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  • : Le blog de Benyounès Bellagnech
  • : Analyse institutionnelle : Théorie et pratique au sein des institutions politiques, éducatives et de recherche. L'implication des individus et des groupes dans la vie politique et sociale.
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25 mai 2012 5 25 /05 /mai /2012 10:46

Une erreur de méthode

 

J'ai fait une faute fondamentale dans ma pédagogie. Dans un premier temps, j'ai cru que je devais donner aux enfants une liberté maximale. Je pensais que les enfants pourraient réussir à autogérer leur vie, leur travail. Je pensais leur donner les conditions de s'épanouir eux-mêmes. Ce que j'ai oublié, c'est que ce n'est pas possible dans un système scolaire traditionnel, mais aussi et surtout pour les surdoués. Pour eux, plus que pour les autres, il est nécessaire de leur donner un cadre bien organisé. Il faut toujours définir les buts, le temps, l'espace, et ce n'est seulement à l'intérieur de ce cadre qu'on peut leur donner une liberté. J'ai donc commencé cette expérience en me mettant en situation de chaos. Avec le temps, je suis tout de même parvenue à prendre conscience de la nécessité de changer ma pédagogie.

 

Certains de mes collègues sont devenus «autoritaires» avec cette classe. Par exemple, un élève avait oublié un devoir à la maison. Un autre dérangeait la classe. On leur donnait 10 pages à copier, ou on les excluait de la classe pendant 20 minutes. On a même pris le cahier de classe pour noter le nombre d'actes de transgression faits par chacun, afin de montrer des statistiques aux parents. J'ai évité cette option pédagogique.

 

Dans le cadre de l'établissement, l'inadaptation des élèves posait problème. Les surdoués étaient regardés comme des zombis. Ils n'étaient pas du tout acceptés par les autres. Il y avait des bagarres. Certains étaient tout petits. Des grands leur tapaient dessus. Leurs sacs de classe étaient trop lourds pour leurs petits corps. Ils tiraient leurs sacs sur des roulettes. Les autres enfants s'en moquaient. La chance de la classe, c'est d'avoir trois surdoués très forts, qui intervenaient. Les luttes physiques furent violentes dans la cour de l'école, pendant la récréation.

 

Une partie des parents d'élèves réguliers voulait obtenir le renvoi des élèves surdoués violents. Leur philosophie était simple : où ils s'adaptent, ou ils s'en vont! Il y avait une demande d'exclusion des déviants!

 

Souvent, je me trouvais seule, certes avec le soutien du proviseur, pour tenter d'analyser les vraies causes de ces problèmes, et de tenir tout de même ces élèves. Je devais affronter des résistances fortes. J'ai perdu. Sur deux ans, 5 ou 6 élèves ont été exclus. On ne parvenait pas à les tenir. C'est un chiffre énorme. Des enfants de 10-11 ans ! mais les parents d’élèves étaient très mobilisés contre l'inadaptation.

 

Pour avancer dans le développement du projet pédagogique au niveau du lycée, nous avons intégré tous les collègues du lycée qui s'intéressaient à la nouvelle pédagogie. On a associé 20 à 30 enseignants, ce qui représentait un tiers des professeurs du lycée. Ces personnes se regroupaient une fois par semaine, ensuite une fois par mois. Dans ce groupe de volontaires, il y avait une coupure entre les traditionalistes qui croyaient aux disciplines traditionnelles et ceux qui se réclamaient de l'éducation nouvelle. On a eu des discussions fortes.

 

Les deux tendances se reprochaient telle ou telle attitude. Les traditionalistes nous reprochaient d'oublier le contenu des disciplines. Nous leur reprochions d'oublier la personne de l'enfant derrière les disciplines. On a vu de petits groupes se structurer les uns contre les autres. La scission s'étendait à l'ensemble du lycée. De plus, les collègues qui n'étaient pas dans l'aventure se sentaient non seulement exclus, mais se vivaient comme professeurs de second niveau. Ces professeurs, voyant que le proviseur soutenait ce projet, vivaient ceux qui y participaient comme une élite...

 

Les parents, eux-mêmes, vivaient cette distinction. Et puisque l'on faisait des projets particuliers dans les classes de surdoués, les parents des autres classes voulaient que l'on fasse de même pour leurs enfants. Et même si les professeurs organisaient des projets identiques aux classes de surdoués dans les classes normales, on avait toujours le sentiment que les deux classes de surdoués avaient des avantages, des privilèges que les autres n'avaient pas.

 

Mis en ligne par Benyounès et Bernadette Bellagnech

http://lesanalyseurs.over-blog.org 

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