Analyse institutionnelle : Théorie et pratique au sein des institutions politiques, éducatives et de recherche. L'implication des individus et des groupes dans la vie politique et sociale.
L’an trois des analyseurs
Début 2011, je saute l’an deux des analyseurs pour des raisons diverses dont la principale réside dans l’état d’esprit où je me trouvais. Un sentiment de l’inutilité du discours, tout type de discours y compris celui de la fête de l’anniversaire du blog. Outre le refus des échanges habituels des politesses et des vœux de fin d’année et les non réponses aux différents messages reçus en ce début d’année, qui sont restés dans les oubliettes avec les conséquences que l’on sait et notamment celle qui consiste à se couper du monde, de l’entourage voire même des amis.
Suite à un échange de courrier avec Lucia Ozorio, celle-ci qualifie mon état de mélancolique, alors que moi je n’y voyais qu’un état de dépression passagère. C’est grave docteur ! Certes, je vis dans un pays champion du monde du pessimisme, champion devant des pays en guerre depuis une dizaine d’années comme l’Afghanistan, l’Iraq ou la Somalie, selon des experts. Je ne sais pas comment ils ont procédé pour aboutir à ce résultat, en tout cas, paradoxalement, ce constat peut me soulager pour un temps et éviter que l’état d’esprit malade ne devienne chronique. Etre pessimiste parmi des millions de pessimistes vous éloigne de la solitude et de l’isolement vis-à-vis de vos semblables même si ceux-ci n’admettent pas que l’on soit leurs semblables.
Quelques mois auparavant, lors d’une rencontre à Paris avec un ancien camarade de passage dans la capitale, lequel est bien informé sur la situation au pays d’origine, nous avions échangé nos points de vue sur la situation et conclu sur le constat suivant : L’espoir est en Amérique latine où même des mouvements que l’on qualifierait dans le jargon politique occidental d’extrême gauche accèdent au pouvoir par la voie démocratique et réussissent à transformer leurs pays, Lula, les Tupamaros ou Morales alors que chez nous nos mouvements subissent des échecs dont on n’arrive pas à déterminer les causes. Il y a de quoi nous enfoncer dans le pessimisme profond, n’est-ce pas !
Heureusement que cette chute de la singularité dans l’introspection subjective ne dure pas longtemps car le vent de l’histoire universelle va faire son œuvre de négation et de dépassement. En 1815, Hegel, fin connaisseur de l’histoire de son temps et notamment de la révolution française, dit - en voyant Napoléon sur son cheval conquérant l’Allemagne -, qu’il avait vu l’esprit de la liberté sur un cheval. Moi, je dis que j’ai vu l’esprit de la liberté sur les écrans de télé traversant le monde arabe. Le peuple est entré dans le moment révolutionnaire. La révolution, selon Henri Lefebvre, est une métamorphose. Cette définition me convient car elle exprime avec précision le sentiment que j’ai pu avoir depuis ce début janvier 2011. L’espoir renaît, toutes les aspirations redeviennent légitimes. Ainsi je rentre dans une transe interminable à la recherche d’informations et en remémorant les chansons révolutionnaires et les poèmes qui furent la médiation de notre formation à l’espoir révolutionnaire depuis une quarantaine d’années. Le bonheur fut aussi grand lorsque l’on entendait ces chants et ces poèmes entonnés par la jeunesse dans les rues du Caire, de Tunis ou d’Aden, alors qu’il n’y a pas si longtemps, on croyait que la culture révolutionnaire n’était qu’un luxe réservé à une certaine élite intellectuelle.
Le temps de l’analyse, des bilans et interprétations diverses et multiples, n’est pas encore venu. Contentons nous de savourer ce moment de la révolution arabe et de contempler cette métamorphose du monde et de l’être arabe. Cette année 2011 ne peut que si bien commencer. Situé un peu loin géographiquement de là où l’histoire se déroule, le blog suit sa voie, je ne fais que de rares commentaires, contrairement à mon souhait le plus grand, qui est d’être sur place dans n’importe quelle ville arabe et d’écrire un journal sur ce qui se passe réellement.
Autre heureux événement, qui est de l’ordre de la micropolitique (Félix Guattari), est la reprise tard dans l’année des activités des irrAIductibles. Ce blog est né suite à la crise des irrAIductibles, pour combler un vide très mal vécu, car cette aventure collective nous confortait dans la lutte idéologique et politique contre toutes les formes d’asservissement de la pédagogie et de la recherche par des forces obscures que l’analyse institutionnelle pourrait analyser et combattre à la fois.
Ma situation ne me permet pas d’être présent en permanence à toutes les actions, mais je considère ce blog « lesanalyseurs » comme irrAIductible hors les murs et comme un partenaire du groupe qui reprend le flambeau de cet acte politique que pose l’analyse institutionnelle.
Selon les normes de la plateforme du blog, quelques 900 articles publiés, 130 000 pages vues par 22 000 visiteurs. Les statistiques n’ont que la valeur qu’on leur attribue, mais je considère que les collaborateurs, les lecteurs et les visiteurs occasionnels ont le droit d’être informés sur la nature du support avec lequel ils communiquent leurs idées.
A l’origine, ce blog se voulait une aventure collective et à l’occasion de ce troisième anniversaire, je tiens à saluer tous les contributeurs, dont la liste s’allonge au jour le jour et que je ne peux pas citer tous au risque d’en oublier quelques uns.
Le premier article du blog a été publié le 11 janvier 2009. A l’époque, Bernard Jabin m’a fait remarquer, que c’était l’anniversaire de la mort de René Lourau. Le courant de l’analyse institutionnelle a perdu d’autres figures Georges Lapassade, Raymond Fonvieille…mais leur œuvre est toujours présente à nous comme source d’inspiration.
En cette fin d’année 2011, j’ai perdu Rachid Ben Allal, un jeune ami irrAIductible et lecteur assidu du blog. La dernière fois que je l’avais rencontré, - car il était aussi proche localement, nous nous n’étions pas vus depuis longtemps -, il m’avait dit avoir l’impression de me voir tous les jours à travers le blog ! Il nous a quittés, alors que son épouse Nadia attendait un bébé, mais il n’a pas eu le temps de voir son fils venir au monde. C’est à sa mémoire et à sa famille que je dédie cet article.
Mercredi 11 janvier 2012
Benyounès Bellagnech
http://lesanalyseurs.over-blog.org
Voici ce que Georges LAPASSADE aurait aimé organiser... et qu'aurait aimé René LOURAU...
http://www.classicalarchives.com/feature/dont_miss_this.html
(envoyé par Bernard Jabin)