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14 décembre 2018 5 14 /12 /décembre /2018 18:40

LETTRE OUVERTE À CHARLES GARDOU

 

Je ne participerai pas à l’hommage rendu, le 10 décembre 2018 sur l’esplanade des Droits de l’Homme au Trocadéro, à Paris. Hommage rendu « aux 45 000 personnes fragilisées par la maladie ou le handicap, mortes d’abandon et de faim dans les établissements qui lez accueillaient sous l’Occupation ». Hommage rendu en présence de Madame Sophie CLUZEL, Secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées.

Je considère cet hommage comme une imposture. Si on découvre que ces malades mentaux sont certes morts « d’abandon et de faim », le responsable de ce drame, lui, est caché. Les troupes d’occupation ? Les psychiatres ayant en charge ces malades ? Les Français ? Surtout pas le régime de Vichy, et encore moins morts par non-assistance à personnes en danger de ce régime, nous dit Jean-Pierre Azéma. Il a en effet rédigé le rapport demandé par le Président de la République d’alors, François Hollande, qui a suivi ses recommandations. Par ce silence sur les responsabilités d’alors, cet hommage est une imposture.

Mais aussi parce que le chiffre des morts – 45 000 – en est une autre. Lucien Bonnafé précisait, à chaque fois qu’il en parlait, que le chiffre cité ne représentait pas la totalité des morts. Il n’était que le chiffre des morts « de plus que n’en condamnait la mortalité ordinaire », ceux qui normalement auraient dû statistiquement mourir. Or, qui peut nier que ces derniers sont aussi morts avant que leur véritable dernière heure ne soit arrivée du fait de la non-assistance du régime de Vichy ? Le nombre total des morts dépasse alors le chiffre de 78 000 à la fin de la guerre, selon Jean-Pierre Azéma. L’horreur n’en est que plus grande. C’est pour ces raisons aussi que je ne participerai pas à l’hommage, le 10 décembre prochain, bien qu’ayant reçu un carton d’invitation.

Vous avez initié, Charles Gardou, une pétition intitulée « Pour un mémorial en hommage aux personnes handicapées victimes du régime nazi et de Vichy ». Plus de 100 000 personnes avaient répondu à cette pétition. Ils ont été trahies par la décision de François Hollande de gommer « de qui » ils ont été les victimes. Vous n’êtes pas sans ignorer que le 18 janvier 2016 j’ai déposé une plainte avec constitution de partie civile contre Jean-Pierre Azéma pour diffamation et atteinte à mon honneur, puisqu’il me cite abondamment dans le rapport qu’il a rédigé.

Il y écrit notamment : « Il n’apporte pas la preuve que le gouvernement de Vichy a rédigé puis diffusé une directive officialisant « l’hécatombe des malades mentaux ». Je n’ai jamais soutenu ce que Jean-Pierre Azéma affirme que j’ai dit. J’ai toujours dit et écrit, notamment dans le livre qu’il met en cause (L’abandon à la mort… de 76 000 fous par le régime de Vichy) que ma seule thèse était la « non-assistance du régime de Vichy aux malades mentaux en danger de mort ».

Pour s’en sortir, Jean-Pierre Azéma utilise une grossière manipulation de texte. La démonstration laborieuse qu’il déploie dans ses « Conclusions aux fins de relaxe », rédigées par ses avocates, où il me fait dire des choses que je n’ai pas dites, atteint des sommets de rouerie. Il s’appuie sur le passage d’une pétition datant de 2001. Pétition dont, selon lui, je serais le seul initiateur, oubliant Lucien Bonnafé et Patrick Tort, autres initiateurs. Excusez du peu. Passage de la pétition où il est écrit : « … en France, le gouvernement collaborateur de Vichy, sans loi ni décret, mais par l’application d’un mot d’ordre discret qui aurait pu être “laissez-les mourir”… ».

De ce texte Jean-Pierre Azéma ne retient que cette formule : “laissez-les mourir”. Et il oublie le « sans loi ni décret, mais par l’application d’un mot d’ordre discret qui aurait pu être… » qui n’est qu’une image, une métaphore, bref une figure de rhétorique consistant à ne donner du « laissez-les mourir » qu’un sens implicite et non celui d’un ordre, de plus écrit et diffusé.

 

Ce « laissez-les mourir » tiré d’une pétition datant de 2001 ne prouve donc en rien qu’il y ait réellement eu un ordre et une diffusion de cet ordre d’exterminer les fous, ce que j’aurais pourtant effectivement écrit selon Jean-Pierre Azéma.

Pour lui, par sa manipulation de texte, oubliant ce « sans loi ni décret, mais par l’application d’un mot d’ordre discret qui aurait pu être… », et, ne retenant que le « laissez-les mourir », une métaphore qu’il transforme en réalité, il peut alors conclure, fort de cette manipulation : « Monsieur Ajzenberg entend bien faire valoir qu’un ordre aurait été donné par le gouvernement afin de laisser mourir de faim les malades mentaux ». Et il peut ainsi justifier son autre affirmation : « Il n’apporte pas la preuve que le gouvernement de Vichy a rédigé puis diffusé une directive officialisant « l’hécatombe des malades mentaux ». Jean-Pierre Azéma voudrait ainsi faire prendre au tribunal des vessies pour des lanternes.

Il ne fait surtout pas allusion à ce qu’était véritablement ma thèse : la non-assistance par le régime de Vichy à personnes en danger de mort. La journaliste Élise Rouard, à la fin d’un important article (une page), publié dans Le Monde datée du 8 mai 2018, constate elle aussi que « Dans son texte celui-ci (Jean-Pierre Azéma) soutient la thèse d’Isabelle von Bueltzingsloewen, ignorant les autres qui concluent à une faute, une non-assistance à personnes en danger de la part des autorités de l’époque ».

(...)

Armand Ajzenberg

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