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  • : Le blog de Benyounès Bellagnech
  • : Analyse institutionnelle : Théorie et pratique au sein des institutions politiques, éducatives et de recherche. L'implication des individus et des groupes dans la vie politique et sociale.
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30 septembre 2013 1 30 /09 /septembre /2013 14:34

 

CHRONIQUE POLITIQUEMENT INCORRECTE No 14


NÉS SOUS X (suite 1)

 


Il faut revenir sur ces institutions et appareils d’État nés sous X à la Libération. Christian Rossignol, le chercheur déjà cité dans des chroniques précédentes à propos du « Conseil technique de l’enfance déficiente et en danger moral », spécialiste des sciences du langage et aussi bon connaisseur des institutions concernées par l’enfance en difficulté, constatait, s’agissant de ces secteurs professionnels et de la période 1940-1945, que la plupart des chercheurs et historiens se sont dérobés devant l’obstacle que constituait l’analyse de ces années-là. « Ils l’ont, plus ou moins consciemment, plus ou moins habilement, contourné et, finalement, le plus souvent, ils ont abandonné la partie » dit-il en novembre 1995 dans sa communication aux Journées d’études « L’éducation surveillée aurait eu 50 ans ». Il ajoutait : « les ouvrages de référence, déjà anciens, publiés par des universitaires, sociologues ou historiens de métier qui prennent pour objet d’étude “La police des familles”, “Le travail social”, “Le métier d’éducateur” (il s’agit de titres d’ouvrages), et qui développent à cette occasion des analyses souvent pénétrantes du fonctionnement institutionnel, ont pour caractéristique commune de « faire l’impasse » sur l’histoire de cette période ». On retrouve là le « mur du silence » établit après la seconde guerre mondiale.

 

 

En conclusion de sa communication, le chercheur s’interrogeait : « Les travailleurs sociaux connaissent les conséquences que peuvent avoir sur la vie d’un être humain les zones d’ombres persistantes autour des circonstances de sa naissance ou les effets d’une paternité falsifiée. En serait-il de même en ce qui concerne un secteur professionnel ? ».

 

 

Bonne question et autre exemple : celui de Jacqueline Roca, Maître de conférence d’histoire à l’IUFM de Reims. Elle a publié un article intitulé La structuration du champ de l’enfance et de l’adolescence inadaptées et handicapées depuis 1943 : l’exemple de Marseille (in Le Mouvement Social No 209, oct.-déc. 2004). L’article est essentiellement consacré aux A.R.S.E.A. (Associations régionales de sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence) et, plus précisément, à celui de Marseille. Les A.R.S.E.A. sont justement nés des travaux du « Conseil technique… » cité, sous Vichy. Dans cet article, curieusement, Vichy, régime de Vichy ne figurent pas. Les zones d’ombres persistantes se vérifient autour des circonstances de la naissance des A.R.S.E.A. et, plus généralement, des secteurs des travailleurs sociaux relatifs à l’enfance et l’adolescence. Nés sous Vichy = nés sous X. Vous avez dit « mensonge par omission »?

 

 

Un paragraphe, un seul, est consacré au « Conseil technique de l’enfance déficiente et en danger moral ». On peut y lire : « Le Dr Grasset, secrétaire d’État à la Santé, mit en place modestement un Service de la Coordination de l’enfance dirigé par le juge Chazal ». Grasset, Chazal ? Dans une note, Jacqueline Roca indique : « Le juge Chazal était alors procureur de la République à Nevers. Le Dr Grasset était un ami de sa famille. En lui donnant une mission à Paris, il le mettait en outre à l’abri d’ennuis qu’allait lui attirer le soutien apporté à des fugitifs désireux de franchir la ligne ». Le brave Dr Grasset !

 

 

Pour Jacqueline Roca, « Les A.R.S.E.A. ont été des relais de médiation efficace entre les œuvres privées et l’État au niveau régional. Dans le subventionnement des institutions, leur avis était déterminant, et ce sont elles qui ont impulsé et fédéré les créations (instituts médico-pédagogiques, centres de rééducation, foyers, centres d’aide par le travail, ateliers protégés).

 

 
Ainsi s’est finalement mis en place un service public paradoxal, assuré par des établissements privés, financé par des fonds publics, au sein d’une coordination technique et financière aussi souple que rigoureuse. Ce mode d’organisation était plus léger pour l’État qu’une intervention directe. L’ampleur des besoins auxquels il fallait répondre l’obligeait à s’engager. En s’appuyant clairement sur des initiatives philanthropiques ou caritatives privées, qui mobilisaient de nombreux bénévoles, en leur donnant les moyens de soutenir leur action, l’État a réussi à faire beaucoup en s’investissant peu. La forme associative atteste ici, avec sa diversité, sa souplesse et sa fécondité. Où l’on voit qu’il est parfois un peu court d’opposer action publique et initiative privée ». Analyse optimiste, toute à la gloire des initiateurs des A.R.S.E.A., et faisant silence sur ses commanditaires de départ : Vichy, Pierre Laval, et sur l’État mis au service du privé ?

 

 

Analyse peut-être un peu courte et contredite par Michel Chauvière (« L’efficace des années quarante », 2010. In « Enfance inadaptée, l’héritage de Vichy »). Pour lui, «Enfance inadaptée, associations familiales… de telles innovations invitent donc à ouvrir une réflexion sur les rapports de l’État et de la société civile, à l’aube de l’État-providence, en d’autres termes à réfléchir au « mode de production étatique » sous Vichy, annonciateur pour une large part des instruments réinventés après 1945. Il n’est d’ailleurs pas indifférent de poser ainsi le problème, plutôt que d’appuyer la réflexion sur « le rôle de l’initiative privée », comme si elle pouvait être autonome, et de réfléchir dans un second temps seulement à l’articulation des deux plans, en termes de tutelle ou de partenariat. Privé et public (d’État) sont toujours interactivement liés ».

 

 

Michel Chauvière ajoute : « des juristes (Meignant, Garrigou-Lagrange), mais aussi des hauts fonctionnaires (comme Nicole Questiaux, dans son rapport de fin d’études à l’ENA en 1956), avaient déjà examiné le cas particulier des Associations régionales de sauvegarde. Si les uns et les autres décrivaient avec précision « l’interpénétration du droit public et du droit privé » et le déploraient, c’était toutefois pour des raisons inverses. Défense de l’indépendance des œuvres d’un côté et craintes d’un démantèlement de la puissance publique de l’autre. Mais aucun n’analysait ce qui justement fait problème, à savoir le caractère formel et complice d’une telle opposition. Rapportés au « mode de production étatique », ces distinctions juridiques ne constituent pourtant que l’envers et l’endroit d’une même expansion, celle des œuvres privées sur fonds publics, qui est aussi celle de l’État phagocitant l’initiative privée».

 

 

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À SUIVRE…

 

 

 

Transmis par Armand Ajzenberg

 

 

 

http://lesanalyseurs.over-blog.org

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