Les médecins cubains partent du Brésil
Le 14 novembre de cette année 2018, La Havane a annoncé que tous les médecins cubains qui travaillent au Brésil, vont nous laisser au plus tard à la fin de cette année. C´est une autre triste nouvelle, une en plus de ce moment si difficile que nous, tous les brésiliens, traversons. Ces médecins font partie du Programme Plus de Médecins (Programa Mais Médicos) qui a débuté ici en 2013, lors du gouvernement Dilma Rousself, laquelle a souffert du coup d´Etat l´ayant destituée de la présidence de la République du Brésil. Cette décision du gouvernement cubain a été prise à cause des déclarations du président élu en novembre de cette année, Jair Bolsonaro, lequel a décidé d´imposer des conditions à la permanence de ces médecins au Brésil, ne respectant pas ainsi le contrat accordé-signé entre la présidente Dilma Rousself, le président de Cuba et de l´Organisation Pan-américaine de Santé (OPS). M. Bolsonaro ajoute de plus dans ses déclarations qu´il donnera asile à tous les cubains qui veulent quitter Cuba.
Dangereuses sont ses décisions qui interfèrent dans les relations de coopération et d´amitié entre le Brésil et Cuba, datant de 1986, année du rétablissement des rapports entre ces deux pays. La dictature brésilienne de 1964 avait rompu les relations avec Cuba pendant 22 ans. Ce rétablissement montrait en externe une certaine indépendance de la diplomatie brésilienne et au niveau interne rejetait un héritage autoritaire de la dictature.
Le départ des médecins cubains met fin à une des plus belles expériences dans le domaine de la santé au Brésil. Ces médecins travaillent dans des aires les plus pauvres du Brésil, très distantes des villes, dans des lieux où les médecins brésiliens ne veulent pas aller. La compétence, la solidarité, la responsabilité, le respect et l´amour à l´autre, l´exercice d´une santé égalitaire, où tous les brésiliens, même les plus démunis ont leurs droits reconnus par ces médecins cubains. Les quilombolas (communautés de descendants africains), des communautés des indiens, des territoires occupés par les démunis, les périphéries urbaines, ont été soignés par ces médecins qui cartographient dans des zones inconnues de nos Brésils, comme dirait l´écrivain Guimarães Rosa, se référant à la diversité et multiplicité de notre pays.
C´est une triste nouvelle. C´est un acte violent cette intervention que le président élu Jair Bolsonaro veut faire dans le Programme Plus de Médecins, dont les mesures n´ont pas été acceptées par le gouvernement cubain. D´ailleurs ces médecins ont connu dans le territoire brésilien beaucoup de discriminations qui explicitaient la présence des subjectivités capitalistes animées par les restes dictatoriaux dans le tissu social. L´élite, le corporatisme de la médecine, les médias institutionnalisés, les fakenews ont été des acteurs relevant contre leur praxis transformatrice, reconnue dans plusieurs pays du monde.
Bolsonaro veut faire la revalidation des diplômes de ces médecins oubliant les services indispensables qu´ils apportent à la population brésilienne et reconnus selon plusieurs témoignages (ceux qui sont soignés par eux), études, publications, (comme celle de Stahlberg[i]. Il dit aussi qu´il va payer directement les médecins sans l´intermédiation du gouvernement cubain, qui selon lui, gagne de l´argent avec ces médecins, les exploite.
Il faut donner quelques éclaircissements sur ce Programme Plus de Médecins. Les fakenews pour valider les déclarations et actes de Bolsonaro prolifèrent.
Ce programme n´est pas un programme qui ne veut que faire un contrat de médecins. C´est un programme qui veut fortifier ce qu´on appelle attention basique dans le domaine de la santé au Brésil, qui a des stratégies pour se développer. La première consiste à s´occuper de l´infrastructure formée par les unités basiques de santé, comme par exemple les postes de santé. Le président du Brésil veut aussi intervenir dans la formation universitaire en médecine en changeant les curriculums. Nous savons qu´au Brésil, la priorité est donnée au soin des maladies, pas à la prévention. L´hôpitalocentrisme est un analyseur de cette tendance orchestrée par le capital et les pools de laboratoires des médicaments. Ce programme veut aussi amplifier et pratiquer la décentralisation de l´offre de places dans les cours de médecine prioritairement. La deuxième stratégie c´est le contrat des médecins.
Il faut dire que les médecins cubains pour travailler au Brésil suivent toute une logique de demande du Système Unifié de Santé (SUS) brésilien. Pour le remplacement des postes, selon un éditorial, le Programme Plus de Médecins donne la priorité d’abord aux médecins brésiliens (qui ont un registre dans le Conseil Régional de Médecine - CRM, l´organisme officiel qui valide les diplômes des médecins formés dans plusieurs régions du Brésil) ; puis aux intercambistas ( ce sont des médecins qui ont eu une formation à l´étranger, et qui n´ont pas le CRM que Jair Bolsonaro exige des médecins cubains), les médecins cubains viennent ensuite pour boucher les trous. Il est important de rappeler qu´ils travaillent dans des endroits où les médecins brésiliens ne veulent pas aller. Ils ont apporté leurs soins à 90% des communautés indigènes, à 700 municipalités qui avant ce programme n´avaient aucun médecin pour les soigner. Les médecins cubains après deux ans de travail, obtiennent un titre de spécialisation. Pendant leur travail dans le Programme Plus de Médecins, ils suivent une formation. Donc, ils n´ont pas de postes de travail ici, régulés par les lois brésiliennes, ce qu´on appelle CLT. Leur travail est régulé par une convention avec l’Organisation Pan-Américaine de Santé, le Ministère de la Santé de Cuba et le Brésil. Ils ne sont pas des “esclaves” exploités par le gouvernement cubain ou par le Brésil. Ils ne sont donc pas obligés de travailler au Brésil. Et la réponse qu´ils donnent à une demande de médecins dans le territoire brésilien, c´est un analyseur d´une formation en médecine encore déficitaire face aux besoins de la population. Quand ils arrivent au Brésil, ils passent par une période d´adaptation, ils participent à une formation, selon les particularités du SUS brésilien, y compris de langue portugaise. Après cette période, ils passent un test d´admission finale. Ainsi, l´exigence de Bolsonaro n´a donc pas de sens.
La majorité des médecins cubains à l’étranger travaille dans plusieurs pays du monde, dans des programmes humanitaires (comme en Afrique avec le problème de l´Ébola). Ce sont presque 25.000 médecins qui travaillent dans le monde entier, actuellement.
La formation en médecine cubaine est une référence mondiale. L´ELAM, l´Ecole de Médecine cubaine accueille et forme beaucoup d´étudiants de toutes origines, y compris beaucoup d’étudiants brésiliens.
Ce sont presque 63 millions de personnes qui ont été soignées au Brésil par ce programme. Nous avions à notre disposition environ 10 000 médecins cubains apportant leurs soins au peuple brésilien.
Cuba, ces médecins cubains méritent plus de respect du gouvernement élu Jair Bolsonaro, méritent plus de respect de la part d´une partie de la société brésilienne qui l´appuie.
Mon hommage, mon appui au peuple cubain, à ces médecins qui ont su faire leur travail sans participer au syndrome de la société de spectacle. Ils connaissent la puissance de la pauvreté, cette puissance qui s´ouvre à partir de besoins. Cette puissance avec laquelle on peut construire un nouveau monde, plus digne, comme le peuple cubain.
Lúcia Ozório
[i] Stahlberg, L. International cooperation and health policy: An analysis on the design and implementation of the Mais Médicos Programme in Brazil.