Analyse institutionnelle : Théorie et pratique au sein des institutions politiques, éducatives et de recherche. L'implication des individus et des groupes dans la vie politique et sociale.
Georges – L’ethnologie n’était pas intégrée à notre courant de l’analyse institutionnelle. J’ai vécu ça comme une sorte de dissociation pénible. (Ozório, 2005 :31)
Dans l´interview à laquelle je me réfère dans cet article, Georges Lapassade raconte sa souffrance dans les états dissociatifs qu´il a vécu sur des terreiros brésiliens. En tant qu´intellectuel, il parle d´une sorte de dissociation pénible, entre les références de l´analyse institutionnelle et celles de l’ethnologie. Il témoigne la difficulté de l´exercice d´un régime transdisciplinaire de savoirs-pratiques en sciences sociales. Il me semble qu'il s´agit d´une analyse de l´implication du chercheur qui peut approfondir la problématique de la complexité de la transdisciplinarité. Il était ardu le poids des disciplines et ses appareils théoriques - pratiques qu´il sentait comme disciplinaires.
« Je ne voyais pas de liens théoriques entre l’analyse institutionnelle et l’ethnologie. Mon intérêt d’une part pour la transe, pour la possession, pour le rituel…, pour les rites marocains, brésiliens et d’autre part pour l’analyse institutionnelle. L’ethnologie apparaissait comme une activité autre, différente. Donc, j’étais dédoublé intellectuellement, théoriquement, et même pratiquement, puisque à certains moments, je faisais du travail de terrain ethnographique et dans d’autres moments je faisais de l’analyse institutionnelle comme l’intervention. Je ne voyais pas en quoi l’observation participante, c’est-à-dire le dispositif central de l’ethnographie, pouvait faire partie de l’analyse institutionnelle qui n’était pas une observation participante. C’était une recherche-action. C’était une intervention. (Ozório, 2005 : 31)
Cette dissociation pénible explicite un peu comment Lapassade vit sa vie d’éducateur libertaire, dans l’ici et le maintenant (Bellagnech, 2008 : 376). Il était prêt à abandonner ses certitudes, d´expérimenter deux approches qui lui semblaient différentes, de vivre la différence comme intensité. Il était ouvert aux idées différentes, soit à leur confrontation – pour lui il était possible de «...défendre l´idée contre laquelle il se bat aujourd´hui... » (Remi Hess in Lapassade, 1980 : 26) – soit à leur dissociation – l´existence de tous les deux, une sorte d´entre différences, d´un champ d’(in)cohérences qui travaillaient. Ces tensions pénibles, vécues par ce pédagogue libertaire intensément en 1970-1972 au Brésil, sont encore vécues en France, à Paris 8, en 1984.
« ... je ne voyais pas de rapport entre la recherche – action et l´ethnographie. En 1984, j’étais le responsable du Département des Sciences de l’Education et j’ai eu la possibilité de faire que je voulais pour renforcer l’enseignement de l’analyse institutionnelle. Je pensais que les étudiants devraient passer par ce rite d’initiation : l’intervention socianalytique. Un jour, je suis invité à faire une conférence dans une Maison de jeunes, et j’ai transformé cette demande en une commande d´intervention. Je pense aujourd´hui que je suis sorti de cette impasse. Je pense qu’on peut pratiquer l’analyse institutionnelle par l’observation participante et pas seulement par la recherche-action » (Ozório, 2005 :31-32).
Mais il ajoute : « La frontière entre l’intervention socianalytique et l’observation participante est trop rigide. J’ai souligné récemment qu´on avait l’intérêt à pratiquer tous les deux ensemble.». (Ozório, 2005 : 32).
L’approche ethnologique prend chaque fois plus sa place dans l’œuvre de Lapassade et dans le mouvement institutionnaliste. Pourtant Georges montre que le processus des différences en jeux n´est pas toujours tranquille. Ses analyses dans La découverte de la dissociation, où il affirme que « ... la dissociation peut être aussi une ressource » (Lapassade, 1998 : 98), m´a fait réfléchir sur les ressources, y compris pour la production d´une connaissance qui fait un compromis avec la transformation sociale. La ressource au lieu de contribuer à l´homogénéité met en évidence l´existence paradoxale, un équilibre métastable qui la traverse, l'inquiétude, l´incertitude. La dissociation en tant que ressource est l´hétérogénéité en révolte. Ce sont des voix, des corps, des subjectivités, des cultures qui clament pour un passage.
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Transmis par Lucia Ozorio
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