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  • : Le blog de Benyounès Bellagnech
  • : Analyse institutionnelle : Théorie et pratique au sein des institutions politiques, éducatives et de recherche. L'implication des individus et des groupes dans la vie politique et sociale.
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5 octobre 2013 6 05 /10 /octobre /2013 14:17

 

Utopies en tant qu'ancres symboliques (4)

 

 

Si nous vivons de nos jours l'impasse du discrédit attribué à la fonction des utopies, nous ne pouvons oublier que l'utopie a toujours eu dans l'histoire de l'humanité une fonction de critique sociale, fonctionnant plutôt comme une invitation à ne pas prendre les formes de vie qui se présentent pour des formes définitives, irréversibles et naturelles. Dans ce sens, elle pourrait remplir l'importante mission d'arracher les sujets du marécage du sens commun qui institue les sens auxquels nous devrions nous plier. L'utopie a ici une fonction d'invitation à l'imagination. Elle permet aux sujets de faire un lieu des espaces où ils vivent. Elle ouvre donc des lieux pour des images possibles. Tout acte créatif porte en soi une utopie. Le sens de l'utopie ne serait-il pas, dans un premier temps, d'aller vers la réalité, mais surtout contre la réalité. On pense volontiers à l'utopie comme quelque chose en dehors de la réalité, illusion, évasion, fantasme, délire, projets vides. Cette forme d'utopie fonctionnerait dans le vecteur classique présent - futur. Son horizon serait toujours une recherche de devenir réel. Si nous nous restreignons à cette perspective, ces formes utopiques perdent leur force. Comme le propose Roger Dadoun (1), nous pouvons inverser le sens du vecteur et penser à l'utopie comme à un mouvement qui va du futur au passé, dans un courant contre la réalité. L'utopie acquiert ici sa vertu de critique sociale.

 

 

Il s'agit, par conséquent, d'images qui peuvent fonctionner comme des ancres symboliques fondant des lieux. Cette voix de l'imagination, que nous devrions tellement attendre des intellectuels, se consolide quand ceux-ci se compromettent, de par leur œuvre, dans le débat des valeurs de leur temps. La culture fait lien social et pour cela elle ne peut devenir territoire privatif de quelques-uns et zone réduite d'experts qui ne sont pas toujours prêts à lutter pour le bien commun et qui oublient aisément la dimension politique d'une production. Si nous pensons la culture en tant que voyage, comme le suggère James Clifford, nous percevons qu'elle crée de nouveaux territoires de circulation et de vies possibles. Elle doit nécessairement être présente dans toute politique d'inclusion sociale.

 

 

Il est de plus en plus nécessaire d'avoir une utopie qui remplisse la fonction de réveil et qui puisse combattre les multiples visages de la violence à laquelle nous nous confrontons : la violence du dogmatisme, la violence de l'hégémonie des formes du sens commun qui empêchent l'apparition du nouveau, en anesthésiant les singularités, la violence des discussions politiques vides d'attitudes.

 

 

 

(1) BARBANTI, Roberto (org.). "L'art au XX siècle et l'utopie" Paris, L'Harmattan, 2000.

 

 

 

Edson Luiz André de Sousa

 

Mis en ligne par Benyounès et Bernadette Bellagnech

 

 

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4 octobre 2013 5 04 /10 /octobre /2013 15:36

 

Utopies en tant qu'ancres symboliques (3)

 

 

S'il est fondamental, d'une part, de récupérer dans l'archéologie de nos origines, une identité, même naissante, mais qui nous informe de quelques traits de notre héritage, nous devons d'autre part rapidement dire qu'elle ne suffit pas. Il faut la confronter à une altérité qui l'incite, qui la transforme, qui la questionne. La confrontation avec la diversité est fondamentale pour interroger les compulsions conservatrices du « soi-même » et ouvrir des brèches dans l'identité. Sur ce point, le dessin le plus clair est celui d'une zone de frontière qui nous montre combien nous nous approprions un sens essentiel quand nous touchons la terre de l'autre. C'est pour cette raison qu'Heidegger tenait à dire qu'une frontière n'est pas le point où quelque chose finit, mais, comme les Grecs l'ont reconnu, le point à partir duquel quelque chose commence à se faire présent.

 

 

Penser en termes de production culturelle dans notre contemporanéité implique nécessairement de remettre en question l'isomorphisme classique entre espace, lieu et culture. Lorsque nous parlons de cultures nationales, nous effaçons certaines frontières qui, même minoritaires, ne se reconnaissent pas dans l'hégémonie du concept. De nombreux penseurs ont dernièrement travaillé dans cette direction. L'un d'eux, Homi Bhabha, affirme même que « ce qui est théoriquement novateur et politiquement crucial, c'est le besoin de dépasser les récits de subjectivités originaires et initiales et de souligner ces moments ou processus qui sont produits dans l'articulation   des   différences   culturelles » (1).  Ce   carrefour de territoires, s'il est apparemment consensuel, révèle cependant aussi ses impasses, et notamment la voracité de certaines formes qui ne tolèrent pas ce qui est divergent. Les formes d'exclusion qui discréditent tout effort de changement du lien social sont multiples. Même les groupes apparemment unis et « harmoniques » connaissent ce danger et se ferment à double tour. Quel est le point de silence dans un groupe donné ? Or ce qui unit un collectif, ce sont certes son langage, son histoire, ses rituels, mais surtout les limites de son langage. Daniel Sibony, dans son magnifique essai sur le racisme (2), nous montre que c'est autour de ce point de silence que travaille la fonction d'exclusion : si un membre du groupe évoque un point de silence, il risque l'exclusion. Le groupe a besoin de cette fonction pour garantir son existence. C'est ce qui conduit le groupe à être un ensemble de personnes décidées à se taire sur la même chose, à protéger cette chose et à se protéger contre elle. Nous percevons ici une forme d'existence qui s'appuie sur l'exclusion, Cependant, nous voyons l'importance qu'il y a à aborder ce fantasme qui cherche à contrôler l'identité d'un collectif. Serions-nous à la hauteur pour intervenir sur ce point avec nos idées et nos actions ?

 


(1) BHADHA, Homi, O local da cultura, Belo Horizonte, Editora UFMG, 1998, P20.


(2) SIBONY, Daniel. Le « racisme » ou la haine identitaire, Paris, Christian Bourgois, 1997.

 

 

 

Edson Luiz André de Sousa

 

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3 octobre 2013 4 03 /10 /octobre /2013 15:11

 

Utopies en tant qu'ancres symboliques (2)

 

 

Dans un état de dispersion d'idées qui conduit à une anesthésie de la vie, le sujet contemporain affronte immédiatement un sentiment d'abandon et d'échec. Dans la mesure où il ne peut rien énoncer légitimement en son propre nom, il se découvre étranger dans sa terre natale et tente désespérément de contrecarrer son ennui et son découragement par quelque artifice restituant la sensation, même débutante, d'être contenu quelque part. La théorie des ensembles qui anime la logique du marché, principe moteur de notre temps, est déjà connue de tous : je consomme, donc je suis. S'approprier l'objet confère au sujet un air de supériorité et de consistance, même si pour cela il doit fermer les yeux sur l'immense vide qui anime son existence. Cet objet peut avoir plusieurs visages : de la voiture nouvelle au city tour du voyage de vacances, du fast food au nouveau logiciel, du reality show aux productions culturelles. Une plongée dans la culture ne suffit pas comme garantie contre la tentation de se rassasier dans le buffet du marché d'idées. Peut-être qu'ici une diététique pouvant nous garantir quelques principes moraux et nous protéger contre une obésité qui nous immobilise, fait-elle du sens. Notre temps a créé un nouveau type d'anesthésie des sens par excès de stimuli et, plus que cela, par l'impératif qui impose une consommation à tout prix. Nous percevons que l'essentiel se trouve dans le style de « rapport » (s'il y en a un) et non simplement -- dans une confiance aveugle dans la valeur intrinsèque de l'objet que je m'approprie. Walter Benjamin souligne cette impasse quand il fait référence aux formes aliénées d'être dans la culture. Comme nous l'avons déjà dit ; « Ils ne sont pas toujours ignorants ou inexpérimentés. Nous pouvons souvent affirmer le contraire : ils « ont tout dévoré », la « culture » et les « hommes » et sont restés rassasiés et épuisés » (1).

 

 

Nous pouvons imaginer à quel point l'état d'épuisement ouvre le chemin à la pasteurisation du goût, en imposant au sujet les idéaux auxquels il doit adhérer, s'il veut du moins être récompensé par un timide sentiment de confort. A cause de l'affaiblissement des liens de son histoire et de son identité, il se trouve à la disposition du marché qui n'oublie pas de faire payer à chacun, avec les intérêts de la vie elle-même, les promesses qu'il a faites. Paradoxalement, c'est lorsque nous ne payons pas cette dette que nous pouvons restaurer notre crédit avec l'avenir.

 

 

(1) BENJAMIN, Walter. "Experiência e Pobreza" in: Obras Escolhiaas, Vol. 1, São Paulo, Brasiliense, 1994, p.118.

 

 

 

Edson Luiz André de Sousa

 

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2 octobre 2013 3 02 /10 /octobre /2013 10:38

 

Cher(e) collègue,



Le Collège d'études mondiales de la Fondation Maison des sciences de l'homme organise un cycle de conférences « Penser global » données par Edgar Morin, en partenariat avec l'Université Paris 1 Panthéon Sorbonne.

 

 

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« La compartimentation des savoirs empêche de traiter les problèmes à la fois fondamentaux et globaux. Peut-on envisager une connaissance du global qui évite le réductionnisme (aveugle aux qualités propres au tout), l’unilatéralisme (prendre une partie pour le tout), le holisme (aveugle aux relations tout-parties). Edgar Morin propose non une pensée complète, mais une pensée complexe (qui ne peut éliminer toute incertitude et insuffisance), apte à relever les défis auxquels est confrontée notre connaissance ». Edgar Morin

 

 

La première conférence aura lieu le mardi 8 octobre à 18h dans l'amphithéâtre Gestion de la Sorbonne, 17, rue de la Sorbonne, Paris 5e, sur le thème

L’humain I : La trinité bio-socio-anthropologique

 

 

Pour assister à cette conférence et voir le programme des suivantes, l'enregistrement est obligatoire. Suivez le lien ci-dessous.

http://www.msh-paris.fr/enquete/index.php?lang=fr&sid=57827&token=dffy4kwh

 

Cordialement,

Michel Wieviorka

 

Administrateur de la Fondation Maison des sciences de l'homme
Directeur du Collège d'études mondiales

 

 

Cliquez ici pour remplir ce questionnaire :

http://www.msh-paris.fr/enquete/index.php?lang=fr&sid=57827&token=dffy4kwh

Si vous ne souhaitez pas participer à ce questionnaire et ne souhaitez plus recevoir aucune invitation, veuillez cliquer sur le lien suivant :


http://www.msh-paris.fr/enquete/optout.php?lang=fr&sid=57827&token=dffy4kwh

 

Pour toute question, écrire à college.info@msh-paris.fr

 

 

 

Transmis par Leonore Bazinek et Nicolas de Lavergne

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1 octobre 2013 2 01 /10 /octobre /2013 15:41

 

Utopies en tant qu'ancres symboliques

 

 

Les utopies fonctionnent donc comme des ancres symboliques. Créer implique instaurer une existence. Toute création s'inscrivant dans la culture comme oeuvre de l'esprit cherche à fonder une façon de regarder et une forme singulière de partager une expérience. Ce que nous appelons ainsi culture est le résultat de nombre d'actes créatifs cousus dans le temps. C'est pourquoi, chaque fois que nous pensons en termes de culture, nous pouvons aussitôt nous référer à une histoire qui se produit dans un temps déterminé, et à une expérience qui est transmise. Penser les conditions de cette transmission s'avère être l'un des plus grands défis de notre contemporanéité.

 

 

Quelles sont, par conséquent, les conditions de transmission qui donnent forme et consistance à l'expérience du sujet contemporain ? Quel est le rôle des artistes dans cette transmission ? Quels espaces de partage des expériences singulières dans le lien social? Quelle histoire, quelle mémoire et quel récit possibles pour chacun de nous ?

 

 

Dans un temps qui souffle à nos oreilles la vertu de l'autonomie, en construisant nos idéaux de formes narcissique et individualiste, rien de mieux qu'un arrêt stratégique pour réfléchir. Nous vivons une profonde confusion entre l'ordre du singulier et l'ordre de l'individuel. Ces catégories ne peuvent être confondues. Le singulier produit un style, cherche une manière de raconter une histoire, dessine une mémoire possible, construisant en conséquence des conditions pour qu'il se produise une transmission. Dans cette direction, le singulier est une pièce fondamentale dans ce qui peut être partagé. L'individuel, - royaume de la forteresse moïque dans ses carapaces défensives - d'un autre côté, rêve de pouvoir se passer de cet héritage partagé. De cette façon, il produit des aberrations, que nous voyons trop souvent, chez des individus qui méprisent l'héritage qui les a constitués, s'excluant d'une histoire qui les précède, et ne pouvant reconnaître, dans la culture, qui sont ses parents. Mais attention, il ne suffit pas d'une référence à un héritage, à une tradition pour que nous soyons libres de la noyade solipsiste ! Toujours suivant cette même perspective, il ne suffit pas de reconnaître une tradition pour garantir une histoire et un futur. Quel serait alors le chemin ?


 

« Savoir s'orienter dans une ville ne signifie pas grand chose. Cependant, se perdre dans une ville, comme quelqu'un qui se perd dans la forêt, demande de l'instruction » (1). L'image que nous pouvons en déduire, c'est qu'il faut savoir se perdre pour pouvoir produire une rencontre. La condition spirituelle et productive de l'acte de se perdre ne se résout pas avec l'information qui oriente, mais avec les possibilités de raconter une telle expérience. Nous avons forcé un petit peu cette image, afin de pouvoir introduire une autre idée, qui nous semble cruciale dans ce débat, sur la fonction de la culture, idée que Benjamin cherche à développer en détail dans certains de ses textes, mais surtout dans l'essai «O narrador -considerações sobre a obra de Nikolai Leskov » [Le narrateur -considérations sur l'œuvre de Nikolai Leskov], Dans ce texte, consacré à une réflexion sur Leskov, écrivain russe du XIX*, Benjamin oppose le déclin de l'art à l'apologie de l'information.


« Si l'art du récit est aujourd'hui rare, la diffusion de l'information est franchement responsable de ce déclin. Chaque matin, nous recevons des informations du monde entier. Et pourtant, nous sommes pauvres d'histoires surprenantes. La raison en est que des explications accompagnent déjà les faits qui nous arrivent. En d'autres termes, presque rien de ce qui se passe n'est au service du récit, et presque tout est au service de l'information » (2).


En effet, la petite lumière que cette idée nous apporte nous permet d'avoir un regard critique et actuel sur ce que nous vivons aujourd'hui. C'est aussi dans ce même texte qu'il nous rend perplexes lorsqu'il affirme que l'art de raconter est en passe d'extinction, ce qui implique une difficulté (sinon une impossibilité) à échanger des expériences : « Les actions de l'expérience sont en baisse, et tout porte à croire qu'elles continueront de tomber jusqu'à ce que leur valeur disparaisse complètement »,(3) II n'y a aucun doute sur la pertinence de cette idée et sur combien nous pâtissons d'une histoire aveugle et d'une mémoire muette lorsque de notre bouche, aucun mot nouveau ne sort, A quoi sert une histoire et une mémoire qui se contentent tout simplement de répertorier les évidences du sens commun (dont nous doutons peu), et de nous obliger à une répétition infinie en forme d'écho ?

 

 

(1) BENJAMIN, Walter. Infãncia em Berlim por volta de 1900 in : Obras Escolhidas //, São Paulo, Brasiliense, 1995, p. 73.


(2) BENJAMIN, Walter. O narrador - considerações sobre a obra de Nikolai Leskov m : Obras Escolhidas, vol. 1. SSo Paulo, Brasiliense, 1985, p 203.

 

 

(3) BENJAMIN, Walter. Ibid p. 198.

 

 

Edson Luiz André de Sousa

 

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30 septembre 2013 1 30 /09 /septembre /2013 14:34

 

CHRONIQUE POLITIQUEMENT INCORRECTE No 14


NÉS SOUS X (suite 1)

 


Il faut revenir sur ces institutions et appareils d’État nés sous X à la Libération. Christian Rossignol, le chercheur déjà cité dans des chroniques précédentes à propos du « Conseil technique de l’enfance déficiente et en danger moral », spécialiste des sciences du langage et aussi bon connaisseur des institutions concernées par l’enfance en difficulté, constatait, s’agissant de ces secteurs professionnels et de la période 1940-1945, que la plupart des chercheurs et historiens se sont dérobés devant l’obstacle que constituait l’analyse de ces années-là. « Ils l’ont, plus ou moins consciemment, plus ou moins habilement, contourné et, finalement, le plus souvent, ils ont abandonné la partie » dit-il en novembre 1995 dans sa communication aux Journées d’études « L’éducation surveillée aurait eu 50 ans ». Il ajoutait : « les ouvrages de référence, déjà anciens, publiés par des universitaires, sociologues ou historiens de métier qui prennent pour objet d’étude “La police des familles”, “Le travail social”, “Le métier d’éducateur” (il s’agit de titres d’ouvrages), et qui développent à cette occasion des analyses souvent pénétrantes du fonctionnement institutionnel, ont pour caractéristique commune de « faire l’impasse » sur l’histoire de cette période ». On retrouve là le « mur du silence » établit après la seconde guerre mondiale.

 

 

En conclusion de sa communication, le chercheur s’interrogeait : « Les travailleurs sociaux connaissent les conséquences que peuvent avoir sur la vie d’un être humain les zones d’ombres persistantes autour des circonstances de sa naissance ou les effets d’une paternité falsifiée. En serait-il de même en ce qui concerne un secteur professionnel ? ».

 

 

Bonne question et autre exemple : celui de Jacqueline Roca, Maître de conférence d’histoire à l’IUFM de Reims. Elle a publié un article intitulé La structuration du champ de l’enfance et de l’adolescence inadaptées et handicapées depuis 1943 : l’exemple de Marseille (in Le Mouvement Social No 209, oct.-déc. 2004). L’article est essentiellement consacré aux A.R.S.E.A. (Associations régionales de sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence) et, plus précisément, à celui de Marseille. Les A.R.S.E.A. sont justement nés des travaux du « Conseil technique… » cité, sous Vichy. Dans cet article, curieusement, Vichy, régime de Vichy ne figurent pas. Les zones d’ombres persistantes se vérifient autour des circonstances de la naissance des A.R.S.E.A. et, plus généralement, des secteurs des travailleurs sociaux relatifs à l’enfance et l’adolescence. Nés sous Vichy = nés sous X. Vous avez dit « mensonge par omission »?

 

 

Un paragraphe, un seul, est consacré au « Conseil technique de l’enfance déficiente et en danger moral ». On peut y lire : « Le Dr Grasset, secrétaire d’État à la Santé, mit en place modestement un Service de la Coordination de l’enfance dirigé par le juge Chazal ». Grasset, Chazal ? Dans une note, Jacqueline Roca indique : « Le juge Chazal était alors procureur de la République à Nevers. Le Dr Grasset était un ami de sa famille. En lui donnant une mission à Paris, il le mettait en outre à l’abri d’ennuis qu’allait lui attirer le soutien apporté à des fugitifs désireux de franchir la ligne ». Le brave Dr Grasset !

 

 

Pour Jacqueline Roca, « Les A.R.S.E.A. ont été des relais de médiation efficace entre les œuvres privées et l’État au niveau régional. Dans le subventionnement des institutions, leur avis était déterminant, et ce sont elles qui ont impulsé et fédéré les créations (instituts médico-pédagogiques, centres de rééducation, foyers, centres d’aide par le travail, ateliers protégés).

 

 
Ainsi s’est finalement mis en place un service public paradoxal, assuré par des établissements privés, financé par des fonds publics, au sein d’une coordination technique et financière aussi souple que rigoureuse. Ce mode d’organisation était plus léger pour l’État qu’une intervention directe. L’ampleur des besoins auxquels il fallait répondre l’obligeait à s’engager. En s’appuyant clairement sur des initiatives philanthropiques ou caritatives privées, qui mobilisaient de nombreux bénévoles, en leur donnant les moyens de soutenir leur action, l’État a réussi à faire beaucoup en s’investissant peu. La forme associative atteste ici, avec sa diversité, sa souplesse et sa fécondité. Où l’on voit qu’il est parfois un peu court d’opposer action publique et initiative privée ». Analyse optimiste, toute à la gloire des initiateurs des A.R.S.E.A., et faisant silence sur ses commanditaires de départ : Vichy, Pierre Laval, et sur l’État mis au service du privé ?

 

 

Analyse peut-être un peu courte et contredite par Michel Chauvière (« L’efficace des années quarante », 2010. In « Enfance inadaptée, l’héritage de Vichy »). Pour lui, «Enfance inadaptée, associations familiales… de telles innovations invitent donc à ouvrir une réflexion sur les rapports de l’État et de la société civile, à l’aube de l’État-providence, en d’autres termes à réfléchir au « mode de production étatique » sous Vichy, annonciateur pour une large part des instruments réinventés après 1945. Il n’est d’ailleurs pas indifférent de poser ainsi le problème, plutôt que d’appuyer la réflexion sur « le rôle de l’initiative privée », comme si elle pouvait être autonome, et de réfléchir dans un second temps seulement à l’articulation des deux plans, en termes de tutelle ou de partenariat. Privé et public (d’État) sont toujours interactivement liés ».

 

 

Michel Chauvière ajoute : « des juristes (Meignant, Garrigou-Lagrange), mais aussi des hauts fonctionnaires (comme Nicole Questiaux, dans son rapport de fin d’études à l’ENA en 1956), avaient déjà examiné le cas particulier des Associations régionales de sauvegarde. Si les uns et les autres décrivaient avec précision « l’interpénétration du droit public et du droit privé » et le déploraient, c’était toutefois pour des raisons inverses. Défense de l’indépendance des œuvres d’un côté et craintes d’un démantèlement de la puissance publique de l’autre. Mais aucun n’analysait ce qui justement fait problème, à savoir le caractère formel et complice d’une telle opposition. Rapportés au « mode de production étatique », ces distinctions juridiques ne constituent pourtant que l’envers et l’endroit d’une même expansion, celle des œuvres privées sur fonds publics, qui est aussi celle de l’État phagocitant l’initiative privée».

 

 

________________________________ 


RAPPEL : CES INFORMATIONS RÉGULIÈRES SONT DIFFUSÉES ACTUELLEMENT À UN GROUPE DE PLUS DE 890 RELATIONS DE 1ER NIVEAU ET, SI VOUS Y VOYEZ UN INTÉRÊT, À PLUS DE 180 000 AUTRES RELATIONS DE 2ÈME NIVEAU, SI BIEN SÛR CELLES-CI SONT PAR VOUS RELAYÉES. 

À SUIVRE…

 

 

 

Transmis par Armand Ajzenberg

 

 

 

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29 septembre 2013 7 29 /09 /septembre /2013 16:59

 

Utopie, culture et histoire (2)

 

 

La fonction de l'Utopie est de révéler les envers de la ville, - ce qui demeure à l'ombre-, tout en nous aidant à comprendre la logique de sa construction, le refoulé de son histoire. L'utopie a donc une mission de critique sociale. Dans l'histoire, ce fut toujours sa fonction sociale. Lorsque par exemple Thomas Morus propose son « île à papier », il ne s'agissait pas d'affirmer un horizon possible, dans ce rêve, d'un idéal décrit et objectivable, mais au contraire d'éclairer le présent et de questionner ainsi les impasses de la société de son temps. Nous devrions, sur ce point, penser l'Utopie non vers la réalité, mais l'Utopie contre la réalité. Par conséquent, ces formes nous aident à récupérer des histoires oubliées ou refoulées. Roger Dadoun, dans son fantastique article « Utopie : l'émouvante rationalité de l'inconscient » va se montrer très emphatique lorsqu'il proposera de penser l'Utopie comme formation de l'inconscient (1).  Elle aurait pour fonction, en dernière instance, d'énoncer l'énigme du désir. Les perspectives utopiques nous mettent toujours devant la possibilité d'un autre lieu possible, dans un effort évident de percer le tissu répétitif avec lequel nous nous couvrons pour affronter les intempéries de la vie.

 

 

Il faut de plus en plus briser l'enchantement d'un temps monolithique régi par un slogan si caractéristique de l'être moderne qui signifie, aujourd'hui, être incapable d'arrêter et encore moins capable de rester immobile. Zygmunt Bauman, dans ses divers essais sur la post-modernité, analyse cette carte, notamment dans son dernier ouvrage A modernidade liquida [La modernité liquide]. Il nous montre que nous ne nous mouvons pas vraiment et ne continuerons pas à nous mouvoir pour «l'ajournement de la satisfaction», comme l'a suggéré Max Weber, mais à cause de l'impossibilité d'atteindre la satisfaction. La consommation se trouve toujours dans l'avenir, et les objectifs perdent leur attraction et potentiel de satisfaction au moment de leur réalisation, voire même avant. (2)

 


Comme on peut le voir, on a essayé à tort de dessiner beaucoup « d'utopies », de fausses utopies en tant que promesses d'avenir. Elles ont engendré, nous le savons, des dogmatismes et des dictatures dominatrices. Dans cette course, nous n'avons pas de répit, car c'est notre sueur qui nourrit la puissance des images qui, plus elles prolifèrent, plus elles se révèlent bonnes à jeter. Afin de freiner un peu cette course désespérée, nous aurions encore besoin de récupérer la force instauratrice d'actes de création, actes qui essaient d'ouvrir une autre forme d'être dans la ville et d'être parmi ses pairs, dans un lien social où chacun pourra reconnaître son semblable par la valeur de son expérience partagée. Sinon nous connaîtrons le cauchemar d'Alice au Pays des Merveilles où « il faut courir un maximum pour rester à la même place » (3).  Dans cette logique : « La liberté de traiter l'ensemble de la vie comme une fête d'achats ajournés signifie concevoir le monde comme un dépôt bourré de marchandises. Etant donnée la profusion d'offres séduisantes, le potentiel générateur de plaisirs de toute marchandise tend à s'épuiser vite. » (4).

 

 

 

Nous aimerions partager brièvement quelques images du travail de Christo, artiste bulgare dont les projets utopiques d'empaquetage du monde sont connus mondialement. Célèbres sont les empaquetages qu'il a réalisé du Pont Neuf à Paris, du Reichstag -le Parlement allemand - à Berlin, de Little Bay en Australie, du Musée d'Art Contemporain de Chicago, parmi d'autres. Ses projets polémiques déclenchent un nouveau regard sur la ville et son travail démontre comment ce recouvrement du regard, déclenché par la coupure qu'il produit dans la ville, ouvre l'espace à de nouvelles visibilités, La forme de l'empaquetage ironise le sans limite de la circulation de marchandises, essayant de récupérer coûte que coûte la fonction symbolique de certains lieux. Puisque le regard pressé ne s'arrête plus sur rien, Christo rappelle qu'une des fonctions constitutives du faire artistique - et nous oserions même y ajouter, à titre personnel, la fonction de l'acte analytique -, est d'ouvrir un espace au détail qui introduise le temps du doute et l'espace de l'interrogation. L'un de ses premiers travaux, lorsqu'il arriva en tant qu'immigré à Paris, fut le blocage d'une petite rue de Paris (la rue Visconti où habitèrent Racine, Delacroix et Balzac) à l'aide de 204 barils de pétrole qu'il avait lui-même transportés. Bien que la Mairie de Paris lui en ait refusé l'autorisation, il avait entrepris ce travail la nuit. Peu de gens s'étaient alors rendus compte que cette intervention était sa forme de penser le rideau de fer, car à cette époque, le mur de Berlin venait d'être récemment construit, Christo fût alors arrêté et dut répondre au commissariat de police de délit d'obstruction. Ce sont des passages obstrués, analogues à ceux qui essaient d'ouvrir de nouveaux espaces psychiques, de nouveaux espaces de conscience du rapport sujet/ville. Tout acte créatif est, à la limite, un acte utopique car il tente de fonder un nouveau lieu d'énonciation et ainsi de récupérer des espoirs empaquetés. Quelle utopie pourrait récupérer cet esprit contestateur ?

 

 

(1) DADOUN, Roger. "Utopie, l'émouvante rationalité de l'inconscient" in BARBANTI, Roberto, L'art au XXè siècle et l'utopie, L'Harmattan, Paris, 2000.

 

 

(2) BAUMAN, Zygmunt, Modernidade Liquida, Jorge Zahar Editor, Rio de Janeiro, 2001, p.37.

 

 

(3) Ver BAUMAN, Z. op. cit. p. 64.

 

 

(4) BAUMAN, Z. op. cit. p. 104.

 

 

 

Edson Luiz André de Sousa

 

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28 septembre 2013 6 28 /09 /septembre /2013 15:37

 

Utopie, culture et histoire

 

 

Les utopies ont toujours essayé d'ouvrir pour l'homme le droit de rêver, même si certains penseurs ont essayé de dénoncer le ton anachronique de l'utopie, comme par exemple Jean Delumeau dans son important ouvrage La Civilisation de la Renaissance. L'auteur montre dans son livre que l'utopie se présente comme une inadaptation du présent en emplissant l'histoire d'anachronisme : «Ils [les  utopistes]   collectivisent  lorsque  le moment est d'individualisme, ils construisent des Etats sans tradition lorsque le moment affirme le sentiment national, ils abolissent la propriété et la monnaie lorsque naît le capitalisme » (1). Mais si Delumeau considère le fait de nager à contre-courant comme un problème, nous pouvons y voir une vertu. L'utopie fonctionne en tant que critique de l'idéologie dominante dans la mesure où elle cherche une reconstruction de la société présente. Louis Marin insiste pour penser l'utopie comme une suspension du temps historique (2). L’utopie fait donc émerger la face de l'ombre de l'ordre établi, face se dessinant comme une figure de négativité historique. Nous oserions même penser l'utopie comme interdiction du présent. Nous pensons ici à partir de la perspective, avec laquelle travaille Paul Celan qui écrit des poèmes, en réfléchissant justement au besoin qu'ont certaines écritures de pouvoir remplir la fonction d'interdire.

 

 

Le terme utopie est né en tant que néologisme latin forgé à partir du grec. Le nom « Utopie » apparaît pour la première fois dans la Lettre à P, Gilles (ami de Thomas Morus et secrétaire de la ville d'Anvers) en octobre 1516, lettre qui sert de préface à la première édition de Morus. Le mot est formé à partir de deux mots grecs : ouk qui signifie non et s'est transformé en U. et topos, « lieu », auxquels s'est ajouté le suffixe ta, indicatif de lieu. Depuis le classique de Thomas Morus, s'est donc constitué un nouveau genre littéraire et à partir de là nous allons trouver beaucoup de récits d'utopie, à l'image de Francis Bacon, Nouvelle Atlantide, de Tommaso Campanella, Cité du Soleil, et de Charles Fourier, Le Nouveau Monde Industriel et Sociétaire.

 

 

L'analyse que nous entreprenons très brièvement ne doit pas perdre de vue l'horizon utopique d'une réflexion pouvant nous ouvrir de nouvelles perspectives. Si nous n'y croyions pas, nous ne ferions qu'augmenter la litanie plaintive d'une théorie conciliante avec le symptôme social et, à la limite, fournir un alibi pour notre paralysie. Non ! Ce qui est beaucoup plus prometteur, c'est de penser la réalité en tant qu'acte de désirer, comme l'a rappelé Arthur Schopenhauer. S'il faut trouver un équilibre - car c'est le principe du mouvement de l'agir humain - il ne devrait pas se produire par une réduction des désirs ou de l'imagination, mais par un accroissement de la capacité d'agir (3).

 

 

 

(1) LACROIX, Jean-Yves. "A Utopia - um convite a filosofla', Jorge Zahar Editor, Rio de Janeiro, 1996, p 13.

 

(2)  MARIN, Louis. Voir « Utopiques : jeux d'espaces », Ed. Minuit, Paris, 1973.

 

(3)  BAUMAN, Zygmunt. Modernidade Liquida, Jorge Zahar Editor, Rio de Janeiro, 2001, p.24.

 

 

 

Edson Luiz André de Sousa

 

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27 septembre 2013 5 27 /09 /septembre /2013 18:31

 

Pourquoi l'Utopie est-elle si discréditée de nos jours? Pourquoi le fait de parler d'utopie est-il une manière de déqualifier l'expérience de la réflexion ?

 

 

L'utopie ouvre une dimension de réflexion critique et introduit dans l'espace de la vie une zone d'imagination, de déséquilibre, de suspension. Nous pouvons penser l'utopie comme l'introduction d'un étranger, qui nous permet de jeter un autre regard sur le paysage que nous avons devant nos yeux. L'utopie vient donc s'opposer à la tendance à la répétition. Elle vient rompre avec la passion de l'analogie lorsqu'elle propose un non lieu. Dans un premier temps, la forme utopique met fondamentalement en scène un non au temps présent. L'utopie introduit la catégorie du possible et pour cela crée une fracture dans l'histoire.

 

 

Lorsque nous parlons d'utopie, nous pensons aussi bien aux petits mouvements, - qui peuvent donner une nouvelle direction à une vie à partir d'une petite attitude-, qu'au spectre des mouvements sociaux. Pour que la forme utopique obtienne sa place, il faut vaincre une inertie initiale, qui nous immobilise souvent dans une rêverie ne se matérialisant pas dans les attitudes. Comme le rappelle fort bien T. S, Eliot tout au début de ses Four Quartets :


« Footfalls echo in the memory

Down the passage which we did not take

Towards the door we never opened

Into the rose-garden » (1)

 

 

Oserons-nous donc ouvrir la porte ? Comme Eliot l'affirme dans son classique « The Waste Land », oserai-je déranger l'univers ?

 

 

Evgen Bavcar, un photographe Slovène, aveugle depuis l'âge de 12 ans (2) est un exemple fantastique de quelqu'un qui s'est proposé de déranger l'univers en répondant avec son travail à bien des questions provocatrices de l'esprit humain. Son travail dessine une utopie d'images possibles montrant à tous sous une forme cristalline ce qu'est une image, et également que toute image est une construction mentale. Son travail et ses réflexions indiquent également que nous avons tous nos points aveugles. Lors d'une interview où il cherche à rendre compte de son travail de photographie, Bavcar affirme, lorsque l'on lui pose une question sur l'intervention du regard des autres sur la production de ses photographies : « Oui, mais c'est un regard que je contrôle et qui, justement, me permet d'aller au-delà du regard direct, qui m'est interdit. C'est une espèce de télescope dont je me sers pour voir les étoiles. Comme tout le monde d'ailleurs. Chacun se sert du regard de l'autre, mais sur d'autres plans, sans toujours s'en rendre compte. La Perception n'est pas ce que nous voyons, mais la façon dont nous abordons le fait de voir. Et puisqu'on ne peut jamais voir avec ses propres yeux, nous sommes tous un peu aveugles » (3).

 

 

(1) ELIOT, T.S. The Complète Poems and Plays, Harcourt Brace Jovanovich Publishers, Londres, 1980, p. 117 [« Des pas résonnent dans la mémoire/ Au long des galeries que nous ne parcourons pas/ Vers la porte que nous n'ouvrons jamais/ donnant sur la roseraie »].

 

 

(2) Evgen Bavcar est venu à Porto Alegre en septembre 2001 pour participer au colloque « Images Possibles » à l'Université Fédérale du Rio Grande do Sul - UFRGS -, colloque organisé par le Département de Diffusion Culturelle, les Programmes de 2e et 3e cycles en Psychologie Sociale et en Arts Visuels de l'UFRGS.



(3) TESSLER,E., SOUSA,E.,SLAVUTSKY, A Invençao da vida -arte e psicanalise, Artes e Oficios, Porto Alegre, 2001, p 32.

Edson Luiz André de Sousa

 

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26 septembre 2013 4 26 /09 /septembre /2013 15:03

 

Un jour, j'ai entendu une personne qui disait la phrase suivante : « Ce qui sépare la fiction de la réalité, c'est un simple geste ». Comment donc un geste, un mouvement qui, à la limite, est celui du désir, peut-il avoir ce pouvoir transformateur de la réalité ? La production culturelle aurait-elle la force de produire ces déplacements de lieux? Nous y percevons des mouvements de passage qui montrent combien ces catégories ne sont pas si rigides que cela. Cependant, nous les rendons rigides, car ainsi nous nous protégeons de l'avenir. La compulsion à la répétition, principe moteur de notre résistance à la vie, berce notre rêve quotidien et nous éloigne du danger de rencontrer ce que nous montre le désir. Jenny llolzer, artiste nord-américaine, a bien compris cette impasse lorsqu'elle a mis, dans un de ses travaux sur de grandes affiches dans les villes, la phrase suivante : « Protégez-moi de ce que je désire ». Expérience et utopie nous renvoient directement au désir, comme nous le verrons par la suite. Mais comment faire pour être un peu plus en phase avec ce que nous désirons, et ce aussi bien au niveau individuel que collectif ?


 

C'est pourquoi il est légitime de poser la question : Qu'est-ce qu'une expérience et comment se transmet-elle? Tout d'abord, il importerait de distinguer vécu et expérience. Le champ de l’erlebnis (vécu) ne suffit pas pour que le sujet puisse se connecter avec ce qu'il vit, avec ce qu'il sent, avec ce qu'il pense. Pour qu'un vécu puisse constituer une erfahrung (expérience),  il  faut qu'il y ait fondamentalement des conditions de transmettre et de raconter ce que l'on vit. A la limite, nous devons construire des espaces mentaux : des images, des mots qui légitiment, subjectivement pour chacun, ce qu'il est capable de percevoir dans le monde. C'est dans ce sens que le plan du fantasme ne peut plus être séparé de ce que nous appelons réalité. Nous constatons un appauvrissement radical de l'expérience. Toute la discussion, qui concerne la politique culturelle et les espaces de critique des médias, essaie de nous montrer cette tendance de notre contemporanéité. La brutalité de l'appel à la consommation, à la vitesse et à la violence que nous impose la vie refroidit peu à peu notre sensibilité et notre pouvoir de choix. Déjà en 1933, dans un texte classique intitulé « Expérience et Pauvreté », Walter Benjamin attirait notre attention sur le risque vers lequel l'humanité se dirigeait. Son pouvoir de prédiction est surprenant dans la mesure où nous constatons encore aujourd'hui, d'une façon tragique, ce qu'il annonça plusieurs années auparavant.

 


« Pauvreté d'expérience : il ne faut pas imaginer que les hommes aspirent à de nouvelles expériences. Non, ils aspirent à se libérer de toute expérience, ils aspirent à un monde où ils pourront exhiber si purement et si clairement leur pauvreté externe et interne, et à ce que quelque chose de décent puisse en résulter. Ils ne sont pas toujours ignorants ou inexpérimentés. Nous pouvons souvent affirmer le contraire : ils « ont tout dévoré », la « culture » et les « hommes », et ont été rassasiés et épuisés. Vous êtes tous fatigués -et tout cela parce que vous n'avez pas concentré toutes vos pensées sur un plan totalement simple, mais absolument grandiose. A la fatigue s'ensuit le sommeil, et il n'est pas rare que le sommeil compense la tristesse et le découragement de la journée ».

 

 

Il y a évidemment un rêve qui amortit, qui immobilise, et un rêve qui éveille et qui doit être pensé sous le versant de l'Utopie. Les rêves qui nous renvoient à des Utopies dessinent une autre espèce d'espace qui ne correspond pas à une contiguïté linéaire, manière dont nous avons l'habitude de penser le monde. Une chose ne vient pas toujours avant l'autre, une cause n'est pas toujours antérieure à sa conséquence. L'espace dont il s'agit n'est donc pas le classique espace euclidien où nous pouvons situer un dedans et un dehors, un antérieur et un postérieur, une surface et sa profondeur. Je me souviens par exemple, d'un fragment de rêve, qui m'avait surpris précisément parce qu'il rompait avec une logique habituelle d'espace et de temps. Je me dirigeais vers un lieu dans une position claire de mouvement et d'avancée, et plus je marchais, plus je m'éloignais du lieu vers lequel j'allais. De telles images nous ouvrent une énigme qui peut éventuellement ouvrir d'autres espaces d'expérience pour le sujet. Oublier les rêves ou les vider de leur pouvoir d'énigme n'est rien d'autre qu'une stratégie de fixité aux lieux déjà connus et dont nous connaissons déjà les contours.

 

 

 

Edson Luiz André de Sousa

 

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