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Analyse institutionnelle : Théorie et pratique au sein des institutions politiques, éducatives et de recherche. L'implication des individus et des groupes dans la vie politique et sociale.

Lúcia Ozório : Georges Lapassade, la vie en transe (2)

 

 

 

La revue Vozes raconte les aventures de Georges Lapassade qui a marqué l’histoire de l’institutionnalisme à Rio de Janeiro et à Belo Horizonte. Il y a par exemple un texte qui porte le titre  de : « Uma noite de loucuras, Une nuit de folie ». L’histoire se déroule dans un vieil hôpital psychiatrique de Rio où Georges Lapassade a été invité à donner une conférence sur l`anti-psychiatrie (L. Ozório, 1994 :40). Il est permis de se demander quels nouveaux modes d’action ont été  mis en œuvre dans ce vieil hôpital ...

 

 

Tout le monde attendait une conférence. Les « professionnels de la compétence », pour reprendre une expression de la philosophe Marilena Chauí (1), voulaient un conférencier qui leur fasse un exposé magistral sur l’anti-psychiatrie. Au lieu de cela, Georges Lapassade a donné la parole à l’auditoire; la parole circulait,  « rolando de bôca em bôca » (Vozes, 1973, in L. Ozório, 1994 :40). La parole du conférencier est devenue un analyseur, comme Lapassade (1971, 23).     le définit dans L´Arpenteur : « Dans les sciences sociales, le terme analyseur est neuf. On ne l’utilise pas encore. Je le définirai en disant qu’il est : tout ce qui fait surgir la vérité de ce qui est caché ; tout, c’est-à-dire, groupe, individu, situation, événement, scandale… ».

 

 

Le discours sur l’amour de la profession et le dévouement des soignants dissimulait alors, à l’hôpital, le pouvoir institutionnel qui a été, à cette occasion, démasqué.

 

 

« Uma estudante de voz suave dizia que as pessoas vêm lá de fora sofrendo a doença mental, e ali encontram os médicos abnegados para removerem seu sofrimento ; no hospital não há repressão e… » (Vozes, 1973 :31)

 

 

« Une étudiante à la voix douce disait que les personnes arrivaient à l’hôpital souffrant de maladie mentale; elles y rencontraient les médecins dévoués qui s’efforçaient de mettre fin à  leur souffrance. » Elle ajoutait : « À l’hôpital il n’y a pas de répression. »

 

 

Lapassade interrompit le discours mystificateur de l’étudiante qui « …tinha uma voz tão suave… », « à la voix si douce … » reproduisait la violence institutionnelle et libère la parole sociale. Les institutions sont remises en cause. L’étudiante change de ton et demande : “Qui êtes-vous, vous qui envahissez notre maison? Ne savez-vous pas que nous travaillons pour l’amour, et non pas pour l’argent ?”

 

 

L’étudiante en médecine du vieil  hôpital reproduisait “les crimes de la paix”, la dénomination que Basaglia (1985) donnait aux pratiques psychiatrisantes de l’hôpital psychiatrique.

 

 

Un médecin noir, présent dans le groupe, a parlé de sa condition de noir, de latino-américain et de médecin noir, latino-américain. Un étudiant a parlé de sa condition d’homosexuel.

 

 

À un moment donné, l´Ordre a donné son signe d’arrêter le débat parce que, soi-disant, les malades avaient besoin de leurs médecins.

 

 

L’intervention de G. Lapassade à l’hôpital psychiatrique marque les débuts de l’histoire du mouvement institutionnaliste au Brésil. D’ailleurs, son passage signale, comme l’écrit la Revue Vozes n° 4 de 1973, “plusieurs débuts” précédés de réflexions intenses et douloureuses.

 

 

Vozes affirme: “Sua permanência no Brasil levou a mim e a meus colegas a uma intensa e sofrida reflexão sobre nossa prática profissional, sobre os incovenientes que se escondem nas boas relações de um programa de cooperação cultural…sobre o precário estado em que se encontra a psicologia, sobre os fenômenos religiosos no Brasil, sobre a pobreza de nossa reflexão enquanto não está voltada para problemas nacionais.”(Garcia et allii, 1973:39)

 

 

« Son séjour au Brésil a provoqué, du moins en ce qui nous concerne, mes compagnons et moi, une intense et douloureuse réflexion sur notre pratique professionnelle, sur les dangers qui se cachent sous les apparences de bonnes relations dans le cadre d’un programme de coopération culturelle…sur l’état précaire de la psychologie, sur les phénomènes religieux au Brésil, sur la médiocrité de notre réflexion qui ne prend pas en compte les problèmes nationaux. ».

 

 

Son séjour au Brésil a bouleversé les institutions, écrit le collectif de Vozes. Et cette interview avec Georges m´a bouleversée. J´ai compris après-coup, les inconvénients de ma sur-implication dans le mouvement institutionnaliste, qui m´a fait insister dans cette histoire. Je me suis rendue compte que j´étais plus fixée dans un moment de l´histoire de Georges, de son oeuvre, malgré ma connaissance de la grande majorité de ces oeuvres. Cette constatation m´a bouleversée. M´a choquée.

 

(…)

 



(1) Le discours de la compétence est le discours de la connaissance instituée, il a le rôle de dissimuler sous l’apparence de scientificité, l’existence réelle de la domination. (M. Chauí, 1990)

 

 

 

Transmis par Lucia Ozorio

 

 

http://lesanalyseurs.over-blog.org

 

http://journalcommun.overblog.com/  

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