Il faut tenir compte des expériences qui ont un rapport avec la culture du peuple. L'expérience prend la place qu'elle a dans la pratique sociale à travers la relation dialogique.
L'auteur veut intervenir dans l'assistentialisme, une version de l'autoritarisme brésilien dans l'éducation. Avec le dialogue, il cherche que l'homme ait « …une posture consciemment critique devant ses problèmes et ceux de la communauté » ( P. Freire, 2001:16)[1]. Pour accéder à la compréhension de cette posture, Paulo Freire parle d'un « mouvement » ( P. Freire, 2001 : 116) qui va de la conscience intransitive à la conscience transitive critique. La genèse de ces concepts est transversalisée par l'actualité et la réalité brésilienne de l'époque, d’où le titre de l’œuvre. La pensée de Paulo Freire s’est enrichie à la suite de différentes expériences de travail avec des ouvriers, d’abord dans la communauté urbaine de Recife, puis dans d’autres centres brésiliens, et ce pendant environ une dizaine d’années. Alors, nous pouvons parler d'une genèse sociale qui transversalise la genèse théorique de ces concepts.
Sa thèse a été faite dans un moment où le pacte populiste initié par Getúlio Vargas a été rétabli par le gouvernement Juscelino Kubistchek de Oliveira dont le vice-président était Jango Goulart (1956-1961), dans une coalition des partis PTB (Partido trabalhista Brasileiro, Parti Travailliste Brésilien) et PSD (Partido Social Democrático, Parti Social Démocratique). Le premier parti présentait des tendances gauchistes et le second attirait l'attention des votes conservateurs.
Il s'agit d'un moment historique assez contradictoire traversé par de fortes tendances de conciliation avec plusieurs intérêts étatiques dans le pays. Le nationalisme du président Vargas, dont le suicide a accentué une crise politico-institutionnelle, ne répondait pas aux intérêts des représentants du capital. Par contre, la servitude de Carlos Lacerda, - principal opposant à Vargas-, aux intérêts des Etats Unis, qui voulaient faire de l'Amérique Latine leur satellite, était connue de tous.
Paulo Freire se trouvait à l’époque à Recife, Etat qui avait un gouverneur de tendance gauchiste, Miguel Arraes, qui voulait renforcer les bases populaires, les mouvements sociaux. L'auteur affirmait à Recife, pas seulement sur le plan des idées, mais aussi sur le plan des pratiques, une éducation qui voulait la transformation sociale. Son concept de conscience transitive critique affirme l'importance de la relation dialogique qui va donner un support à l'action.
En faisant une analyse de ce moment, Paulo Freire dit : « Ce qui nous intéresse directement est l'analyse de notre actualité, (…) de ce que nous pouvons nommer antinomie fondamentale de notre actualité (…) et la « position » de notre agir éducatif face à cette antinomie fondamentale ». (P. Freire, 2001: 26)[2]
[1] "… uma postura conscientemente crítica diante de seus problemas e dos da comunidade." ( P. Freire, 2001:16)
[2] O que nos importa diretamente é a análise (…) do que chamamos de antinomia fundamental de nossa atualidade, (…) e a "posição" que deve assumir o nosso agir educativo face a esta mesma antinomia fundamental. (P. Freire, 2001:26)