Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Présentation

  • : Le blog de Benyounès Bellagnech
  • : Analyse institutionnelle : Théorie et pratique au sein des institutions politiques, éducatives et de recherche. L'implication des individus et des groupes dans la vie politique et sociale.
  • Contact

Recherche

22 juin 2018 5 22 /06 /juin /2018 12:09

Préface de Benyounès Bellagnech

 

 

Lucia Ozorio

 

PENSER LES PERIPHERIES UNE EXPERIENCE BRESILIENNE

 

Pour un nouveau type de politique publique de construction du commun

 

L'Harmattan

 

 

 

Réanimer le rêve pour enchanter les mondes. C'est par un rêve que l'on rentre dans cet ouvrage et ce n'est pas par hazard que cette posture se déploie dans le texte, car elle prolonge une tradition qui s'est installée dans le courant de la pensée institutionnaliste. René lourau situe le rêve au centre de l'implication. En effet, après avoir inscrit certains de ses rêves dans ses journaux, lesquels font partie intégrante de ses ouvrages, R. Lourau a esquissé une nouvelle approche du rêve qui tente d'aller au-delà de l'approche interprétative de la psychanalyse. Georges lapassade fait de même dans Essais d'analyse interne, 2008.

 

L'approche binaire, rêve-réalité ou encore inconscient-conscient, se trouve ébranlée, dépasseé lorsque le rêve transgresse son déroulement initial pour accompagner l'analyse et s'inscrire définitivement dans le texte. Ainsi Lùcia Ozorio donne une nouvelle dimension à l'implication du chercheur dans la recherche et dans la restitution sous forme d'un ouvrage impliqué. D'entrée de jeu, les lecteurs rencontreront les hommes du morro et l'épingle en guise d'introduction, et au fil des pages, ce rêve va fonctionner comme analyseur, sachant que l'analyseur guide le chercheur dans son terrain et lui sert de boussole.

 

Si l'on songe à la place accordée au rêve dans la pensée classique, on se rend compte qu'elle le situe dans la périphérie par rapport au centre qui serait le conscient. Lucia Ozorio tente ici un dépassement dialectique de cette position en plaçant le rêve au centre du texte, afin de penser les périphéries.

 

Une autre originalité de ce travail réside dans le traitement des périphéries. Rappelons que la question du centre et de la périphérie et de leur développement inégal, a été traitée d'abord par Samir Amin, dans une approche économique. Henri Lefebvre s'appuie sur ses analyses pour élargir la recherche sur le plan social et urbain et Lucia Ozorio prolonge la démarche en l'appliquant à la communauté. Pour l'auteur, il ne s'agit pas d'un centre et d'une périphérie au singulier, mais comme il est précisé dans le titre, il est question dans ce livre des périphéries au pluriel par rapport aux centres au pluriel également, car ces deux notions englobent l'espace-temps des communautés, leur lutte pour la vie contre les forces dominantes.

 

Les Favelas dont tout le monde se fait une idée, synonyme de pauvreté, dl logement et de la misère généralisée, ont dans cet ouvrageune traduction réelle, concrète te positive, représentée par la communaauté du Parque Royal. Par le biais de cet ouvrage, le lecteur se familiarise avec les habitants de cette favela, avec leur mode de vie, leur histoire, leur rêve, leur peine et leur joie et surtout avec leur mode d'action, social et politique, sur le plan de l'éducation, de la santé et de l'habitat.

 

Pour le lecteur francophone, la notion de communté telle que la développe Lucia Ozorio est salutaire à plusieurs titres. En effet, en France, la notion de communauté est connotée et renvoie souvent au communautarisme pour désigner la division, la ségrégation, la séparation et l'opposition au centre. Bref, il s'agit d'une périphérie nuisible à la cohérence d'une société supposée homogène, d'une Nation unique et indivisible ne laissant aucune place aux différences. L'auteure apporte de l'air frais à cette posture vieillissante, en reprenant le sens initial de la communauté qui s'appuie sur l'en commun de base des humains, c'est-à-dire le vivre ensemble dans la praxis, dans la création, dans l'espérance et dans l'oeuvre collective.

 

Toute lecture est une interprétation du su, du perçu et du conçu ; la mienne ne déroge pas à la règle. En effet, je peux affirmer ici que je me sens partie prenante dans la gestation de ce travail de recherche original ou du moins dans sa dimention ép istémique. Je fais partie avec l'auteure de cet ouvrage de la même communauté de références. Nous avons participé ensemble à la bataille contre certains gardiens et douaniers du savoir universitaire qui n'acceptent ni le contenu ni la forme du savoir produit par les communautés des favelas, par crainte de se sentir déstabilisés dans leur temple bureaucratique du savoir et de la pédagogie de l'impossible. A l'instar des habitants du Parque Royal, notre lutte est passée par des alliances au sein et à l'extérieur de l'institution universitaire afin de faire valoir la validité de cette recherche, entre autres. Notre mouvement s'est traduit par la création de la revue Les irrAIductibles et la collection universitaire "Transductions". Lucia Ozorio participe activement à cette action et devient l'un de ses représentants internationaux au Brésil et ailleurs.

 

L'implication présentée et anlysée par l'auteure de ce livre nous renvoie à nos implications, d'où la singularité relative de son terrain le Parque Royal par rapport à l'universalité des favelas si l'on peut s'exprimer ainsi. Si Guy Berger fait la remarque suivante sur le nom des "favelas", le comparant à la dénomination "La Cité" ou "Les Cités" donnée par les banlieusards à leurs quartiers, je peux faire la même remarque sur les bidonvilles au Maroc où l'on retrouve le même procédé quant à la dénomination des quartiers. Ainsi, j'ai connu un quartier situé dans la périphérie de Meknès, un des bidonvilles de la ville dont le nom est Borj Moulay Omar, et Borj signifie citadelle d'un notable. On y retrouve la même volonté de valorisation du quartier dans ce cas précis qu'aux favelasdu Brésil, face aux forces étatiques et sociales qui tentent de marginaliser ces quartiers en les criminalisant pour le exclure et les mettre au banc de la société.

 

Dans cet ouvrage, les connaisseurs de l'analyse institutionnelle reconnaîtront la machine conceptuelle qui permet un certain type d'intervention et une socianalyse sans commande étatique ou finnacière, mais une implication permanente et durable sur le terrain de la recherche. Il faut souligner que que Lucia Ozorio est en contact permanent avec la communauté du Parque Rpyal depuis plus de dix ans. Elle réussit ainsi à réaliser un des objectifs de l'analyse institutionnelle qui tend, entre autres, à ce que l'analyse soit faite est généralisée par les acteurs sociaux, en l'occrence dans ce cas par les habitants des favelas.

 

D'autres approches sont à l'oeuvre dans ce livre tels que l'interculturel, les récits de vie, la narration, l'autogestion et la réflexion qui rejoignent dialectiquement l'action des habitants des favelas. Les étudiants, les chercheurs, les intellectuels, les curieux et les professionnels de santé, de l'urbanisme... trouveront là des outils pour approfondir la connaissances des périphéries.

 

L'un des souhaits des habitants du Parque Royal est que leur vie et leur histoire soient connues partout. Cet ouvrage est un support permettant de transmettre ce message d'espoir et de le faire connaitre aux autres mondes des favelas ou à leurs équivalents dans d'autres pays, autres que le Brésil.

 

 

Benyounès Bellagnech

Rédacteur en chef de la revue Les irrAIductibles

Directeur de la collection "Transductions" Université Paris8

Président de l'association Analyse institutionnelle sans frontière

 

 

 

 

Préface de Benyounès Bellagnech
Préface de Benyounès Bellagnech
Partager cet article
Repost0

commentaires