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  • : Le blog de Benyounès Bellagnech
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23 juillet 2011 6 23 /07 /juillet /2011 17:21

 Le relativisme pessimiste. Un IRM (au fil de citations) (1) du Pascal d'Henri Lefebvre

"Ainsi l'absence d'un droit naturel ou d'une justice fondée en nature, le règne universel de la coutume et de la convention, justifient la force, lorsqu'elle change les coutumes ou même lorsqu'elle modifie les conventions sans que ce changement soit requis par un changement spontané dans les coutumes. L'ordre factice ou le désordre renvoient à un ordre supérieur, dans lequel s'unissent la force et la justice, ou l'illusion de justice. Dieu, donc le Roi ! (ou, si l'on veut, le Roi, donc Dieu !)." (1949:32)

 

"Pascal ne fut guère que le traducteur en beau langage, et en langage diplomatique, de Jansénius. Il l'a stylisé. Et c'est tout. La vision vient de Jansénius, de lui seuil. L'Augustinus s'y retrouve dans toute sa dureté - la «notion», si l'on peut dire, qui reste à l'arrière-plan de l'œuvre pascalienne et du christianisme tout entier : celle d'une culpabilité mystérieuse des hommes. Il n'y a pas d'innocents ; ou, si l'on veut, les innocents aussi sont coupables : coupables d'être nés, coupables d'exister." (1949:47)

 

"Avec lui, la liberté de l'esprit - que définit Descartes dans le Discours - rentre dans ce qui la nie, s'enferme volontairement dans les formes qui impliquent sa négation." (1949 : 49)

 

"[...] sous l'édifice prestigieux, sous le style du grand Siècle - style que l'on prend trop souvent encore pour la réalité du siècle - Port-Royal n'a pas cessé jusqu'à nous de signifier la malaise profonde, la tragédie vécue. Il représente encore le malheur des hommes, et la fragilité, la fausseté, l'inévitable décomposition dès le début commencée, de ce pour quoi on sacrifiait les hommes. Où allait cet Etat, et cette religion officielle qui le soutenait, pris entre la bassesse jésuite et le fanatisme janséniste ? Où allait cette société ?" (1949:60)

 

"Entre Montaigne et Descartes, dont la morale, ou l'une des morales, fut nettement stoïcienne (cf. notamment Lettres à Elisabeth, mai-juin 1645, éd. Pleïade, p. 944 et sq.) s'intercalent les noms et les œuvres de Juste-Lipse, de Du Var, de Pierre Charron." (1949:117sq)

 

"Il s'en suit évidemment qu'un homme peut devenir «excellemment homme» sans la religion, par la seule sagesse humaine.

L'humanisme de Pierre Charron, encore abstrait, et qui se retrouvera déjà plus concret dans l'œuvre de Descartes, attenue singulièrement les thèses traditionnelles des théologiens. Charron répudie l'ascétisme. «Toutes les religions croient que le principal et plus plaisant service à Dieu et puissant moyen de l'apaiser ... c'est de se charger de force besogne difficile et douloureuse.» En regardant d'un peu près, on constate d'ailleurs que «la nation, le pays, le lieu, donne la religion»; nous sommes ainsi de telle ou telle religion «avant que nous sachions que nous sommes hommes.»

A l'opposé de ceux qui acceptent la coutume sans réfléchir ou sans vouloir réfléchir, le Sage jugera souverainement : « Il doit en tout examiner, peser, balancer les raisons et contreraisons.» La sagesse donc - formules déjà cartésiennes - consiste en une «pleine, entière et généreuse liberté d'esprit». Le sage sait «retenir en surséance son jugement sans s'obliger ni s'engager à opinion aucune, sans se coiffer ou épouser aucune chose.»

Charron glorifie le Sage de telle manière que la seule hypothèse de sa damnation éternelle devient impensable (Socrate est-il sauvé ? Cela va de soi, dit implicitement Pierre Charron; Absurde! Impie ! Impossible ! lui répond Jansénius)." (1949:119)

 

"Il <Pascal> se débat à travers les contradictions, et notamment amène au jour cette contradiction caractéristique de son temps, entre la notion humaniste, esthétique, sociale, morale, de naturel, et les thèses théologiques sur la nature déchue. Il s'en tire mal, en désintégrant la notion de nature." (1949:122)

 

"Sous l'apparence d'une conciliation, d'une «synthèse» supérieure, il les <Montaigne, Charron, Descartes> détruit l'un par l'autre pour ériger sur les ruines de l'humain, la folie janséniste." (1949:123)

 

"Mais ceci <discussion générale de l'art classique> déborde le présent exposé, destiné à situer l'œuvre littéraire pseudo-philosophique de Pascal, et surtout les Pensées qui passent encore pour une œuvre philosophique importante." (1949:144sq)

 

"Pascal mondain endoctrine sa sœur pour l'écarter du monde ; il la pousse au renoncement; en vertu de quoi il tente de capter, lorsque se règle la succession de leur père, la part de l'héritage de Jacqueline. N'aurait-il pas été conscient du hideux calcul ? Qui le croira ? Trop pur et trop impur, très spirituel et très matériel, très double surtout et déchiré, ainsi se précise à grands traits la figure de Blaise Pascal. Il gagnait ainsi le droit de se haïr, de haïr en lui la nature, et de se précipiter vers le repentir. Les hagiographes qui présentent un Pascal sans péché que le péché originel - un véritable agneau - se moquent du monde, et de Pascal, et de nous en nous interdisant de comprendre sa vérité. Comprenons qu'il savait par expérience quels abîmes de bassesse côtoie chaque homme, quand il évite d'y tomber." (1949 : 170)

 

"Certes, la vérité et la connaissance finissent toujours par triompher, mais non sans avoir été plus ou moins longtemps opprimés et étouffées; non sans luttes intellectuelles et matérielles (politiques)." (1954:17)

 

"Vis-à-vis de M. Goldmann, les objections s'imposent, celles-là mêmes au nom desquelles Lukacs a dépassé et rejeté son œuvre de jeunesse. Cette position aboutit à dénier tout caractère scientifique au marxisme, en le présentant comme Weltanschauung du prolétariat, produit de sa subjectivité de classe. L'apport culturel et idéologique d'une classe ne se définit pas par une «vision», totalité implicitement présente dès les premières manifestations de cette classe ou bien conscience «possible». L'idéologie se transforme en fonction des conditions concrètes. La noblesse de robe aurait apporté une «vision tragique» ? Non. Une «conscience tragique» se forme au XVIIe siècle, dans des conditions déterminées, à partir de contradictions déterminées. Répétons : une «conscience tragique», non une «vision». L'histoire concrète de l'individu et de l'individualisme est aussi complexe et riche que celle des idéologies. L'individu solitaire, réduit à sa vie «privé», a coupé toute relation avec le monde, le social, l'humain. Et cependant cet individu «privé» cherche à représenter idéologiquement ses relations avec le dehors. Tantôt la Raison, tantôt l'art ont plus ou moins bien reflété l'absence de solution et les efforts pour résoudre cette contradiction entre l'intérieur et l'extérieur, le «privé» et le «public». Il faut chercher les conditions historiques de la solitude pascalienne, et chercher pourquoi l'individualisme et la solitude de l'individu individualiste réapparurent au XIXe et XXe siècles (après une éclipse marquée par le mythe optimiste de l'individu : Robinson); et pourquoi ils retrouveront alors leur expression en Pascal. L'effondrement du rationalisme - la Raison représentant précisément l'universel dans l'individuel - peut accompagner chez Pascal le dépouillement, la privation croissante, le désespoir lyrique du pur individu «privé». Un aspect n'exclut pas l'autre, dans la «conscience tragique». La théorie de la «vision tragique» est une interprétation existentialiste, et même emprunté à Heidegger, du jansénisme, de Pascal, de Racine. Quant à la tragédie racinienne, sa réduction à un «instant tragique» - la solitude de l'individu devant le monde et Dieu - la schématise et la dessèche autant que la réduction d'une succession d'idéologies à une «vision» schématise et dessèche la vie idéologique d'une classe. Est-il permis d'oublier à ce point qu'une pièce de théâtre consiste en une action, en un dialogue, en une durée ? qu'elle se définit aussi par un système de conventions formelles ? etc. Le très réactionnaire Thierry Maulnier ne pose pas le problème autrement que le para-marxiste Goldmann. «Ce n'est pas simple rencontre si le mot de Médée émergeant seul du désastre est le mot même de Descartes au milieu de l'univers qui se dérobe : 'Que vous reste-t-il ? - Moi.' Je suis, dit Médée; je suis, dit Descartes. A nulle autre époque de notre littérature, l'affirmation du oui n'a eu ce caractère serein, stoïque, implacable» (introduction à la poésie française, p. 93). ). Voilà l'instant tragique «de l'individu solitaire» introduit au cœur du rationalisme, en rejetant tout simplement l'universalité de la Raison, en démembrant astucieusement le «Je pense, donc je suis». On élimine les conflits; les contradictions, les raisons profondes - historiques - de la «conscience tragique». On élimine les termes qui s'opposent à l'isolement de l'individu «privé», ainsi que les tentatives de résolution des conflits." (1954:49sqq)

 

 (1)[1]"L'IRM voit tout. Même ce que l'on ne le demande pas." - Ce propos (recueilli lors d'une visite médicale en juillet 2011) m'a inspirée l'idée de rassembler ces passages marquants du Pascal. Je les ai retenus, car elles sont en relation avec la question de l'action. Mais il y aura peut-être encore autre chose à voir.

 Leonore Bazinek (laboratoire ERIAC, Université de Rouen)

http://lesanalyseurs.over-blog.org

 

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