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  • : Le blog de Benyounès Bellagnech
  • : Analyse institutionnelle : Théorie et pratique au sein des institutions politiques, éducatives et de recherche. L'implication des individus et des groupes dans la vie politique et sociale.
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27 juin 2011 1 27 /06 /juin /2011 17:43

2.2.2 Pour le marxisme

 

Henri Lefebvre a le projet de découvrir l’oeuvre de Karl Marx et de la promulguer à tous. Son prochain livre, Marx et la liberté, est publié en 1947. C’est un nouveau recueil de textes agrémenté d’une étude sur le déterminisme et la liberté. Sa thèse précise que toute définition de la liberté si elle n’est pas dialectique, s’annonce comme un déterminisme allant contre le fait de ce concept. Il dénonce tous les philosophes ayant tenté d’écrire sur le sujet de n’avoir pas saisi le sens du problème de la liberté car «définir la liberté c’est l’enfermer dans une définition de la liberté intemporelle (H. Lefebvre, 1947c, p. 12) ». Sa méthode alors pour en expliquer le sens est d’approcher toutes les formes de liberté en les situant dans un contexte donné. En effet, la liberté se considère par rapport aux moments, aux aspects de la liberté humaine, aux degrés. Cette méthodologie lui permet alors d’ancrer son étude dans le concret selon une affirmation de K. Marx : «l’émancipation humaine ne sera réalisée que lorsque l’homme individuel réel aura absorbé le citoyen abstrait [...] (H. Lefebvre, 1947c, p. 134) ». Cette affirmation lui permet de définir que la liberté est «le dépassement de la conscience malheureuse et déchirée, unité et totalité des éléments de l’homme - constitution de pouvoirs effectifs sur la nature et sur les produits humains, sur les forces elle-même de l’homme - constitution de pouvoirs effectifs sur la nature et sur les produits humains sur les forces elles-mêmes de l’homme. Liberté signifie donc rationalité plus haute plus développée (H. Lefebvre, 1947c, p. 135) ». Il termine cette introduction avec un troisième chapitre, Vers la liberté concrète, et il conclut son explication : « il n’y a pire asservissement que celui qui s’ignore lui-même (H. Lefebvre, 1947c, p. 164) ». Il ajoute une citation de Marx tiré du livre La critique de la philosophie du droit de Hegel : « il faut enseigner au peuple l’épouvante de lui-même, pour lui donner du courage (H. Lefebvre, 1947c, p.166) ». Ce livre Karl Marx et la liberté, reprend alors des textes portant sur l’aliénation, la liberté, l’individualisme, le communisme, contre le capitalisme et une critique de l’État en tant que démocratie.

 

Lorsqu’il écrit le livre Pour connaître la pensée de Karl Marx, l’objectif est double. C’est un travail d’acquisition de l’expérience pour soi et pour ses lecteurs. Henri Lefebvre nous dit « on ne réfute plus, on « dépasse » le marxisme ; on va plus loin que Marx ; on est plus socialiste que lui, plus humain et plus « humaniste » que lui ; on veut la liberté et le progrès mieux que lui - et sans lui, c'est-à-dire contre lui ! (H. Lefebvre, 1948²a, p. 29) ». Il prend conscience des contradictions, celles d’une interprétation hasardeuse de ceux qui se réclament de Marx. Il souhaite, par l’ensemble de ses livres écrits sur ce philosophe, rétablir la stabilité de la pensée de K. Marx et éliminer les préjugés. Le thème de Marx est récurent dans la majorité de ses livres, il le prend en exemple en dialectisant sa pensée. H. Lefebvre le met en confrontation avec d’autres auteurs et philosophes, comme Hegel, Feuerbach, sur lesquels K. Marx a lui même travaillé, et d’autres encore, que Marx n’a pas connu. Comme cette pensée est en mouvement, H. Lefebvre la construit dans l’inachèvement et la complète avec celle de Frédéric Nietzsche. Son second objectif est la reconstruction de l’expérience marxienne pour lui-même et ses lecteurs. Les livres (101) principalement destinés à Marx et à sa pensée peuvent se classifier selon leur forme : philosophique, historique et sociologique. Mais, lorsque je tente l’opération de catégorisation, elle apparait alors plus complexe, elle est due à une transversalité profonde. En 1964, il prolonge sa réflexion sur K. Marx. Il écrit ce second livre biographique, Marx.

 

Dès mon entrée en recherche sur la pensée d’H. Lefebvre je me suis vite vue confrontée à comprendre non pas une pensée, mais deux. Je ne pouvais pas avancer dans mes lectures sans m’approprier aussi les livres de Marx ou tout du moins d’en connaître un sens plus précis. Le livre Pour connaître la pensée de Marx, me permit d’apprendre rapidement la vie de Marx. Henri Lefebvre donne à lire une biographie très explicite. Ce livre est écrit en 1948 et une seconde édition, en 1955, donne lieu à une préface écrite par Henri Lefebvre. Il offre au lecteur, une vision simple de la vie de Marx. Elle débute dès son enfance et permet de voir son évolution dans le temps et le sens de ses actes. H. Lefebvre démontre dans l’ensemble du texte des erreurs d’interprétation et les corrige par des explications précises. Il part souvent des préjugés, dus à une méconnaissance du marxisme, pour démontrer alors le sens réel à comprendre. C’est un livre dont l’organisation prouve un grand sens pédagogique. Son objectif est de « montrer, à grands traits, que la pensée de Marx reste vivante, non seulement parce qu’elle est au centre de toutes les préoccupations de l’époque (et non seulement politiques, ou économiques, mais philosophiques), mais parce qu’il y a un marxisme vivant, en lutte à la fois contre le marxisme vulgaire et contre les adversaires extérieurs au courant Marxiste (H. Lefebvre, 1948²a, p. 24) ». Ce livre se présente en trois parties. La première concerne principalement une explication permettant de redonner la valeur due à cette science, de cette pensée en mouvement. « Ce livre voudrait donc apporter aussi une sorte de mise au point et situer aussi exactement que possible chacune des oeuvres de Marx dans la formation du marxisme ; de telle sorte que le lecteur puisse réintégrer dans le contexte, dans le mouvement de l’ensemble (H. Lefebvre, 1948²a, p. 63) ». Dans une seconde partie, l’oeuvre est une biographie détaillée de la vie de K. Marx. Elle expose au grand jour les différents moments de sa petite enfance à sa mort. On y découvre sa rencontre avec la religion qu’il rejette, puis son amitié profonde avec Engels, son avancée dans le parti, et son implication dans son travail d’analyse de la société pour développer ses théories. La fin de sa vie est marquée par la souffrance de la maladie et de la pauvreté. Pourtant, il terminera sa dernière oeuvre, le Capital, avec obstination. H. Lefebvre octroie la troisième partie à la description du Capital. Par ce livre, il a souhaité montrer à tous « comment les premières recherches de Marx, les premières découvertes, les premiers aspects du réel décelés et analysés par lui, se sont par la suite intégrés au développement vivant de sa doctrine : la philosophie à l’économie à la politique ainsi qu’à l’étude des superstructures idéologiques de l’art et du développement de la science (à peine ébauchée par lui) (H. Lefebvre, 1948²a, p. 272) ».

 

Le livre, Le marxisme, est écrit en 1948. Il est un grand succès, encore publié aujourd’hui dans sa vingt-troisième édition. Lorsqu’Henri Lefebvre publie ce livre, son objectif est de préparer une introduction au marxisme. En 2007, lorsque j’ai souhaité comprendre rapidement le sens de cette philosophie, Remi Hess m’a orientée vers ce livre. À l’époque en tant que néophyte, j’ai découvert le marxisme par sa lecture. L’approche des différents concepts était d’abord simple et me donnait un aperçu suffisant pour poursuivre mes recherches. H. Lefebvre dans les premières pages du livre indique : « cet exposé sur le marxisme est l’oeuvre d’un marxiste. C’est dire que le marxisme sera présenté dans toute son ampleur et dans toute la force de son argumentation. Est-il besoin de souligner qu’en essayant de répondre aux arguments des adversaires, on s’efforcera ici de placer la discussion au niveau le plus élevé, au niveau de la recherche objective, rationnelle et sans passion, de la vérité ? (H. Lefebvre, 194823b, p. 5)». Le premier élément dont Henri Lefebvre souhaite faire la preuve est que le marxisme est une conception du monde (102). Ce petit livre de cent vingt-quatre pages donne les lignes directrices en cinq chapitres explicatifs quant à la philosophie marxiste, à sa morale, à sa sociologie, son économie et sa politique. L’ensemble des textes permettent de saisir le sens réel de cette science. C’est au matérialisme historique que Marx doit la justesse de son raisonnement. C’est pourquoi H. Lefebvre est très attaché à en comprendre le sens et se lance dans cette méthode de recherche : le matérialiste dialectique donne à la philosophie un sens plus concret. Dans sa conclusion, il tente de mettre en avant les erreurs d’interprétation commises envers le marxisme et il démontre de la justesse des réflexions qu’une telle méthode peut apporter à tout chercheur. Marx a vraiment réfléchi au sens de l’expérience, et de l’évolution de l’homme dans le temps. Le dernier paragraphe de sa conclusion est très clair. Il exprime que cette philosophie est toujours en mouvement (103) puisqu’elle se dépasse sans cesse car c’est une philosophie mais plus encore puisqu’elle relève de l’action.

 

En 1953, Staline meurt et la fin du stalinisme est proclamée. Le rapport Khrouchtchev a dévoilé la vraie face de ce dictateur. Henri Lefebvre pressentait déjà depuis longtemps ce que pouvait cacher ce genre de doctrine. Pourtant, bien des fois, il a tenté de promulguer ses idées qui ont été rejetées par le Parti. En 1958, il écrit un petit livre, Problème actuel du marxisme. Ce texte est très mal reçu par le Parti, et lui cause de nombreux problèmes. De toute façon, en cette période, il n’a plus rien à perdre, c’est l’heure de sa destitution. C’est un texte important et révélateur de sa manière de penser contre Staline. « Ce petit livre s’inscrit dans une histoire dramatique et limitée, celle du dogmatisme dans la pensée contemporaine. Il se réfère essentiellement à une systématisation qui s’effondre, le dogmatisme marxiste (H. Lefebvre, 19583a, pp. VII-VIII)». H. Lefebvre dénonce la crise, et l’inertie de la population devant cette crise. Il explique alors que rien n’est possible tant qu’un bilan rigoureux n’est pas établi. Il s’interroge sur les atrocités qui se sont produites dans les pays de l’Est sous couvert d’une appartenance à la philosophie marxiste. Il définit comme mensonge et déclare qu’« une doctrine qui annonçait la fin de l’injustice n’aurait pas dû servir à justifier des injustices parmi les plus criantes de l’histoire (H. Lefebvre, 19583a, p. 9)». Staline n’a pas su mener sa politique et la philosophie marxiste. H. Lefebvre indique que cet homme n’a pas tenté de résoudre les contradictions initiales. Il lui aurait fallu entrer davantage dans la dialectique pour faire évoluer sa politique mais elle s’est transformée en dictature : le stalinisme. « Le culte de la personnalité transforme le critère de la morale de fidélité, de confiance, de dévouement inconditionné (H. Lefebvre, 19583a, p. 9) ». Pour Henri Lefebvre le marxisme est vivant et se transforme avec le temps. Il entre dans le mouvement de l’histoire, il faut donc faire continuellement une analyse de ses contradictions.

 

(101) Voici une présentation des livres sur ce sujet, ils permettent à mon avis de comprendre son cheminement. Il a écrit dix livres sur cet homme. Cependant son travail sur Marx ne se limite pas là, de nombreux livres lui font référence comme fondateur de son expérience. (Cf. bibliographie thématique).

 

(102) « C’est une vue d’ensemble de la nature et de l’homme, une doctrine complète. En un sens une conception du monde représente ce qu’on nomme traditionnellement une philosophie (H. Lefebvre, 194823b, pp. 7-8) ».

 

(103) Le marxisme « se dépasse, non dans le sens superficiel de ce mot - par une révision incessante et hâtive des principes et de la méthode - mais dans le sens valable, par un approfondissement et enrichissement. Ainsi se développe toute science, en se dépassant elle-même ; ce qui ne signifie bouleversement et chaos que pour les adversaires superficiels de la science. Le dépassement signifie au contraire intégration perpétuelle à l’acquis des acquisitions nouvelles, compréhension des faits nouveaux en fonction de savoir acquis et de la méthode élaborée, continuation plus ou moins rapide suivant les moments de cette élaboration (H. Lefebvre, 194823b, p. 124) ».

 

Sandrine Deulceux

http://lesanalyseurs.over-blog.org

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