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  • : Le blog de Benyounès Bellagnech
  • : Analyse institutionnelle : Théorie et pratique au sein des institutions politiques, éducatives et de recherche. L'implication des individus et des groupes dans la vie politique et sociale.
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6 mars 2014 4 06 /03 /mars /2014 17:11

 

Georges Lapassade, la vie en transe

 

Lucia – Etais-tu en transe ?

 

Georges – Non, je ne crois pas.  Peut-être que je l’étais lorsque je me suis rendu un jour dans la chambre des dirigeants du Living Théâtre. Malina m’a dit ensuite que je suis tombé, que j’ai beaucoup parlé avec une voix très emphatique, très dramatique. C’était peut-être une transe. (Interview, in OZORIO, L., 2005 : 30)

 

 

J´ai interviewé Georges Lapassade en juin 2005. La rencontre n´a pas été si différente des rencontres qui nous avons déjà eu tout au long de nos vies. Je me rappelle que lors de mon arrivée chez lui, Zayân, son chien vient me recevoir comme d´habitude. Il me saute dessus, il me lâche, il me confirme une complicité passionnelle - l´homme-bête - qui s´arroge un peu partout des droits qu´elle ... n´a pas ? Tout de suite, je me sens invitée à utiliser esthétiquement l´effondrement des repères humanistes, une sorte d´interférence dans les filières sanglantes de la raison contrôlatrice. 

 

D´ailleurs, je peux parler d´une esthétique paradoxale, une sorte d´“esthétique de l’existence” que Georges a construite dans sa vie. L´entrée dans la vie, de la vie qui est toujours en transition, en transire ? – Georges dans ses notes sur la transe et dissociation ( Revue Les IrrAiductibles, no. 7 : 203), dit que « ... le mot transe a été formé à partir du latin transire, à l´époque médiévale, pour désigner l´agonie du Christ, notamment des Saints (les transits) » -  La vie qui est toujours en train de se faire, une sorte d’inachèvement (Lapassade, 1997), se présente à Georges comme une multiplicité, une tentative de s´ouvrir aux différentes forces qui traversent l’existence humaine, qui transforment le vivre en quelque chose de paradoxal d´extraordinaire ampleur.

 

Cette interview avec Georges, je peux dire, a été paradoxale. Je ne savais pas où étaient les cassettes pour l´interview. Georges est venu avec une cassette où était enregistrée la chanson  Les Choristes. Nous l´avons écoutée.  Le texte qui commençait à se construire avait un chant immanent, une sorte de rencontre frappante : un cœur et le texte lapassadien.

J´avais l´intention de connaître un peu plus le rôle de Georges dans l´introduction de l´analyse institutionnelle au Brésil. À ce moment j´organisais le livre  L´Analyse Institutionnelle au Brésil de la Collection Transductions, coordonnée par le philosophe Benyounès Bellagnech  « Je n’ai peu de souvenirs de ce qui s’est passé à Rio. C’est une partie de ma vie que j’ai oubliée. Pour moi, c’est un brouillard de la mémoire. » (Ozório, 2005 : 28).

 

Georges affirme qu´il a voulu avoir une deuxième aventure comme Arpenteur au Brésil. La première a été son intervention au Québec, à Montréal, qui l´a inspirée pour faire le livre L´Arpenteur (Lapassade, 1971). Mais, il n´y avait pas cette demande, ou comme il a dit, «  ...ce type de client ». (Ozório, 2005 : 28).

 

J´ai essayé de reconstruire avec Georges cette mémoire, un effort qui pourrait approfondir la réflexion sur la mémoire de l´analyse institutionnelle et ses connexions avec l´en commun de la praxis. Je connaissais beaucoup de moments de l´histoire du mouvement institutionnaliste, y compris au Brésil. Je lui ai fait mention de quelques passages. Par exemple : Je lui rappelle qu´en 1971, il a publié dans la revue Vozes n° 5, “Um ensaio de análise da linguagem institucional”, “Un essai d’analyse du langage institutionnel”, à partir de son voyage à Rio de Janeiro. En 1972, de juillet à décembre, George Lapassade a séjourné à Belo Horizonte et à Rio de Janeiro. Le livre qu’il a écrit en collaboration avec René Lourau, Clefs pour la sociologie (Seghers, 1971), a été publié aux éditionsCivilização Brasileira, en 1972, à Rio.

 

Je lui ai fait mention de la revue Vozes n° 4 de 1973, qui a publié quelques articles sur son séjour au Brésil. Lapassade à ces moments s´est rendu à l’asile, à l’université et ailleurs.

 

 “Vozes” qui signifie “Voix“, cette revue de la maison d’édition Vozes, donne des espaces-temps aux voix critiques de la dictature en cours au Brésil. Il est intéressant de faire noter la résolution prise par ses auteurs de décider que les textes ne seraient pas signés. Sans auteurs individuels, ils intervenaient dans “…un axe articulatoire de la puissance de la théorie”. C’est un collectif qui assume les textes, comportant des analyses critiques des pratiques en cours. La collectivisation des analyses, un des dispositifs principaux de l’analyse institutionnelle, est ainsi mise en oeuvre à travers l´écriture. Il correspond à ce qu’annonçait l’éditorial de la revue.

 

L’importance de la contextualisation de l’écriture critique est soulignée. Nous vivions alors au Brésil sous la dictature et dans un moment de structuralisme. La décision collective affirme que:

 

“Nos faz meditar também sobre o que é uma certa atividade intelectual no Brasil de hoje. Nossa imensa satisfação de escrevermos textos ou fazermos conferências para trinta leitores ou ouvintes pacientes ( o “prazer do texto” de que fala Barthes). Ganhamos nossa certeza lógica, exacerbamos nossas idéias até os cortes epistemológicos mais radicais e falamos quase sòzinhos.”(Garcia et allii, 1973 in Vozes, 1973, no.4).

 

Nous réfléchissons à une certaine activité intellectuelle au Brésil aujourd’hui. Nous sommes satisfaits d’écrire des textes ou de faire des conférences pour trente lecteurs ou pour un public passif  (le “plaisir du texte”, Barthes). Notre certitude logique s`affermit, nous affinons nos idées jusqu’aux ruptures épistémologiques les plus radicales et nous sommes presque les seuls à parler.

 

Le collectif de Vozes critiquait une scientificité abusive qui proposait une rupture entre la genèse sociale et la genèse théorique des concepts, entre le savoir et le non-savoir. Ce collectif dit qu’il a appris, avec l’analyse institutionnelle, au moins ce que signifie la contre-culture.

 

 

(…)

 

 

Transmis par Lucia Ozorio

 

 

http://lesanalyseurs.over-blog.org

 

http://journalcommun.overblog.com/ 

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