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  • : Le blog de Benyounès Bellagnech
  • : Analyse institutionnelle : Théorie et pratique au sein des institutions politiques, éducatives et de recherche. L'implication des individus et des groupes dans la vie politique et sociale.
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6 septembre 2011 2 06 /09 /septembre /2011 11:22

Conclusion

 

Lors de mes rencontres avec Remi Hess, j’ai eu la possibilité de travailler sur une thématique très particulière pour mon mémoire en sciences de l’éducation. Henri Lefebvre est devenu mon objet d’étude. Il est un philosophe et un sociologue. Il est aussi pédagogue mais rares sont les passages dans lesquels il développe précisément le sens de sa pédagogie. Pourtant, j’ai eu l’intuition qu’en le lisant, H. Lefebvre était un précurseur de l’éducation tout au long de la vie. Chez ce personnage, la place de la congruence a une portée qui l’oblige à penser la théorie en relation avec la pratique. C’est pourquoi en travaillant son oeuvre, j’ai réalisé qu’il était à la fois producteur de sa propre théorie de l’éducation tout au long de la vie et de sa mise en pratique.

 

Henri Lefebvre qui est un philosophe marxiste a développé une théorie dont les concepts se rapprochent de l’éducation tout au long de la vie. Trois concepts se révèlent de ce paradigme. Le premier est celui de l’Homme total qui gère sa vie par la connaissance et son développement personnel. Il s’autodétermine pour atteindre un niveau d’indépendance et de liberté de penser. Le second est le dépassement. Il engage l’homme à vouloir atteindre la compréhension de la contradiction et lui permet de s’élever donc de s’éduquer et d’apprendre. Le dernier est l’esprit critique qui permet à l’homme de se désaliéner et de percevoir la contradiction, afin de saisir les réalités de la vie. L’objectif d’H. Lefebvre est de conduire l’homme vers son épanouissement personnel et donc de changer la vie. Lorsqu’il décrit l’ensemble de ces concepts, il les rapproche de la vie quotidienne car c’est l’espace concret de la vie d’un homme et c’est donc là que tout reste à apprendre.

 

Cette théorie a été mise en pratique pendant toute sa vie. En travaillant sur la biographie intellectuelle d’H. Lefebvre, j’ai perçu que chaque doute le préparait à davantage de recherche. Sa curiosité lui demandait de travailler même des thématiques très contradictoires pour comprendre l’essence des choses. C’est pourquoi certains le qualifient d’éclectique, et n’arrivent pas à comprendre son cheminement. Ce fil le conduit vers la sagesse, et le sens exact qu’il souhaitait donner à sa vie, en tant qu’homme libre et indépendant. Il s’est projeté lui-même dans une autoformation perpétuelle pour autogérer ses choix. Bien qu’il soit un intellectuel à la base, la suite de ses apprentissages s’est organisée de manière autodidacte. Son implication quant à son travail lui a permis de faire des études sur le marxisme et d’en faire ressortir sa propre interprétation. Ainsi, son approche humanisme ressemble fort aux préceptes promulgués dans le paradigme de l’éducation tout au long de la vie.

 

Dans les recherches empiriques, la place du vécu du groupe ou des individus est la base de toutes analyses. Dans mon mémoire qui porte sur l’éducation tout au long de la vie, j’ai introduit quelques pages sur mon histoire de formation. Elles illustrent mon engagement dans ce paradigme. Dans l’exercice d’écriture de ma biographie je souhaitais mettre en avant mon intérêt pour la reprise d’études en tant qu’adulte. Comprendre les désirs qui m’animent encore à vouloir passer du temps à apprendre alors qu’à d’autres moments je ne le souhaitais plus. J’ai découvert que le sens de l’autoformation m’avait redonnée l’envie de poursuivre car j’étais maître de mes choix et de mes orientations. Ce mémoire avait pour but de répondre à mes interrogations sur la place que prend aujourd’hui la formation dans la vie de chaque individu. Il me permet aussi de saisir la différence entre éducation et formation car tous deux renvoient à des notions bien distinctes mais complémentaires.

 

Afin de comprendre par la suite la tendance vers laquelle se dirige la société en allant vers une éducation tout au long de la vie, la majorité de la population adulte qui reprend aujourd’hui des études se lance davantage vers la formation tout au long de la vie. L’objectif est d’obtenir plus de compétences car c’est un moyen de se construire un capital humain monnayable sur le marché du travail et dans les entreprises. Or, le risque est d’entrer dans un processus de sur-formation ne laissant plus de place à l’éducation en elle-même ou à la possibilité de choisir une formation orientée vers des désirs plus personnels. Dès mon entrée à l’université, j’ai découvert un autre univers de la formation où la place du développement personnel prenait tout son sens. Ainsi, le concept de la bildung exprime vraiment cette possibilité de se donner une nouvelle forme et de construire son être. Mon esprit s’ouvrait vers une compréhension plus profonde de ma personnalité et cette formation m’offrait, alors, les outils utiles pour appréhender l’univers des intellectuels. Je trouvais ainsi dans la vision de ce paradigme de l’éducation tout au long de la vie, du laboratoire Experice, une philosophie nouvelle de la relation à l’autre qui me portait à réfléchir sur ma posture d’enseignante tout en m’intégrant dans cet apprentissage où l’expérience est l’essence même de la réflexion du chercheur. J’ajouterai que penser l’éducation tout au long de la vie n’est pas un concept nouveau. Il prend de l’importance car la société actuelle est en mutation, les savoirs sont en augmentation car les technologies changent, les besoins aussi. L’apprentissage formel en quelques années ne peut plus suffire à acquérir l’ensemble des connaissances utiles. Pour éviter des dérives, l’État, au travers des organismes comme l’U.N.E.S.C.O., l’O.C.D.E., et les Commissions européennes, tente d’institutionnaliser un système permettant de cadrer cette nouvelle forme d’éducation.

 

En tant qu’enseignante, il m’a semblé toujours indispensable de renverser les cadres établis par l’institution. Changer les repères est essentiel dans ma démarche actuelle au sein de ma classe. L’enseignant organise son moment dans l’institution interne, qui est modulable. C’est à ce niveau, au sein de ma classe que je pense intégrer le sens d’une éducation tout au long de la vie. Je tente par cette approche de trouver les méthodes les plus appropriées pour redonner du souffle à nos vieilles pratiques pédagogiques traditionnelles. La contrainte est rarement la meilleure solution. C’est peut-être comme autodidacte et en laissant à l’apprenant le choix de sa méthode et de son expérience que nous pourrons entrer dans une boulimie, une recherche passionnelle de la connaissance. « Le concept d’éducation en faisant éclater les cadres temporels et spatiaux révolus à l’éducation, porte donc une nouvelle conception de la formation et de l’éducation. Le nouveau paradigme dont les enjeux sont considérables : lieux multiples de savoirs, pratiques sociales pensées comme des espaces d’apprentissage, valorisation de l'expérience, accent porté sur le développement personnel et culturel, sur les ressources culturelles, sur la mobilité, mise en avant d’une éducation informelle et non formelle dans le parcours de formation du sujet apprenant (L., Colin, J-L. Le Grand, 2008, pp.1-4) ».

 

Je pensais que les compétences de l’enseignement ne pouvaient s’acquérir que par la formation, source de performance. Pourtant avec le temps, je pense que mon vécu me donne une expérience et donc une connaissance plus forte pour juger le moyen pédagogique le plus adapté. Pourtant, pour avancer avec son temps, il faut reprendre aussi le statut d’étudiant car c’est se donner du temps, et créer un moment spécifique à l’apprentissage. Les enjeux sont importants : ils concernent l’avenir de l’école, des enseignants, mais surtout celui des élèves. Marc Antoine Jullien exprime que « tant que la vie se prolonge, il dépend d’un homme d’exercer sur lui l’action et l’influence de sa raison, de ses observations, de son expérience ; de s’approprier l’exemple et les conseils des autres, pour se corriger, se perfectionner s’instruire ; pour tendre au bonheur, pour s’en rapprocher par le développement et l’amélioration des ses facultés physiques, morales et intellectuelles (R. Hess, 1998, p. 23) ».

 

Trois ans se sont écoulés depuis ma reprise d’étude. Ce moment pris au départ pour me professionnaliser davantage m’a ouvert les yeux sur le plaisir d’apprendre. Aujourd’hui, je sors de cette expérience avec une vision de l’avenir me donnant l’envie de poursuivre en doctorat. D’autant plus que ce mémoire est une analyse théorique, et je souhaiterai mettre en place une recherche me permettant d’interroger ma pratique. À cette occasion, j’investirai davantage sur mon terrain professionnel, pour rendre compte de l’évolution des mentalités quant à l’éducation tout au long de la vie au sein d’un établissement scolaire. Bien que je travaille dans un établissement privé, je pense que ce type d’institution est plus propice à modifier ses méthodes d’enseignement, voire même à lancer de nouveaux projets entrant dans le cadre du paradigme de l’éducation tout au long de la vie. Ce lycée est tourné vers l’avenir, et il investit beaucoup sur l’installation informatique, ce qui me permet de mettre en place des dispositifs innovants dans lesquels l’ordinateur remplace le traditionnel cahier. De plus, mon lycée tente de créer à la fois un espace de travail dans la classe et à distance par la mise en place d’un environnement numérique de travail. Il développe aussi l’enseignement technique et l’insère dans une dynamique d’études supérieures en ouvrant des classes de licence et de master professionnel. Ainsi il lie la théorie à la pratique en proposant des systèmes d’enseignement par alternance.

 

Mon projet pour l’an prochain serait d’interroger, plus en profondeur, des étudiants de B.T.S et de licence professionnelle du secteur de la mode, afin de percevoir chez eux les raisons qui les poussent à poursuivre leurs études. J’aimerais comprendre si cette vision de l’homme total peut s’appliquer à cette nouvelle génération qui doit investir une bonne partie de leur vie dans l’apprentissage et comment les élèves comprennent cette nouvelle forme d’éducation tout au long de la vie. Je pense que dans cette démarche de reprise d’étude ou d’étude prolongée, il serait important de prendre en considération les profils pédagogiques pour tenter de faire ressortir comment tout un chacun peut mieux se préparer à devenir le propre maître de son apprentissage. Entrer dans l’autoformation lorsque l’on a toujours connu qu’une seule manière d’apprendre n’est pas toujours simple, d’autant plus que pour certains le système éducatif devient une structure trop lourde et n’apporte plus de plaisir dans la poursuite des apprentissages. C’est aussi questionner la place de la motivation et de rechercher aussi ce qui inspire le plus les jeunes : l’emploi, le développement personnel… Aujourd’hui la recherche de la compétence est le principal intérêt aux études. Pourtant se construire un capital humain relevant d’une totalité devrait aussi répondre à un besoin d’épanouissement de l’être.

 

Sandrine Deulceux

http://lesanalyseurs.over-blog.org

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