Analyse institutionnelle : Théorie et pratique au sein des institutions politiques, éducatives et de recherche. L'implication des individus et des groupes dans la vie politique et sociale.
2.4 Le seul véritable «crime» - la Belle au bois dormant ?
J’ai annoncé que mes propos concernent aussi un déplacement de notre façon de percevoir l’histoire. Pour cela, je reviens à Lourau qui soutient, à la suite de Jean Pierre Faye (cf. Faye:2004), que notre époque aurait commencé avec l'affaire Dreyfus. Ils soutiennent effectivement que le seul véritable «crime», pour lequel le capitaine Alfred Dreyfus (1859-1935) a été mise en cause, a été son appartenance au peuple juif. Lourau va jusqu’à proposer que l'affaire est loin d'être terminée; il pense qu'une nouvelle affaire puisse éclater à tout moment. Il discerne une des raisons de ce risque dans la retraite des intellectuels qui ne s'attaquent pas à l'élucidation des bases de la doctrine racialiste; analyse déjà avancée par Georges Politzer (1903-1942 ; cf. Politzer : 1941) et étayée par Emmanuel Faye (cf. Faye:2005). Un mot alors sur la situation de la recherche scientifique actuelle. Personne n'est obligé de prendre au sérieux les deux conférences prononcées par Hans Ulrich Gumbrecht au Collège de France en printemps 2010. Cependant, si nous le traitons de pantin,[1] nous devons aussi avouer que l’organisateur, Michel Zink, n'est pas non plus à prendre au sérieux et, par conséquent, devrait quitter cette vénérable institution. Personne, étonnement, n'entreprend des démarches dans cette direction. Bien au contraire, l'évolution du paysage intellectuel en France continue d'aller dans le sens des propos de Gumbrecht. [2] Peut-on s'imaginer que les sciences de l'éducation échappent à ce projet ? C'est une discipline composée d'autres disciplines (cf. Hess/Weigand:2008), ce qui peut être une chance, si elles n’acceptent aucune donnée sans critique préalable. Mais dans le cas contraire, c’est un piège, car elles importeraient alors des données de sciences déjà mises au pas. Compléter la boîte à outils par de solides apports conceptuels, forgés à travers les siècles, est indispensable. D’où l’intitulé de mon propos, car le développement de la méfiance à titre de vertu peut aider à déjouer ce projet. Le développement de cette méfiance est pourtant impossible si, comme le préconise d'une certaine manière Herbart (cf. infra), nous confondons formation personnelle et enseignement, car dans ce cadre, personne ne peut garantir que quelqu'un qui a été aujourd'hui formé d'une telle manière ne serait pas (trans)formé demain d'une autre manière. Par conséquent, formation et développement personnelle doivent aller de pair avec une réflexion sur soi-même comme nous l’avons esquissée ci-dessus (cf. supra).
[1] Je me réfère ici aux discussions avec des collègues à l’occasion de ces conférences.
[2] Les conférences de Gumbrecht portent sur la mise au pas de toutes les sciences avec l’herméneutique heideggérienne qui est toujours en cours. Un protocole de ces conférences est disponible à la demande chez l'auteur.
Leonore Bazinek
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