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  • : Le blog de Benyounès Bellagnech
  • : Analyse institutionnelle : Théorie et pratique au sein des institutions politiques, éducatives et de recherche. L'implication des individus et des groupes dans la vie politique et sociale.
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4 juin 2012 1 04 /06 /juin /2012 11:00

 

Propagation de proche en proche à partir d'un "germe", la transduction est une opération qui transmet une relation jusqu'aux deux extrémités d'une sorte d'éventail (Simondon préfère la métaphore de la cristallisation), ces extrémités étant les termes du mouvement de propagation, non ce mouvement lui-même : terme a ici le double sens de limite et d'achèvement par le fait de poser un concept - par exemple froid et chaud, petit et grand, bon ou mauvais, haut et bas... C'est notre pensée conceptuelle, non le réel, qui décide des termes, lesquels sont frappés d'une certaine métastabilité que Ravatin poussera au paroxysme, avec l'ultra-transduction produisant l'effondrement de concepts, la fuite des repères du local (de l'objet) vers le global (Ravatin, Théorie des champs de cohérence, Nîmes, Lacour éditeur, 1992). La transduction et surtout l'ultra-transduction s'éclairent grâce aux analyses en termes de vitesse, dont Paul Virilio est l'un des rares sociologues. Selon lui, "le principe de la commutation instantanée de l'émission /réception a déjà supplanté celui de la communication qui nécessitait encore un certain délai" (Virilio, La machine de vision, Paris, Galilée, 1988). L'être du sujet et l'être de l'objet sont supplantés par un nouvel être, l'être du trajet. Avec toutes ses implications, bien soulignées par Virilio, non seulement dans la mondialisation des médias mais dans celle, à tout moment, du risque d'apocalypse nucléaire, la vitesse devient la relation par excellence entre les phénomènes qui présentent comme l'un dans l'autre et, pourrait-on dire, se "zappent" eux-mêmes. Ce que Francisco Varela exprime, à propos de la multistabilité: "Chaque émergence se sépare des précédentes en fonction de son propre état initial et de ses limites. Ce qui rend l'émergence précédente toujours présente dans celle qui suit" (Varela, "Neurodynamique de la rétention", dans ouvrage collectif: Les neurosciences et la philosophie de l'action, coord. par J.L. Petitot, Paris, Vrin 1997). Ailleurs, au cours d'un entretien, il indique: "Il y a une espèce de suite d'émergences, de disparitions et de réémergences, des unités cognitives, modulaires mais intégrées" (Varela, Francisco Varela: "le cerveau n'est pas un ordinateur", La Recherche, n°308, avril 1998).

 

La théorie transductive est une théorie allagmatique c'est-à-dire concernant les opérations, par opposition à la théorie des structures, du donné (par qui?), du déjà-là (depuis quand?) La pensée allagmatique ne s'occupe pas des champs déjà structurés par la connaissance scientifique, mais des intervalles entre ces champs - pour ne pas dire les interférences (Simondon, L'individu et sa genèse physico-biologique (1)). L'opération est ce qui fait apparaître une structure ou qui modifie une structure, "par un acte analogique". "La méthode analogique suppose que l'on peut connaître en définissant des structures par les opérations qui les dynamisent, au lieu de connaître en définissant les opérations par les structures entre lesquelles elles s'exercent" (p. 264). "L'analogie, si elle était un simple transfert des modalités de la pensée par laquelle on envisage un être, ne serait qu'une association d'idées. L'analogie ne devient logique que si le transfert d'une opération logique est le transfert d'une opération qui reproduit le schème opératoire de l'être connu" (p 264-265). La science analogique vient compléter, sur un tout autre plan, holiste (Simondon dit : holique) la science analytique des structures. Les homologies structurales, qui furent un article de foi du temps du structuralisme triomphant, font partie du second mode de connaissance qu'évoque Simondon : dans le traitement interprétatif du rêve, elles permettent une gamme presque infinie de méta-discours à fonctionnalités psychique, politique, existentielle, thérapeutique... Les analogies opératoires, elles, comme faisant partie du premier mode de connaissance dans l'exposé de Simondon, renvoient à un acte, le rêver, dont le modus operandi est actif sur l'existence vigile par extension libératrice, par contribution au processus d'individuation de l'être dans son entièreté et non dans ses seules parties non sacrifiées par la raison contradictoire. Il y a en effet quelque chose de sacrificiel dans les révélations chaotiques et absurdes du rêver. Avec sa perception quasi subliminale, Henri Michaux l'avait dès longtemps noté: "Le rêve est l'apparition du morceau d'homme sacrifié" (Michaux, 1998, Oeuvres complètes, Paris, Gallimard, La Pléiade, Le rêve et la jambe).

 

Il faut avoir bien présente à l'esprit l'idée simondonienne d'une démarche opératoire, s'intéressant au "comment ça se passe" dans les intervalles (on peut dire aussi: dans la genèse) des structures. L'individu n'est pas premier, l'individuation le précède. L'individu est un aspect de L'être - cette conception s'appliquant à tout l'existant et non seulement à l'humain. En ce qui concerne ce dernier, l'individu est une tension jamais entièrement résolue, dans le devenir, entre un préindividuel physicobiologique et un transindividuel psycho-social. Ce qui explique, sinon justifie la division en deux ouvrages (Simondon, 1964 et 95 et Simondon, 1989) de sa thèse de doctorat d'Etat.

 

 

(1) SIMONDON Gilbert, 1958 et 1969, Du mode d'existence des objets techniques, Paris, Aubier ; 1995, L'individu et sa genèse physico-biologique, Grenoble, Jérôme Millon, nouvelle édition très enrichie; première édition Paris, P.U.F, 1964; 1989, L'individuation psychique et collective, Paris, Aubier; 1966, "L'imagination et l'invention", Bulletin de psychologie, 248-XIX-13-15

 

 

Mis en ligne par Benyounès et Bernadette Bellagnech

http://lesanalyseurs.over-blog.org

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