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28 novembre 2010 7 28 /11 /novembre /2010 16:52

 

Je lis votre article et je pense au Paysan Paul Bedel, paysan philosophe de la Hague. Qui ignore que ce qu'il nous raconte est philosophique, car bien sûr il ne connait pas le mot. J'ai écrit sa biographie dans "Testament d'un paysan en voie de disparition", aux Presses de la Renaissance. Je vous livre un extrait de notre livre sur "les champs à cailloux" et les murets de pierres sèches de la Hague en Normandie.

LES CHAMPS A CAILLOUX

Les cailloux, on ne les jette pas non plus, faut pas croire, ici on ne jette rien. Les pierres remontent toujours à la surface, plus tu en cueilles, plus t’en ramènes.
Les cailloux pour nos murs entourant nos champs viennent du « sur place » mais aussi de la basse mer. Si j’en déniche un beau dans les mares, même un vilain, je le mets sur mon mur. Je peux être certain qu’il me servira un jour.
Je ne les maçonne avec rien, absolument rien. J’en ai monté environ quatre cents mètres autrefois près du sémaphore, c’est long et ça m’a duré vingt ans. Pour les construire, nos murets de pierres, il en a fallu des bonshommes. Les « Allemands de guerre », dès 1941, les avaient fichus par terre. J’ai toujours fait en sorte de réparer la guerre, afin que lorsque je passe près des endroits qu’ils ont détruits, je tâche d’oublier leur présence.
Plus tu vois ton mur vilain, tordu, plus il sera joli, je ne déconne pas. Voici la recette : tous les cailloux s’emboîtent, tu apprends « le sens du caillou », tu vois toujours le bon de loin.
En toi tu cries :
— C’est celui-là !
Pour faire un bonhomme comme moi il faut des années, soixante-dix-neuf ans cette année, pour les murets c’est pareil, c’est pas de la colle qu’il faut pour les reconstruire, c’est juste des mains, un bon coup d’œil des pierres et de la terre, rien d’autre. Pas de mètre et pas de niveau, ils ne tiendraient pas les pierres au mètre et au niveau, elles prennent leur place seules. Les mecs du littoral nous en fabriquent actuellement mais ils ajoutent de la colle, pour faire du beau faut pas de colle.
Ils n’ont pas compris, un vrai beau mur dans la Hague est vilain. Vilain comme les gens de la Hague, tout crochus qu’ils sont, et leurs grands nez. Nos murets sont comme les gens d’ici, ils sont moins beaux que la Hague dans ses paysages, mais ils sont solides et accueillants. Et le sens du caillou, par contre, ça s’invente pas, tu l’as ou tu l’as pas, ça s’apprend pas dans les écoles, ça te remue dans le corps, tu sais quand tu le tiens : le mur te vient.

Amicalement

Les mots, les pierres, les hommes reliés l'espace du monde sans artifices. Merci pour votre très bel article rempli de sens et de bon sens.

Catherine Ecole-Boivin

http://lesanalyseurs.over-blog.org

 

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