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Analyse institutionnelle : Théorie et pratique au sein des institutions politiques, éducatives et de recherche. L'implication des individus et des groupes dans la vie politique et sociale.

R. Hess, G. Weigand : Analyse institutionnelle et pédagogie rééd en ligne (27)

L'ouverture sur la pédagogie et la psychanalyse

 

Dans cet exposé, nous insistons sur le fait que la Borde est un lieu ouvert. L'ouverture était déjà présente à Saint Alban. Mais à la Borde, elle prend la forme d'interactions avec le milieu environnant, et aussi avec les courants intellectuels qui se développent ailleurs. Nous insistons sur la rencontre entre la psychothérapie et la pédagogie Freinet d'une part, et sur la confrontation avec la psychanalyse d'autre part.

 

Pour la pédagogie Freinet, le médiateur est Fernand Oury, qui est le frère aîné de Jean Oury, l'un des médecins psychiatres de la Borde. Fernand pratique la pédagogie Freinet dans sa classe primaire. Il est instituteur. Il serait facile de montrer la proximité des techniques pédagogiques, développées par Célestin Freinet (dont le mouvement compte entre 10 et 30 000 personnes dans les années 1950-60), et la psychothérapie institutionnelle. Dans cette pédagogie active, les enfants sont invités à prendre en charge, à cogérer la classe ! C. Freinet avait été gazé pendant la guerre de 1914-18, et il avait perdu un poumon. Ainsi, parler toute la journée devant une classe ne lui était, physiquement, pas possible. C'est ce handicap qui l'avait conduit à proposer aux enfants de travailler sous forme d'ateliers.

 

C. Freinet enseignait dans la campagne provençale, et il utilisait les ressources du milieu. L'apprentissage de la lecture et de l'écriture se faisait de manière indirecte pour exploiter des visites que la classe faisait auprès des différents corps de métiers du village. Les parents, et plus généralement les habitants de Saint Paul de Vence, étaient associés à cette pédagogie. Ils acceptaient de présenter leurs activités et les enfants se faisaient enquêteurs. Lorsqu'ils revenaient en classe, ils tentaient de raconter ce qui les avait frappés dans leurs découvertes. Chacun avait pu remarquer certains aspects que d'autres n'avaient pas vus. Lorsqu'ils avaient raconté leurs observations, ils étaient invités, en fonction de leur niveau de langue, à écrire un petit texte. Les meilleurs textes étaient choisis par la classe, et on les imprimait.

 

L'imprimerie présente dans la classe permettait de produire un petit journal que les enfants diffusaient dans le village. Ces journaux étaient le plus souvent illustrés. La vente du journal obligeait à faire fonctionner une coopérative qui était l'occasion d'apprendre le calcul. Ainsi, les apprentissages linguistiques et mathématiques s'enracinaient dans des pratiques sociales qui avaient du sens pour les enfants. Trop souvent l'école française transmet la grammaire et l'orthographe de façon théorique et abstraite. L'enfant ne perçoit pas toujours son utilité, mais dès que l'on veut diffuser un texte, le rendre public, le corriger pour qu'il soit compris, la maîtrise de la langue devient une forme de respect par rapport au lecteur !

 

Il n'est pas utile ici de développer plus longuement la présentation de cette pédagogie. Il suffit de montrer que le travail par atelier, le travail associant toute la transversalité de la classe et l'école (tout ce qui les traverse) était proche de la démarche de la psychothérapie institutionnelle.

 

Les concepts d'institutions internes ou externes pourraient fonctionner pour réfléchir sur la pédagogie Freinet. C. Freinet lui-même se méfiait des théoriciens, mais Fernand Oury prolongera l'œuvre de son maître en reprenant les apports de la psychothérapie institutionnelle. Ainsi surgira une nouvelle pédagogie : la pédagogie institutionnelle qui enrichira la pédagogie Freinet des apports de la réflexion théorique.

 

Si Fernand Oury est porteur d'une posture interprétative plus psychanalytique, Raymond Fontvieille, autre pédagogue Freinet, s'appuiera davantage sur les apports de C. Rogers, J. L. Moreno, K. Lewin, notamment sous l'influence de Georges Lapassade qui l'aidera à donner un contenu politique à cette pédagogie.

 

G. Lapassade introduira le concept d'autogestion pour rendre compte de la prise en charge, par les élèves eux-mêmes, de la gestion du conseil. Cette réunion hebdomadaire existait dans la pédagogie Freinet, mais Georges Lapassade la voit fonctionner pratiquement en continu, dans le cadre de la classe de Raymond Fonvieille. Les élèves peuvent demander une réunion, pour poser des problèmes au collectif lorsque le besoin s'en fait sentir. Dans la psychothérapie institutionnelle, il y a une assemblée générale, ayant une vocation analytique. Cette réunion hebdomadaire a le pouvoir de créer de nouvelles institutions. Elle a la fonction de gestion politique de l'établissement. On voit ainsi le rapprochement et les échanges qui se sont opérés entre la pédagogie et la psychothérapie institutionnelle.

 

Nous avons évoqué les liens entre la Borde et la psychanalyse. Jacques Lacan s'est beaucoup intéressé à l'expérience de la Borde; et les soignants de la Borde ont beaucoup puisé dans le travail théorique de Lacan. Il faudrait faire une analyse précise de ces échanges théoriques et pratiques. Dans les années 1950-60, Jacques Lacan n'avait pas encore la notoriété qu'il a acquise au moment de 1968 où il fut associer à d'autres courants de pensée qui furent visualisées en France sous le label "structuralistes"!

 

Mis en ligne par Benyounès et Bernadette Bellagnech

http://lesanalyseurs.over-blog.org

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