’est alors le lieu de « gestion par crises ».

 

 

Georges Lapassade

 

Mis en ligne par Benyounès et Bernadette Bellagnech

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24 septembre 2012 1 24 /09 /septembre /2012 09:16

L'instituant l'institué 

 

 

L'institution est faite des rapports constants entre l'ordre institué - ce qui est ici l'officiel n'épuise pas le contenu de cet ordre - et les forces instituantes.

 

 

- Dans l'ordre de l'institué, on ne doit pas inscrire, seulement tout ce qui régit d'une part, la cogestion du système universitaire (la loi d'orientation) et d'autre part le cursus des études. Il faut y ajouter encore: le poids des traditions universitaires en matière de cooptation des enseignants, de hiérarchie, d'évaluation des connaissances et de distribution du savoir. L'institution universitaire, c'est l'institution du « savoir ». Autour de ce principe fondamental, l'institution s'organise.

 

 

- Dans l'ordre de l'instituant, on peut inscrire : l'innovation, l'invention de nouvelles structures, mais aussi la vie dite « informelle » des groupes, les pressions diverses qui s'exercent constamment pour déséquilibrer et ré-équilibrer le système en permanence, la composition des groupes, le jeu des idéologies et des forces, le travail des analyseurs du champ.

 

 

Le concept de l'autogestion, pris à la rigueur, ne suffit pas à décrire toute la vie instituante. L'autogestion est en effet, un concept organisationnel. Et c'est dans l'autogestion que se situe ce jeu de l'instituant et de l'institué, ou, si l'on préfère, la dialectique de l'autogestion instituée et de l'autogestion instituante.

 

 

On doit avoir sans cesse présents ces concepts et les prendre en compte si l'on veut progresser dans une analyse institutionnelle de l'Université, et des autres ensembles sociaux.

 

 

A Vincennes, l'expérimentation la plus avancée nous paraît se situer, non au niveau de critères définissant le statut expérimental, mais au niveau de l'institutionnalisation.

 

 

Au début, dans les premières années, l'innovation institutionnelle était plus facile. Il est toujours possible, du moins à ce jour, d'introduire de la nouveauté dans le système.

 

 

On peut également innover dans la « participation » quotidienne et « informelle » à la gestion.

 

 

La situation de déséquilibre à Vincennes comme ailleurs, est une bonne condition expérimentale. Elle institue une crisanalyse permanente, avec ses points de crise ouverte et ses périodes plus calmes, qui permet de remettre continuellement le système en question, de le garder ouvert.

 

 

Georges Lapassade

 

Mis en ligne par Benyounès et Bernadette Bellagnech

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23 septembre 2012 7 23 /09 /septembre /2012 10:21

Conclusion

 

 

L'aspect fondamental de Vincennes : c'est peut-être le fait de reconstituer la « communauté » avec un «consensus», un système de valeurs partagé: un code, des normes, la conviction qu'on ne pourra rien faire si le consensus n'est pas atteint et vérifié. C’est un laboratoire d'analyse institutionnelle sauvage, mais c'est aussi en même temps, un lieu utopique.

 

 

Les fouriéristes demandaient d'installer quelque part un phalanstère expérimental avec la conviction que l'autogestion pourrait ensuite se propager à l'ensemble de la société. Il n'y a pas de conviction aussi explicite à Vincennes, mais il a tout de même le sentiment que le système devrait être généralisé ; on peut même dire que c'est un leitmotiv essentiel à Paris VIII.

 

 

C'est cela que signifie « l'expérimentation ». Mais cela suppose aussi un milieu quelque peu aseptisé et protégé; quelque chose qui a aussi les aspects d'un ghetto, d'un monde un peu replié, en retrait, malgré le perpétuel va-et-vient entre le campus et la ville.

 

 

On ne peut pas s'arrêter à cet enterrement. Si cela devait continuer ainsi sans extension, avec des crises toujours surmontées, il resterait un îlot au milieu du bois, comme un refuge. Mais il est plus vraisemblable que les crises à venir poseront des problèmes beaucoup plus urgents et obligeront à des choix qui n'ont pas encore été faits.

 

 

Il est peut-être trop tôt aujourd'hui pour faire le bilan de l'expérience vincennoise. En même temps, il n'est pas tout à fait inutile d'essayer de faire une description de la situation de l'expérience et de renvoyer en feedback cette image, d'abord sur Vincennes, avec tous nos partis-pris d'observateurs-participants.

 

 

Georges Lapassade

 

Mis en ligne par Benyounès et Bernadette Bellagnech

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22 septembre 2012 6 22 /09 /septembre /2012 22:13

La crise de mai

 

 

Un petit groupe de Vincennois défile le premier mai derrière la banderole de Vincennes. Les autres manifestants du cortège sont regroupés derrière d'autres banderoles : U.N.E.F., S.N.E.Sup, S.G.E.N.-CF.D.T., M.L.F., G.L.H., Ligue communiste révolutionnaire, travailleurs immigrés de la Sonacotra, U.G.E.T. - provisoire des Tunisiens, etc.

 

 

Le lendemain, dimanche, seconde coordination nationale des enseignants à Paris Jussieu : deux motions y sont discutées. Nous proposons un début d'analyse pour expliquer le revirement des présidents : le problème des examens commence à se poser ; il n'est pas le résultat d’un revirement, mais la cause. C’est pour éviter d'ouvrir une crise dans les établissements universitaires sur cette question centrale des examens, pour essayer d'empêcher l'implosion de mai dans les amphithéâtres après l'explosion d'avril dans la rue (Yves Agnès, dans Le Monde) qu'on a voulu mettre fin à la crise. C’est une capitulation.

 

 

Le pouvoir n'a cédé sur aucun point, sauf sur une modalité d'application : les formations fondamentales traditionnelles seront maintenues jusqu'en octobre 1979. Cela constitue un simple assouplissement qui n'est incompatible, ni avec les arrêtés, ni avec la première circulaire d'application, à condition d'arrondir les angles et d'atténuer certains effets secondaires de rédaction.

 

 

C’est alors que, contre toute attente, le 3 mai, les étudiants, à Vincennes comme ailleurs, ne rentrent pas.

 

 

Il y a là, bien sûr, de l'absentéisme saisonnier, bien connu au fond et qui se produit de plus en plus régulièrement, et qui atteint de plus en plus la masse des étudiants. Mais, si ce phénomène saisonnier existe, on ne voulait pas le voir. On ne voulait surtout pas en parler. Il a fallu le mettre au compte de la grève pour que ce drop-out massif commence à être vraiment reconnu et identifié, sans être pour autant compris et analysé.

 

 

Vincennes reste à peu près vide.

 

 

Le Monde nous apprend cependant que quelques cours continuent à s'y tenir. Information exacte ; elle sera vérifiée par la suite.

 

 

Et puis, très lentement, une contre-institution commence à naître, à se donner ses structures, à trouver sa place. Par exemple, une « commission » sur les examens devenues « commission anti-sélection » où des étudiants des différents départements viennent dire ce qui se passe chez eux.

 

 

De nombreuses assemblées générales de départements ont lieu : à chaque fois, la grève y est reconduite, sans hésitation, comme une évidence. Dans certains départements, -en Histoire, par exemple, au département de théâtre et ailleurs-, on réexamine les cursus et les contrôles ; on fait des projets de ré-organisation pour l'an prochain.

 

 

Des militants du S.N.E.sup déclarent qu'on risque d'attirer sur Vincennes une répression particulière.

 

 

Nous défendons, nous institutionnalistes, une thèse contraire dans les AG, de départements. Le statut de Vincennes est expérimental au sens fort du terme. Une intrusion brutale du Ministère ne pourrait produire que la destruction de ce dont il a besoin : un établissement qui sert à la fois de vitrine et de banc d'essai pour l'Université à venir, qui accueille tous les rejetés du système universitaire dans son ensemble, qui assure la formation permanente de 1000 chômeurs des ASSEDIC...

 

 

Invalidation des diplômes nationaux ? Ce n'est certainement pas le moment. D'ailleurs, regardez : Le Quotidien de Paris du jeudi 20 mai, à la rubrique « Le point, faculté par faculté » ; Vincennes n'y figure pas.

 

 

Ce constat pourrait être fait globalement dans toutes les rubriques de tous les quotidiens parisiens durant ce mois de mai 76. Vincennes, la plupart du temps, n'est pas mentionné. Comme si Vincennes était dans un autre monde, avec un statut tellement différent sans examens terminaux, avec ses crises, ses sexologues et ses étudiants du soir !

 

 

Au cours d'un passage à Reims, à la mi-mai, nous avons pris conscience que cette perception de Vincennes par les journaux parisiens était partagée par les militants étudiants ou enseignants des universités périphériques. Alors que Reims suspendait son mouvement, dire que Vincennes était en grève totale, c'était susciter le rire ou le sourire... Sous-entendu: « oui, mais vous, ce n'est pas la même chose ! ».

 

 

Comme si ce qui se passe à Vincennes, ou institutionnellement, ou anti-institutionnellement ne pouvait être confronté aux normes ou aux luttes de l'Université française l

 

 

Et pourtant l'échéance arrivera.

 

 

Pourra-t-on conserver définitivement le système de la licence en 30 U.V. ? Rien n'est moins sûr. Après le 1er octobre 1979, il faudra probablement, si rien d'essentiel n'est changé d'ici là, faire comme pour le DEA et le 3e cycle : demander de nouvelles habilitations qui remplaceront le régime actuel. Mais, parce qu'on en est encore assez loin, on peut remettre à plus tard les urgences qui, fin mai, provoquent l'effritement du mouvement, même dans ses « îlots » les plus résistants.

 

 

Grève ou pas, Vincennes continue à fonctionner, finalement, en s'adaptant à la situation du moment. On en a tellement l'habitude ! On dit que tout finit toujours par se résoudre. Tous les grands conflits de Vincennes depuis 1968 ont été résolus et le système, progressivement, s'est renforcé.

 

 

Il est même passé, relativement, à travers les dangers que recelait la réforme du premier cycle. On pense toujours que ça va éclater, que les réformes, étant des analyseurs et des éclateurs, Vincennes ne peut pas rester à l'abri de leurs effets.

 

 

Mais la réalité est autre. L'apprentissage de la gestion des crises à Vincennes permettra, une fois encore, d'en sortir sans trop de mal.

 

 

Reste à savoir, et ceci pour nous est essentiel, dans quelle mesure, à travers cette crise, les Vincennois auront avancé dans l'analyse de leur système, comment ils auront commencé à surmonter l'effet Weber par lequel nos sociétés sont plus aveugles que les anciennes sur leurs propres institutions.

 

 

Georges Lapassade

 

Mis en ligne par Benyounès et Bernadette Bellagnech

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21 septembre 2012 5 21 /09 /septembre /2012 10:04

La gestion par crises

 

 

La grève est endémique à Vincennes. Elle fait partie en quelque sorte de l'expérimentation. Cela déroute assez les nouveaux venus, et provoque des abandons. Mais, on s'habitue à ces situations de « grèves » qui sont plutôt des situations de crises.

 

 

Ainsi, l'agitation de l'automne 1975, avec ces cours sauvages n'était pas une grève. Mais c'était une crise du fonctionnement dit « normal ». Ces crises sont l'occasion, souvent, d'une remise en question permanente de la pédagogie. Pour la pédagogie institutionnelle, la crise est une modalité privilégiée de formation : on peut soutenir, à ce titre-là, que l'ensemble de Vincennes, - avec ses collectifs, ses commissions, etc. - constitue une grande expérience plus ou moins «sauvage» de pédagogie institutionnelle.

 

 

On pourrait dire également que ces crises ne sont pas nécessairement, comme on pourrait le croire, contre le système, - si on admet que les systèmes sociaux actuels, dans les sociétés modernes, fonctionnent nécessairement par des crises de gestion, des séquences successives de « défis » et de «réajustements ». La gestion de Vincennes est une «gestion par crise». Naturellement, cela demande de la part des « clients » de l'université, les étudiants, et même de la part des enseignants, beaucoup de plasticité et de « tolérance à la frustration », une disposition à l'expérience imprévue et à la participation active. Dans la mesure où les crises sont bien supportées, ce système est finalement très formateur. Nous pouvons même allés plus loin et, en anticipant sur la chronologie des événements, dire que la seconde «grève», celle de mai 76, a eu des effets formateurs même au niveau de la désertion, par la désertion.

 

 

D'ailleurs, en déclarant publiquement, le jeudi 20 mai, que les examens seront finalement mieux contrôlés à l'issue de cette crise, Madame Saunier-Seité développe une certaine conception de la crisologie, - le terme est d'Edgar Morin, qui voit dans la crisologie les sciences de l'avenir. La mise en pratique de cette crisologie serait, pour nous institutionnalistes, une crise-analyse permanente. Cette vue s'oppose, bien sûr, à celle des nostalgiques de l'Ordre ancien, qui rêvent d'une université sans crises, bien homogène, sans conflits politiques ouverts. Mais elle ne s'oppose pas nécessairement aux vues de nos dirigeants réformateurs et il se pourrait bien que cette expérience de la crise endémique à Vincennes soit anticipatrice d'une « université » transformée, peut-être sans lieux fixes, refaisant ses normes de fonctionnement en permanence, seule capable de supporter les défis d'une société qui est depuis longtemps déjà, comme l'écrivaient Marx et Engels, « en révolution permanente».

 

 

Revenons à la situation du mois d'avril. Les Vincennois participent aux deux manifestations centrales contre la réforme, à Paris. Ils sont moins nombreux la seconde fois.

 

 

Georges Lapassade

 

Mis en ligne par Benyounès et Bernadette Bellagnech

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20 septembre 2012 4 20 /09 /septembre /2012 15:48

La réforme du second cycle

 

 

Revenons à ce qui se passe à Vincennes lorsque éclate la crise liée à la réforme du second cycle, à la mi-janvier.

 

 

a) Rien ne se passe entre la mi-janvier et la mi-avril. L'activité universitaire est, comme on dit « normale ». Comme d'habitude, les listes d'U.V. sont établies à la mi-février, avant les « congés » inter-semestriels.

 

 

A la commission pédagogique centrale, on ne prépare pas encore les maquettes. Mais, on a procédé à l'examen détaillé de cette réforme, en la situant (Rapport Vincent Vidal) dans son contexte économique, politique, et social. On n'est pas ouvertement opposé à l'examen des filières et ce pourrait conduire, - on est prudent dans la formulation -, à la rédaction des fameuses maquettes, c'est à dire des demandes d'habilitations pour les nouvelles licences.

 

 

Une mise au point est nécessaire. La circulaire d'application (dite « circulaire Quermonne ») prévoit que l'ensemble des demandes, sauf exceptions, doit être déposé seulement le 10 décembre 1976. La date du 15 avril 1976 ne concerne que les maîtrises de sciences et techniques, ainsi que les universités qui voudraient dès octobre prochain ouvrir des filières nouvelles d'enseignement pour le second cycle, - ceci à titre quasi-exceptionnel. Comme, selon toute vraisemblance, le régime vincennois de la licence en 30 U.V. sera reconduit l'année prochaine, il n'y a pas lieu de se presser, du moins jusqu'en décembre.

 

 

On met cependant en place, à l'intérieur de la commission pédagogique, une sous-commission dite «des sciences sociales», elle-même divisée en sections chargées d'examiner et de faire avancer différents projets :

-  Politique sociale,

-  Service social,

-  Sciences de la société,

-  Etudes africaines.

 

 

Cependant, vers la mi-janvier, l'U.N.E.F. (ex-­renouveau) a engagé une agitation contre la réforme: l'U.N.E.F. demande l'abrogation de l'arrêté sur le second cycle. Le bureau national du S.N.E.Sup est plus long à réagir. Certes, on peut lire dans son Bulletin des critiques de plus en plus vives et, finalement, le thème de l'abrogation est repris par le S.N.E.Sup. Mais, pour ne donner qu'un exemple, en février-mars, lors d'un colloque national réunissant des enseignants de Sciences de l'éducation à ceux des autres disciplines, un responsable national déclara :

- Nous ne nous battrons pas pour l'abrogation. Presque tout au long de la crise, d'ailleurs, l'U.N.E.F. et le S.N.E.Sup adopteront assez souvent des tactiques assez divergentes, l'U.N.E.F. étant plus violente que le S.N.E.Sup.

 

 

Vincennes semble donc se tenir en dehors de la crise... A la veille des congés de Printemps (22 mars-5 avril), au cours d'une réunion informelle entre le Président de l'Université et les responsables des départements de Sciences Politiques et de Sciences de l'éducation, il est décidé (il s'agit là de donner un exemple, et non de polémiquer), qu'une commission se tiendra assez vite pour faire avancer et mettre en forme le jet « travail social (second cycle) ».

 

 

Il est vrai que d'autres enseignants qui ont rencontré Cl. Frioux à propos de ces « urgences » ont manifesté déjà des réticences. Mais le travail des commissions ne s'est pas arrêté jusqu'au 22 mars. Simplement, à la fin, on prend la précaution de dire de plus en plus, qu'on «réfléchit » sur les filières, mais que cela ne signifie pas l'élaboration des maquettes.

 

 

b) La rentrée de Printemps a lieu le 6 avril. Ce jour-là, les cours reprennent à Vincennes. Entre-temps, la seule « crise » dans l'établissement a été déclenchée par le conflit qui a éclaté dans les services locaux du CROUS (au restaurant universitaire de Vincennes) entre le chef de cuisine et les travailleurs immigrés.

 

 

Vincennes entre dans la grève dans la semaine qui va du 5 au 12 avril. Il semble bien que cette entrée dans la « grève » soit essentiellement une décision des enseignants. Le S.N.E Sup parle d'arrêts de travail et de journées d'action ; d'autres parlent de grève, La situation n'est pas très nette. Mais il existe un consensus pour commencer à riposter.

 

 

La fronde des Présidents (35 présidents d'Universités demandent le retrait de la réforme) va relancer réellement et renforcer le mouvement à Vincennes. En même temps commence le cycle des manifestations de rue et des coordinations nationales enseignantes, puis étudiantes. Pour la coordination étudiante de Censier, l'U.N.E.F. et les militants de la L.C.R. sont mis en minorité : la délégation de Vincennes est formée de maoïstes et d'inorganisés. Elle est invalidée à Censier.

 

 

Vincennes commence alors à se dépeupler. Les assemblées générales centrales réunissent un public de moins en moins nombreux et, comme cela se passe depuis quelques temps déjà ce public, lassé des querelles interminables entre les groupuscules, quitte les assemblées sans attendre la fin.

 

 

On finit par être incapable de voter dans ces assemblées. Progressivement, on arrive à une situation assez singulière : ce sont les assemblées générales d'enseignants qui « officialisent » l'arrêt des cours.

 

 

Cependant, comme ailleurs, il existe un consensus étudiant pour la grève. Il se traduit par la désertion.

 

 

Georges Lapassade

 

Mis en ligne par Benyounès et Bernadette Bellagnech

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19 septembre 2012 3 19 /09 /septembre /2012 11:50

Bonjour à chacune, à chacun, à toutes et à tous,

 



Voici le sommaire de ...

 

 

L'INFORMEL DANS L'ÉDUCATION DE L'ENFANT

http://www.harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=38012

 

 

Rodica Ailincai, Dominique Groux

Sous la direction de Dominique Groux Rodica Ailincai

Education comparée

EDUCATION FORMATION

 

 

Raisons, Comparaisons, Educations

La Revue française d’éducation comparée

L’informel dans l’éducation de l’enfant 

L’HARMATTAN


SOMMAIRE

DOSSIER : L’INFORMEL DANS L’EDUCATION DE L’ENFANT

Rodica Ailincai :

 
Introduction ....9


Hélène Bézille :

Les Apprentissages informels à la rencontre de la forme scolaire....13


Sébastien Chapellon & Christian Cecile :

L’éducation sentimentale. Le lien éducatif à l’épreuve de sa part informelle....31


Rodica Ailincai, Sandrine Jund & Maurizio Ali :

Comparaison des écosystèmes éducatifs chez deux groupes d’Amérindiens :

Les Wayãpi et les Wayana....55


François-Xavier Bernard :

Le musée comme lieu d’apprentissage. Essai de comparaison entre médiation

professionnelle et parentale dans une exposition scientifique pour enfants.... 91


Frédéric Charles & Joël Lebeaume :

L’éducation scientifique et technologique formelle des enfants de 3 à 6 ans à

l’école maternelle, une éducation sous influence.... 109


Loïc Pulido :

Les apprentissages informels à l’école maternelle : le cas du langage dans les

 moments de regroupement de début de journée....127

 

Frédéric Anciaux & Béatrice Jeannot-Fourcaud : 

L’informel dans l’éducation de l’enfant : le cas de l’alternance codique en

Guadeloupe....145


Isabelle Nocus, Philippe Guimard & Jacques Vernaudon :

Effets de dispositifs pédagogiques qui valorisent les langues locales sur les dimensions cognitives et conatives au CP et CE1....165


Marie Salaün :

Quand la langue d’origine rencontre la formes colaire : le cas du tahitien en Polynésie française....185


ENTRETIEN....207

 

Rodica Ailincai :

Entretien avec Annick Weil-Barais....207


HISTOIRE....215


François-Xavier Bernard & Rodica Ailincai :

De l'introduction des TICE à l'École aux pratiques actuelles des jeunes.... 215


Didier Maurel : Le dispositif académique des Intervenants en Langue Maternelle (ILM) de la Guyane....227



PEDAGOGUES....239

Bernard Jabin : Maria Montessori : « Aide-moi à faire seul...» ... 239



RECENSIONS....247


Lebeaume, J., Hasni, A. & Harle, I. (Eds.). (2011). Recherches et expertises pour

 l'enseignement scientifique. Technologies, Sciences, Mathématiques, Bruxelles : De Boeck ....247


Morsly, D. (Ed.) (2010). L’enseignement du français en colonie. Expériences inaugurales dans l’enseignement primaire. Paris : L’Harmattan.... 251


Houssier, F. (2010). Anna Freud et son école. Créativité et controverses. Paris :

Campagne Première....253

 

Ailincai, R., Mehinto, T. & Crousier, M-F. (Eds.). (2011).Pratiques éducatives  dans un contexte multiculturel. L’exemple plurilingue de la Guyane. Guyane : CRDP. .................................. 255


Chapellon, S. & Lévêque, V. (Eds.). (2011). Problématiques scolaires et  dimension culturelle : La Guyane. Psychologie et éducation, 2011-3. Quimper :

 AFPEN....257


Langouët, G. (2011). Les inégalités entre États et populations de la planète.

 Trop, c’est trop ! Paris : L’Harmattan.... 259


THESE.... 265


Jean-Pierre Cardot. Formateurs d’enseignants et éducation à la santé : analyse

 des représentations et identité professionnelle.


ACTUALITE EDUCATIVE.... 269


La Biennale internationale 2012, 3-6 juillet 2012, «Transmettre ?»

 


ISBN : 978-2-296-99427-0 • septembre 2012 • 272 pages


Prix éditeur : 25,65 € / 168 FF



Bonne lecture...


Bernard Jabin

http://lesanalyseurs.over-blog.org

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18 septembre 2012 2 18 /09 /septembre /2012 09:37

Bonjour à chacune, à chacun, à toutes et à tous,

 



Voici l'annonce d'une parution...

 

 

L'INFORMEL DANS L'ÉDUCATION DE L'ENFANT

http://www.harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=38012

 

 

Rodica Ailincai, Dominique Groux

Sous la direction de Dominique Groux Rodica Ailincai

Education comparée

EDUCATION FORMATION

 


Comment situer et définir l'informel dans l'éducation ? Quel est le statut des savoirs quotidiens ou informels ? Qu'apprend-on en dehors de la classe ? Comment les parents enseignent-ils à leurs enfants ? Comment se fait la transmission informelle des savoirs familiaux ? Comment prend-on en compte les savoirs informels à l'école ? Quelle est l'influence de l'informel sur les pratiques enseignantes ?

 



ISBN : 978-2-296-99427-0

Septembre 2012, 272 pages

Prix éditeur : 25,35€ / 168 FF

 

 

Bonne lecture

Bernard Jabin

 

http://lesanalyseurs.over-blog.org

 

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