Etienne est venu questionner le mouvement des gilets jaunes (suite)
Au final
On constate d’un côté une dérive autoritaire de l’Etat à partir de 2014 que Macron n’a fait qu’amplifier par son fonctionnement vertical et l’appui de son parti unique LREM. Cette dérive porte en elle le signe d’une très dangereuse banalisation des idées d’extrême droite (goût pour l’autoritarisme, xénophobie, racisme…), signe que les efforts initiés par l’extrême droite théorique depuis les années 1970 porte ses fruits et que les graines semées par Soral, Dieudonné et cie portent leurs fruits.
En face, on constate une mort des syndicats et des partis de la gauche classique qui ne se renouvelle que dans une France Insoumise tout aussi habile que fragile, un phénomène naissant lors du CPE, puis devenu un fait acquis en 2016. Désormais, même la France Insoumise est incapable d’exercer la moindre hégémonie sur le mouvement des GJ et se contente d’adopter une attitude passive (bien que beaucoup de ses militants soient partie prenante).
Au final, on constate que les pratiques qui sont apparues sur la place publique en 2016 (manifs sauvages, occupations, zadisme, automédias, réseaux sociaux) ont acquis une forme de légitimité au sein d’une large partie de la population et se retrouvent dans le mouvement des Gilets Jaunes – même si ces derniers n’y font que très rarement référence.
Dès lors, quelques réflexions :
Les obstacles et dangers
Classiques/politiques
Tout d’abord, il y a les élections européennes : comment résister à l’occupation médiatico-politique de la campagne dans les médias et ailleurs? Est-ce que les militants FI, UPR et autres impliqués dans les GJ ne risquent pas de saborder le navire en cherchant à orienter le mouvement? Il faut noter que sur ce point-là, il n’est pas question de pouvoir (le parlement européen n’en a pas vraiment) mais de gagne-pain pour les partis politiques.
Comment lutter contre l’entre-soi qui peut se développer entre personnes qui bougent ensemble depuis plusieurs mois? Le fait de rompre son isolement et de construire de nouveaux liens (on entend parler de « nouvelle famille ») ne risque-t-il pas de répondre à une partie du mal-être qui a motivé la mise en mouvement des individus, et donc, en conséquence, enrayer celui-ci?
Comment éviter que, du fait du développement d’outils d’organisations, des micro-pouvoirs émergent localement et entraînent des conflits internes? Je pense notamment à l’expérience de Nuit Debout.
La répression policière a pour principal objectif d’éloigner des cortèges et des ronds-points les plus craintifs et/ou fragiles. À terme, la peur fait qu’on se retrouve qu’avec de faibles nombres et l’absence de masse critique à même de construire un rapport de force réel dans la rue et, par ricochet, dans les entreprises.Comment enrayer cela? L’interdiction du LBD pourrait-elle suffire?
Et puis, dans certaines villes, il y a la peur des milices d’extrême droite qui peuvent s’attaquer à des personnes identifiées comme « gauchistes », homosexuelles, ou « étrangères ». Couplée à la répression policière et judiciaire, il peut paraître dangereux de participer aux manifestations.
Les gilets jaunes, du moins les plus médiatisés, demandent au pouvoir de les entendre, d’agir. Donc au final, ils n’aspirent pas au renversement des institutions ou à accéder au pouvoir, mais seulement à l’« assainissement » des structures en place, des pratiques des élus, à ce qu’on les écoute, que le gouvernement agisse. C’est notamment le RIC, placé en tant que revendication principale, qui incarne cela.
L’extrême droite
Le mouvement a été lancé sur une base dite « apolitique ». Et il est rapidement apparu, dès les semaines qui ont précédé le 17 novembre, que de nombreux militants d’extrême droite étaient partie prenante d’un mouvement que certains pouvaient qualifier de « poujadiste ». Ce n’est pas pour rien que l’imagerie nationaliste qui a inondée les différents groupes facebook, ainsi que certains discours relayés étaient clairs : l’extrême droite infusait le mouvement. Au fil du temps, ils se sont faits bien plus discrets, notamment suite aux accusations du pouvoir et à l’implication des collectifs antifascistes dans les manifestations. Désormais, l’extrême droite parait fort discrète, voire absente de certains cortèges.
Il n’empêche, on constate que les GJ se distinguent par un fourretout idéologique où se mêlent citoyennisme, communisme, nationalisme, anarchisme, poujadisme, complotisme, populisme et confusionnisme, le tout au nom du « peuple » et de « l’humanisme ».
En réalité, il semble que tout soit permis de penser tant qu’on est contre Macron et le système « oligarchique » qu’il incarne.
C’est ainsi que tous les extrêmes et ennemis du système politique en classe peuvent porter le gilet jaune : cela va de certaines organisations royalistes à des mouvances autonomes, des fans de Dieudonné l’antisémite à certains collectifs antifascistes qui se côtoient dans les mêmes manifestations. Et nombreux sont les gilets jaunes qui n’y voient aucune forme de contradiction : ils sont tous le peuple en lutte contre le tyran Macron.
Pour pas mal de personnes (souvent des militants et/ou intellectuels), le jaune semble plutôt résulter d’un mélange rouge brun, ce qui explique le retrait de nombreuses personnes dont la participation pourrait s’avérer fort précieuse au mouvement : militants, intellectuels, artistes, femmes, personnes racisées etc.
Le danger c’est que tant que cette acceptation de l’extrême droite au sein des GJ perdurera, les accusations d’antisémitisme, de xénophobie, de sexisme et autres portés contre les gilets jaunes feront mouche. Quoi qu’en disent la majorité des gilets jaunes.
Et puis il y a la police : si celle-ci venait à faire défection au pouvoir, ça pourrait être la composante d’extrême droite/rouge brune du mouvement qui en tirerait le plus profit.
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Source : site Debout Education Populaire
https://educpopdebout.org/2019/03/10/etienne-est-venu-questionner-le-mouvements-des-gilets-jaunes/